Ouganda – « The Wall » – M… Belgique p.54

Ci-dessous ma chronique parue en p.54 dans l’hebdo M… Belgique (successeur de Marianne Belgique), de ce vendredi. Pour l’illustrer, j’invite le lecteur à cliquer après lecture sur le lien vers le morceau de ‘Pink Floyd’ « In the Flesh ». Merci à la rédaction de me donner cet espace d’expression:

Parmi les œuvres qui ont forgé ma conscience citoyenne, il y a le film musical The Wall (Le Mur – 1982) basé sur l’album éponyme des Pink Floyd, et sa chanson In the Flesh, où une rockstar à la dérive se mue en leader fasciste, distillant le rejet de l’autre à son auditoire fanatisé. Sous les hourras de la foule, l’apprenti-dictateur y hurle au micro : «Y a-t-il des pédés ici ce soir ? Collez-les contre le mur ! Là, il y en a un, qui ne m’a pas l’air comme il faut. Collez-le contre le mur !! » En visionnant cela, le jeune adulte que j’étais se jura de lutter sa vie durant contre tout ce qui transforme une société en masse haineuse, galvanisée par la désignation de boucs émissaires. Où va l’Ouganda ? Le président Museveni aurait pu devenir le père d’une nation qu’il redressa après les régimes sanglants d’Amin Dada et de Milton Obote. Usé par 28 ans de pouvoir, il préfère apparemment le triste chemin de la sclérose politique. Sous l’influence d’évangélistes américains fanatiques, le voilà qui désigne gays et lesbiennes à la vindicte populaire. J’appartiens à une Eglise qui ne partage pas – loin s’en faut – toutes les revendications politiques portées par nombre de militants de la cause, mais ceci n’enlève rien au respect inconditionnel dû aux personnes homosexuelles, parmi lesquelles je compte – comme tout le monde ou à peu près – des membres de ma famille et des amis. Comment réagira le vieux président ougandais, le jour où un petit-fils ou une petite-fille lui révélera son homosexualité ? Hurlera-t-il : « Collez-le contre le mur ? »

Maroy… So what ?

Ce matin, la RTBF sortait son scoop « maison » : Olivier Maroy, le présentateur de Mise au Point (émission de débat politique du dimanche midi sur la chaine de TV publique en Belgique francophone), quittait le journalisme pour se présenter sur une liste MR (parti libéral) comme 4° candidat à la Région. L’analyse des confrères spécialisés en politique, n’est pas franchement à l’unisson. Comme quoi – ce sont les cordonniers, qui sont toujours les plus mal chaussés.

Johanne Montay, journaliste politique à la RTBF énonce : « Olivier Maroy passe de l’autre côté de la barrière. La barrière de corail qui sépare le journalisme, de l’action politique ; l’investigation, de la communication ; le regard critique, de la loyauté au parti. Pas le premier, pas le dernier. S’engager en politique est un acte respectable. Mais irrévocable. Et un de plus… Frédérique Ries, Anne Delvaux, Jean-Paul Procureur, Florence Reuter : des noms connus du petit écran passés de l’autre côté du miroir. Cette fois, c’est Olivier Maroy qui se laisse tenter par le pays des MRveilles. Un lapin blanc est venu le chercher et il a choisi de le suivre. Toute personne a le droit de s’engager en politique. C’est un droit démocratique donné à tous, de vouloir s’investir dans un projet de société. C’est aussi une forme de choix courageux quand il correspond à une motivation citoyenne. Dans le cas d’un journaliste, c’est néanmoins un pas transgressif, pour deux raisons. Première raison : le passage d’un journaliste en politique révèle au grand jour ses préférences politiques. Il jette donc la suspicion légitime sur l’indépendance de son travail jusqu’ici. (…) Deuxième raison qui explique le caractère transgressif du passage d’un journaliste en politique : ce n’est pas un grand saut à l’élastique. Il n’y a pas de rebond possible. Celui qui s’enfuit du bateau ne remonte plus à la barre. Une fois en politique, plus de retour en journalisme. Un retour dans les médias est toujours possible, dans une autre fonction, après 6 mois de « purgatoire ». Mais l’indépendance, ce n’est pas comme les cheveux : ça ne repousse pas. » 

Pierre Havaux – journaliste politique au Vif/l’Express – réagit : « Johanne Montay, rédactrice en chef de la cellule info politique de la RTBF, a pris acte de ce « pas transgressif » en se pinçant un peu le nez. Ce qu’Olivier Maroy vient de commettre « jette la suspicion légitime sur son indépendance du travail jusqu’ici.» Cela doit suffire à rendre impossible tout retour en arrière. Bon vent, Olivier : pars, mais surtout ne reviens pas. … C’est faire peu de cas du sens de la famille cultivé par la RTBF jusque dans son règlement. La chaîne publique se doit de reprendre à son service ceux et celles qui lui ont été infidèles pour l’une ou l’autre raison professionnelle ou politique. Elus, mais aussi attachés de presse de ministres, de présidents de partis, de groupes parlementaires ou de clubs sportifs, ou encore transfuge dans une chaîne télé au nord du pays : elle est longue, la liste des brebis égarées revenues au bercail ou susceptibles d’y revenir en cas de revers. Cela aide à franchir des « pas transgressifs », quand on se sait assurer d’une position confortable de repli. Il suffirait peut-être de commencer par couper ce cordon ombilical pour refroidir certaines ardeurs à tenter l’aventure… » 

L’intéressé, lui-même, commente : « Je ne suis pas un attrape-voix, une starlette de la téléréalité: je pense avoir une expertise. J’ai envie de me mouiller pour l’avenir de la Wallonie, parce qu’elle a du talent et qu’elle a dix ans pour se redévelopper. J’ai fait un choix de conviction, je n’aurais pas pu m’engager dans un autre parti ».

So what ?

Chacun a un peu raison – bien entendu. Tout d’abord Olivier Maroy. Qu’un critique musical ait, un bon matin, envie de se lancer dans la chanson, ne surprend personne. Pourquoi un analyste de la chose politique, n’aurait-il pas un jour le goût sincère « de se lancer dans le grand jeu » ? So what ? Que je sache, ce n’est tout de même pas comparable à un criminologue qui deviendrait tueur psychopathe. Si la politique est le théâtre de la démocratie, alors il faut encourager tout nouvel acteur. Surtout, si celui-ci vient avec une belle expérience professionnelle. Et le téléspectateur se déclarant choqué en découvrant qu’un présentateur-vedette a des opinions politiques, a un petit côté Tartuffe. Heureusement qu’un journaliste politique a des convictions – comme tout citoyen responsable. Croire, pour autant, qu’au cours des débats de Mise au Point, Maroy ait secrètement favorisé – toutes ces années durant – « ses petits copains », est aller un peu vite en besogne. A ce prix, tout juge étiqueté comme proche d’un parti politique, ne serait pas un magistrat probe et impartial. (Pensons au Procureur émérite Michel Bourlet, désormais sur les listes Ecolo ou le juge à la retraite Christian Panier, sur les listes PTB-go!). A contrario, je ne connais pas un journaliste « chimiquement neutre ». Combien de fois n’ai-je pas ressenti chez certains hommes de presse, une forte allergie – ou, au contraire, de la fascination – par rapport à la religion en général, et au catholicisme en particulier ?

Ceci étant dit, Johanne Montay note à juste titre qu’il y a un « avant » et un « après ». Difficile de redevenir arbitre de foot en pro-league, si on a accepté la présidence du fan-club du Standard de Liège. Quant à Pierre Havaux, il souligne que le pas vers la politique est plus confortable pour un journaliste du service public, qui – contrairement à ses confrères du privé – pourra être recasé en cas d’échec. D’accord, mais le risque n’en reste pas moins bien réel. La bientôt ex-députée européenne CDH Anne Delvaux en sait quelque chose – elle qui a choisi de ne pas revenir au journalisme, après sa sortie de politique professionnelle. Il existe toutefois de « glorieuses exceptions ». Churchill se voulait un journaliste atypique, au service du politicien qu’il était. Derrière la fumée dégagée par son cigare, le Grand Homme déclarait avec aplomb: « L’histoire sera indulgente avec moi, car j’ai bien l’intention de l’écrire ».

« Carême – le temps du plus » – 1er dimanche de Carême, Année A

« Il fut conduit par l’Esprit à travers le désert » (Matthieu 4, 1-11)

Carême… A la suite du Christ, l’Esprit conduit les chrétiens 40 jours au désert. Le désert est le lieu où la tentation reçoit son vrai visage : « Ordonne à ses pierres de devenir du pain ». Vais-je vivre pour les biens matériels, plutôt que spirituels ? Tentation de l’avoir. « Prosterne-toi devant moi et je te donnerai les royaumes de la terre » Vais-je vivre en m’asservissant à la logique du prince de ce monde ? Tentation du pouvoir. « Jette-toi en bas du sommet du temple et les anges viendront pour te porter ». Vais-je vivre en cherchant à séduire la galerie ? Tentation du valoir. 

Carême… Un temps que notre société de consommation associe traditionnellement à un « moins » – soit tout ce dont je vais « devoir me priver ». En réalité, le carême est le temps du « plus ». Il signifie un retour à l’essentiel pour plus de vie. Celui qui choisit – 40 jours durant – de renoncer à ce qui distrait des vrais enjeux, fêtera Pâques avec une intensité spirituelle… en plus.  

Mercredi des cendres – l’Europe n’est pas les Etats-Unis

Je participais aujourd’hui à une sympathique émission, où plusieurs témoins de la société civile débattent de sujets d’actualité. En ce jour du mercredi des cendres, j’avais proposé que l’on discute aussi du sens dans les grandes religions/spiritualités, de «temps spirituellement plus intenses » (carême, ramadan, initiations en tous genres,…) – périodes qui permettent également de prendre quelque recul par rapport à la société de consommation. Mes complices du jour n’y étaient pas hostiles, mais la majorité d’entre eux ne voyait pas de lien avec l’actualité. On me dit, sans animosité aucune, mais avec une belle franchise : « Qui – mis à part les convaincus – s’intéresse encore au carême ? »

Pas facile d’aborder un sujet d’ordre proprement spirituel sous nos latitudes, autrement que par le biais de la morale (pour ou contre l’euthanasie, etc.) L’émission traita donc d’autres enjeux – par ailleurs, fort intéressants. En quittant les studios, je rallumai mon portable et tombai sur un tweet de l’homme politique le plus puissant de la planète : « Today, Michelle and I join our fellow Christians in the United States and around the world in marking Ash Wednesday. » —President Obama

En le lisant, je me suis dit que – décidément – l’Europe, ce n’était pas les Etats-Unis.

Blog: bilan du mois de février

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011.

2011En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées ; du 1er mai au 31 mai 3322 visites et 5626 pages visionnées. Du 1er juin au 31 juin, le blog a reçu 3464 visites et 5721 pages furent visionnées.  Pour le mois de septembre 4423 visites sont enregistrées et 6683 pages sont visionnées. En octobre, il y eut 3027 visites pour 4689 pages visionnées. En novembre, il y eut 2679 visites pour 3915 pages visionnées. En décembre, 3203 visites pour 4754 pages visionnées.

2012En janvier, 3143 visites pour 4815 pages visionnées. En février, cela donne 3709 visites pour 5501 pages visionnées. En mars, il y eut 3592 visites et 5530 pages visitées. En avril, il y eut 4063 visites pour 6280 pages visitées. En mai, il y eut 4895 visites pour 8100 pages vues. En mai, il y eut 4499 visites pour 5395 pages vues. Je n’ai pas reçu les chiffres de juin. En juillet,  3502 visites pour 4158 pages vues. En août: 3213 visites pour 5059 pages vues. En septembre: 5624 visites pour 8773 pages vues. En octobre 3268 visites pour 5337 pages vues. En novembre 3467 visites pour 5777 pages vues. En décembre 3018 visites pour 4411 pages vues.

2013En janvier 3891 visites pour 5419 pages vues. En février 3736 visites pour 5724 pages vues. En mars 5198 visites pour 7740 pages vues. En avril 4415 visites pour 6323 pages vues. En mai 6693 visites pour 9284 pages vues. En juin, 4236 visites pour 6339 pages vues. En juillet, 3316 visites pour  4477 pages vues. Pour août, je n’ai pas reçu de données. En septembre 3820 visites pour 4386 pages vues.  En octobre 3299 visites pour 5172 pages vues. En novembre 3982 visites pour 6103 pages vues. En décembre 3512 visites pour 4199 pages vues.

2014En janvier 2251 visites pour 3481 pages vues (baisse qui s’explique sans doute  par la semaine de repos, début du mois).  En février 3714 visites pour 6070 pages vues

Le lectorat belge compte 3158 visites. La France suit avec 357 visites et les Pays-Bas avec 34 visites.

L’article le plus fréquenté fut « Libre-examen et dogme du progrès » du 6 février avec 456 visites. Vient ensuite « Avortement – enjeu philosophique » du 18 février avec 380 visites et « Laïcité philosophique et opinion catholique » du 25 février avec 365 visites.

Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

« Qui est mon maître ? » – 8e dimanche de l’Année, Année A

«Cherchez d’abord son Royaume et sa justice. »  (Matthieu 6, 24-34)

« Aucun homme ne peut servir deux maîtres. (…) Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent ». La sagesse populaire traduit cela par un dicton malicieux : « L’argent est un excellent serviteur, mais un détestable maître ». En ce temps qui nous approche du carême, ceci nous invite à un discernement : Quelle est la place de l’argent dans ma vie ? Sans revenus, pas moyen de vivre en société. D’où la sécurité sociale et ces appels à la solidarité pour ceux qui n’en bénéficient pas – chez nous et de par le monde. (Pensons aux collectes de carême). Cependant, l’argent peut aussi devenir une drogue : Celui qui en a, n’en a jamais assez – car son voisin s’est acheté une plus belle cuisine, une plus grande voiture,…. A force de désirer ce qu’il n’a pas, l’homme passe à côté de sa vie. « Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, homme de peu de foi ? Ne vous faites donc pas tant de souci… »

Laïcité philosophique et opinion catholique : c’est quand qu’on va où ?

Dans le post précédent, je suggérais que l’enseignement pourrait être le prochain grand chantier porté par le Centre d’Action Laïque (CAL) en Belgique. En entendant l’interview de Pierre Galand ce matin sur la radio Première (RTBF), je me dis que j’ai eu du flair. Au nom d’une salutaire modernisation du système scolaire, le président sortant du Centre d’Action Laïque (CAL) en appelle à – je le cite : « donner un coup de canif dans le pacte scolaire » pour aboutir à un seul réseau – public et sans cours philosophiquement engagés s’entend (cours de religion et de morale laïque, remplacés par des cours de philosophie et de citoyenneté).

Dans le quotidien « le Soir » de ce jour (p.8), l’enjeu s’élargit avec l’intervention du très laïque député socialiste (et médecin) Philippe Mahoux. Ce dernier propose de faire voter une loi, obligeant les établissements de soins (hôpitaux, maisons de repos) subsidiés par l’état à pratiquer des euthanasies. Je le cite : « Aux élus du peuple de trancher ? Soit. Le fait que, pour être agréés, des hôpitaux ou des maisons de repos doivent effectivement appliquer la loi sera clairement inscrit dans une proposition de loi au programme du PS pour la prochaine législature. C’est une question de respect de droit du patient ».

Ces deux prises de position ont le mérité de la cohérence : En finir avec un réseau scolaire philosophiquement situé et avec des institutions de soin ayant une éthique particulière. Face à cela, que va faire l’opinion catholique ? Hurler au scandale et monter aux barricades? Inconséquent – les laïques ne font que jouer le jeu du débat démocratique. Alors ? – pratiquer la politique du gros dos et/ou du ventre mou ? L’histoire récente a démontré le peu d’efficacité d’une réaction attentiste et défensive. Mon conseil serait donc de faire preuve de créativité et de prendre les devants.

Un seul réseau scolaire ? Je ne suis pas persuadé que ce soit la panacée – la diversité des offres scolaires étant un gage d’émulation et de diversité. (Je rappelle que j’ai fait les « deux écoles »). Mais si cela devient le débat du jour, n’ayons pas peur d’en parler. Mais différemment. Revenons à l’esprit de la constitution belge, qui énonce que l’enseignement est libre et que l’état ne supplée qu’en cas de carence. L’enseignement libre avec des pouvoirs organisateurs entre les mains des parents et des enseignants a démontré son efficacité, son fonctionnement à moindre coût et sa capacité de résistance face à la politisation de l’enseignement. Alors – si le réseau unique est la seule option d’avenir – pourquoi ne pas promouvoir un seul réseau libre – sans orientation confessionnelle, mais offrant à chaque pouvoir organisateur le loisir de choisir son orientation philosophique ? Voilà une idée qui trouverait de nombreux partisans dans plusieurs partis politiques, dont les mandataires choisissent souvent de placer leurs enfants… dans les écoles du réseau libre.

Idem pour le monde de la santé. Je trouve que le fait d’avoir des institutions de santé avec différentes orientations philosophiques, est une richesse. Si le fait d’être subsidié par l’état empêche toute forme d’objection de conscience institutionnelle – comme le pense le sénateur Mahoux – au nom de quoi peut-on encore défendre les subsides versés à toute activité culturelle critique du système ? A tous les organes de presse qui s’en prennent aux gouvernants ? A toutes les associations humanitaires qui prônent un pacifisme anti-militaire ? Voire… à tous les partis politiques qui sont dans l’opposition ? Par ces exemples, je ne cherche pas à noyer le poisson, mais à pousser une certaine logique jusqu‘au bout.  

Amis cathos, n’ayons pas peur du débat. Soyons réactifs, avec le sourire et le respect du contradicteur – qui parfois sera un ami. Ne pas être durs, n’implique pas… de devenir mous.

 

Bartho…

Le quotidien « le Soir », confirme ce matin en p.8, ce qui se pressentait depuis peu: C’est donc bien Henri Bartholomeeussen – que j’ai souvent entendu surnommer « Bartho » par ses proches – qui succèdera à Pierre Galand, comme président du Centre d’Action Laïque (CAL). Ancien grand maître du Grand Orient de Belgique (GOB), il fut l’homme qui accepta de débattre en mars 2008 avec le cardinal Danneels, alors Archevêque de Malines-Bruxelles.

Feu, terre, air…

Bartho succède à Pierre Galand, qui lui-même succéda à Philippe Grollet. Trois personnalités fort différentes. Philippe, c’était le feu : excessif dans ses prises de position et ardent dans ses convictions, c’était aussi l’homme libre, capable de sympathies hors frontières. Je garde un excellent souvenir de nos échanges avec son épouse, autour d’une flute de champagne. C’est lui qui m’invita à la passation de pouvoir lors de sa sortie de fonction – et qui souligna ma présence en public. C’est à ses funérailles – au CAL – que sa famille me demanda de prendre la parole.

Pierre Galand, c’était la terre. Il n’est pas l’homme des débats philosophiques. Son apparente allergie à toute prise de parole catholique – que j’ai eue l’occasion de critiquer – me fait penser à une stratégie de vieux militant, qui consiste à décrédibiliser l’adversaire pour le déstabiliser. Par contre, j’admire sa fibre humanitaire. C’est lui qui me fit rencontrer Stéphane Hessel à la foire du livre de Bruxelles, un an avant que son petit livre « Indignez-vous » en fasse une star mondiale. Il m’arrêta dans les couloirs du hall des foires et planta devant moi ce vieux monsieur au regard si jeune, en me lançant un impérieux : « Ecoutez ! » C’est également Pierre Galand qui initia une déclaration commune avec toutes les religions reconnues, demandant des critères de régularisation clairs pour les sans-papiers. Devant les caméras, le cardinal Danneels ne manqua pas de saluer ce geste. Je salue enfin, autour de Pierre Galand – une équipe : Eliane, Jean, Yves… A mes amis catholiques, qui ne voient en ces gens-là qu’une bande de bouffeurs de curé, je dis : On gagne à les connaître.

Après le feu et la terre, avec Bartho adviendrait donc le règne de l’air ? L’homme a quelque chose d’aérien – verbe aisé et haute culture symbolique. Je ne m’attends pas pour autant à une détente laïque face au monde catholique. Les positions du futur président sur l’enseignement pourraient ainsi valoir quelques turbulences. Mais, si je puis me permettre de lui donner un conseil, ce serait celui de ne pas clore un débat avant qu’il ne soit entamé. Au lieu de hurler au crime à chaque fois qu’un évêque ouvre la bouche, j’espère que Bartho dira plutôt : « Je ne suis  pas du tout d’accord avec vous, mais je vous sais gré de vous exprimer. Parlons-en librement et écoutons-nous ». Ce n’est pas à un initié au « pavé mosaïque » que je dois apprendre qu’en démocratie, c’est de la rencontre des contrastes que naît le sens citoyen. Bartho avait jadis ouvert la voie en dialoguant avec un Cardinal-Archevêque. J’espère qu’il poursuivra sur cette route, en rencontrant les évêques, ainsi que des croyants de toutes religions, afin que le respect de l’autre puisse aussi se manifester par la reconnaissance de combats communs, ainsi que par l’écoute de ce qui nous différencie, voire nous oppose. Bonne chance à lui. Et tous mes vœux à Pierre Galand, qui poursuit son engagement au niveau européen.

 

« La gifle » – 7e dimanche de l’Année, Année A

«Eh bien, moi je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. (…) Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent. »  (Matthieu 5, 38-48)

Dans la logique des humains, il y a ceux que nous considérons comme alliés et ceux que nous voyons comme adversaires. Les premiers nous paraissent naturellement sympathiques, au contraire des seconds – bien plus antipathiques. La parole du Christ bouleverse ces évidences, telle une gifle à notre bonne conscience. Accueillir le regard d’amour inconditionnel que Dieu pose sur chacune de nos vies, n’est possible qu’à celui qui pose un regard similaire sur son prochain. Si cela ne transforme pas la terre en un lieu où tout le monde « il est beau et gentil », cela fait en sorte que même l’ennemi est considéré comme un frère en Christ. Malgré nos désaccords et conflits, il s’agit de prier pour lui. Et s’il nous fait du mal, à nous de vouloir son bien. En recommandant cela, Jésus ne nous en demande-t-Il pas trop ? A vue humaine, sans aucun doute. Seul l’Esprit peut nous inspirer un amour à la mesure de Dieu – c’est-à-dire… sans mesure. Demandons donc la force de l’Esprit.