« La parabole du bon garçon » – 4e dimanche de Carême, Année C

« Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi » (Luc 15, 1-32)

Mi-carême. Dimanche de la « laetare » (joie). En guise de cadeau, l’Eglise reçoit comme Evangile la plus touchante des paraboles racontées par Jésus. A tort, on l’appelle la « parabole du fils prodigue ». En fait, le personnage central, c’est le fils aîné. Cette parabole devrait donc se nommer : la « parabole du bon garçon ». Relisez la parabole avec les yeux de ce fils exemplaire et elle prend une toute autre perspective. L’aîné de famille se crève au travail pour son père, tandis que le cadet s’amuse. Un jour, ce dernier « se casse » en emportant sa part d’héritage. L’aîné ne dit rien, mais redouble d’ardeur – sans râler. Plus tard, il apprend que son jeune frère a dilapidé sa fortune et se dit : « bonne leçon ». Un soir, ce fils sans reproche rentre tard, épuisé par le labeur des champs. Il entend des bruits de fête. Là, il apprend que son cadet indigne est rentré et que son père lui fait la fête. Alors, son indignation explose : « Il y a tant d’années que je me crève à ton service et je ne t’ai jamais rien demandé. Mais quand ce vaurien rentre après avoir dilapidé ton bien avec des filles, tu fais tuer le veau gras ! Et moi alors, qui suis-je pour toi ? » Colère bien compréhensible du juste, face à un Dieu qui pardonne si facilement. C’est ici que vient la phrase-clef de la parabole. Le père répond : « Mais toi, mon enfant, tu es toujours avec moi. Et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il faut se réjouir… ! Car celui que tu appelles « vaurien » est ton frère. Tu pensais qu’il profitait de la vie, mais en fait, il était spirituellement mort. Et maintenant, il commence à revivre. Alors, je t’en supplie, partage ma joie. »

Comandante Chavez – la rupture et le peuple

Si le décès du président vénézuélien est à accueillir – comme pour tout être humain – avec respect et recueillement, sa stature politique contrastée invite à la réflexion. Le bilan économique que lègue le comandante, est mitigé: A son actif, une redistribution des rentrées pétrolières vers les plus démunis. Côté passif, une incapacité à faire naître une économie moderne et une inflation qui plafonne à 20%. Mais davantage que sur ce bilan, il y a à s’interroger sur la popularité du président-tribun. Lors du « putsch des patrons » en 2002, ce sont les habitants des quartiers pauvres de Caracas qui sont descendus dans la rue, forçant sa libération et sa remise en fonction. Porque? Parce que, pour ces populations sans assise sociale, Hugo Chavez incarnait la « rupture » politique. Une rupture qui rendrait à ces sans-grades un peu de leur dignité.

Rupture… Un mot qui commence à peser lourd sur les résultats des récentes élections européennes. Pensons aux succès d’un Beppe Grillio en Italie, face au réalisme austère de Mario Monti. Et en Belgique, quels sont les partis politiques en pleine ascension dans les sondages? Qu’ils soient nationalistes et de droite au nord du pays ou de gauche radicale au sud, tous incarnent une certaine rupture avec la politique traditionnelle. Un signe que la démocratie n’est plus assez lisible. Ainsi, dans le quotidien « le Soir » de ce mercredi 6 mars (p.15), l’économiste Paul De Grauwe pose un regard critique sur la législation « two-pack » adoptée au sein de l’Union européenne. Celle-ci oblige les états-membres à présenter chaque année leur budget avant le 15 octobre à la Commission européenne. Seulement une fois que cette dernière en aura vérifié la conformité avec les critères du pacte européen de stabilité et de croissance, le gouvernement pourra faire voter ce budget par son parlement national. Et l’économiste de questionner la légitimité démocratique d’une mise sous tutelle des parlements: « un tel système est un retour à l’Ancien Régime », conclut-il. Le jugement est sévère, mais l’analyse donne à penser. L’intégration européenne est salutaire, mais elle manque de visibilité démocratique. Et en temps de crise, ceci conduit les peuples à réclamer la rupture. Cela, Chavez l’avait bien compris.

In memoriam Didier Comès

Ce 14 juin dernier, le doyenné de Liège rive-gauche tenait son ultime réunion de l’année pastorale. Après un petit resto, j’avais organisé une visite du musée des beaux-arts à Liège, qui exposait à l’époque l’œuvre de Didier Comès. L’homme est un auteur de BD inspiré, qui dessine en noir et blanc des histoires ayant pour cadre l’Ardenne profonde. Ses personnages sont souvent fragiles et torturés. L’image de la religion y est rarement positive. Vieille blessure d’enfance.

J’avais découvert l’œuvre de Comès par mon admiration pour son inspirateur, Hugo Pratt – l’auteur de Corto Maltèse. Sachant qu’il habitait la région de mes parents, j’avais pris mon courage à deux mains en lui téléphonant. D’un ton réticent, il me demanda ce que je désirais. Je lui expliquai que j’aurais aimé conclure la visite du musée par une rencontre entre les membres du doyenné et l’auteur. Je voulais qu’il nous explique, entre autre, sa vision noire du christianisme, afin que nous puissions comprendre. Bien que discret et passablement casanier, il accepta facilement ma demande. Il m’expliqua, en effet, que depuis la mort de sa femme, il vivait une authentique recherche spirituelle et que celle-ci l’avait fort rapproché des moines de Chèvetogne. Et de fait, la rencontre et l’échange entre Didier Comès et le doyenné, furent un beau moment d’écoute et de partage. .

Didier Comès est décédé ce matin. Il a rejoint l’éternel « Silence » (titre d’un de ses livres). Prions pour lui et avec lui.

Blog: bilan du mois de février

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées ; du 1er mai au 31 mai 3322 visites et 5626 pages visionnées. Du 1er juin au 31 juin, le blog a reçu 3464 visites et 5721 pages furent visionnées. La fréquentation baissa durant les vacances, car le blog – aussi – pris du repos. Pour le mois de septembre 4423 visites sont enregistrées et 6683 pages sont visionnées. En octobre, il y eut 3027 visites pour 4689 pages visionnées. En novembre, il y eut 2679 visites pour 3915 pages visionnées. En décembre, 3203 visites pour 4754 pages visionnées. En janvier, 3143 visites pour 4815 pages visionnées. En février, cela donne 3709 visites pour 5501 pages visionnées. En mars, il y eut 3592 visites et 5530 pages visitées. En avril, il y eut 4063 visites pour 6280 pages visitées. En mai, il y eut 4895 visites pour 8100 pages vues. En mai, il y eut 4499 visites pour 5395 pages vues. Je n’ai pas reçu les chiffres de juin. En juillet,  3502 visites pour 4158 pages vues. En août: 3213 visites pour 5059 pages vues. En septembre: 5624 visites pour 8773 pages vues. En octobre 3268 visites pour 5337 pages vues. En novembre 3467 visites pour 5777 pages vues. En décembre 3018 visites pour 4411 pages vues. En janvier 3891 visites pour 5419 pages vues. En février 3736 visites pour 5724 pages vues.

Le lectorat reste majoritairement belge (3147 visites). La France suit avec (267 visites) et puis le Canada (40 visites) et la Suisse (26 visites).

L’article le plus fréquenté fut « Bluffé par Benoît XVI » du 12 février avec 629 visites. Vient ensuite « Carême amoureux » du 13 février avec 178 visites et « Futur conclave – John Allen, un analyste à suivre » du 14 février avec 176 visites.
Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

« Divine patience » – 3e dimanche de Carême, Année C

« Seigneur, laisse-le encore cette année… Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir » (Luc 13, 1-9)

La patience n’est pas une vertu facile. Même pour les croyants. Quand notre entourage se méconduit, cela nous déçoit. Et nous pensons que Dieu ferait bien de montrer qu’Il n’est pas content, Lui non plus. Voilà pourquoi, quand arrive une catastrophe, beaucoup y lisent la « main de Dieu ». Comme on disait jadis aux gosses : « Le petit Jésus t’a bien puni ». Ceci, malgré le livre de Job qui explique que le juste souffre autant que le coquin. Au temps de Jésus, la vision archaïque d’un « Dieu punisseur » était encore fort répandue. Le Christ s’en distancie avec vigueur : Ces gens massacrés par Pilate, ou écrasés par une tour ? Cela pourrait être chacun de nous. Raison de plus pour ne pas les juger coupables de quoi que ce soit, ou de nous croire innocents de tout. « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de la même manière ». Puis, le Fils de l’homme explique que son Père – lui – prend patience. Tel ce jardinier qui demande au propriétaire d’un figuier stérile de lui laisser sa chance. « Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ». C’est cela l’espérance : Ne pas voir en l’autre ce qu’il est (ou n’est pas), mais bien ce qu’il pourrait devenir sous le souffle de l’Esprit. C’est ainsi que le Père nous regarde. Ainsi aussi, devons-nous nous regarder les uns les autres.

In memoriam Julien Cardinal Ries

L’actualité ne m’a pas encore permis de rendre hommage au cardinal Ries, dont les funérailles seront célébrées demain. Je l’ai quelques fois croisé: un prêtre convaincu et un savant intègre. Je pense que son œuvre nous instruit autant que sa vie. Voilà un homme pour qui l’histoire des religions – depuis les origines – n’a guère de secrets. Et pourtant, loin de céder au nihilisme ambiant (« Tout cela prouve que c’est l’homme qui se crée des divinités »), il décela dans cette aspiration universelle à la spiritualité de la part de l’homo religiosus, la trace de l’Esprit qui prépare à l’Evangile. Sa titulature de Cardinal, fut de la part de Benoît XVI, la reconnaissance d’une œuvre théologique majeure au service de l’Eglise.

Sede Vacante… et Caterpillar

Ce soir, nous étions réunis à la cathédrale de Liège et c’est avec émotion que l’Evêque et le diocèse ont rendu grâce pour le pontificat de Benoît XVI, qui s’est clôturé à 20h.
Le siège est désormais vacant et – j’en ai été témoin la dernière fois: cela se sent presque physiquement au Vatican – c’est désormais le collège des Cardinaux qui est à la manœuvre. Prions pour eux. En particulier pour le cardinal Danneels qui, en quelque sorte, représente les catholiques de Belgique.

En même temps, c’est aujourd’hui que Caterpillar annonça des licenciements massifs à Gosselies. Comment ne pas s’unir à l’émotion de tant de familles précarisées? Contrairement à ce qui s’est trop fait ailleurs, la direction est venue communiquer la terrible nouvelle. C’est plus courageux. Cependant, je ne pense pas que la date du 28 février – dernier jour du pontificat – fut choisie au hasard. C’est un vieux truc de communicateur: Faire passer une mauvaise nouvelle, le jour d’un événement planétaire. Noyé dans l’autre événement, l’espoir est d’en atténuer le choc auprès de l’opinion. Apparemment, cela n’a pas vraiment réussi. Et c’est mieux ainsi.

 

Que faut-il attendre du prochain Pape? – La Libre pp.52-53

Dans la Libre de ce jour pp.52-53, se trouve un regard croisé sur l’Eglise entre Raphaël Jacquerye et votre serviteur: « Que faut-il attendre du prochain Pape? » L’exercice a ses limites. Il n’est, en effet, pas facile de s’exprimer de façon profonde sur pareil sujet en quelques mots via une interview téléphonique. (A ceux qui veulent en apprendre davantage sur ma façon de percevoir les choses, je conseille de lire « Pourquoi je ne crois pas à la faillite du christianisme », éditions Nouvelle Cité). S’il est clair que Raphaël Jacquerye et moi-même ne mettons pas les mêmes priorités – et, si on avait creusé, outre des points communs, quelques francs désaccords seraient apparus – c’est surtout sur la façon de répondre aux questions que je constate une différence. Là où lui s’attache surtout à l’institution qu’il souhaite réformer, je considère la foi qu’il s’agit de raviver. Lui semble dire: « L’eau ne passe plus, parce que les canalisations sont bouchées ». Moi, je pose comme question: « Comment faire pour qu’il y ait encore de l’eau dans les canalisations? » Sans engager ici un débat de fond, je pense que la raison de cette différence est également d’ordre générationnel et sociologique. Plus âgé que moi et issu du pilier chrétien, Raphaël Jacquerye part de son éducation catholique et – constatant un décalage entre celle-ci et la culture du temps – semble dire: « adaptez l’Eglise aux temps et la foi se renouvellera ». Issu d’un monde où la plupart de mes copains d’enfance ne pratiquaient déjà plus et ayant « fait les deux écoles », je prêche quant à moi: « Vivez de l’Esprit et l’Eglise se régénérera ». Je suis, en effet, intimement convaincu que le trésor de la foi en un Christ crucifié – « scandale pour les juifs, folie pour les peuples » (1 Cor 1, 23) – n’est pas de l’ordre de l’évidence culturelle. Pour le répandre, il faut s’en laisser pétrir et accepter de parfois vivre à contre-courant de l’opinion commune. Raphaël Jacquerye ne dirait sans doute pas le contraire et nos démarches ne sont pas forcément antinomiques, mais – bien plus encore que les questions de fond qui éventuellement nous diviseraient – c’est surtout ce contraste entre nos regards qui offre ici matière à méditer.

 

 

 

 

Après Benoît XVI, le dernier Pape?

Sur le net ou dans la rue, d’aucuns me demandent si le prochain Pape sera le dernier. Pareille inquiétude se fonde sur la soi-disante « prophétie de saint Malachie », éditée en 1595 par le moine bénédictin Arnold Wion. Il s’agit d’un document de six pages dont il attribuait la composition à saint Malachie, archevêque d’Armagh (1095 env.-1148). Cette liste reprend une suite de cent onze devises qui s’appliquent aux papes, depuis Célestin II (1113-1114) jusqu’à nos jours. Si on suit la liste des Papes, Jean Paul Ier serait De medietate lunae (moitié de la lune); Jean-Paul II De labore solis (le travail du soleill) et Benoît XVI De gloria olivae (la gloire de l’olivier). Après, ne resterait qu’un dernier pape. Saint Malachie le décrit comme « Pierre le romain » qui – après la tribulation – verrait le Jugement dernier.  De quoi agiter les consciences.

Se préparer au retour du Christ, est le devoir de tout chrétien. Mais le faire en se fondant sur la « prophétie » de saint Malachie me paraît moins inspiré. L’ouvrage est, en fait, une composition. (Ici, je m’inspire librement d’un article). Une première partie est historique et décrit les Papes se succédant depuis le soi-disant auteur – Malachie – au XIe siècle, jusqu’à la date réelle de composition de l’ouvrage, fin du XVIe siècle. En effet, jusqu’à Urbain VII (1590), les devises sont accompagnées d’un bref commentaire dont l’auteur serait le dominicain Alfonso Charon, dit Ciacconius. Comme on y retrouve les mêmes erreurs d’armoiries et le même choix d’antipapes que dans les notices des papes publiées en 1557 par Onofrio Panvinio, les historiens pensent que Charon se serait servi de cet ouvrage pour composer sa liste. Après Urbain VII, le ton change. On donne aux Papes des devises vagues qui peuvent s’appliquer à tout un chacun. A une exception près: la devise qui suit Urbain VII. De antiquitate urbis désignait fort clairement le cardinal Simoncelli, évêque d’Orvieto, Urbs vetus. La soi-disante prophétie de Malachie avait donc été fabriquée par un petit malin au XVIe siècle pour influencer un conclave, en invitant les cardinaux à choisir l’évêque d’Orvieto. Malheureusement pour l’auteur, celui-ci ne fut pas élu pape et la « prophétie » sombra dans l’oubli. Ce qui me permet de conclure par un jeu de mot pourri: « Bien Malachie ne profite jamais ». Quoique… Ses prédictions retrouveront une gloire posthume aux XIXe et XXe siècles.

In memoriam Stéphane Hessel

L’histoire est faite de troublantes coïncidences: Au moment où Benoît XVI se retire, Stéphane Hessel  – figure symbolique de la laïcité – quitte ce monde.
Je l’avais rencontré à la Foire du livre de Bruxelles, avant que son manifeste « Indignez-vous » ne le rende mondialement célèbre. La profondeur et la vivacité de ce grand aîné m’avaient impressionné. L’homme était le contraire du cynique et du résigné. Il avait vécu, tout à la fois les camps nazis et la rédaction de la déclaration universelle des droits de l’homme – deux événements hautement symboliques du XXe siècle. Si les générations montantes l’écoutaient avec passion, c’est qu’elles sentaient en lui toute la jeunesse de l’homme debout.

Proche de la laïcité philosophique, Stéphane Hessel était un bâtisseur de ponts qui respectait la croyance, même s’il se montrait critique par rapport au monothéisme. Mais cet ancien diplomate le savait mieux que quiconque: Etre critique de l’autre, n’empêche pas le respect. En entendant la dureté sans nuance de certains commentaires laïques (pas tous – je précise) à propos du Pape ces jours-ci, je me dis que – dans notre pays – pareille attitude n’est pas encore pleinement intégrée.