Dans « le Soir » de ce 25 mars (p.17), Pierre Bouillon signe un article faisant le point sur une proposition de décret, qui reprend une idée, initiée en son temps par Hervé Hasquin.
Ci-dessous un résumé de l’article :
« En septembre 2009, quatre députés MR (dont Richard Miller) ont déposé une proposition de décret visant à créer un « cours de philosophie et d’histoire culturelle des religions ». Ce cours serait organisé à hauteur d’une heure par semaine, au 3e degré du secondaire (les 5e et 6e années). Le projet vient d’être analysé par le Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques. Créé en 2005, cet organe réunit des représentants des cours de religion, des syndicats, des réseaux, de l’inspection, etc. Son avis est négatif, même si certains membres du Conseil en question penchent en faveur du projet – c’est le cas de la CGSP ou de la Fapeo (les parents des élèves de l’enseignement officiel). Le Conseil consultatif relève que les cours philosophiques actuels (les traditionnels cours de religion/morale) « réservent une large place à des préoccupations comme l’exercice d’une citoyenneté critique et responsable, la réflexion épistémologique autour des savoirs et des différents types de discours, l’argumentation et la conceptualisation, l’intelligence du dialogue… » Richard Miller estime que le cours d’histoire qu’il propose aiderait à lutter contre les intégrismes. Le Conseil réplique : « Les responsables des cours de religion estiment d’expérience qu’on ne lutte pas contre les intégrismes convictionnels par un enseignement purement cognitif du fait religieux. Un tel enseignement ne pourrait prendre en compte les composantes psychoaffectives liées au radicalisme convictionnel. Il favoriserait au contraire leur radicalisation. » Le Conseil consultatif relève : « C’est avec la légitimité de celui qui partage une conviction et la vit qu’on lutte le plus efficacement contre les courants intégristes ; c’est parce que les enseignants partagent la même identité religieuse, les mêmes référents culturels et théologiques que leurs élèves, qu’ils peuvent se faire accepter par les plus radicaux d’entre eux pour les amener à nuancer leurs convictions et à prendre conscience de la légitime diversité convictionnelle. » (…) On tape sur le clou : « Se pose la question de la crédibilité d’un cours d’une heure par semaine qui n’aurait que très peu d’impact. » Par terre, Richard Miller ? Nullement. « Cet avis ne me surprend pas. Le Conseil regroupe les différents cours de religion et de morale, dont ma proposition trouble la quiétude. Le système sel protège. » (…) L’élu MR rappelle que le système actuel a été fondé dans les années 50, à l’occasion du Pacte scolaire. « Nous ne sommes plus du tout dans ce contexte-là. Je respecte les religions. Mais s’en tenir à une organisation où l’on sépare les enfants selon leurs convictions philosophiques, c’est les amener à penser que les croyances sont là pour diviser les gens. Moi, je veux un cours où tous les enfants sont réunis. Le modèle actuel n’est plus suffisant. » Maintenant que le Conseil consultatif a livré son avis, le texte MR va reprendre son cours. Le débat va ainsi s’entamer en commission enseignement du parlement de la Communauté française. « Je suis ouvert à tous les avis, pour améliorer le texte, à condition que l’on envisage un cours bien distinct. (…) Mais, aujourd’hui, nous voilà tous devant une grande responsabilité. Ou l’on se borne à organiser des cours de religion et morale qui séparent les enfants. Ou nous créons, parallèlement au système actuel, un cours qui donne aux enfants les outils intellectuels, culturels qui conditionnent le “vivre ensemble”. » ■
Existe-t-il une troisième voie ? A titre personnel, moi qui ai connu les deux réseaux scolaires, je proposerais encore autre chose, du moins dans le réseau officiel. (Mais ceci serait peut-être aussi applicable dans le réseau libre): Je garderais les cours convictionnels, car ils offrent des racines aux élèves, ce dont ils n’ont jamais eu tant besoin. Cependant, je ferais en sorte que durant le 3e degré du secondaire (les 5e et 6e années) un cours philosophique sur deux soit « collectif ». C’est-à-dire que les élèves des différents cours philosophiques se retrouveraient ensemble pour partager sur un sujet en commun et ceci – sous la modération collective de leurs différents professeurs. Ainsi, les élèves pourraient être invités à présenter aux autres un point particulier de leur tradition religieuse et/ou laïque, ou encore à envisager en commun certains enjeux moraux à partir des différents regards convictionnels. L’autre cours – « séparé » – permettrait à chaque courant d’évaluer la discussion commune et de relancer des idées pour la prochaine rencontre. Il ne faudrait surtout pas chercher à noyer les différences et éventuelles confrontations entre élèves au nom du « politiquement correct », mais bien insister sur l’apprentissage d’une culture du débat respectueux. Ainsi formerait-on les citoyens de demain pour notre démocratie plurielle. Pourquoi cette idée ? Parce que mon expérience personnelle (en 5° et 6° année de secondaire, je me trouvais dans un collège international qui pratiquais quelque chose de cela – voir www.uwc.be) m’a appris que le contact engagé et non pas « neutre » avec d’autres convictions, permet au jeune de se réapproprier ses racines propres, tout en l’immunisant contre la tentation fondamentaliste. Il ne s’agit donc pas de promouvoir un modèle « melting pot », qui voudrait gommer les différences, mais bien un modèle « patchwork » qui donne de comprendre par le concret de la rencontre que nos couleurs sont différentes, mais que – bien loin de constituer une menace – pareille diversité nous enrichit.