Parti pris…
Depuis trois ans, j’intervenais tous les quinze jours dans la tranche matinale de la Radio RTBF – La Première, au cours de la séquence « Parti pris ». Il s’agit d’un quart d’heure d’échange (de 8h30 à 8h45) entre deux acteurs de la société civile, donnant chacun leur avis sur un double sujet d’actualité, le tout étant suivi par leur « pensée du jour ».
Ces deux dernières années, je passais à l’antenne en binôme avec Caroline Sägesser, chercheuse au @Le_CRISP. Nous sommes à la fois proches et différents et étions donc régulièrement d’accord et parfois, pas du tout. Cependant, nos échanges se sont toujours déroulés dans le respect de l’autre et à l’écoute de ses arguments.
Je tire à Caroline mon chapeau pour la qualité de ses interventions. Ce fut un réel plaisir et un honneur de débattre avec une intellectuelle de son niveau.
C’est fini…
Si j’exprime tout ceci au passé, c’est que le responsable éditorial de la Matinale nous a annoncé que le « Parti pris » allait s’enrichir de nouveaux binômes, experts en affaires internationales et que ceci se ferait au détriment de notre participation, qui ne serait dès lors pas renouvelée pour une nouvelle saison.
Je rassure ceux qui chercheraient derrière cette décision l’ombre d’un sombre complot anticlérical. A mon avis, il n’en est rien. C’est la loi du genre, tout simplement.
Cela fait d’ailleurs quelques temps que je sentais que notre binôme plus « philosophique » ne rentrait plus tout à fait dans les attentes de l’antenne – ce qui explique que nous ayons été, à plus d’une reprise, remplacés par des intervenants plus pointus face à l’actualité.
Et puis… je ne vois pas pourquoi Caroline et moi aurions un « droit divin à l’antenne », plutôt que de céder notre place à d’autres voix.
#balancetoncuré…
La nouvelle de ma non-reconduction fera certainement plaisir à ces auditeurs à qui le fait de devoir écouter un prêtre à l’antenne, donnait depuis trois ans des aigreurs à l’estomac et qui ne s’en cachaient guère sur les réseaux sociaux.
Ainsi, il y a un an, je lisais sur une page FaceBook, une flambée de commentaires, dont je ne livre ici qu’un petit échantillon : « Franchement, ça ne vous dérange pas, non pas qu’on demande chaque semaine un avis d’un représentant catholique, mais d’aucune autre croyance? Moi je trouve ça dingue, si on se targuer de « neutralité » »
Ou encore: « Perso, cette omniprésence du religieux m’est insupportable et tous ces commentaires qui sentent tant l’eau bénite aussi. Je ne connais pas ce curé qui est paraît-il « moderé », mais pourquoi donner la parole à un curé? Pourquoi pas à un temoin de Jehovah ou un Mooniste? »
Lors de ma dernière intervention à l’antenne, au sujet de l’avortement, certains ne m’ont pas trouvé si « modéré » que cela. J’ai eu donc droit à ceci, de la la part d’un zélé défenseur du dialogue : « Moi, c’est comme ça que je les préfère, au moins, on sait à qui on a affaire … un peu comme l’évêque Léonard … par rapport à d’autres plus « mitigés de façade » que certains pensent être des ‘nôtres’ »
Je garde le meilleur pour la fin, sous la plume d’un de mes admirateurs les plus contants : « Ce petit cureton rabique ouvertement schizophrène à la lecture de son blog, a encore fait fort comme hélas souvent. Il est vraiment détestable avec un niveau personnel indigne d’un homme qui se voudrait un exemple mais tristement d’une susceptibilité d’écorché face aux critiques légitimes. »
Je traduis l’idée générale défendue par toutes ces braves personnes : un prêtre à l’antenne, ce n’est pas légitime, car de telles créatures ne peuvent par essence développer une pensée libre et citoyenne, capable d’alimenter utilement le débat public. Un prêtre, cela ne peut que répéter – tel un perroquet – les (dans leur esprit) « diktats du Vatican ». Dont acte…
La nouvelle fera également plaisir à tous ces paroissiens « plus catholiques que le pape », qui ne se privaient pas – non plus – de déplorer que je ne sois pas plus incisifs dans ma défense des « positions » catholiques. (Cf. une récente critique, sur laquelle je ne reviens pas).
Le dialogue sans gants de boxe n’est apparemment pas la culture d’entreprise de toutes les chapelles.
Importance d’inviter des intellectuels chrétiens…
Je mentirais si j’affirmais que cela ne me plaisait pas de participer au Parti pris sur les ondes de la RTBF. J’aime cet exercice médiatique, consistant à laisser à un non-expert le soin de donner un avis – parfois même éclairé – sur des sujets de société, en dialogue avec un autre membre de la société civile.
Il n’empêche, pareil engagement me prenait du temps et je suis également soulagé de me voir ainsi libéré d’une contrainte de calendrier.
De plus, il y a quelque chose de pernicieux à ce qu’un ecclésiastique soit si régulièrement convié dans les médias. Cela induit auprès des auditeurs moins habitués à fréquenter le catholicisme, l’idée que l’Eglise, ce sont les « curés ». Eh bien, non. L’Eglise, c’est le peuple des baptisés.
Voilà pourquoi, j’ai insisté auprès du responsable éditorial de la Matinale RTBF, pour qu’on invite plus régulièrement une jeune génération d’intellectuels catholiques dans les médias généralistes.
J’en cite ici quelques-uns, pour bien montrer qu’ils existent : Vincent Delcorps, rédacteur en chef de Cathobel; Laura Rizzerio et Dominique Lambert, professeurs en philosophie à l’UNamur; Bosco d’Otreppe, journaliste à La Libre; Emmanuel Tourpe, Directeur général de LN 24; Emmanuel Van Lierde, rédacteur en chef de tertio (flamand et parfait bilingue); Jan De Volder et son épouse Hilde Kieboom de la communauté Sant Egidio, Jacques Galloy de la communauté de l’Emmanuel, etc.
L’intellectuel catholique est une figure connue et reconnue en France (Isabelle de Gaulmyn, Erwan le Morhedec, Jean-Pierre Denis, Philippine de Saint-Pierre, Jean-Marie Guénois,…). Cela doit également davantage le devenir en Belgique.
Pourquoi est-il important de faire appel aux intellectuels catholiques ? Parce que la tentation pour un média généraliste, est de ne souvent qu’inviter des personnalités ne bousculant pas trop l’auditeur mainstream: soit des intervenants pas trop à gauche et encore moins à droite; pas antireligieux, mais encore moins religieux; etc. etc.
Le risque est alors que de nombreuses personnes convaincues (de quelque façon que ce soit) ne se sentent plus représentées par les médias pluralistes et qu’elles s’enferment dans une recherche identitaire. Ainsi, je m’inquiète de voir nombre de connaissances catholiques, nullement fachos à la base, devenir perméables aux thèses de l’Altright et adeptes d’une nuisible forme de populisme religieux. Le fantôme de Maurras hante à nouveau les coeurs…
D’où l’importance pour les grands médias, de régulièrement inviter des voix catholiques, bien dans leur époque et capable d’analyser l’actualité et entrer en dialogue/débat avec un regard qui leur soit propre. Cela constitue un important enjeu démocratique.
Remerciement
Je conclus ce billet, en remerciant toutes celles et ceux qui m’ont accueilli durant ces trois années dans les couloirs de La Première – RTBF.
Outre Caroline Sägesser, il y a le présentateur François Heureux, le responsable éditorial Pierre Marlet, l’équipe technique avec Sarah Hammo et Benjamin Di Lauro, et tant d’autres. Je n’oublie pas, non plus, les membres du studio de Liège, qui me recevaient régulièrement pour un duplex… avec un bon petit café.
Je me suis toujours senti chez moi dans ces studios et souhaite à toutes et tous, de bons mois d’été et une bonne continuation.