Tractations post-électorales – 29° dimanche, Année B

 « Vous ne savez pas ce que vous demandez ». (Marc 10, 35-45)

Jacques et Jean – les fils de Zébédée – veulent pousser leur avantage au sein du groupe des douze. Objectif  stratégique: le jour où Jésus aura pris le pouvoir à Jérusalem, se voir attribuer les meilleurs postes dans le gouvernement. Pour ce faire, ils prennent le Maître à part et lui demandent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ».

On se croirait en pleine tractation post-électorale pour la formation d’un collège communal. Et Jésus de soupirer : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » « Nous le pouvons ! », répondent en chœur les présomptueux. Ils n’ont décidément rien compris. Le jour où le Fils de l’homme sera élevé en gloire, ce sera sur une croix. Plus personne ne se battra alors pour siéger à sa droite ou à sa gauche. Un douloureux privilège réservé à deux vauriens.

La gloire de Dieu – c’est l’amour jusque sur une croix: « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ».    

Le chameau et le trou de l’aiguille – 28° dimanche, Année B

 « Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer ». (Marc 10, 17-30)

Un fils de bonne famille vient voir Jésus et lui demande : « Que faire pour être sauvé ? » Réponse du Christ : « Ne tue pas, ne vole pas, ne fais pas de faux témoignages… Bref, conduits-toi en être humain et respecte les commandements ».

Mais le jeune idéaliste veut plus. Tout cela,  il l’a observé depuis sa jeunesse. Comment vivre une vie selon le cœur de Dieu ? Alors Jésus pose son regard sur lui et se met à l’aimer : « Si tu veux décrocher la lune, laisse tout derrière toi et suis-moi ». Le jeune homme s’en va bien triste, car cela – c’est trop lui demander.  Et Jésus de dire : « Qu’il est difficile pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu… Il est plus facile pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille ».

Le Christ ne condamne pas la richesse matérielle. Mais Il constate que celle-ci est souvent un obstacle pour vivre l’Evangile. Celui qui veut simplement « ne pas déplaire à Dieu », qu’il se contente de respecter le commandements. Mais celui qui cherche l’intimité avec le Christ, qu’il mette toute forme de richesse – avoir, pouvoir, valoir – au service de l’Evangile. Car les richesses alourdissent le cheminement. Comment un chameau chargé de bagages pourrait-il passer par le trou d’une aiguille ?

L’exigence de Jésus est celle de l’amour. Est-ce trop demander? Aux disciples déconcertés, le Christ ajoute : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu. Tout est possible à Dieu ». Heureusement d’ailleurs, car la plupart d’entre nous restons des chameaux, lourds de vaines richesses. Mais Dieu dilate le trou de l’aiguille à la mesure de son infinie miséricorde.    

Quand le meilleur devient le pire – 27° dimanche, Année B

« Au commencement de la création, Il les fit homme et femme ». (Marc 10, 2-16)

« Les hommes viennent de Mars et le femmes de Vénus… ». Un titre de best-seller qui résume bien que l’union conjugale n’est pas une affaire de sentiments à l’eau de rose. Elle est si mince, la frontière qui sépare l’« alliance des sexes » de la « guerre des sexes ». Quand l’amour est soumis à l’épreuve de la durée, le meilleur se révèle toujours – à un moment donné – sous le visage du pire.

Il y a un demi-siècle encore, les couples qui se séparaient, étaient mis au ban de la bonne société catholique. Cette attitude n’était pas digne de l’Evangile. Aujourd’hui – avec sept mariages sur dix qui connaissent le naufrage – il y a lieu de s’interroger. Outre la souffrance des partenaires, il y a le coût social que cela représente pour l’éducation des enfants.

Se lamenter ou condamner tous-azimuts, ne sert cependant à rien. Le rôle prophétique des chrétiens n’est pas de juger ceux qui connaissent l’échec, mais de rappeler le rêve de Dieu : « L’homme quittera son père et sa mère. Il s’attachera à sa femme. Tous deux ne feront plus qu’un ». La suite n’est pas une menace, mais une prière : « Ce que Dieu a uni, que l’homme le sépare pas ».

Pape et polémiques

Cela fait des mois que le Comité national belge en charge du voyage apostolique du Pape en Belgique, a porté l’organisation de cette visite de trois jours.
Faisant partie de celui-ci, je salue les bénévoles et acteurs d’Eglise qui le composent: hommes et femmes d’un grand dévouement et d’une belle efficacité.
Moi-même, cela fait des semaines et des semaines, que je «  dors, bois, mange de la visite du Pape ».
Comme je disais en riant: j’étais heureux de le voir arriver et soulagé de le voir repartir.
Cela s’est vécu et ce fut une belle réussite.
L’Eglise de Belgique a su se montrer à la hauteur de l’événement et ceux qui pensaient que le Stade Roi Baudouin ne pourrait se remplir, se sont trompés.
Le Pape a laissé à notre église, ces trois maîtres-mots: évangélisation, joie et miséricorde.
Tout un programme.
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Evidemment… d’aucuns se sont époumonés à faire en sorte que le succès de cette visite soit noyé sous le tumulte parasite des polémiques.
Cela a commencé dès jeudi soir avec la question des abus sexuels. Je me suis retrouvé dans une émission radio, durant laquelle je dus reprendre de volée un journaliste, pourtant expérimenté, qui racontait à l’antenne que l’Eglise avait exfiltré l’ancien évêque de Bruges, pour qu’il échappe à la justice, vu « qu’il n’y avait pas de prescription pour abus sur mineurs ».
J’ai dû rappeler qu’à l’époque, la prescription existait et que – bien au contraire – l’Eglise aurait été heureuse que la justice belge puisse juger le prélat déchu: mais voilà… les faits étaient prescrits.
Puis, il y a eu l’invitation faite au Pape à s’adresser à la Nation au Palais Royal de Laeken.
D’aucuns se sont essayés à attaquer la Couronne (faisant le jeu des séparatistes, qui n’en demandaient pas tant), volontairement oublieux que cette décision était politiquement couverte par le Gouvernement.
Et puis, certains se sont donnés beaucoup de mal pour dire que la visite était un succès « mitigé », alors que les plus de 38000 participants à la célébration finale, illustrent le contraire.
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En entendant tous ces persifflages fondés sur une réalité alternative, je me suis dis que Donald Trump n’est pas une exception.
Plus fondamentalement, je souligne avec le sourire, que – si le catholicisme belge était aussi mort que ces critiques le présentent – ils ne se donneraient pas tant de mal pour le détruire.
Messieurs les critiques, ne vous donnez pas tant de peine.
Soit le christianisme, comme vous le pensez, n’est qu’un phénomène humain et il s’écroulera de lui-même, comme toutes choses en ce monde.
Soit le christianisme, comme je le crois, vient de Dieu. Alors… personne – ni vous par vos attaques, ni moi par ma tiédeur – n’arrivera à le détruire.
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En fin de visite, notre Pape à donné de quoi alimenter le moulin à polémiques.
D’abord en reprenant à l’université de Louvain une image qui associe la femme à l’image de l’Eglise, ce qui s’oppose frontalement aux thèses féministes.
Que le sujet mérite débat, parfait. Mais que l’on balaie le propos par un choeur de protestations face à la parole de celui qu’on a invité, cela me semble surprenant pour des  universitaires, formés au dialogue libre et respectueux…
Ensuite, François a annoncé à la surprise générale (en ce compris des évêques de Belgique) son désir de voir la béatification du Roi Baudouin, soulignant que ce dernier s’était abstenu de signer une loi « homicide » (« legge omicida »).
Le Pape a même enfoncé le clou dans l’avion de retour, en comparant les médecins qui avortent à des « tueurs à gages » (ce n’est pas la première fois qu’il s’exprime ainsi).
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Cette image-choc, je ne l’utiliserais pas, car l’intention des médecins est autre et ils oeuvrent dans le cadre de la loi.
Pourquoi le Pape agit-il ainsi, avec des propos qui provoquent la stupeur ?
« De la stupeur, nait la philosophie », répondra-t-il.
En mettant les pieds dans le plat, le pape rappelle avec force que le débat concernant l’avortement, ne concerne pas que « le droit des femmes à disposer de leur corps », mais aussi et d’abord, la question de la protection de la vie à naître.
D’ailleurs toutes les législations du monde le reconnaissent implicitement, en mettant des frontières temporelles à la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse.
Dans les discours sur l’avortement dans notre pays, cet enjeu central est volontairement évacué: j’en ai fait tant de fois l’expérience, lors de débats et dans les médias. Il s’agit d’une stratégie du déni, que la parole forte du pape invite à démasquer.
Quelles que soient nos opinions sur l’avortement, celui-ci n’est pas simplement un droit de santé reproductive, comme le prétendent d’aucuns. L’avortement est un acte grave où se joue la vie à naître.
Maquiller cette réalité, signifie tronquer tout débat à son sujet.
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Une éditorialiste titrait ce lundi 30 : « ce n’est pas le Pape qui fait les lois, alléluia ». 
Très juste et c’est bien ainsi que fonctionne une démocratie, mais une personnalité spirituelle peut – et même « doit » – questionner ces lois, que ce soit à Lampedusa pour les migrants ou en Belgique pour la bioéthique.
Hier soir, une personnalité laïque traitait le Pape d’extrême-droite…
Dire cela d’un homme, qui est depuis des années la cible fétiche de tous ceux qui ont fait de la peur des immigrés leur fond de commerce, est un contre-sens criant et idiot.
Mais cela permet d’essayer d’effacer auprès du public, les fruits de l’indéniable réussite de ce voyage apostolique.
Accueillons ces polémiques avec calme et bienveillance…
Le jour où l’Eglise ne sera plus sujet à opposition et débat, c’est qu’elle aura renoncé à secouer les consciences – à la manière de Jésus.

Jaloux, moi ? – 25° dimanche, Année B

« Sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand ». (Marc 9, 30-37)

Déjà dans la cour d’école, le besoin de se démarquer nous chatouille. Qui ne s’est jamais vanté que : « Mon papa a une plus grosse bagnole que le tien » ?  Et tout au long de la vie, la tentation d’être au centre des attentions tenaille. Chacun rêve à sa manière d’être la reine du bal, le manager de l’année, la tête de liste politique, le médaillé d’or, etc. La recherche d’excellence n’est pas mauvaise en soi – que du contraire. A condition de se réjouir de l’excellence du voisin. Vouloir être performant – fort bien. Ne pas accepter qu’un autre le soit tout autant, voire bien davantage – cela est problématique. Saine émulation ne rime pas avec jalousie.

La jalousie est un sentiment omniprésent en l’homme. Et pourtant, peu le reconnaissent. Rare est celui qui confesse : « oui, il m’arrive d’être envieux ».  Contemplons les disciples de Jésus : « Sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand ».

Alors le Christ, prenant un enfant, leur enseigne que le plus grand est celui qui accueille les plus petits ; que le premier est celui qui prend la place du serviteur. Même parmi les baptisés, pareil enseignement n’a jamais été évident. C’est ce qu’illustre l’épître de saint Jacques : « Vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre ». (Jacques 4, 2)

Et pourtant, une petite voix nous murmure à la conscience : Jaloux, moi ? Jamais de la vie. L’autre, je ne dis pas… Mais pas moi, moi, moi…

Le Christ ou Superman ? – 24° dimanche, Année B

« Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». (Marc 8, 27-35)

Jésus est entouré de disciples depuis plusieurs mois déjà. Autour d’eux, les ragots vont bon train : qui est ce rabbi qui parle et agit avec autorité et fait des guérisons surprenantes ? Une réincarnation de Jean le Baptiste ? d’Elie ? d’un des grands prophètes d’autrefois ? Alors le Maître les prend à l’écart et leur pose la question dans le blanc des yeux : « Pour vous qui suis-je ? » Pierre se fait le porte-parole des autres et proclame avec assurance : « Tu es le Messie ».

Bonne réponse…mais demie-vérité : de quel genre de messie s’agit-il ? A partir de ce moment-là, Jésus leur annonce sa passion. Là, Pierre n’est plus d’accord. Si Dieu est tout-puissant, son Elu ne peut être que victorieux. Le prenant à part, le futur prince des apôtres « se mit à lui faire de vifs reproches ». En clair: il engueule Jésus. Alors le Maître le remet publiquement à sa place : « Passe derrière moi tentateur ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».

Rien n’a vraiment changé : les foules rêvent d’un Messie « Superman » qui change le monde, alors que Dieu envoie son Fils convertir les cœurs. Le Christ ne promet pas des lendemains qui chantent, mais une vie digne des enfants de Dieu. Chemin exigeant, s’il en est : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

In memoriam Robert Halleux

Ce 21 août est décédé un personnage truculent et typiquement liégeois, le professeur Robert Halleux. (Etant à l’étranger à ce moment-là, je lui rends hommage avec retard).
Né en 1946, professeur d’histoire des sciences à l’Université de Liège, il portait haut et fier ses profonds paradoxes: tout à la fois un des derniers stalinistes de la planète et un adepte du catholicisme pré-conciliaire.
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Je l’ai connu alors que j’étais curé-doyen du centre de Liège. Avec son humour à toute épreuve, c’était un bon compagnon.
Un jour, il m’invita à déjeuner pour me présenter un jeune politicien débutant, membre d’un micro-parti de gauche radicale et inconnu du grand public. C’est ainsi que je fis la connaissance de Raoul Hedebouw.
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Membre de l’Académie Royale de Belgique, Robert Halleux s’était mis en tête de m’y faire entrer. Par deux fois, il présenta ma candidature (la seconde fois avec le parrainage du directeur de la classe, un économiste libéral).
Cela ne se fit pas (si j’en crois l’hebdo Le Vif, mon profil dérangeait), mais démontra à suffisance la capacité de l’homme à dépasser les clivages philosophiques.
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RIP, cher Robert. Au Paradis (ou un temps au Purgatoire…), tu dois sans doute être assis entre Lénine et Mgr Marcel Lefebvre, histoire de les faire dialoguer 😇.

« Effata ! » – 23° dimanche, Année B

 « Il fait entendre les sourds et parler les muets ». (Marc 7, 31-37)

Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus guérit un sourd-muet avec un peu de salive et une parole étonnante, citée pour cette raison en version originale: « Effata ! », c’est-à-dire « ouvre-toi ».

Jésus n’a pas guéri tous les sourds-muets de son époque. Par son geste, Il fait comprendre qu’Il vient délivrer l’homme de sa surdité et de son mutisme spirituel. Le dicton énonce avec justesse : « Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ». Et de fait, quand on me demande quel est mon pire défaut, je réponds que c’est sans doute celui dont je n’ai pas encore conscience. Tant que je le nie, mon péché me domine et me rend aveugle, sourd et muet. Je me contente d’objecter avec véhémence : « mais non, je ne suis pas comme ça ! » Par contre, le jour où je prends conscience de ce travers – je « vois » mon défaut, « j’entends » les reproches de mon entourage, « j’exprime » une demande de pardon.

Vous l’aurez compris : Jésus n’est pas là pour nous conforter dans le sentiment que nous sommes des « gens biens ». Il n’a pas, non plus, pour mission de nous reprocher que nous sommes des « vauriens ». Non, Il vient à notre rencontre par l’Esprit et dit : « Ouvre ton cœur. Afin que tes oreilles entendent ce que tu n’entendais pas et que ta langue exprime ce qu’elle n’arrivait pas à dire ».« Effata !ouvre-toi ».