In memoriam Sinéad O’Connor – Ballade mélancolique de l’âme irlandaise

Depuis quelques jours, la voix rayée de Sinéad O’Connor me trotte dans la tête. Celle qui vient de quitter ce monde, est une des grandes artistes de ma génération. ’Nothing compares 2 U’… Le chant d’amour assez passe-partout de l’américain Prince, prenait avec elle une coloration unique, faisant vibrer chacune des paroles au son d’une mélodie recréée. 
Il en allait de même quand elle interprétait une traditionnelle ballade irlandaise. Même le populaire et quelque peu lourdingue ‘Molly Malone’, prenait avec elle un ton empreint d’une émotion aussi sincère que profonde. Celle des plaines et lacs d’Irlande. Celle de la complainte d’un peuple fier, qui a souffert et résisté. Tellement, qu’il ne sait trop que faire de sa liberté conquise et relative opulence. Un peuple bon, mais aux rapports durs.
Sinéad O’Connor incarnait une part de cette mélancolie irlandaise. Elle reçut l’éducation catholique stricte de sa génération et, comme une bonne part de ses congénères, passa sa vie à vouloir s’en détacher. L’image aimée et honnie de sa mère, était indissociablement liée à cette Eglise qu’elle rejetait sans pouvoir en faire le deuil. 
Sa quête spirituelle l’amena à d’abord recevoir une « ordination » dans une communauté chrétienne dissidente et puis à prendre le contre-pied de son féminisme, en s’identifiant à un islam identitaire, sous le nom de « Shuhada ».
Maintenant, elle sait. Et ce, en communion avec les défunts qu’elle aimait, dont son fils Shane. A Dieu, Sinéad. ’Nothing compares to you…’

« Là où est ton trésor, là sera ton cœur » – 17° dimanche, Année A

 « Ayant trouvé une perle de grande valeur, il vend tout ce qu’il possède, et il achète la perle». (Matthieu 13, 44-52)

La parabole du trésor dans le champ et celle de la perle rare, sont des illustrations de la conversion. L’homme ou la femme qui fait l’expérience spirituelle du Christ, comprend intérieurement que tout le reste n’aura de la valeur qu’en fonction de l’unique nécessaire. A la manière du jeune amoureux qui abandonne le confort de la vie célibataire pour sa belle, le disciple du Christ change de vie – non par devoir – mais par désir. Comme l’écrira quatre siècles plus tard saint Augustin : « Donne-moi quelqu’un qui aime et il sentira la vérité de ce que je dis. Donne-moi un homme tourmenté par le désir, donne-moi un homme passionné, donne-moi un homme en marche dans ce désert et qui a soif, qui soupire après la source de l’éternelle patrie, donne-moi un tel homme, il saura ce que je veux dire. »

La parabole du filet plein de poisson, que l’on trie sur le rivage – explique que le chrétien est ensuite invité à faire un tri dans sa vie pour choisir ses priorités : Qu’est-ce qui est au service de l’Evangile et qu’est-ce qui m’en détourne ?  « C’est ainsi que tout scribe devenu disciple du Royaume des cieux, est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien ».

« La confiance du Semeur » – 15° dimanche, Année A

«Voici que le semeur est sorti pour semer…». (Matthieu 13, 1-23)

Nous connaissons tous l’explication de la parabole du semeur, telle qu’elle se trouve en l’évangile selon saint Matthieu. Elle est juste et judicieuse, mais sans doute ne date-t-elle pas de Jésus, mais bien de l’époque de la rédaction de l’évangile – quelque quarante années plus tard. Il s’agissait alors d’encourager la jeune Eglise, faisant face aux premières persécutions : « Soyez comme une bonne terre ! Ne vous découragez pas et ne laissez pas les soucis du monde, vous détourner de l’Evangile. » Voilà un message d’encouragement, qui invite à être une « bonne terre, qui accueille la semence ».

Quand Jésus raconte la parabole, le contexte est cependant différent. Il est suivi par des jeunes disciples, qui croient qu’Il est le Messie et comprennent d’autant moins que « rien ne bouge ». Ils le harcèlent donc de questions : « Quand vas-tu prendre le pouvoir ? Chasser les Romains ?  Rétablir un culte juste et la place du royaume d’Israël face aux nations ? » Face à tant d’impatience, Jésus répond : « Mon Père – lui – ne raisonne pas comme vous : Il sème Sa parole à tous vents. Pour les bons comme pour les méchants. Il sait qu’une partie de la semence ne germera pas. Mais Il garde confiance. Celle qui tombera en terre et portera du fruit, rapportera au centuple. » Ici, l’accent de la parabole est mis sur la confiance – un message qui murmure à notre âme : Tel le Père, soyons des semeurs d’amour et d’Evangile à tous vents – auprès des bons, comme des méchants.

La sagesse du Petit Prince – 14° dimanche, Année A

«Ce que Tu as caché aux sages et aux savants, Tu l’as révélé aux tout-petits». (Matthieu 11, 25-30)

Si « le Petit Prince » de Saint-Exupéry est un tel succès littéraire mondial, c’est parce que ce petit livre touche du doigt une réalité fondamentale : « les grandes personnes », soit les humains qui se prennent trop au sérieux, passent à côté de l’essentiel de la vie.

Dans le monde de la spiritualité chrétienne, sainte Thérèse de Lisieux a rappelé la même chose. Il ne s’agit nullement d’un éloge de l’infantilisme, mais bien d’un plaidoyer pour l’enfance spirituelle. Seul l’adulte libre et responsable peut comprendre que face au Mystère ultime (« Dieu » pour le croyant, « la Réalité » pour les autres), il est comme un enfant – appelé à se recevoir avec gratitude et confiance.

Alors seulement, nous sentons-nous un peu moins écrasé par le poids de nos vies – parfois pourtant pétries de souffrance – à commencer par le poids de notre propre ego. « Venez à Moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et Moi, Je vous procurerai le repos. »

« Qui perd gagne » – 13° dimanche, Année A

«Qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera». (Matthieu 10, 37-42)

Avec le début des mois d’été, la société va vivre au ralenti et beaucoup partiront en vacances. Un moment de détente et de repos nécessaire et souvent salutaire. Il est, en effet, heureux que chacun puisse un peu plus penser à soi-même et à ses proches pour recharger ses batteries.

Attention cependant de faire du loisir et des vacances l’idéal de notre vie. Vivre uniquement en fonction d’un épanouissement égoïste, est un piège. Bien vite, cette « vie de rêve » étouffe l’âme. Seul ce qui nous tire vers le Haut, offre un bonheur durable. Et souvent, ceci passe par le renoncement, voire le sacrifice : aider son prochain, servir les plus démunis, vivre radicalement les Béatitudes,…

Qui accepte de « perdre » un peu de son confort de vie au nom du Christ et de Son Evangile, « gagne » bien davantage – car il devient spirituellement plus vivant.

« En plein soleil » – 12° dimanche, Année A

 «Ne craignez pas…» (Matthieu 10,26-33)

La fin de l’année scolaire, politique, judiciaire, ou autre… s’annonce avec le début de l’été. Notre pays est baigné en plein soleil. Que nous partions en vacances ou non, profitons de ce temps où tout se ralentit pour faire le point. Si souvent, de petites peurs nous paralysent. « Que va-t-il penser, si je lui dis ceci ? » « Que va-t-il arriver, si je fais cela ? »  Arrêtons d’avoir peur de notre ombre. Apprenons à vivre au grand jour – en plein soleil.

« Ne craignez pas ! » dit le Christ. Vous êtes dans la main du Père. « Même les cheveux de votre tête sont tous comptés ». La seule chose qui pourrait nous perdre, c’est de renoncer à cette dignité d’enfant de Dieu. Ainsi le déclare le futur archevêque de Malines-Bruxelles : « peu importe que les chrétiens soient moins nombreux ; pourvu qu’ils ne deviennent pas insignifiants ». Ou comme le rappelle Jésus : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais bien ceux qui pourraient vous faire perdre votre âme.

Nouvelle génération à la tête de l’Eglise de Belgique

Avec la nomination de Mgr Luc Terlinden à la tête de l’Archevêché, l’épiscopat de Belgique accueille une nouvelle génération à son sommet. 

Né en 1968, le futur archevêque deviendra, le jour de son ordination épiscopale, de loin le plus jeune évêque de Belgique. C’est d’ailleurs le premier évêque du pays qui est plus jeune que moi et ce, d’une demi-décennie. Voilà donc un choix audacieux de la part du pape. Un pari sur l’avenir. 
J’ai connu Luc Terlinden lorsque je présidais aux destinées du séminaire de Louvain-la-Neuve et qu’il était jeune vicaire de la paroisse étudiante de la cité universitaire. C’est un homme qui allie l’intelligence du coeur et de la raison. Un excellent pasteur aussi, qui fut un curé apprécié à Bruxelles, en charge de la jeunesse et des séminaristes. 
Passé l’état de grâce, un lourd fardeau reposera sur les épaules du nouvel archevêque. Il aura besoin de nos encouragements, mais davantage encore de nos prières. Ensemble demandons que l’Esprit de force et de douceur souffle sur ce nouveau pasteur donné par le Pape à l’Eglise de Belgique. Et soutenons-le. 

« Le Pain qui Christifie » – Fête du Corps et du Sang du Christ, Année A

 «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui». (Jean 6, 51-58)

Le dimanche de la fête du Corps et du Sang du Christ – appelé communément « la Fête-Dieu – est d’origine liégeoise. Comme le rappela le pape Paul VI en 1965 : « elle fut célébrée la première fois au diocèse de Liège, spécialement sous l’influence de la Servante de Dieu, sainte Julienne du MontCornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l’étendit à l’Eglise universelle » (encyclique Mysterium Fidei n°63).

Plus de 750 ans plus tard, cette fête rappelle encore que l’Eucharistie est le sacrement qui – par excellence – exprime l’Eglise : Si le Christ se rend sacramentellement présent dans l’Eucharistie, c’est afin que ceux qui communient à Luisoient « Christifiés », c’est-à-dire qu’ils deviennent présence du Christ dans le monde. «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui», déclare Jésus. Ou, comme l’enseignait saint Augustin aux chrétiens qui participaient à l‘Eucharistie : « Deviens ce que tu contemples, contemple ce que tu reçois, reçois ce que tu es : le Corps du Christ ».

« Trois fois Saint » – Sainte Trinité, Année A

«  Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique ». (Jean 3, 16-18)

La Trinité n’est pas un problème de mathématiques. Pourtant, comme l’amour ne s’additionne pas, mais se multiplie – ne dit-on pas le « Dieu trois fois Saint » ? – chacun peut vérifier que 1 X 1 X 1, cela fait toujours 1. La Trinité – c’est la foi chrétienne en un seul Dieu multiplié en trois Personnes.

Bien au-delà d’une question de calcul, la Trinité est Mystère d’amour. Le peu que la révélation chrétienne nous ait donné de percevoir de l’infinité de Dieu, est que celui-ci est une éternelle Relation de Don : entre le Père qui est Source de tout Don, le Fils à Qui le Don est destiné et qui le rend au Père dans l’unité de l’Esprit – qui est Don.

Le Don nous précède : « Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique », mais l’homme est créé à l’image de Dieu. Voilà pourquoi nous sommes des êtres relationnels et voilà pourquoi seul le Don de nous-mêmes nous fait rejoindre notre vérité profonde. Devenir disciple du Christ et vivre son baptême, c’est dans l’Esprit s’unir au don du Fils pour devenir enfant du Père.       

Alerte rouge sur billet vert – La Libre p.33

Ma chronique mensuelle dans le quotidien La Libre, initialement prévue pour le mois de mai, a été différée suite à la polémique sur la laïcité (cf. Chronique du 6 mai: « Oui à la laïcité. Non au laïcisme » )
Comme elle traite de la santé du dollar, la Rédaction du journal a décidé de la publier ce 1er juin en sa page 33, car il s’agit de la date butoir, accordée au Congrès américain pour relever le plafond de la dette publique de l’Etat et ainsi éviter une paralysie des services publics.
Vu le danger d’un tel blocage pour la confiance dans le billet vert, un accord entre démocrates et républicains va être trouvé – chose exceptionnelle, par les temps qui courent. La suite reste à écrire…
Pour lire ma chronique du mois de juin, cliquez sur: « Alerte rouge sur billet vert » 
Merci à La Libre de m’offrir cet espace de réflexion.