Impôt sur la fortune – 32° dimanche, Année B

« Ils ont pris sur leur superflu. Elle a pris sur son indigence ». (Marc 12, 38-44)

Les Juifs pieux contribuaient au culte du temple de Jérusalem en fonction de leur fortune. Si Jésus fait l’éloge d’une pauvre veuve qui ne dépose que deux piécettes, plutôt que des notables qui versent de grosses sommes, ce n’est pas de sa part une exaltation de la pauvreté, ou… une invitation à moins donner à la collecte. Ce que le Christ souligne, c’est qu’un don a plus de prix quand il requiert ce dont nous sommes indigents. Un riche qui verse une grosse somme, ne le sentira que peu. Cette pauvre veuve, qui a du mal à boucler ses fins de mois, donne – quant à elle – une part de ce qui lui est nécessaire pour vivre.

De la même façon, une personne « overbookée », montre à ses enfants qu’ils comptent, en leur consacrant du temps. Et un baptisé qui croule sous les activités, se rappelle l’importance de Dieu en dégageant du temps pour la prière. D’ailleurs, soyons francs : Quand quelque chose est vraiment important, nous nous donnons les moyens pour l’obtenir. Et souvent, nous y parvenons. Voilà pourquoi les adolescent(e)s qui n’ont « vraiment pas le temps » d’étudier et encore moins de prier, trouvent souvent du temps pour leur amoureux(se) et leurs loisirs…  😉

In memoriam Bernard Michelet

En ce 2 novembre, jour de prière pour les défunts dans l’Eglise catholique, j’ai participé aux funérailles d’un apôtre. La petite église de village, dans la campagne gantoise, était bondée et de nombreuses personnes suivaient la célébration à l’extérieur de l’édifice. Une dizaine de prêtres concélébraient autour de l’évêque de Bruges, ami de la famille. Dans l’assemblée, toutes les tendances de l’Eglise de Belgique étaient représentées.
—-
Bernard Michelet, né en 1960, était un époux et père de famille, engagé dans d’innombrables oeuvres chrétiennes, dont Aide à l’Eglise en Détresse (Aid to the Church in Need) dont il présidait la branche belge depuis trois ans.
Quand il a fallu trouver un nouveau président, je l’ai encouragé à accepter cette responsabilité, ce qu’il finit par accepter par esprit de service.
Toujours calme, mais déterminé, il prenait des décisions avec le souci du bien de l’Eglise et du respect des personnes.
—-
Une crise de cardiaque aussi fatale qu’inattendue a mis, en début de semaine, un terme à sa vie terrestre.
Puisse le Dieu de l’amour accueillir cet homme de foi, d’espérance et de charité.
Prions pour lui, pour son épouse et ses deux filles, ainsi que pour toutes les oeuvres qu’il portait à bout de bras.
A Dieu, cher Bernard.

« Les Plus-que-Vivants » – Toussaint

«Heureux…» (Matthieu 5, 1-12)

L’Eglise catholique fête ce 1er novembre, tous les saints. La sainteté, ce n’est pas une médaille pour super-chrétiens. La sainteté, c’est la vie de Dieu qui se manifeste dans un homme ou une femme ordinaire. Centrés sur nous-mêmes, nous vivotons avec nos égoïsmes, peurs et frustrations. Bref, tout ce qui fait naufrage avec la mort. Avec l’Esprit de Dieu – soit l’Esprit qui est « saint » – notre humanité se déploie et prend un goût d’éternité.

C’est ce que proclament les Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœurs ; heureux les doux ; heureux ceux qui ont faim et soif de justice… » ; car – si leur existence n’en sera pas facilitée – elle deviendra tellement plus vivante. Et même la mort ne pourra rien contre cela, mais ouvrira un passage vers la Résurrection.

Les saintes et saints sont donc ces personnes – connus ou anonymes – qui, sur terre, se sont laissés bouleverser par l’Esprit des béatitudes. Au jour de leur décès, leur course terrestre s’achève, mais – en Dieu – ils deviennent plus-que-vivants. Voilà pourquoi à ceux qui les invoquent, ils servent de premiers de cordée sur le chemin de la conversion. La communion des saints est cette solidarité profonde qui unit spirituellement les vivants sur terre et les vivants en Dieu.

Clairvoyance – 30° dimanche, Année B

« Rabbouni, que je voie ». (Marc 10, 46-52)

Une foule opaque entoure le Maître, qui fait son entrée à Jéricho. Jésus est alors au sommet de sa popularité. Aujourd’hui, ses « fans » lui demanderaient sans doute des selfies et de signer des autographes. Derrière la masse, un homme est assis dans l’anonymat. Il est aveugle. Pourquoi tous ces gens ? Il se renseigne. Apprenant que c’est le guérisseur de Nazareth qui passe, il crie sa détresse. Mais aussi un début de foi : « Fils de David » est, en effet, un titre  messianique. On essaie de le rabrouer, mais il insiste. Jésus entend et le fait venir. « Ta foi t’a sauvé », lui dit-il. Et l’homme voit.

Jésus n’avait pas pour mission de guérir tous les aveugles de Palestine. Il se laissa néanmoins toucher par la demande confiante de cet homme et, ce faisant, nous laissa un signe du Royaume : « les aveugles voient ». Tous, nous souffrons de cécité ou de myopie spirituelle. D’ailleurs, notre pire défaut est celui que nous refusons de voir en nous et qui, dès lors, nous mine de l’intérieur.

Ne nous reposons donc pas trop sur notre clairvoyance. Demandons au Christ dans nos prières : « Fais que je voie ». Et Lui nous répondra : « Ta foi t’a sauvé ».

In memoriam Gustavo Gutierrez (1928-2024)

Etudiant à Rome, il y avait un jeune de la chorale de Rock chrétien du lycée français dont je m’occupais, qui était le fils d’un journaliste péruvien, réfugié politique. Il m’apprit un jour que son parrain était le père Gustavo Gutierrez.
A l’époque, le nom du « père de la théologie de la libération » sentait un peu le soufre, mais je ne suis pas homme à juger sans connaître.
—-
Quand ce jeune chercha à poursuivre des études universitaires en Belgique quelques années plus tard, je l’accueillis dans le presbytère que je partageais avec mon curé du moment. Il y avait une petite chambre de libre et, comme le curé était malade et que je m’absentais plusieurs jours par semaine pour mes études, je trouvais la solution bonne pour qu’il y ait une présence dans la maison.
Quelques temps plus tard, il demanda de recevoir le sacrement de la confirmation et me proposa de devenir son parrain de confirmation. C’est là que je reçus un coup de téléphone gracieux du parrain de baptême depuis le Pérou, qui m’exprimait sa joie devant ce cheminement.
—-
Plus tard, devenu recteur du séminaire de Louvain-la-Neuve, je reçus le père Gutierrez et il parla avec profondeur aux séminaristes. Il n’avait rien du guérilléro rouge. C’était même plutôt classique.
Il me dit en aparté: « je suis le premier à avoir utilisé le terme de théologie de la libération… Cela ne signifie nullement que je sois d’accord avec tout ce qui est dit, ou écrit sous ce vocable. »
—-
Le père Gustavo était un érudit. Je l’avais emmené à la librairie religieuse UOPC et il regardait toute cette littérature comme un enfant dans un magasin de jouet. Il acheta d’ailleurs plusieurs ouvrages qu’il n’aurait pas pu trouver au Pérou.
—-
RIP, cher père Gustavo.
Merci de veiller sur l’Eglise, afin que le pouvoir libérateur de l’Evangile du Christ puisse souffler sur notre terre.

Tractations post-électorales – 29° dimanche, Année B

 « Vous ne savez pas ce que vous demandez ». (Marc 10, 35-45)

Jacques et Jean – les fils de Zébédée – veulent pousser leur avantage au sein du groupe des douze. Objectif  stratégique: le jour où Jésus aura pris le pouvoir à Jérusalem, se voir attribuer les meilleurs postes dans le gouvernement. Pour ce faire, ils prennent le Maître à part et lui demandent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ».

On se croirait en pleine tractation post-électorale pour la formation d’un collège communal. Et Jésus de soupirer : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » « Nous le pouvons ! », répondent en chœur les présomptueux. Ils n’ont décidément rien compris. Le jour où le Fils de l’homme sera élevé en gloire, ce sera sur une croix. Plus personne ne se battra alors pour siéger à sa droite ou à sa gauche. Un douloureux privilège réservé à deux vauriens.

La gloire de Dieu – c’est l’amour jusque sur une croix: « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ».    

Le chameau et le trou de l’aiguille – 28° dimanche, Année B

 « Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer ». (Marc 10, 17-30)

Un fils de bonne famille vient voir Jésus et lui demande : « Que faire pour être sauvé ? » Réponse du Christ : « Ne tue pas, ne vole pas, ne fais pas de faux témoignages… Bref, conduits-toi en être humain et respecte les commandements ».

Mais le jeune idéaliste veut plus. Tout cela,  il l’a observé depuis sa jeunesse. Comment vivre une vie selon le cœur de Dieu ? Alors Jésus pose son regard sur lui et se met à l’aimer : « Si tu veux décrocher la lune, laisse tout derrière toi et suis-moi ». Le jeune homme s’en va bien triste, car cela – c’est trop lui demander.  Et Jésus de dire : « Qu’il est difficile pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu… Il est plus facile pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille ».

Le Christ ne condamne pas la richesse matérielle. Mais Il constate que celle-ci est souvent un obstacle pour vivre l’Evangile. Celui qui veut simplement « ne pas déplaire à Dieu », qu’il se contente de respecter le commandements. Mais celui qui cherche l’intimité avec le Christ, qu’il mette toute forme de richesse – avoir, pouvoir, valoir – au service de l’Evangile. Car les richesses alourdissent le cheminement. Comment un chameau chargé de bagages pourrait-il passer par le trou d’une aiguille ?

L’exigence de Jésus est celle de l’amour. Est-ce trop demander? Aux disciples déconcertés, le Christ ajoute : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu. Tout est possible à Dieu ». Heureusement d’ailleurs, car la plupart d’entre nous restons des chameaux, lourds de vaines richesses. Mais Dieu dilate le trou de l’aiguille à la mesure de son infinie miséricorde.    

Quand le meilleur devient le pire – 27° dimanche, Année B

« Au commencement de la création, Il les fit homme et femme ». (Marc 10, 2-16)

« Les hommes viennent de Mars et le femmes de Vénus… ». Un titre de best-seller qui résume bien que l’union conjugale n’est pas une affaire de sentiments à l’eau de rose. Elle est si mince, la frontière qui sépare l’« alliance des sexes » de la « guerre des sexes ». Quand l’amour est soumis à l’épreuve de la durée, le meilleur se révèle toujours – à un moment donné – sous le visage du pire.

Il y a un demi-siècle encore, les couples qui se séparaient, étaient mis au ban de la bonne société catholique. Cette attitude n’était pas digne de l’Evangile. Aujourd’hui – avec sept mariages sur dix qui connaissent le naufrage – il y a lieu de s’interroger. Outre la souffrance des partenaires, il y a le coût social que cela représente pour l’éducation des enfants.

Se lamenter ou condamner tous-azimuts, ne sert cependant à rien. Le rôle prophétique des chrétiens n’est pas de juger ceux qui connaissent l’échec, mais de rappeler le rêve de Dieu : « L’homme quittera son père et sa mère. Il s’attachera à sa femme. Tous deux ne feront plus qu’un ». La suite n’est pas une menace, mais une prière : « Ce que Dieu a uni, que l’homme le sépare pas ».

Pape et polémiques

Cela fait des mois que le Comité national belge en charge du voyage apostolique du Pape en Belgique, a porté l’organisation de cette visite de trois jours.
Faisant partie de celui-ci, je salue les bénévoles et acteurs d’Eglise qui le composent: hommes et femmes d’un grand dévouement et d’une belle efficacité.
Moi-même, cela fait des semaines et des semaines, que je «  dors, bois, mange de la visite du Pape ».
Comme je disais en riant: j’étais heureux de le voir arriver et soulagé de le voir repartir.
Cela s’est vécu et ce fut une belle réussite.
L’Eglise de Belgique a su se montrer à la hauteur de l’événement et ceux qui pensaient que le Stade Roi Baudouin ne pourrait se remplir, se sont trompés.
Le Pape a laissé à notre église, ces trois maîtres-mots: évangélisation, joie et miséricorde.
Tout un programme.
—-
Evidemment… d’aucuns se sont époumonés à faire en sorte que le succès de cette visite soit noyé sous le tumulte parasite des polémiques.
Cela a commencé dès jeudi soir avec la question des abus sexuels. Je me suis retrouvé dans une émission radio, durant laquelle je dus reprendre de volée un journaliste, pourtant expérimenté, qui racontait à l’antenne que l’Eglise avait exfiltré l’ancien évêque de Bruges, pour qu’il échappe à la justice, vu « qu’il n’y avait pas de prescription pour abus sur mineurs ».
J’ai dû rappeler qu’à l’époque, la prescription existait et que – bien au contraire – l’Eglise aurait été heureuse que la justice belge puisse juger le prélat déchu: mais voilà… les faits étaient prescrits.
Puis, il y a eu l’invitation faite au Pape à s’adresser à la Nation au Palais Royal de Laeken.
D’aucuns se sont essayés à attaquer la Couronne (faisant le jeu des séparatistes, qui n’en demandaient pas tant), volontairement oublieux que cette décision était politiquement couverte par le Gouvernement.
Et puis, certains se sont donnés beaucoup de mal pour dire que la visite était un succès « mitigé », alors que les plus de 38000 participants à la célébration finale, illustrent le contraire.
—-
En entendant tous ces persifflages fondés sur une réalité alternative, je me suis dis que Donald Trump n’est pas une exception.
Plus fondamentalement, je souligne avec le sourire, que – si le catholicisme belge était aussi mort que ces critiques le présentent – ils ne se donneraient pas tant de mal pour le détruire.
Messieurs les critiques, ne vous donnez pas tant de peine.
Soit le christianisme, comme vous le pensez, n’est qu’un phénomène humain et il s’écroulera de lui-même, comme toutes choses en ce monde.
Soit le christianisme, comme je le crois, vient de Dieu. Alors… personne – ni vous par vos attaques, ni moi par ma tiédeur – n’arrivera à le détruire.
—-
En fin de visite, notre Pape à donné de quoi alimenter le moulin à polémiques.
D’abord en reprenant à l’université de Louvain une image qui associe la femme à l’image de l’Eglise, ce qui s’oppose frontalement aux thèses féministes.
Que le sujet mérite débat, parfait. Mais que l’on balaie le propos par un choeur de protestations face à la parole de celui qu’on a invité, cela me semble surprenant pour des  universitaires, formés au dialogue libre et respectueux…
Ensuite, François a annoncé à la surprise générale (en ce compris des évêques de Belgique) son désir de voir la béatification du Roi Baudouin, soulignant que ce dernier s’était abstenu de signer une loi « homicide » (« legge omicida »).
Le Pape a même enfoncé le clou dans l’avion de retour, en comparant les médecins qui avortent à des « tueurs à gages » (ce n’est pas la première fois qu’il s’exprime ainsi).
—-
Cette image-choc, je ne l’utiliserais pas, car l’intention des médecins est autre et ils oeuvrent dans le cadre de la loi.
Pourquoi le Pape agit-il ainsi, avec des propos qui provoquent la stupeur ?
« De la stupeur, nait la philosophie », répondra-t-il.
En mettant les pieds dans le plat, le pape rappelle avec force que le débat concernant l’avortement, ne concerne pas que « le droit des femmes à disposer de leur corps », mais aussi et d’abord, la question de la protection de la vie à naître.
D’ailleurs toutes les législations du monde le reconnaissent implicitement, en mettant des frontières temporelles à la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse.
Dans les discours sur l’avortement dans notre pays, cet enjeu central est volontairement évacué: j’en ai fait tant de fois l’expérience, lors de débats et dans les médias. Il s’agit d’une stratégie du déni, que la parole forte du pape invite à démasquer.
Quelles que soient nos opinions sur l’avortement, celui-ci n’est pas simplement un droit de santé reproductive, comme le prétendent d’aucuns. L’avortement est un acte grave où se joue la vie à naître.
Maquiller cette réalité, signifie tronquer tout débat à son sujet.
—-
Une éditorialiste titrait ce lundi 30 : « ce n’est pas le Pape qui fait les lois, alléluia ». 
Très juste et c’est bien ainsi que fonctionne une démocratie, mais une personnalité spirituelle peut – et même « doit » – questionner ces lois, que ce soit à Lampedusa pour les migrants ou en Belgique pour la bioéthique.
Hier soir, une personnalité laïque traitait le Pape d’extrême-droite…
Dire cela d’un homme, qui est depuis des années la cible fétiche de tous ceux qui ont fait de la peur des immigrés leur fond de commerce, est un contre-sens criant et idiot.
Mais cela permet d’essayer d’effacer auprès du public, les fruits de l’indéniable réussite de ce voyage apostolique.
Accueillons ces polémiques avec calme et bienveillance…
Le jour où l’Eglise ne sera plus sujet à opposition et débat, c’est qu’elle aura renoncé à secouer les consciences – à la manière de Jésus.