Que faut-il attendre du prochain Pape? – La Libre pp.52-53

Dans la Libre de ce jour pp.52-53, se trouve un regard croisé sur l’Eglise entre Raphaël Jacquerye et votre serviteur: « Que faut-il attendre du prochain Pape? » L’exercice a ses limites. Il n’est, en effet, pas facile de s’exprimer de façon profonde sur pareil sujet en quelques mots via une interview téléphonique. (A ceux qui veulent en apprendre davantage sur ma façon de percevoir les choses, je conseille de lire « Pourquoi je ne crois pas à la faillite du christianisme », éditions Nouvelle Cité). S’il est clair que Raphaël Jacquerye et moi-même ne mettons pas les mêmes priorités – et, si on avait creusé, outre des points communs, quelques francs désaccords seraient apparus – c’est surtout sur la façon de répondre aux questions que je constate une différence. Là où lui s’attache surtout à l’institution qu’il souhaite réformer, je considère la foi qu’il s’agit de raviver. Lui semble dire: « L’eau ne passe plus, parce que les canalisations sont bouchées ». Moi, je pose comme question: « Comment faire pour qu’il y ait encore de l’eau dans les canalisations? » Sans engager ici un débat de fond, je pense que la raison de cette différence est également d’ordre générationnel et sociologique. Plus âgé que moi et issu du pilier chrétien, Raphaël Jacquerye part de son éducation catholique et – constatant un décalage entre celle-ci et la culture du temps – semble dire: « adaptez l’Eglise aux temps et la foi se renouvellera ». Issu d’un monde où la plupart de mes copains d’enfance ne pratiquaient déjà plus et ayant « fait les deux écoles », je prêche quant à moi: « Vivez de l’Esprit et l’Eglise se régénérera ». Je suis, en effet, intimement convaincu que le trésor de la foi en un Christ crucifié – « scandale pour les juifs, folie pour les peuples » (1 Cor 1, 23) – n’est pas de l’ordre de l’évidence culturelle. Pour le répandre, il faut s’en laisser pétrir et accepter de parfois vivre à contre-courant de l’opinion commune. Raphaël Jacquerye ne dirait sans doute pas le contraire et nos démarches ne sont pas forcément antinomiques, mais – bien plus encore que les questions de fond qui éventuellement nous diviseraient – c’est surtout ce contraste entre nos regards qui offre ici matière à méditer.

 

 

 

 

5 réflexions sur « Que faut-il attendre du prochain Pape? – La Libre pp.52-53 »

  1. Un évangéliste (Reinhard Bonnke) dit souvent (je traduis de l’anglais) : « moins il y a (d’action) de l’Esprit-Saint dans l’Eglise, plus il faut du café et des gâteaux (sous-entendu : pour attirer les gens). »

    (The less Holy Spirit you have, the more coffee and cake you need).

    Rêver d’attirer par des trucs de marketing ne causera que des déceptions si on ne trouve pas dans l’Eglise de la substance et du Vivant.

  2. Eric,
    J’ai lu ce matin, dans la LLB, le « recto verso », auquel vous faites référence.Il est vrai que je « fais partie » sociologiquement de ce « pilier chrétien », mais je suis immergé quotidiennement, dans mon mileu « neutre », « indifférent » à la « Religion », quand ce n’est pas à quelques sourires ou allusions, quant à mon adhésion à l’Eglise Catholique et à ses pratiques (comme la Messe Dominicale, le Carême, etc)…Sans doute, je ne suis qu’un Chrétien sociologique !
    Bien qu’à peine plus agé que vous, je rencontre aussi des jeunes (mes enfants et leurs amis et les enfants de mes amis), qui (se) sont éloignés de la Foi et de la pratique religieuse, dans une « parfaite neutralité »…
    Revenons à votre commentaire : si l’eau ne circule pas c’est à la fois parce que les « canalisations sont bouchées » et « qu’il n’y a pas assez de pression pour qu’elle circule ».
    Renvoyons ce débat à un Cénacle de plombiers : la pression débouche les canalisations au risque de les faire éclater ! Qui tient le manomètre ?
    S’il est évident que l’Eglise ne doit pas courir derrièrre le siècle, elle ne peut le « survoler » : c’est d’ailleurs sa force d’adaptation, en tant que structure, qu’elle est pérenne -ceci affirme (et n’ignore pas) la force de l’Esprit…
    Par ailleurs, comme je vous l’ai déja écrit dans un post antérieur, le véritable « scandale », la véritable rupture avec les autres religions monothéistes du Livre, c’est l’Incarnation : Jésus, Fils de Dieu fait homme, puis crucifié…
    Le sacrifice suprême est le point d’orgue de cette Incarnation.
    Le véritable scandale c’est l’Incarnation et non la crucifiction.
    Je crois que la force de l’Eglise du Christ c’est le discours dialectique permanent : (st)Augustin et Thomas d’Aquin, Pierre et Jean, Marthe et Marie, François d’Assise et Ignace de Loyola…
    Gardons ces nuances, dans une même foi, un même Dieu, un même frère

  3. pour reprendre l’image de l’eau et des canalisations, j’ajouterais: il y a de l’eau, les canalisations sont vétustes mais elles fonctionnent. Le problème est plutôt qu’on se sait plus où sont les canalisations… la plupart ont perdu les plans.

  4. Raphaël Jackerye ne se limite sûrement pas au marketing, il insiste sur la charité; Eric sur la foi. Je pense que l’Eglise peut être plus « opérationnelle » sur le second thème que sur le premier qui demande des compétences « profanes ». Caritas in Veritate a montré les limites d’une parole magistérielle à cet égard, même si une telle parole reste fondamentale.
    Pour la foi se pose fondamentalement, je pense, une question d’acceptabilité ou de plausibilité. Croire au surnaturel à l’époque des neurosciences est-ce bien raisonnable? Question toujours sous-jacente pour moi même si j’essaie vraiment de répondre oui.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.