Etonnant échange… – Baptême du Seigneur, Année C

« Moi, je vous baptise d’eau (…). Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. » (Luc 3, 15-22)

Les premiers chrétiens étaient surpris d’apprendre que Jésus avait reçu le baptême de Jean. Comment s’expliquer que Celui qui est sans péché, reçoive un baptême de conversion – un baptême destiné aux pécheurs ?

Et pourtant, c’est ainsi. Avant d’entamer Sa mission publique, le Christ se rend pleinement solidaire du destin des hommes. J’ai visité le lieu où – selon les Ecritures – Jean baptisait. Le fleuve y est boueux, car il charrie toutes les impuretés transportées depuis sa source. Celui qui est plongé dans le Jourdain à cet endroit, ressort de l’eau plein de boue – comme chargé du poids de péché des hommes. En demandant le baptême de Jean, c’est de cette boue humaine que le Christ se charge.

Jésus se rend solidaire de notre condition pécheresse pour nous rendre solidaire de son intimité avec le Père, dans l’Esprit. Par notre baptême chrétien, nous sommes plongés dans la vie et la mort du Christ pour ressusciter avec Lui. Etonnant échange : Lui se charge de notre boue, afin que nous soyons revêtus de Sa lumière. Comme prophétisa Jean : « Moi, je vous baptise d’eau (…). Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. »

Bouddhisme et blague belge: critique de ma dernière chronique dans La Libre et ma réponse

J’ai reçu une lettre ouverte d’André Lacroix, qui parle de « blague belge » dans le fait que le bouddhisme cherche à se faire reconnaître comme philosophie non confessionnelle. Je lui réponds que la « blague belge », c’est que des laïques violent la neutralité de l’Etat en matière convictionnelle pour les en empêcher. 

Lettre ouverte à M. Éric de Beukelaer, Vicaire général de Liège (04/01/2025)

Monsieur le Vicaire général, Cher Monsieur de Beukelaer,

Au sujet de la reconnaissance du bouddhisme comme philosophie non confessionnelle, votre nouvelle chronique parue dans La Libre Belgique du 31/12/2024 (1) me donne l’occasion de reprendre un échange auquel vous avez mis fin le 14/07/2024.

Indépendamment de toute polémique avec le CAL ‑ en déplorant toutefois le ton blessant de votre chronique du 09/07/2024 (2) ‑ force m’est de constater que, d’un point de vue strictement intellectuel, la prétention de l’UBB ne tient pas la route.

Cela crève les yeux (pour autant qu’on n’ait pas déjà subi une énucléation oculaire) : pour tous les bouddhistes, qu’ils se revendiquent du Theravada, du Mahayana ou du Vajrayana, le bouddhisme est une religion et est pratiqué comme telle.   Seule exception au monde : une initiative belgo-belge ; l’UBB voudrait faire en sorte que, par un coup de baguette magique, une religion se transmute en philosophie non confessionnelle.  Rien d’ailleurs ne prouve que, en privé ou en communauté, nombre de bouddhistes belges ne pratiquent pas leur bouddhisme comme religion…

La sociologue française Nathalie Heinich énumère quatorze fonctions qui caractérisent les religions d’un point de vue sociologique : les fonctions séparatrice, figurationnelle, rituelle, sotériologique, thaumaturgique, cultuelle, sacrificielle, mystique, charismatique, communautaire, éthique, culturelle, institutionnelle et politique (3). Le bouddhisme coche toutes les cases. 

 L’absence d’un dieu dans le bouddhisme ne suffit pas à en faire une philosophie non confessionnelle.  Ce serait oublier notamment sa dimension sotériologique qui lui est inhérente.  Comme l’écrit l’érudit belge Louis de la Vallée-Poussin (4), le bouddhisme « est né et a vécu du sentiment de la survie et de la rémunération des actes, de la foi en un salut éternel… En faire un rationalisme, c’est s’interdire d’y rien comprendre. »

 Lorsqu’au milieu du 19e siècle le missionnaire lazariste français Évariste Huc est arrivé à Lhassa, ce qui l’a le plus frappé, en contraste avec le « matérialisme » du reste de la Chine, ce sont les pratiques et la pompe religieuses et leur ressemblance avec le catholicisme. La crosse, la mitre, la dalmatique, la chape ou pluvial, que les grands Lamas portent en voyage, ou lorsqu’ils font quelque cérémonie hors du temple ; l’office à deux chœurs, la psalmodie, les exorcismes, l’encensoir soutenu par cinq chaînes, et pouvant s’ouvrir et se fermer à volonté ; les bénédictions données par les Lamas en étendant la main droite sur la tête des fidèles ; le chapelet, le célibat ecclésiastique, les retraites spirituelles, le culte des saints, les jeûnes, les processions, les litanies, l’eau bénite : voilà autant de rapport que les bouddhistes ont avec nous (5). Jamais il ne serait venu à l’idée de Huc de considérer le bouddhisme autrement que comme une religion.

Et encore notre brave missionnaire oublie-t-il de mentionner une autre similitude entre le bouddhisme et le catholicisme : le culte des saints s’accompagnant d’une vénération assidue de leurs reliques, une pratique éminemment religieuse et totalement incompatible avec une philosophie non confessionnelle : jamais il ne viendrait à l’esprit de quiconque de vénérer d’hypothétiques reliques d’Aristote, d’Hypatie, de Spinoza, de Voltaire ou de Nietzsche.

La prétention de Carlo Luyckx, c’est donc, selon les points de vue, une première mondiale ou bien une blague belge, voire même une injure à l’intelligence.  C’est en tout cas une marque de mépris pour une série d’éminents spécialistes, comme Donald S. Lopez(6) ou Bernard Faure (7), ainsi que pour le bouddhiste érudit Philippe Cornu, Président de l’Université bouddhique européenne, chargé de cours à l’INALCO et professeur à l’UCL (8) : je n’arrive pas à comprendre ce qui a pu motiver Luyckx et consorts à snober une telle Autorité.

Peut-être espéraient-ils ainsi se faire mieux accepter dans un monde moderne désacralisé en manque de repères spirituels, en détachant le bouddhisme de toutes ses caractéristiques intrinsèquement religieuses et en le présentant comme une sagesse philosophique dont tout un chacun peut faire son miel.  Cela ressemble fort à une tromperie sur la marchandise, comme le démontrent deux chercheuses francophones, l’une française (9) et l’autre belge (10) ?

Si le temps vous manque de vous plonger dans la lecture de tous ces ouvrages, vous aurez bien un quart d’heure pour écouter l’intervention du Professeur Jean Leclercq, lors de la séance du 12/03/2024 de la Commission Justice de la Chambre des représentants (11).  Il y démontre magistralement que la prétention de l’UBB est infondée au regard de la raison. J’ajouterais pour ma part qu’elle est aussi contreproductive dans les faits. Car il va de soi que si l’UBB avait tout simplement demandé sa reconnaissance au même titre que les cinq autres cultes déjà reconnus, il y a longtemps qu’elle aurait obtenu gain de cause.  On voit mal un prêtre, un pasteur, un rabbin ou un imam mettre son véto à la cooptation d’un lama au sein de leur groupe.

Toujours ouvert à la discussion, je vous prie d’agréer, Monsieur le Vicaire général, cher Monsieur de Beukelaer, l’expression de ma meilleure considération.

André Lacroix

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(1) https://www.lalibre.be/debats/opinions/2024/12/31/que-chacun-dans-ce-pays-laisse-les-bouddhistes-se-definir-Y7R2WLOFV5GSNEMJW5FLFES4LQ/

(2) https://www.lalibre.be/debats/opinions/2024/07/09/laicite-quand-le-chien-berger-devient-enrage-YB3KRUCWJBD4BIOR2ZLULW2VB4/
(3) Voir : http://www.revue-interrogations.org/Pour-en-finir-avec-le-religieux ou, en plus bref, http://www.seraphim-marc-elie.fr/2017/12/14-fonctions-pour-analyser-les-religions-d-un-point-de-vue-sociologique.html).

(4) cité par Bernard Faure, Idées reçues sur le bouddhisme. Mythes et réalités, éd. Le Cavalier bleu, 2016, p. 46.

(5) Évariste HUC, Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844, 1845 et 1846, Casterman, Tournai, 1850 p. 237).  En 2001, les éditons Omnibus ont republié ce récit passionnant, légèrement modernisé et accompagné d’une carte du trajet effectué par Huc et son compagnon de 1844 à 1846.

(6) Donald S. Lopez, Fascination tibétaine. Du bouddhisme, de l’Occident et de quelques mythes, éd. Autrement, 2003 (le titre de l’original en anglais est nettement plus suggestif : Prisoners of Shangri-la. Tibetan Buddhism and the West).

(7) Bernard Faure, op. cit.

(8) À lire son remarquable essai Le bouddhisme est-il une philosophie du bonheur?, éd. du Seuil, 2013 (en particulier les pp. 59, 88 et 169).

(9) Marion Dapsance, Qu’ont-ils fait du bouddhisme ? Une analyse sans concession du bouddhisme à l’occidentale, éd. Bayard, 2018.

(10) Élisabeth Martens, La méditation de pleine conscience. L’envers du décor, éd. Investig’Action, 2020.

(11)https://www.lachambre.be/media/index.hhttps://www.lachambre.be/media/index.html?language=fr&sid=55U4730 (de 11:10 à 25:29).

 

MA REPONSE:

Cher Monsieur Lacroix,

Je me permets de vous répondre et, puisque votre lettre est ouverte, de l’ouvrir également, en la plaçant sur mon blog.

Comme vous ne semblez pas (vouloir) le comprendre, ma chronique se situe au niveau juridique, qui reste ma formation de base. Et le droit est le socle de l’Etat de… droit. Il n’y a pas à ergoter ; le Conseil d’Etat est clair : « Le choix de la reconnaissance entre un culte et une organisation philosophique non confessionnelle, est une question interne à ce culte ou cette organisation philosophique non confessionnelle. » (12/06/23)

C’est bien ici que la volonté des bouddhistes de ne pas être reconnu comme « Gods-dienst » est à prendre en compte, sans que d’autres ne s’en mêlent. Depuis quand une « philosophie non confessionnelle » serait-elle confinée à ne recueillir que les « rationalismes » comme vous l’écrivez? D’ailleurs, vous savez comme moi que la galaxie laïque ne compte pas que des rationalistes, loin de là. C’est ici que ce situe le gros malaise. Vous écrivez: «  Car il va de soi que si l’UBB avait tout simplement demandé sa reconnaissance au même titre que les cinq autres cultes déjà reconnus, il y a longtemps qu’elle aurait obtenu gain de cause.  On voit mal un prêtre, un pasteur, un rabbin ou un imam mettre son véto à la cooptation d’un lama au sein de leur groupe. » Exact. Si les catholiques s’étaient opposés à la reconnaissance du bouddhisme comme « religion », parce qu’ils ne reconnaissent pas de « Dieu », cela aurait fait un pétard national et le CAL aurait été le premier à dénoncer cette interférence. Evidemment, jamais les catholiques n’auraient fait cela. Alors, pour l’amour du ciel ou du pavé mosaïque, dites-moi ce qui autorise les laïques à intervenir dans ce débat? Et oui, en écrivant cela, je suis encore furieux.

Vous parlez du « ton blessant » de ma chronique de juillet. C’est l’hôpital qui se moque de la charité. Les laïques ne se sont jamais privés de critiquer durement les responsables catholiques et cela serait apparemment tout à fait normal. Mais il leur semble, par contre, inacceptable que je me permette, tout en reconnaissant que « la laïcité est utile à la démocratie » et en reconnaissant qu’ «  elle compte dans ses rangs des personnalités de qualités » d’avertir: « Toute volonté hégémoniste de devenir doctrine d’État, ou posture condescendante envers le monde religieux, devrait lui être étrangère. Désertant sa mission de rappeler la centralité de la Raison dans la Cité et le rejet de toute contrainte religieuse, la laïcité deviendrait alors ce qu’elle condamne… par retour du refoulé. » Intouchable dans le débat démocratique, la laïcité? Et, au nom de quoi, je vous prie?

Alors, voilà ce qui me met TRES en colère: cette prétention implicite, heureusement pas partagée par tous les laïques, qu’il y aurait deux catégories de citoyens en démocratie: le peuple des profanes, englués dans leurs errances religieuses et dont les avis seraient donc à traiter avec prudence. Et puis, l’élite des initiés laïques, qui auraient le droit de décider à la place des autres, de ce qui est religieux et ce qui ne l’est pas. Non, Monsieur Lacroix, en état de droit, il n’y a que des citoyens égaux en droits et en devoirs. Les avis du Conseil d’Etat valent donc pour chacun, ne vous en déplaise.

Posons-nous, en outre, la question de savoir en quoi cela dérangerait les laïques d’avoir des bouddhistes à leur côté? Je ne suis pas d’accord avec beaucoup de choses que disent les musulmans sur Dieu et pourtant, je n’ai pas de souci à les accueillir comme « religion » à côté du catholicisme. En quoi ne serait-il pas supportables pour les laïques d’avoir d’autres convictions, différentes, à leur côté ? A moins de vouloir se présenter comme les seuls représentants de la neutralité de l’Etat… Je le répète: ce serait là une prétention hégémonique, totalement inacceptable.

Bref, s’ił y a bien une « blague belge », elle se situe dans le camp laïque. Voilà des personnes qui se veulent les représentants d’un état libre d’interférences des convictions religieuses et philosophiques sur le politique et qui interfèrent dans une démarche politique entre l’Etat et une autre conviction, transgressant de la sorte la neutralité de l’Etat.

Bien cordialement,

EdB

 

Suivre l’étoile – Epiphanie du Seigneur, Année C

« Les mages ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe ». (Matthieu 2, 1-12)

« Epiphanie » signifie en grec : « manifestation ». Dans le calendrier chrétien, cette fête est plus ancienne que celle de la Nativité (fixée en 354 par le pape Libère à la date du solstice d’hiver – soit le 25 décembre). Jusqu’au milieu du IVe siècle, se célébrait au cours de l’épiphanie toutes les manifestations du Christ sur terre : de sa naissance à son premier miracle, lors des noces de Cana. Aujourd’hui, l’Eglise latine fête l’Epiphanie avec le récit des mages : elle voit dans le périple de ces trois sages suivant l’étoile depuis fort loin, le signe de la manifestation de la lumière du Christ à toutes les nations.

En ce dimanche de l’Epiphanie, prions donc spécialement avec nos frères chrétiens du monde entier. Race, langue, culture nous séparent – mais le Christ est la grande lumière qui fait notre unité. Comme les mages, venons l’adorer et offrons-lui, avec cette année nouvelle –  toutes nos réussites (l’or, symbole de tout ce qui est précieux), tous nos échecs et souffrances (la myrrhe, une herbe amère) et toutes nos prières (l’encens, ce parfum dont la fumée monte vers le ciel).

Oui, mettons-nous en route en 2025. Suivons l’étoile. Allons vers l’Enfant de la crèche, qui manifeste la lumière de l’amour de Dieu pour notre monde.

Crise d’adolescence ? – Sainte Famille, Année C

« C’est chez mon Père que je dois être. » (Luc 2, 41-52)

L’évangéliste Luc rapporte le surprenant épisode d’un Jésus, âgé de douze ans, qui fausse compagnie à Joseph et Marie pour demeurer dans le Temple de Jérusalem. Cette « fugue » est-elle le symptôme d’une crise d’adolescence ?

Oui et non. Non, car le jeune Jésus n’est nullement en révolte contre l’autorité parentale. Mais oui, en ce sens que l’adolescence est le commencement de l’autonomie adulte. Autonomie qui passe par une prise de distance par rapport au cocon familial. Arrivés à l’adolescence, les enfants adoptés recherchent souvent leurs parents biologique – non pas par ingratitude envers les parents adoptifs – mais afin de découvrir leurs racines.

C’est un peu ce que fait Jésus en séjournant dans le Temple – lieu symbolique de la présence de Dieu en Israël. Quand Marie et Joseph le retrouvent après trois jours de recherche, sa mère lui lance de façon humainement bien compréhensible : « Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! » Alors Jésus rétablit son lien de filiation : « Ne le saviez-vous pas ? C’est chez ‘mon’ Père que je dois être. »

L’enfant Jésus se dévoile à eux comme le Christ. Plus tard, Il invitera ses disciples à quelque part l’imiter : « N’appelez personne votre « père » sur la terre : car vous n’en avez qu’un, le Père Céleste. » (Mathieu 23:9) Il ne s’agit pas de rejeter nos parents selon la chair, mais de comprendre que selon l’Esprit, seul Dieu donne vie.

Le début d’un monde nouveau – Nativité du Seigneur, Année C

« Aujourd’hui vous est né un Sauveur. » (Luc 2, 1-14)

L’année s’achève. Elle fut difficile pour nombre de nos concitoyens. Beaucoup se demandent : « où va notre société ? »

Et pourtant…  avec Noël, nous célébrons le début d’un monde nouveau.  Un monde où l’homme n’est plus jamais totalement seul. En l’Enfant de la Crèche, Dieu fait une alliance de chair avec l’humanité. Désormais, le Très-Haut verra le monde avec nos yeux, sentira les odeurs avec nos narines et le goûtera les saveurs avec notre langue. Il partagera nos joies et nos peines, l’amitié comme la trahison, la vie comme la mort. Et de son premier cri de nouveau-né jusqu’à dernier souffle de supplicié, c’est d’Amour infini qu’Il embrassera la terre.

Cette nuit-là, à Bethléem, un monde nouveau est né. Un monde qu’aucune violence ne peut défaire. « Qui nous séparera de l’amour de Christ ? Sera-ce la tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l’épée ? (…) J’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur. » (Romain 8, 35-39)

Avec Noël, est né un monde qui a la solidité de Dieu. « Aujourd’hui vous est né un Sauveur. »

« Chut… ! » – 4e dimanche de l’Avent, Année C

« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » (Luc 1, 39-45)

Bientôt Noël.

Certains vivent cette période dans l’agitation, car ils reçoivent à la maison leurs enfants et petits-enfants. Il y a un repas à préparer, une dinde à commander, un sapin à décorer et des cadeaux à trouver. D’autres vivent ce temps dans une relative solitude. Peu de gens viendront les voir et ils ne sont guère attendus.

Dans un cas comme dans l’autre, essayons de ne pas vivre Noël « du dehors », mais bien « de l’intérieur ». Prions Marie. Elle nous y aidera. Alors – « chut… !» – faisons un instant silence. Afin que notre cœur devienne une crèche intime. Une crèche où l’Esprit pourra faire naître l’Enfant-Dieu.

Comme cela s’accomplit d’une façon unique pour la Vierge. Afin que l’on puisse dire de nous, ce qui est proclamé à son sujet : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »   

Gaudete… – 3e dimanche de l’Avent, Année C

« Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. » (Luc 3, 10-18)

Le troisième dimanche de l’Avent est surnommé ‘Gaudete’ – dimanche de la joie. Pour nombre de nos contemporains, il y a peu de joie en ce temps de fin d’année. Notre société de consommation a fait de Noël la fête de la réussite : belle famille, bonne santé, beaux cadeaux. Beaucoup sont privés de tout cela. Le mois de décembre leur rappelle donc plus cruellement encore, l’échec de leur vie. Certains crient leur colère, d’autres se cachent pour ne pas être exposé à la honte de la précarité.

Jean Baptiste invite à un autre chemin vers la joie – celui du partage et de la droiture : « Ne faites de violence à personne ; n’accusez personne à tort et contenez-vous de votre salaire. » Celui de l’attente, aussi : « Il vient Celui qui est plus puissant que moi. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu ».

Le feu de l’Esprit réchauffe les cœurs et éveille à une autre joie. Pas une joie qui se mesure à notre niveau de réussite, non. Une joie qui se réchauffe dans l’étincelle du regard de notre prochain. « Être capable de trouver sa joie dans la joie de l’autre : voilà le secret du bonheur », écrivait Bernanos 

Un prophète plus rugueux que Saint Nicolas – 2e dimanche de l’Avent, Année C

« L’an quinze du règne de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, et Hérode prince de Galilée, son frère Philippe prince du pays d’Iturée et de Traconitide, et Lysanias prince d’Abilène, les grands prêtres étant Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, le fils de Zacharie, dans le désert. » (Luc 3, 1-6)

Avec l’Avent nous sommes entrés dans une année liturgique nouvelle, consacrée à l’évangéliste Luc. Cet intellectuel grec, disciple de Paul, aime situer son propos dans le temps et dans l’espace. Lisons l’extrait de ce dimanche : Il y retrace règnes et pontificats. Comme pour mieux souligner un paradoxe. Au cœur de ces dynasties, qui complotent et se jalousent, un événement d’un autre type advient. La Parole fut adressée à Jean. Alors, jaillit un cri : « Préparez les chemins du Seigneur ! »

Qui se souvient de Lysanias, prince d’Abilène ? Par contre, la voix du Baptiste – elle – résonne toujours. Plus rugueuse que celle du grand Saint Nicolas, elle n’en est pas moins pertinente. En ce temps de l’Avent, accueillons-la dans nos déserts spirituels.

Un bien brutal réveil – 1er dimanche de l’Avent, Année C

« Restez éveillés et priez en tout temps». (Luc 21, 25-36)

Nos pays vivaient quelque peu assoupis. En Europe, la guerre était loin et concernait les autres. Et puis… il y eu ce brutal réveil : attentats, immigration massive, paupérisation, inondations, pandémie…. Ceci nous invite à nous ressaisir. Qu’est-ce qui fonde notre civilisation ? Les black Fridays et la consommation matérielle ou les valeurs spirituelles ? «Restez éveillés et priez en tout temps». Comment célébrerons-nous Noël cette année ? Comme la fête du pouvoir d’achat ou telle une nouvelle naissance ?

Le temps de l’Avent tombe à pic. Ce temps de préparation à la Nativité est destiné à nous sortir de la torpeur. Le réveil de Dieu a sonné : Soyons prêts à accueillir l’Enfant dans la crèche. Une belle façon de s’y préparer, est d’offrir un calendrier de l’Avent à ceux qu’on aime. Ou encore, d’installer chez nous une couronne de l’Avent. Chaque semaine elle s’illumine d’une bougie de plus. Une invitation à éclaircir notre cœur, afin qu’il devienne une crèche, laissant un peu de place à l’Enfant-Dieu.