« Patience et espérance » – 3e dimanche de Carême, Année C

« Seigneur, laisse-le encore cette année… Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir » (Luc 13, 1-9)

La patience n’est pas une vertu facile. Quand notre entourage se méconduit, cela nous déçoit. Et nous pensons que Dieu ferait bien de montrer qu’Il n’est pas content, Lui non plus. Voilà pourquoi, quand arrive une catastrophe, beaucoup y lisent la « main de Dieu ». Comme on disait jadis aux gosses : « Le petit Jésus t’a bien puni ». Ceci, malgré le livre de Job qui explique que le juste souffre autant que le coquin.

Au temps de Jésus, la vision archaïque d’un « Dieu punisseur » était encore fort répandue. Le Christ s’en distancie avec vigueur : Ces gens massacrés par Pilate, ou écrasés par une tour ? Cela pourrait être chacun de nous. Raison de plus pour ne pas les juger coupable de quoi que ce soit, ou de nous croire innocent de tout. « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de la même manière ».

Puis, le Fils de l’homme explique que son Père – lui – prend patience. Tel ce jardinier qui demande au propriétaire d’un figuier stérile de lui laisser sa chance. « Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ».

A méditer, en cette année jubilaire, consacrée à l’espérance : Ne pas voir en l’autre ce qu’il est (ou n’est pas), mais bien ce qu’il pourrait devenir sous le souffle de l’Esprit. Car c’est ainsi que le Père nous regarde.

In memoriam Marcel Bolle de Bal (1930-2025)

La nécrologie du « Soir » m’apprend le décès de Marcel Bolle De Bal. 
L’homme au physique de patriarche et à la barbe fleurie, était professeur de sociologie et de psychosociologie de l’ULB. 
Même si je l’ai moins fréquenté ces dernières années, nous avons débattu ensemble et avons correspondu.
Un honnête homme et une belle intelligence; toujours respectueux et bienveillant à mon égard.  
Il se déclarait athée et ne faisait pas mystère de son appartenance à la franc-maçonnerie. 
Plus original: il se voulait également personnaliste, mais d’un personnalisme – je le cite – dégagé de ses origines chrétiennes (Emmanuel Mounier). En 2018, il publiait: « le paradoxe d’un personnaliste laïque et franc-maçon. ». 
 
Nos échanges n’étaient pas tissés de langue de bois. Ainsi, en 2011, il m’écrivit: «  Je suis bien d’accord avec toi que l’accent mis sur l’autonomie (droit à l’IVG et à l’IVV : interruption volontaire de vie ou euthanasie) constitue une différence fondamentale entre les anthropologies laïque et catholique. (…) Ne pouvons-nous être d’accord sur nos désaccords ainsi clarifiés et délimités ? » 
 
En 2019, il répondit à mes voeux de Noël, par ces mots: «  Puisse la Foi continuer à donner du sens à ta vie, puisque telle est sa vocation : ce sera un voeu fraternel » 
 
Je te dis « A-Dieu », cher Marcel.
Mes pensées rejoignent ton épouse, tes enfants et petits-enfants, ainsi que tes nombreux amis.
Je sais que tu ne m’en voudras pas de prier pour toi.
Désormais, tu sais…    

Carême de paix – 1er dimanche de Carême, Année C

« Il fut conduit par l’Esprit à travers le désert » (Luc 4, 1-13)

Carême… A la suite du Christ, l’Esprit nous conduit 40 jours au désert. Le désert est retour à l’essentiel : Qu’est-ce qui me rend plus vivant ? Le désert est aussi le lieu où la tentation reçoit son vrai visage : « Ordonne à ses pierres de devenir du pain ». Vais-je vivre pour les biens matériels, plutôt que spirituels ? Tentation de l’avoir. « Prosterne-toi devant moi et je te donnerai les royaumes de la terre » Vais-je vivre en m’asservissant à la logique du prince de ce monde ? Tentation du pouvoir. « Jette-toi en bas du pinacle du temple et les anges viendront pour te porter ». Vais-je vivre en cherchant à séduire la galerie ? Tentation du valoir.

Carême…  Prions pour la paix et la justice dans le monde et surtout en Ukraine. Si le Carême est le temps du recentrage chrétien – par le jeûne, le partage et la prière – il est, bien davantage encore, une temps de recherche de la paix des cœurs.

Ukraine – le temps des diplomates 

Emphase réthorique
Il est tentant d’aborder les récents événements qui ont secoué la planète depuis le bureau ovale, avec des formules chocs et une emphase réthorique. La sidération créant l’angoisse, beaucoup cèdent à cette douce tentation, pour se donner une contenance alors que le  sol des repères se dérobe sous nos pieds. Il est cependant nécessaire que les opinions publiques bien vite se ressaisissent pour accompagner leurs décideurs dans les actions cruciales à prendre en ces temps incertains.

Non verba sed res
Il y a au moins un reproche que personne ne fera au président Trump, c’est celui de dissimuler ce qu’il pense derrière une politesse de façade. Avantage: le reste du monde sait exactement à quoi s’en tenir. Quels sont les motifs de sa politique de ruptures brutales avec la tradition américaine depuis la fin de la seconde guerre mondiale ? Est-il un agent de Moscou, un président-promoteur immobilier, un produit de la télé-réalité, un isolationniste, ou un opportuniste? Chacun répondra avec ses dosages propres, mais la seule certitude est qu’il est le président démocratiquement élu des États-Unis d’Amérique. Aux doctes analyses doit donc succéder une réponse adéquate. Ce qui semble clair, c’est que l’intérêt des Etats-Unis passe désormais devant la défense de valeurs. Cela fut toujours un peu le cas, mais est désormais assumé ouvertement. Comment les alliés traditionnels de l’Amérique doivent-ils réagir? Nos démocraties européennes ont la réputation de beaucoup parler et peu agir. ‘Non verba sed res’: pas de paroles, mais des actes. Agissons donc. Mais comment? Il y a deux paroles du président US que nous ne devons pas oublier: (1) « L’union européenne a été créée pour entuber (‘screw’) les Etats-Unis » Le président est donc hostile aux ensembles politiques, surtout alliés, qui peuvent faire de l’ombre à la machine économique américaine. A l’Union européenne de lui prouver le contraire: l’Europe unie est un allié, non un rival. (2) (à Zelensky) « Vous jouez aux cartes avec peu d’atouts » (en anglais, les atouts, s’appellent… ’Trump cards’). Si nous voulons ne pas subir les événements avec rage et impuissance, il s’agit de jouer nos cartes en connaissant avec exactitude nos forces et faiblesses. Pour ne pas rester incantatoires, nos idéaux doivent se fonder sur une froide lucidité. 

 
Euro-commonwealth
Une nouvelle carte géostratégique se dessine. Elle rapproche Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Union européenne et Turquie. Avec Londres et son Premier Ministre dans le rôle de pont entre les deux rives de l’Atlantique. Il a raison de ne pas vouloir couper le dialogue avec Washington, car sans la puissance américaine, les démocraties sont militairement démunies. Avec Paris et son président comme moteur d’une relance de l’Europe de la défense. Macron propose même d’étendre le parapluie nucléaire français à l’Union européenne (… cependant, aussitôt contredit par Marine Le Pen). Avec le Commonwealth anglo-saxon (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) qui se rapproche de ce pôle mondial des démocraties. Avec la Turquie qui saisit qu’en cas de victoire russe, elle sera bientôt en tension avec Moscou. Avec l’Inde qui se profile en partenaire commercial privilégié. Développer ensemble une politique étrangère cohérente et construire une industrie de la défense commune, devient urgent et vital. Le ministre de la défense belge défendait il y a deux jours la commande d’avions américains F35, comme étant bien plus performants que l’Eurofighter britannique et le Rafale français. Je me suis permis de réagir à sa communication en signalant que la vraie question était de savoir si tous les Européens (en ce compris britanniques) étaient disposés à ensemble mettre au point un chasseur de 6° génération, le jour où il faudra remplacer les F35. Ce projet pourrait inclure le Commonwealth anglo-saxon. Il ne s’agit pas de rejeter l’alliance avec les Américains, mais bien – dans un monde multipolaire – de ne plus vivre en dépendant de leur protection. Ecoutons ce que répètent ces derniers jours les dirigeants polonais, scandinaves et baltes, si géographiquement proches du conflit ukrainien : il ne disent pas autre chose. 
 
La paix et la justice
Le pape François n’a de cesse de répéter ce que chacun sait: toute guerre est une défaite de l’humanité. Une paix durable en Ukraine reste l’objectif à poursuivre. Sans perte de souveraineté, mais en prenant en compte les intérêts des russophones habitant l’est du pays. Au-delà de son enjeu moral, une défaite de l’Ukraine nous impacterait directement, car elle serait un signal de faiblesse de la part de l’Europe et aiguiserait les appétits des faucons de Moscou. Le plan présenté par Keir Starmer avec Macron va dans la bonne direction. Il démontre que notre continent prend ses responsabilités. Le Royaume-Uni jouit des faveurs de Donald Trump, qui a une maman écossaise. Son Premier Ministre joue pleinement ce rôle avec l’aide de Charles III, qui invite le président américain à Balmoral et reçoit le président Ukrainien à Sandringham. L’Union européenne prend sa part avec la France et son président en tête. Espérons que l’Allemagne reviendra bientôt pleinement dans le jeu avec un nouveau chancelier. Sans oublier la Pologne, l’Italie et toutes les autres capitales. C’est le temps des diplomates pour conjurer la guerre. Et bâtir une paix qui ne signifierait pas le naufrage de la justice. 

«  Les yeux du cœur » – 8e dimanche de l’Année, Année C

«Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? »  (Luc 6, 39-45)

En ce dimanche de Carnaval, le folklore invite à mettre des masques. Ceci appelle à se moquer de tous les masques que la vie nous fait porter. Et qui, souvent, nous collent à la peau.

Le regard est ce sens humain qui permet de voir au-delà des apparence, afin de sonder le cœur des choses. Et, pourtant, si régulièrement, nos yeux restent englués dans le faux-semblant des apparences.

Convertissons donc notre regard, afin de regarder le monde et nos frères avec les yeux du Christ.

Ce mercredi, les chrétiens entrent en carême : 40 jours de jeûne, de partage et de prière pour décoller nos masques et purifier notre regard.

«  La folie de la Croix » – 7e dimanche de l’Année, Année C

« Aimez ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent (…) Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés. »  (Luc 6, 27-38)

Petit test : combien de temps par jour, beaucoup d’entre nous passent-ils à dire du mal de leur prochain ? Surtout de ceux à qui nous en voulons, parfois bien légitimement. Avec pour excuse : « tout le monde fait ainsi ». De fait, le phénomène est universellement humain. Est-il, pour autant, chrétien ? Relisons l’Évangile de ce dimanche avant de répondre.

Évidemment, ce n’est pas évident de prier pour celui qui vous pourrit la vie. Mais la prière, c’est accueillir le Souffle de l’Esprit et, seul l’Esprit nous donne de quitter nos logiques mondaines pour épouser celles du Royaume.

«  Jésus réveille » – 6e dimanche de l’Année, Année C

« Malheur pour vous qui êtes repus maintenant… » (Luc 6, 17-26)

La version des « béatitudes » chez Luc, est plus courte et aussi plus incisive. Jésus y déclare « heureux » ceux qui sont en détresse et « malheureux » ceux qui sont comblés par la vie.

Il ne s’agit pas d’une éloge masochiste de la souffrance, mais bien d’un appel à rester spirituellement en éveil. « Pauvres de nous » si nous vivons une petite vie bien pépère, en ne se préoccupant que de sa petite personne. Heureux celui qui connaît le poids d’une vie consacrée à la recherche de vérité intérieure et à l’aide au prochain, surtout le plus fragile.

La vie l’apprend : les personnes qui vivent en égoïstes ne sont pas heureuses et finissent souvent bien seules.

Mais qui est mon prochain? Quand le vieux monde répond au nouveau Vice-Président James D. Vance

Ce lundi 10 février est parue ma  chronique dans le quotidien La Libre en p.31.
Merci à La Libre de m’offrir cet espace d’expression.

«  Quand le pêcheur se reconnaît pécheur… » – 5e dimanche de l’Année, Année C

« Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » (Luc 5, 1-11)

L’évangile de Jean raconte que l’appel des premiers disciples se fit à partir de l’entourage de Jean le Baptiste. Cela correspond sans doute à la réalité historique.

Le récit des trois autres évangiles préfère, quant à lui, décrire un autre moment : celui qui fit passer ses hommes de leur vie professionnelle ordinaire au service du Royaume. Ce sont des pêcheurs. Ils s’en vont donc pêcher. Mais il n’y que peu de prises ce jour-là. Jusqu’au moment où Jésus s’en mêle. Alors, Simon-Pierre comprend qu’à travers Jésus, c’est le Très-Haut qui agit. Il est pris d’effroi et se reconnaît pécheur.

Jésus confirme son appel, ainsi que celui de ses compagnons : « Désormais, ce sont des hommes que tu prendras ». Malgré nos limites humaines, le Seigneur nous envoie comme témoins et comme apôtre du Royaume.