«  C’est quand le bonheur ? » – 4e dimanche de l’Année, Année A

« Heureux…». (Matthieu 5, 1-12a)

La plupart de nos contemporains vivent mieux que les empereurs du Moyen Age. Grâce au progrès, leur confort général est bien meilleur et leur espérance de vie, de loin supérieure. Sont-ils plus heureux pour la cause ?

Poser la question, c’est y répondre. Le bonheur requiert un minimum de sûreté matérielle, mais il ne dépend pas de cela. Il est cette étincelle qui illumine la grisaille du quotidien. Où et comment le trouver ? Mon conseil : Méditez les Béatitudes. Encore et encore. Et puis… demandez à l’Esprit de vous souffler la réponse.

«  Hors-piste » – 3e dimanche de l’Année, Année A

« Galilée, toi le carrefour des païens : le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. » (Matthieu 4, 12-23)

Dès le début de sa mission publique, Jésus quitte Nazareth et choisit de s’installer dans un lieu exposé à l’incroyance. Proche de régions non-juives et lieu d’échange commerciaux, la Galilée était taxée par l’élite religieuse de Jérusalem de « carrefour des païens ». A la suite de Jésus, les chrétiens sont invités à « sortir » de leurs églises. C’est ce que rappela le pape François lors de sa toute première audience générale : « Il faut  sortir à la rencontre des autres, nous rendre proches pour porter la lumière et la joie de notre foi . Toujours sortir!»

C’est en Galilée que Jésus appelle ses premiers disciples. Pour ce faire, il ne fréquente pas les écoles théologiques. C’est de quelques pécheurs du lac de Tibériade, qu’il fait des « pêcheurs d’hommes ». A sa manière, chaque baptisé – même sans formation religieuse particulière – est appelé à être un « pêcheur d’homme ». Cela signifie, comme le rappelle notre Pape, de sortir des églises pour annoncer l’Evangile sans avoir peur de notre société sécularisée – « carrefour des païens ».

Majesté… Joyeux anniversaire, Madame.

Les commentateurs du jour l’ont souligné: notre monarchie n’a pas le rayonnement des Windsor, ni l’aisance de leurs voisins  néerlandais. Il n’empêche, ils tiennent leur rang et le font avec dévouement et efficacité.

En d’autres mots, si la monarchie est ce système hérité du fond des âges, pour faire le lien au sein d’une population que le débat démocratique divise, notre famille royale fait le job. Vulgairement parlant: ils sont très pros.
Sans négliger le travail de l’ombre d’excellents conseillers, ceci est aussi dû au mariage entre la rigueur « bosseuse » de la Reine et le sens du devoir profond du Roi.
Joyeux anniversaire, Majesté. Et merci.
Ma prière vous accompagne, ainsi que votre famille.

« Vue d’Esprit » – 2e dimanche de l’Année, Année A

« L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer (…) C’est Lui le Fils de Dieu. » (Jean 1, 29-34)

Le temps de la Nativité se termine. Jusqu’au début du carême, nous entrons dans le cycle des dimanches, dits « ordinaires ». Les prêtres et diacres portent à cette occasion des vêtements liturgiques verts – couleur de l’espérance.

L’Evangile de ce dimanche part de l’expérience du baptême de Jésus avec le témoignage de Jean : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel (…) et demeurer sur Lui ». Ce passage nous invite à redécouvrir nos propre baptême. Vivre son baptême, c’est laisser l’Esprit demeurer concrètement au cœur de nos vies. Il s’agit donc de vivre nos joies et nos peines sous le regard de Dieu. Face à une épreuve, combien de fois ne nous enfermons-nous pas dans une réaction purement « mondaine » – avec colère, frustration, jalousie, orgueil… ? Quand cela nous arrive, arrêtons-nous un moment et prions l’Esprit. Il ne réglera pas notre problème, mais nous aidera à le vivre comme le Christ nous y invite – c’est-à-dire dans la paix intérieure et l’amour du prochain.

Epiphanie du Seigneur, Année A

« Les mages ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe ». (Matthieu 2, 1-12)

« Epiphanie » signifie en grec : « manifestation ». Dans le calendrier chrétien, cette fête est plus ancienne que celle de la Nativité (fixée en 354 par le pape Libère à la date du solstice d’hiver – soit le 25 décembre). Jusqu’au milieu du IVe siècle, se célébrait au cours de l’épiphanie toutes les manifestations du Christ sur terre : de sa naissance à son premier miracle, lors des noces de Cana.

Aujourd’hui, l’Eglise latine fête l’Epiphanie avec le récit des mages : elle voit dans le périple de ces trois sages suivant l’étoile depuis fort loin, le signe de la manifestation de la lumière du Christ à toutes les nations. En ce dimanche de l’Epiphanie, prions donc spécialement avec nos frères chrétiens du monde entier. (Pensons tout particulièrement aux chrétiens d’Ukraine et à l’est de la RDC). Race, langue, culture nous séparent – mais le Christ est la grande lumière qui fait notre unité. Comme les mages, venons l’adorer et offrons-lui, avec cette année nouvelle –  toutes nos réussites (l’or, symbole de tout ce qui est précieux), tous nos échecs et souffrances (la myrrhe, une herbe amère) et toutes nos prières (l’encens, ce parfum dont la fumée monte vers le ciel).

Oui, mettons-nous en route en 2023. Suivons l’étoile. Allons vers l’Enfant de la crèche, qui manifeste la lumière de l’amour de Dieu pour notre monde.

RIP Benoit XVI – le Pape théologien

Je me souviens de l’élection de Benoît XVI. Je me trouvais sur place Saint-Pierre, ayant accompagné le cardinal Danneels à Rome pour les funérailles du pape Jean-Paul II, ainsi que pour le conclave qui s’ensuivrait, en ma qualité de porte-parole des évêques de Belgique.

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Quand le nom du nouveau pape fut connu, beaucoup de catholiques craignirent que celui qu’une certaine presse surnommait « le Rottweiler de Dieu », entraine l’Eglise catholique dans une période de glaciation théologique.
Inutile de dire que sa première Encyclique était attendue et que cette même presse s’apprêtait à faire ses choux gras, en relevant les condamnations pontificales.
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Et puis parut, un jour de Noël 2005, « Deus caritas est » et les rédactions du monde furent muettes d’embarras: un pape qui célèbre l’amour plutôt que de souligner ses excès; un pape qui parle de l’accord entre « amour-eros » et « amour-agape »; un pape qui cite Nietzsche; un pape qui ne condamne pas le corps, mais l’invite à l’unifier à l’âme. Que se passait-il donc pour que Benoit XVI échappe totalement au récit médiatique dans lequel d’aucuns voulaient l’enfermer?
Il se passait que le monde découvrait enfin que ce Pape était avant tout un des plus grand théologiens catholiques de la seconde moitié du XXe siècle. Ses encycliques resteront dans l’histoire comme des modèles d’érudition, écrites dans un langage accessible et avec un style pédagogique.
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Huit ans plus tard, Benoît XVI surprit une nouvelle fois le monde par sa renonciation à la charge pétrinienne. Le théologien n’était pas un manager. Avec son intelligence vive et sa douce humilité, il comprit qu’il fallait passer le flambeau, écrivant ainsi un nouveau chapitre de la papauté.
François, le nouveau Pape, a un profil bien différent de son prédécesseur et un caractère latin aux antipodes de sa nature réservée, mais les deux hommes sont restés unis de par leur amour de l’Eglise. Benoit XVI et François ne savent que trop bien qu’ils ne sont que les serviteurs du Bon Berger, le Christ – que Benoit XVI contemplera désormais en face à face.
Prions pour lui, alors qu’il prie pour nous.
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(Ci-dessous un extrait de la première encyclique de Benoit XVI: Deus caritas est »)

(3.) À l’amour entre homme et femme, qui ne naît pas de la pensée ou de la volonté mais qui, pour ainsi dire, s’impose à l’être humain, la Grèce antique avait donné le nom d’eros. Disons déjà par avance que l’Ancien Testament grec utilise deux fois seulement le mot eros, tandis que le Nouveau Testament ne l’utilise jamais: des trois mots grecs relatifs à l’amour – eros, philia (amour d’amitié) et agapè – les écrits néotestamentaires privilégient le dernier, qui dans la langue grecque était plutôt marginal. En ce qui concerne l’amour d’amitié (philia), il est repris et approfondi dans l’Évangile de Jean pour exprimer le rapport entre Jésus et ses disciples. La mise de côté du mot eros, ainsi que la nouvelle vision de l’amour qui s’exprime à travers le mot agapè, dénotent sans aucun doute quelque chose d’essentiel dans la nouveauté du christianisme concernant précisément la compréhension de l’amour. Dans la critique du christianisme, qui s’est développée avec une radicalité grandissante à partir de la philosophie des Lumières, cette nouveauté a été considérée d’une manière absolument négative. Selon Friedrich Nietzsche, le christianisme aurait donné du venin à boire à l’eros qui, si en vérité il n’en est pas mort, en serait venu à dégénérer en vice. Le philosophe allemand exprimait de la sorte une perception très répandue : l’Église, avec ses commandements et ses interdits, ne nous rend-elle pas amère la plus belle chose de la vie ? N’élève-t-elle pas des panneaux d’interdiction justement là où la joie prévue pour nous par le Créateur nous offre un bonheur qui nous fait goûter par avance quelque chose du Divin ?

(5.) (…) Cela dépend avant tout de la constitution de l’être humain, à la fois corps et âme. L’homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l’âme se trouvent dans une profonde unité ; le défi de l’eros est vraiment surmonté lorsque cette unification est réussie. Si l’homme aspire à être seulement esprit et qu’il veuille refuser la chair comme étant un héritage simplement animal, alors l’esprit et le corps perdent leur dignité. Et si, d’autre part, il renie l’esprit et considère donc la matière, le corps, comme la réalité exclusive, il perd également sa grandeur. L’épicurien Gassendi s’adressait en plaisantant à Descartes par le salut: «Ô Âme !». Et Descartes répliquait en disant: «Ô Chair !»[3]. Mais ce n’est pas seulement l’esprit ou le corps qui aime : c’est l’homme, la personne, qui aime comme créature unifiée, dont font partie le corps et l’âme. C’est seulement lorsque les deux se fondent véritablement en une unité que l’homme devient pleinement lui-même. C’est uniquement de cette façon que l’amour – l’eros – peut mûrir, jusqu’à parvenir à sa vraie grandeur. Il n’est pas rare aujourd’hui de reprocher au christianisme du passé d’avoir été l’adversaire de la corporéité; de fait, il y a toujours eu des tendances en ce sens. Mais la façon d’exalter le corps, à laquelle nous assistons aujourd’hui, est trompeuse. L’erosrabaissé simplement au «sexe» devient une marchandise, une simple «chose» que l’on peut acheter et vendre; plus encore, l’homme devient une marchandise. En réalité, cela n’est pas vraiment le grand oui de l’homme à son corps. Au contraire, l’homme considère maintenant le corps et la sexualité comme la part seulement matérielle de lui-même, qu’il utilise et exploite de manière calculée. Une part, d’ailleurs, qu’il ne considère pas comme un espace de sa liberté, mais comme quelque chose que lui, à sa manière, tente de rendre à la fois plaisant et inoffensif. En réalité, nous nous trouvons devant une dégradation du corps humain, qui n’est plus intégré dans le tout de la liberté de notre existence, qui n’est plus l’expression vivante de la totalité de notre être, mais qui se trouve comme cantonné au domaine purement biologique. L’apparente exaltation du corps peut bien vite se transformer en haine envers la corporéité. À l’inverse, la foi chrétienne a toujours considéré l’homme comme un être un et duel, dans lequel esprit et matière s’interpénètrent l’un l’autre et font ainsi tous deux l’expérience d’une nouvelle noblesse. Oui, l’eros veut nous élever «en extase» vers le Divin, nous conduire au-delà de nous-mêmes, mais c’est précisément pourquoi est requis un chemin de montée, de renoncements, de purifications et de guérisons.
 
(8.) Nous avons ainsi trouvé une première réponse, encore plutôt générale, aux deux questions précédentes : au fond, l’«amour» est une réalité unique, mais avec des dimensions différentes; tour à tour, l’une ou l’autre dimension peut émerger de façon plus importante. Là où cependant les deux dimensions se détachent complètement l’une de l’autre, apparaît une caricature ou, en tout cas, une forme réductrice de l’amour. D’une manière synthétique, nous avons vu aussi que la foi biblique ne construit pas un monde parallèle ou un monde opposé au phénomène humain originaire qui est l’amour, mais qu’elle accepte tout l’homme, intervenant dans sa recherche d’amour pour la purifier, lui ouvrant en même temps de nouvelles dimensions. Cette nouveauté de la foi biblique se manifeste surtout en deux points, qui méritent d’être soulignés: l’image de Dieu et l’image de l’homme.

Esprit de Noël – Nativité du Seigneur, Année A

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » (Luc 2, 1-14)

 Noël est – bien entendu – une fête chrétienne. En l’Enfant de la Crèche, Dieu fait une alliance de chair avec l’humanité. Désormais, le Très-Haut verra le monde avec nos yeux, sentira les odeurs avec nos narines et le goûtera les saveurs avec notre langue. Il partagera nos joies et nos peines, l’amitié comme la trahison, la vie comme la mort. Et de son premier cri de nouveau-né jusqu’à dernier souffle de supplicié, c’est d’Amour infini qu’Il embrassera la terre.

Cependant – par-delà la fête religieuse – Noël est aussi un état d’esprit. Croire en l’esprit de Noël, c’est s’accrocher à ses rêves pour qu’ils changent la réalité. Ainsi – comment saisir la fin de l’Apartheid, sans le rêve de Mandela d’unenation arc-en-ciel ? L’esprit de Noël contredit tous ceux qui prétendent que devenir adulte, c’est renoncer à ses rêves.Ceux-là que vise l’indignation du Petit Prince : « Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi. Il n’a jamais respiré une fleur. Il n’a jamais regardé une étoile. Il n’a jamais aimé personne. Il n’a jamais rien fait d’autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi : »Je suis un homme sérieux ! Je suis un homme sérieux ! » et ça le fait gonfler d’orgueil. Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon! » L’esprit de Noël célèbre l’humain en l’homme, plutôt que le parasite – le champignon. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime »

« Père… autrement » – 4e dimanche de l’Avent, Année A

« Joseph, fils de David, ne crains pas…» (Matthieu 1, 18-24)

Les deuxième et troisième semaines de l’Avent, Jean le Baptiste est le personnage au centre de l’Evangile du dimanche. Le quatrième et dernier dimanche, il s’agit de la Vierge Marie. Mais lors de l’année liturgique consacrée à l’évangile selon Matthieu – comme cette année – c’est Joseph qui est à l’avant-scène. Matthieu écrit, en effet, pour des lecteurs juifs et pour ceux-ci, c’est le père qui compte – d’autant plus que c’est Joseph qui est de lignée davidique. Mais Matthieu ne peut tricher avec la vérité : l’Enfant vient de l’Esprit-Saint. Le rôle de Joseph-le-juste consiste simplement à accepter d’adopter Celui qui vient d’En-Haut. Et dont Dieu a choisi le prénom : « Jésus », c’est-à-dire « le Seigneur sauve ».

La situation de Joseph est particulière. Et pourtant, beaucoup de pères font une expérience, pas si éloignée de la sienne. Quand leur épouse tombe enceinte, ils se sentent quelque peu étrangers aux mystères de la grossesse et de la naissance. Inversement – ils pressentent souvent plus vite que cet enfant ne leur appartient pas ; qu’il lui faudra tracer sa propre route. Sur ce chemin de confiance, saint Joseph est un précieux compagnon spirituel : « Joseph, fils de David, ne crains pas…»

« La joie de l’Evangile » – 3e dimanche de l’Avent, Année A

« Cependant, le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui. » (Matthieu 11, 2-11)

Le troisième dimanche de l’Avent, est surnommé Gaudete – ce qui signifie en latin « dimanche de la joie ».

Dans son exhortation apostolique « la joie de l’Evangile », le Pape enseigne : « (2) Le grand risque du monde d’aujourd’hui, avec son offre de consommation multiple et écrasante, est une tristesse individualiste qui vient du cœur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée. Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. Même les croyants courent ce risque, certain et permanent. Beaucoup y succombent et se transforment en personnes vexées, mécontentes, sans vie. Ce n’est pas le choix d’une vie digne et pleine, ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit qui jaillit du cœur du Christ ressuscité ».

C’est à cette joie – offerte aux plus petits dans le Royaume des cieux – que Jésus invite le Baptiste enfermé dans sa prison : « les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés… »  C’est également à pareille joie que nous sommes conviés.