Avortement – la tentation de la démocrature soft. 

La démocratie se fonde sur le fait que la majorité par rapport à une décision, fait passer sa position, tout en laissant à la minorité la possibilité d’exprimer librement et publiquement son désaccord et les raisons de celui-ci.
Les « démocratures » sont ces régimes qui conservent des élections, mais où la majorité musèle l’opposition et paralyse les contre-pouvoirs : juges encadrés, presse libre écarté, opposants emprisonnés… Cette tentation d’une démocrature hard se rencontre, entre autres, à l’est du continent européen.
Rien de tel chez nous – me direz-vous…
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Sauf qu’il existe une autre forme de démocrature version soft, qui dénigre la parole de l’opposant, afin de la disqualifier plutôt que d’oser le débat de fond.
C’est à pareille tentation que cède Sophie Rohonyi (Défi) dans le quotidien La Libre de ce samedi en p.5. A la question: « Les évêques de Belgique s’opposent à la révision de la loi sur l’avortement. Selon eux, “la protection de la vie à naître est de la plus haute importance”. Qu’en pensez-vous ? », la députée répond: « Je pense qu’ils n’ont pas à s’immiscer dans des débats comme ceux-là qui ne doivent plus être vus comme des débats éthiques, mais comme des questions de santé publique. D’ailleurs, les experts commencent leur rapport en disant que l’avortement doit être un acte médical. » Elle ajoute un peu plus loin: « Ce débat éthique est censé avoir été réglé. ».
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J’ai dû me pincer en lisant cela. Le débat sur l’avortement est évidemment une question de santé publique, mais il est tout autant et bien davantage encore, une question éthique.
Cela me rappelle la parade des politiciens d’ultra-droite quand les évêques critiquent le non-accueil des immigrants. Leur réaction est paradoxalement fort symétrique à celle du jour : « Les évêques n’ont pas à s’immiscer dans des débats de régulation des frontières, qui ne doivent pas être vus comme de débats éthiques ». 
Ainsi la démocrature soft, qui dénigre la parole à contre-courant pour ne pas devoir affronter le débat de fond.
Par rapport aux dossiers qui charrient de la mauvaise conscience – tels l’avortement ou le non-accueil d’immigrés – où chacun cherche un douloureux arbitrage entre des valeurs qui s’entrechoquent, il est effectivement plus simple – mais aussi tellement moins lucide et courageux – de se réfugier dans le déni, en balayant toute dimension morale au débat. Et ainsi, disqualifier la voix minoritaire qui invite à se poser les questions qui dérangent.
On est bien loin de la phrase attribuée à Voltaire: « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. »
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Je ne suis pas politicien et le jeu de la « petite phrase » qui déstabilise l’adversaire, me semble un bac-à-sable aussi vain que futile. Il ne s’agit donc pas ici de stigmatiser une élue que j’apprécie ou le parti politique à laquelle elle appartient.
Cependant, il me semble grave au regard de la démocratie et du droit à l’opposition libre et publique, qu’on dénie aux évêques le simple droit de s’exprimer sur une question aussi fondamentale que l’avortement et ce, en se réclamant un peu plus loin de son « partenaire et concurrent philosophique », le Centre d’Action Laïque, qui lui ne se prive pas d’en parler – … abondamment.
Vu que le président de Défi est philosophe, qu’il a traité de philosophie politique, que je l’estime et que nous avons échangé à plus d’une reprise, je souhaiterais recueillir sa réaction simple et concise sur deux questions: 1. l’avortement est-il un débat avec une dimension éthique? 2. une instance philosophique/spirituelle comme les évêques de Belgique a-t-elle un droit démocratique à s’exprimer publiquement dans pareil débat, quitte à être contredite ensuite par d’autres ?

«  Le Dieu qui marche » – 3° dimanche de Pâques, Année A

« Or, tandis qu’ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s’approcha, et Il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas. » (Luc 24, 13-35)

La marche est une des plus anciennes activités de l’homme. En effet, c’est quand nos lointains ancêtres hominidés ont commencé à se redresser et à marcher sur leur deux jambes, que le cerveau humain s’est développé.

Durant sa vie publique, Jésus marcha beaucoup avec Ses disciples. Et une fois encore, sur le chemin d’Emmaüs, le Ressuscité marche pour rejoindre deux d’entre eux. Ceux-ci – aveuglés de tristesse – ne Le reconnaissent pas. Pas à pas, le Vivant va réchauffer leur cœur et ranimer leur foi. Quand ils Le reconnaîtront enfin – Jésus se dérobera à leurs yeux pour les renvoyer vers les autres membres de l’Eglise.

Ces semaines-ci, des jeunes font leur Première Communion, Profession de foi ou confirmation. Prions pour ces chrétiens en herbe. Malgré les restrictions de la pandémie, le Christ marche avec eux le long des chemins de leur jeune vie. Puissent-ils Le reconnaître chaque jour davantage, pour pouvoir proclamer comme les disciples d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’Il nous parlait sur la route, et qu’Il nous faisait comprendre les Ecritures ? »   

Affaire Jean Vanier: la communauté chrétienne et ses pièges – La Libre p.33

Ce mardi 18 avril est parue ma chronique du mois dans le quotidien La Libre.
Mes excuses pour ceux qui ont lu le texte publié sur papier, où je fais mourir le pasteur Bonhoeffer en… 1980, alors que celui qu’Hitler fit personnellement exécuter une semaine avant de se suicider, est donc décédé en 1945. Je relis mes chroniques près de 50 fois pour les retravailler à la virgule près… Comment donc ai-je pu laisser passer un truc aussi énorme? Comme disait le Christ avec humour: « vous filtrez le moustique et avalez le chameau ». 😉 (Mat 23,24)
Merci à La Libre de m’offrir cet espace d’expression.

Liège – Capitale du cuistax

Les idées les plus lumineuses sont souvent les plus simples.
Saluons donc la nouvelle initiative de la ville de Liège, visant à remédier aux lenteurs du chantier du tram et à l’envahissement des trottinettes dans ses rues, en choisissant de se transformer à partir de ce premier jour du mois d’avril, résolument en capitale du cuistax.
C’est ce qu’a annoncé, la coordinatrice à la mobilité urbaine, Dora Daufour.

Mobilité fluide, écologie et loisir estival seront ainsi conjugués au coeur de la Cité ardente.
Pour souligner l’initiative, il a d’ailleurs été décidé que le « musée du tram » deviendrait sous peu « musée du cuistax ». Une idée, apparemment inspirée par un célèbre homme de cinéma. 
Un cuistax nommé désir…? A Liège, le désir devient réalité.  

«  Eli, Eli, lama sabactani ?» – Dimanche des Rameaux et de la Passion, Année A

« Mais Jésus, poussant à nouveau un grand cri, rendit l’Esprit. Et voici que le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas. » (Matthieu 26 et 27, 14-66 et 11-54)

Avec le dimanche des Rameaux débute la « Semaine Sainte », c’est-à-dire la sainte semaine des chrétiens. La semaine qui résume notre foi en un Dieu qui aime l’humanité de façon déraisonnable. Un Dieu crucifié par amour, qui pardonne les péchés jusqu’à son dernier souffle, car « ils ne savent pas ce qu’ils font ». De cet Amour fou, les rameaux qui orneront les crucifix de nos maisons, sont le rappel tout au long de l’année.

Ne vivons pas cette semaine de façon distraite. Participons dans la mesure du possible aux offices de la semaine sainte et au chemin de croix dans les rues de Liège. Ainsi, nous retrouverons-nous pour célébrer la Pâques du Christ avec un cœur de ressuscité.

Ultime signe avant la Pâques – 5e dimanche de Carême, Année A

« Lazare, viens dehors ! » (Jean 11, 1-45)

Ecrire que Jésus a ressuscité Lazare, n’est pas théologiquement correct. Si le Christ a ramené son ami à la vie, cela ne l’a pas rendu immortel. Quelques années plus tard – Lazare a connu la mort pour de bon, comme chacun de nous. Alors seulement a-t-il vécu la résurrection à la suite du Seigneur. La résurrection ne peut donc advenir qu’à la fin de notre vie terrestre : ressusciter, c’est traverser la mort… Il s’agit donc de d’abord mourir.

Il n’empêche – le rappel du tombeau de Lazare, constitue l’ultime signe du Royaume. Celui que la Pâques du Christ viendra sceller et accomplir. « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort;et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. »

«  Il n’y a pas pire aveugle… » – 4e dimanche de Carême, Année A

« Je suis venu dans le monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas, puissent voir et que ceux qui voient deviennent aveugles » (Jean 9, 1-41)

Le 4° dimanche de Carême est traditionnellement appelé dimanche de la laetare, c’est-à-dire dimanche de la joie. Peut-on imaginer une joie plus grande que celle d’un aveugle-né qui retrouve la vue ? C’est ce qui advient dans l’évangile de ce dimanche.

Avec – cependant – un curieux retournement. L’aveugle voit, mais les docteurs de la loi – dont la fonction est justement de faire voir au peuple les chemins de Dieu – sont aveugles devant l’évidence.

« Il n’y a pas pire aveugle, que celui qui ne veut pas voir », dit la sagesse populaire. Curieux paradoxe : C’est ceux qui se pensent les plus clairvoyants, qui se révèlent être les plus aveugles. Nos plus gros défauts sont en général ceux que nous refusons de voir. Ils nous dominent d’autant plus. A méditer en cette moitié de Carême…

Basilica of Cointe – What is ‘Shameful’? What is ‘Tasteless’?

I am upset. Even angry. On reading the article published by the Daily Telegraph about the so-called basilica of Cointe:  Row over plans to turn Belgian WW1 memorial church into restaurant and climbing wall (telegraph.co.uk), I wonder what the critics of the project to put new life into this massive church, are up to.
Being in charge of the church buildings of the diocese of Liège since more than seven years, I have experienced that nobody really cared about that sacred building. Being the property of a private association with no funds (which is exceptional in Belgium, where most churches belong to the public domain), it was out of order since years.
Whilst the allied memorial tower was restored in order to receive heads of state for the centenary of World War I in 2014, the church building was left to decay.  When the Duke of Cambridge came to the memorial, the only thing which was done by the authorities to mask the appalling state of the church, was to paint some seagulls on its walls…
The authorities of the city told the diocese to find a solution, making it clear that they wouldn’t invest a penny in the project. We launched an appeal for candidates, making it clear that the choir would remain a place of remembrance. Two candidates came up with plans transforming the basilica into flats and offices. The Gehlen group proposed a lighter project, that of a climbing wall, which left the building untouched. What is more, sport and spirituality have a lot in common, climbing being a way of elevating oneself.
Of course, I much would have preferred to keep the whole building intact, serving as a place of prayer and remembrance (the crypt remains active though, as a parochial chapel). But times have changed. Everyone seemed indifferent about the sacred place. The church was but worth some painted seagulls…
Now that a new project is on its way, I hear these critics – so long silent – waking up and telling us that it is ’shameful and tasteless’… But I ask you: What is shameful? What is tasteless?
It would have been shameful and tasteless not to do anything. There would have been no critics and… no future for the building. A path of cowardice.

«  L’eau vive » – 3e dimanche de Carême, Année A

« Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire » (Jean 4, 5-42)

Elle est touchante la rencontre entre le Christ et cette femme. Jésus brise un double tabou: A l’époque, un homme ne parlait pas avec une femme seule et un Juif ne s’adressait pas une Samaritaine. Qu’importe – Jésus lui demande à boire. La femme s’étonne et le prend de haut. Alors, le Fils de l’homme lui parle d’une autre eau. Celui qui en boira n’aura plus jamais soif, car cette eau n’apaise pas la soif du corps, mais celle de l’âme. Il s’agit de l’Esprit – qui donne d’adorer Dieu en « esprit et vérité ».

Les disciples sont perplexes et gênés par la scène. Jésus leur reproche leur aveuglement : « Regardez les champs qui se dorent pour la moisson ». De fait – voici que cette femme à la vie maritale peu orthodoxe, devient le premier apôtre de Samarie.