«  Jésus réveille » – 6e dimanche de l’Année, Année C

« Malheur pour vous qui êtes repus maintenant… » (Luc 6, 17-26)

La version des « béatitudes » chez Luc, est plus courte et aussi plus incisive. Jésus y déclare « heureux » ceux qui sont en détresse et « malheureux » ceux qui sont comblés par la vie.

Il ne s’agit pas d’une éloge masochiste de la souffrance, mais bien d’un appel à rester spirituellement en éveil. « Pauvres de nous » si nous vivons une petite vie bien pépère, en ne se préoccupant que de sa petite personne. Heureux celui qui connaît le poids d’une vie consacrée à la recherche de vérité intérieure et à l’aide au prochain, surtout le plus fragile.

La vie l’apprend : les personnes qui vivent en égoïstes ne sont pas heureuses et finissent souvent bien seules.

Mais qui est mon prochain? Quand le vieux monde répond au nouveau Vice-Président James D. Vance

Ce lundi 10 février est parue ma  chronique dans le quotidien La Libre en p.31.
Merci à La Libre de m’offrir cet espace d’expression.

«  Quand le pêcheur se reconnaît pécheur… » – 5e dimanche de l’Année, Année C

« Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » (Luc 5, 1-11)

L’évangile de Jean raconte que l’appel des premiers disciples se fit à partir de l’entourage de Jean le Baptiste. Cela correspond sans doute à la réalité historique.

Le récit des trois autres évangiles préfère, quant à lui, décrire un autre moment : celui qui fit passer ses hommes de leur vie professionnelle ordinaire au service du Royaume. Ce sont des pêcheurs. Ils s’en vont donc pêcher. Mais il n’y que peu de prises ce jour-là. Jusqu’au moment où Jésus s’en mêle. Alors, Simon-Pierre comprend qu’à travers Jésus, c’est le Très-Haut qui agit. Il est pris d’effroi et se reconnaît pécheur.

Jésus confirme son appel, ainsi que celui de ses compagnons : « Désormais, ce sont des hommes que tu prendras ». Malgré nos limites humaines, le Seigneur nous envoie comme témoins et comme apôtre du Royaume.

Reconnaissance du bouddhisme: la réponse d’André Lacroix à Carlo Luyckx

André Lacroix est un intellectuel qui anime le débat et je salue la chose.
Ci-joint sa réponse à Carlo Luyckx, président de l’Union des Bouddhistes de Belgique, qui est la figure emblématique de la demande des bouddhistes de Belgique à être reconnus comme « philosophie non confessionnelle », plutôt que comme « religion ». Ce qu’André Lacroix considère comme une pathétique « blague belge ». 
 
Sa lecture du traitement des Ouïghours ou du Tibet, n’est pas celle de nos démocraties occidentales, pour utiliser un euphémisme. S’il n’est pas d’accord avec moi sur ce constat, qu’il le dise.
 
Ceci explique sa vision pour le moins négative de toute religion. Je cite son petit courrier:  

«  Dans ma petite brochure, j’ai relevé pas moins de dix tares que le bouddhisme partage avec les autres religions et qui, à ma connaissance, ne concernent que très peu la franc-maçonnerie :

1) Prosélytisme allant parfois jusqu’à la violence contre les non-adhérents
2) Compagnonnage avec la droite et même l’extrême droite
3) Violences internes
4) Pratiques sexuelles aberrantes
5) Misogynie
6) Obsession de l’enfer et des châtiments post mortem
7) Récompenses promises après la mort contre espèces sonnantes et trébuchantes
8) Financement douteux
9) Prises de position rétrogrades, voire abjectes
10) Formalisme hypocrite. »

Ayant écrit un ouvrage sur les erreurs commises par l’Eglise catholique au cours de son histoire, je ne suis pas suspect de nier les failles de tout système religieux. Cependant, une religion, ce n’est pas que cela – bien au contraire. Souffrez donc, Monsieur Lacroix, que je ne partage pas votre lecture des choses. 

Plus fort encore, comme mon intervention dans ce dossier s’est confiné à l’argumentation juridique dans ce dossier, soulignant l’avis unanime du Conseil d’Etat, il est significatif de voir comment monsieur Lacroix considère le droit: comme un simple avis. Je cite son courrier: « même s’ils sont d’un grand poids, les avis du Conseil d’État n’ont pas de force juridiquement contraignante. La constatation – souligne Carlo Luyckx à la p. 3 – que « cet avis (…) a été adopté à l’unanimité en Assemblée générale, section législation, toutes chambres réunies » n’y change rien. » 

Et surtout: il encourage le pouvoir de l’Etat à intervenir dans les affaires religieuses. A la Chinoise… Je cite toujours son courrier:  « la tendance à restreindre le droit de l’État d’intervenir dans une question philosophique, théologique ou morale est peut-être dans l’air du temps ; elle n’en est pas moins contestable. » 

Je suis admiratif des réussites de la république populaire de Chine. Elle me semble bien plus adroite et efficace par sa politique d’occupation du marché pour devenir leader mondial, que les estocades de l’actuel président américain. Une visite du récent salon de l’auto de Bruxelles, est significative à cet égard: roulez en Volvo ou en MG et vous roulez chinois. 
Cependant, je pense également que la dérive de plus en plus centralisatrice du régime est son talon d’Achille. Sa (non-)gestion de l’épidémie du COVID en est la plus éclatante preuve.
Si notre Belgique vivait sous un régime équivalent à celui qui domine la Chine, il y a fort à parier que je me trouverais actuellement dans un camp de rééducation. Dans le meilleur des cas. Au pire… 
Et donc, je ne suis pas trop demandeur de pareil « évolution ».
Et donc, oui, contrairement à monsieur Lacroix, je suis attaché au poids objectivant du droit, garant d’un Etat de droit, sans intervention idéologique du politique.
En ce compris dans le dossier de reconnaissance des bouddhistes. 

«  Lumière des nations » – Présentation du Seigneur

« Mes yeux ont vu le salut, que tu as préparé à la face des peuples. » (Luc 2, 22-40)

Quarante jours après la Nativité, l’Eglise célèbre la présentation de l’enfant Jésus au temple. Ce faisant, Marie et Joseph se conforment à l’usage qui voulait que les parents offrent leur premier-né au Seigneur, puis le rachètent par un don symbolique (pour les couples au revenu modeste : un couple de tourterelles ou deux petites colombes).

Cet épisode est chargé de sens : Voici que le Christ – présence de Dieu sur terre – rentre dans le temple, qui en Israël est la demeure de Dieu. Avec la présentation de l’Enfant-Dieu au temple, la première alliance – scellée avec le peuple élu – rencontre l’alliance nouvelle et éternelle pour toute l’humanité. Les bougies que nous portons en procession en cette fête, célèbrent l’Enfant qui illumine le monde : « lumière pour éclairer les nations païennes et gloire d’Israël ». Au temple, ce sont deux vieillards qui jubilent en annonçant l’accomplissement de la promesse. Tout en avertissant que l’aube nouvelle passera par la nuit du Golgotha : « Vois, ton Fils qui est là, provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. Et, toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. »

«  Bonne Nouvelle » – 3e dimanche de l’Année, Année C

« Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture » (Luc 1, 1-21)

Si vous suivez ce que le pape François enseigne et les actes qu’il pose, vous constaterez qu’il y a un projet à la base de son pontificat : Celui de rappeler que l’Evangile est « bonne nouvelle » – un message de libération et de joie.

Trop souvent, le christianisme est travesti en morale pesante et puritaine. Il existe des principes moraux – bien sûr – mais ils découlent de l’amour gratuit de Dieu. Et non pas l’inverse : Ceux qui pensent que l’amour de Dieu « s’achète » à force de bonnes actions, n’ont pas compris le message chrétien.

C’est ce que l’année jubilaire consacrée à l’espérance cherche à souligner : « L’Esprit du Seigneur (…) m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur ». 

L’héritage fragilisé de Winston Churchill – La Libre p.33

Ce vendredi 24 janvier est parue dans le quotidien La Libre en p.33 ma 2° chronique sur Winston Churchill, en ce 60° jour anniversaire de son décès.
Merci à La Libre de m’offrir cet espace d’expression.

« Cuvée divine » – 2e dimanche de l’Année, Année C

« Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. » (Jean 2, 1-11)

Le temps de la Nativité se termine. Jusqu’au début du carême, nous entrons dans le cycle des dimanches, dits « ordinaires ». Les prêtres et diacres portent à cette occasion des vêtements liturgiques verts – couleur de l’espérance. Ce n’est donc pas par hasard que l’Evangile de ce dimanche raconte le premier des « signes » opérés par Jésus : celui des noces de Cana.  Les époux n’ont plus de vin. Alors, et sur insistance maternelle, Jésus change l’eau en un vin meilleur que celui qui avait été prévu.

A Cana, le signe rejoint l’histoire sainte : Quand l’humanité veut célébrer ses noces avec Dieu, elle n’a plus que l’eau de nos calculs médiocres à offrir. Alors, le Verbe de Dieu s’invite à la noce. Et de notre vulgaire eau, il fait un vin meilleur que tout ce que nous aurions pu rêver. Cette cuvée divine, est celle de son amour donné jusqu’à en mourir.

Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, le conseil de Marie garde toute son actualité : « Faites tout ce qu’Il vous dira ».

Etonnant échange… – Baptême du Seigneur, Année C

« Moi, je vous baptise d’eau (…). Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. » (Luc 3, 15-22)

Les premiers chrétiens étaient surpris d’apprendre que Jésus avait reçu le baptême de Jean. Comment s’expliquer que Celui qui est sans péché, reçoive un baptême de conversion – un baptême destiné aux pécheurs ?

Et pourtant, c’est ainsi. Avant d’entamer Sa mission publique, le Christ se rend pleinement solidaire du destin des hommes. J’ai visité le lieu où – selon les Ecritures – Jean baptisait. Le fleuve y est boueux, car il charrie toutes les impuretés transportées depuis sa source. Celui qui est plongé dans le Jourdain à cet endroit, ressort de l’eau plein de boue – comme chargé du poids de péché des hommes. En demandant le baptême de Jean, c’est de cette boue humaine que le Christ se charge.

Jésus se rend solidaire de notre condition pécheresse pour nous rendre solidaire de son intimité avec le Père, dans l’Esprit. Par notre baptême chrétien, nous sommes plongés dans la vie et la mort du Christ pour ressusciter avec Lui. Etonnant échange : Lui se charge de notre boue, afin que nous soyons revêtus de Sa lumière. Comme prophétisa Jean : « Moi, je vous baptise d’eau (…). Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. »

Bouddhisme et blague belge: critique de ma dernière chronique dans La Libre et ma réponse

J’ai reçu une lettre ouverte d’André Lacroix, qui parle de « blague belge » dans le fait que le bouddhisme cherche à se faire reconnaître comme philosophie non confessionnelle. Je lui réponds que la « blague belge », c’est que des laïques violent la neutralité de l’Etat en matière convictionnelle pour les en empêcher. 

Lettre ouverte à M. Éric de Beukelaer, Vicaire général de Liège (04/01/2025)

Monsieur le Vicaire général, Cher Monsieur de Beukelaer,

Au sujet de la reconnaissance du bouddhisme comme philosophie non confessionnelle, votre nouvelle chronique parue dans La Libre Belgique du 31/12/2024 (1) me donne l’occasion de reprendre un échange auquel vous avez mis fin le 14/07/2024.

Indépendamment de toute polémique avec le CAL ‑ en déplorant toutefois le ton blessant de votre chronique du 09/07/2024 (2) ‑ force m’est de constater que, d’un point de vue strictement intellectuel, la prétention de l’UBB ne tient pas la route.

Cela crève les yeux (pour autant qu’on n’ait pas déjà subi une énucléation oculaire) : pour tous les bouddhistes, qu’ils se revendiquent du Theravada, du Mahayana ou du Vajrayana, le bouddhisme est une religion et est pratiqué comme telle.   Seule exception au monde : une initiative belgo-belge ; l’UBB voudrait faire en sorte que, par un coup de baguette magique, une religion se transmute en philosophie non confessionnelle.  Rien d’ailleurs ne prouve que, en privé ou en communauté, nombre de bouddhistes belges ne pratiquent pas leur bouddhisme comme religion…

La sociologue française Nathalie Heinich énumère quatorze fonctions qui caractérisent les religions d’un point de vue sociologique : les fonctions séparatrice, figurationnelle, rituelle, sotériologique, thaumaturgique, cultuelle, sacrificielle, mystique, charismatique, communautaire, éthique, culturelle, institutionnelle et politique (3). Le bouddhisme coche toutes les cases. 

 L’absence d’un dieu dans le bouddhisme ne suffit pas à en faire une philosophie non confessionnelle.  Ce serait oublier notamment sa dimension sotériologique qui lui est inhérente.  Comme l’écrit l’érudit belge Louis de la Vallée-Poussin (4), le bouddhisme « est né et a vécu du sentiment de la survie et de la rémunération des actes, de la foi en un salut éternel… En faire un rationalisme, c’est s’interdire d’y rien comprendre. »

 Lorsqu’au milieu du 19e siècle le missionnaire lazariste français Évariste Huc est arrivé à Lhassa, ce qui l’a le plus frappé, en contraste avec le « matérialisme » du reste de la Chine, ce sont les pratiques et la pompe religieuses et leur ressemblance avec le catholicisme. La crosse, la mitre, la dalmatique, la chape ou pluvial, que les grands Lamas portent en voyage, ou lorsqu’ils font quelque cérémonie hors du temple ; l’office à deux chœurs, la psalmodie, les exorcismes, l’encensoir soutenu par cinq chaînes, et pouvant s’ouvrir et se fermer à volonté ; les bénédictions données par les Lamas en étendant la main droite sur la tête des fidèles ; le chapelet, le célibat ecclésiastique, les retraites spirituelles, le culte des saints, les jeûnes, les processions, les litanies, l’eau bénite : voilà autant de rapport que les bouddhistes ont avec nous (5). Jamais il ne serait venu à l’idée de Huc de considérer le bouddhisme autrement que comme une religion.

Et encore notre brave missionnaire oublie-t-il de mentionner une autre similitude entre le bouddhisme et le catholicisme : le culte des saints s’accompagnant d’une vénération assidue de leurs reliques, une pratique éminemment religieuse et totalement incompatible avec une philosophie non confessionnelle : jamais il ne viendrait à l’esprit de quiconque de vénérer d’hypothétiques reliques d’Aristote, d’Hypatie, de Spinoza, de Voltaire ou de Nietzsche.

La prétention de Carlo Luyckx, c’est donc, selon les points de vue, une première mondiale ou bien une blague belge, voire même une injure à l’intelligence.  C’est en tout cas une marque de mépris pour une série d’éminents spécialistes, comme Donald S. Lopez(6) ou Bernard Faure (7), ainsi que pour le bouddhiste érudit Philippe Cornu, Président de l’Université bouddhique européenne, chargé de cours à l’INALCO et professeur à l’UCL (8) : je n’arrive pas à comprendre ce qui a pu motiver Luyckx et consorts à snober une telle Autorité.

Peut-être espéraient-ils ainsi se faire mieux accepter dans un monde moderne désacralisé en manque de repères spirituels, en détachant le bouddhisme de toutes ses caractéristiques intrinsèquement religieuses et en le présentant comme une sagesse philosophique dont tout un chacun peut faire son miel.  Cela ressemble fort à une tromperie sur la marchandise, comme le démontrent deux chercheuses francophones, l’une française (9) et l’autre belge (10) ?

Si le temps vous manque de vous plonger dans la lecture de tous ces ouvrages, vous aurez bien un quart d’heure pour écouter l’intervention du Professeur Jean Leclercq, lors de la séance du 12/03/2024 de la Commission Justice de la Chambre des représentants (11).  Il y démontre magistralement que la prétention de l’UBB est infondée au regard de la raison. J’ajouterais pour ma part qu’elle est aussi contreproductive dans les faits. Car il va de soi que si l’UBB avait tout simplement demandé sa reconnaissance au même titre que les cinq autres cultes déjà reconnus, il y a longtemps qu’elle aurait obtenu gain de cause.  On voit mal un prêtre, un pasteur, un rabbin ou un imam mettre son véto à la cooptation d’un lama au sein de leur groupe.

Toujours ouvert à la discussion, je vous prie d’agréer, Monsieur le Vicaire général, cher Monsieur de Beukelaer, l’expression de ma meilleure considération.

André Lacroix

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(1) https://www.lalibre.be/debats/opinions/2024/12/31/que-chacun-dans-ce-pays-laisse-les-bouddhistes-se-definir-Y7R2WLOFV5GSNEMJW5FLFES4LQ/

(2) https://www.lalibre.be/debats/opinions/2024/07/09/laicite-quand-le-chien-berger-devient-enrage-YB3KRUCWJBD4BIOR2ZLULW2VB4/
(3) Voir : http://www.revue-interrogations.org/Pour-en-finir-avec-le-religieux ou, en plus bref, http://www.seraphim-marc-elie.fr/2017/12/14-fonctions-pour-analyser-les-religions-d-un-point-de-vue-sociologique.html).

(4) cité par Bernard Faure, Idées reçues sur le bouddhisme. Mythes et réalités, éd. Le Cavalier bleu, 2016, p. 46.

(5) Évariste HUC, Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844, 1845 et 1846, Casterman, Tournai, 1850 p. 237).  En 2001, les éditons Omnibus ont republié ce récit passionnant, légèrement modernisé et accompagné d’une carte du trajet effectué par Huc et son compagnon de 1844 à 1846.

(6) Donald S. Lopez, Fascination tibétaine. Du bouddhisme, de l’Occident et de quelques mythes, éd. Autrement, 2003 (le titre de l’original en anglais est nettement plus suggestif : Prisoners of Shangri-la. Tibetan Buddhism and the West).

(7) Bernard Faure, op. cit.

(8) À lire son remarquable essai Le bouddhisme est-il une philosophie du bonheur?, éd. du Seuil, 2013 (en particulier les pp. 59, 88 et 169).

(9) Marion Dapsance, Qu’ont-ils fait du bouddhisme ? Une analyse sans concession du bouddhisme à l’occidentale, éd. Bayard, 2018.

(10) Élisabeth Martens, La méditation de pleine conscience. L’envers du décor, éd. Investig’Action, 2020.

(11)https://www.lachambre.be/media/index.hhttps://www.lachambre.be/media/index.html?language=fr&sid=55U4730 (de 11:10 à 25:29).

 

MA REPONSE:

Cher Monsieur Lacroix,

Je me permets de vous répondre et, puisque votre lettre est ouverte, de l’ouvrir également, en la plaçant sur mon blog.

Comme vous ne semblez pas (vouloir) le comprendre, ma chronique se situe au niveau juridique, qui reste ma formation de base. Et le droit est le socle de l’Etat de… droit. Il n’y a pas à ergoter ; le Conseil d’Etat est clair : « Le choix de la reconnaissance entre un culte et une organisation philosophique non confessionnelle, est une question interne à ce culte ou cette organisation philosophique non confessionnelle. » (12/06/23)

C’est bien ici que la volonté des bouddhistes de ne pas être reconnu comme « Gods-dienst » est à prendre en compte, sans que d’autres ne s’en mêlent. Depuis quand une « philosophie non confessionnelle » serait-elle confinée à ne recueillir que les « rationalismes » comme vous l’écrivez? D’ailleurs, vous savez comme moi que la galaxie laïque ne compte pas que des rationalistes, loin de là. C’est ici que ce situe le gros malaise. Vous écrivez: «  Car il va de soi que si l’UBB avait tout simplement demandé sa reconnaissance au même titre que les cinq autres cultes déjà reconnus, il y a longtemps qu’elle aurait obtenu gain de cause.  On voit mal un prêtre, un pasteur, un rabbin ou un imam mettre son véto à la cooptation d’un lama au sein de leur groupe. » Exact. Si les catholiques s’étaient opposés à la reconnaissance du bouddhisme comme « religion », parce qu’ils ne reconnaissent pas de « Dieu », cela aurait fait un pétard national et le CAL aurait été le premier à dénoncer cette interférence. Evidemment, jamais les catholiques n’auraient fait cela. Alors, pour l’amour du ciel ou du pavé mosaïque, dites-moi ce qui autorise les laïques à intervenir dans ce débat? Et oui, en écrivant cela, je suis encore furieux.

Vous parlez du « ton blessant » de ma chronique de juillet. C’est l’hôpital qui se moque de la charité. Les laïques ne se sont jamais privés de critiquer durement les responsables catholiques et cela serait apparemment tout à fait normal. Mais il leur semble, par contre, inacceptable que je me permette, tout en reconnaissant que « la laïcité est utile à la démocratie » et en reconnaissant qu’ «  elle compte dans ses rangs des personnalités de qualités » d’avertir: « Toute volonté hégémoniste de devenir doctrine d’État, ou posture condescendante envers le monde religieux, devrait lui être étrangère. Désertant sa mission de rappeler la centralité de la Raison dans la Cité et le rejet de toute contrainte religieuse, la laïcité deviendrait alors ce qu’elle condamne… par retour du refoulé. » Intouchable dans le débat démocratique, la laïcité? Et, au nom de quoi, je vous prie?

Alors, voilà ce qui me met TRES en colère: cette prétention implicite, heureusement pas partagée par tous les laïques, qu’il y aurait deux catégories de citoyens en démocratie: le peuple des profanes, englués dans leurs errances religieuses et dont les avis seraient donc à traiter avec prudence. Et puis, l’élite des initiés laïques, qui auraient le droit de décider à la place des autres, de ce qui est religieux et ce qui ne l’est pas. Non, Monsieur Lacroix, en état de droit, il n’y a que des citoyens égaux en droits et en devoirs. Les avis du Conseil d’Etat valent donc pour chacun, ne vous en déplaise.

Posons-nous, en outre, la question de savoir en quoi cela dérangerait les laïques d’avoir des bouddhistes à leur côté? Je ne suis pas d’accord avec beaucoup de choses que disent les musulmans sur Dieu et pourtant, je n’ai pas de souci à les accueillir comme « religion » à côté du catholicisme. En quoi ne serait-il pas supportables pour les laïques d’avoir d’autres convictions, différentes, à leur côté ? A moins de vouloir se présenter comme les seuls représentants de la neutralité de l’Etat… Je le répète: ce serait là une prétention hégémonique, totalement inacceptable.

Bref, s’ił y a bien une « blague belge », elle se situe dans le camp laïque. Voilà des personnes qui se veulent les représentants d’un état libre d’interférences des convictions religieuses et philosophiques sur le politique et qui interfèrent dans une démarche politique entre l’Etat et une autre conviction, transgressant de la sorte la neutralité de l’Etat.

Bien cordialement,

EdB