« Bas les masques » – 1er dimanche de Carême, Année B

« L’esprit Le pousse au désert. Et dans le désert Il resta quarante jours, tenté par Satan » (Marc 1, 12-15)

Même si, avec le confinement, nous vivons masqués toute l’année, le carnaval est normalement le temps des masques. Chacun se moque gentiment de la condition humaine qui nous fait si souvent jouer la comédie : farce trompeuse des séductions de l’avoir, du pouvoir ou du valoir.

Le Carême est le temps du désert. Lieu où sont démasqués Satan et ses tentations. Là, l’Esprit murmure Sa Parole à notre âme. Pendant quarante jours, Il nous invite à nous libérer de tous ces masques qui nous collent à la peau et nous étouffent. Afin qu’apparaisse enfin notre vrai visage : celui d’enfant du Père, appelé à la ressemblance du Christ. 

Même si avec le confinement, nous vivons un carême permanent, ce temps de 40 jours est un temps particulier de conversion. Trois chemins sont proposés pour y parvenir : le jeûne (de nourriture, de TV, de smartphone…) qui crée de l’espace en soi ; le partage (d’argent, de temps, d’écoute…) qui offre de l’espace à l’autre ; la prière (silencieuse, récitée, seul ou en communauté…) qui ouvre à l’espace spirituel.  

Enseignement en Communauté Wallonie-Bruxelles: priver l’enseignement libre de moyens, c’est mettre tout l’enseignement en danger

Quand l’Union européenne alloue des moyens (300 millions d’euro tout de même) pour isoler les bâtiments scolaires (ce qui deviendra à terme une obligation pour toutes les  écoles), le Gouvernement de la Communauté Wallonie-Bruxelles  propose d’octroyer près de 60% de cette somme au réseau Wallonie-Bruxelles, qui ne scolarise pourtant que 15% des élèves, alors que le réseau libre d’origine catholique, qui scolarise près de 50% des élèves, ne recevrait que 18,5%. Raison? Cet argent, la Communauté la garde pour « ses » bâtiments et non pour les immeubles scolaires qui appartiennent à « d’autres ».

En filigrane, se lit ici l’argumentation que – plutôt que de réclamer de l’argent public –  les bâtiments « privés » de l’enseignement catholique devraient être entretenus par ceux qui en bénéficient, car « financés par des fonds privés et bénéficiant d’un énorme patrimoine historique » Je cite ici le communiqué du Centre d’Action Laïque (CAL), dont le mythe fondateur est l’avènement d’un réseau public unique, à son image et à sa ressemblance.
Soyons lucides: les vieux réflexes idéologiques  prennent une fois de plus le dessus sur la réalité du terrain. Car – non – il n’y a plus d’une part une « école confessionnelle » et de l’autre une école « neutre, publique et citoyenne ». Il y a deux réseaux, qui scolarisent, selon une pédagogie propre mais nullement antagoniste, des enfants dans un monde en mutation. Le réseau libre scolarise globalement les mêmes élèves que les autres réseaux et le fait dans le même respect du pluralisme de leurs origines. Voir en l’école libre, « l’école des curés », c’est donc faire de l’idéologie aussi bête que surannée. 

J’ai fait les deux écoles et je puis dire que j’ai autant d’estime pour les écoles communales et athénées, que pour les écoles libres. Les deux réseaux offrent un enseignement de qualité. Et ce, grâce à des enseignants souvent admirables. La principale différence n’est pas idéologique, mais dynamique. De par son mode de fonctionnement faisant davantage appel à l’initiative de la population locale et au bénévolat d’enseignants et parents, l’enseignement libre coûte moins cher. Il coûte moins cher, mais est aussi lourdent sous-financé (car – non –  il n’a pas de  « fonds privé » pour le soutenir). Les accords de la Saint-Boniface, qui stipulaient en 2001 que l’école libre recevrait 75% des moyens financiers de ce qui est accordé à l’école communautaire, ne sont toujours pas appliqués. En Wallonie les dotations et subventions par élèves pour le libre tournent autour de 50% de celles des écoles de la Communauté, alors qu’en Flandre elles sont quasi équivalentes…


Malgré ce sous-financement et le fait que la proportion de catholiques recule dans la population, l’enseignement libre garde un incroyable succès. Si les biens alloués à l’enseignement en Communauté Wallonie-Bruxelles pouvaient être octroyés aux écoles via un « chèque éducation » que chaque parent donnerait à l’école de son choix, il y a même fort à parier que l’enseignement libre serait très riche. Car – oui – envers et contre tout, il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que la population plébiscite ce réseau.  

Et pourtant, le système est sous grande tension: à force de priver l’enseignement libre des moyens de vivre, il risque de s’effondrer. Ne resteraient que quelques écoles fortes, qui survivraient en devenant des écoles de favorisées, de par les finances parentales… Comme dans le système anglo-saxon. « La bonne affaire! », piafferont les partisans du réseau unique, « nous récupérerons la mise ». Voire. Si tous les élèves en communauté Wallonie-Bruxelles devaient être scolarisés par le réseau public, celui-ci tomberait rapidement en faillite. En effet, ce qui permet à l’impécunieuse Communauté Wallonie-Bruxelles de tenir le coup, c’est justement le fait que la moitié de ses élèves sont scolarisés dans un enseignement libre, moins coûteux pour la collectivité. 

Ceci m’amène à penser que, si un jour il faut vraiment se résoudre à fusionner les réseaux scolaires, il s’agira alors de créer un seul réseau… libre. Un réseau d’écoles libres, rattachées à différentes familles de conviction. A l’instar de l’ULB, université « libre », rattachée au libre-examen.Ceci nous ramènerait aux origines de la Constitution belge qui, en son article 24 actuel, stipule que l’enseignement est libre. Le Constituant a voulu privilégier le choix des parents, laissant à l’action publique un rôle de suppléance, là où l’initiative privée ne suffisait pas à scolariser la population. L’histoire a donné à l’enseignement en Belgique une autre configuration avec un réseau public et un réseau libre qui se font face et même gentiment concurrence. Que les partisans du réseau public n’oublient cependant pas, qu’en privant le réseau privé des moyens de vivre, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis, en provoquant à terme la faillite de tout le système éducatif. 

« Jésus purifie » – 6e dimanche de l’Année, Année B

« Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » (Marc 1, 40-45)

A chaque époque ses maladies qui font peur : maladies qui frappent non seulement le corps, mais qui stigmatisent aussi la personne. Le sida, l’épilepsie, la maladie mentale,… Aujourd’hui, la COVID. A l’époque de Jésus, il s’agissait de la lèpre. Auprès du peuple juif, fort préoccupé de pureté rituelle, elle passait pour une impureté. Pour des raisons tant hygiéniques que religieuses, les lépreux étaient mis au ban de la société et ne pouvaient s’approcher des personnes saines. Le lépreux de ce passage d’évangile transgresse l’interdit en se jetant aux pieds du Christ. En le purifiant, Jésus pose bien plus qu’un acte guérisseur : Il rétablit cet homme dans sa dignité. 

Le Christ vient nous guérir de toutes nos lèpres : sous Son regard, personne n’est impur. Et Il nous invite à en faire autant : Ce sans-grade, ce sans-papier, ce sans-abri,… c’est mon frère en humanité. En ce temps de Carnaval (même confiné), enlevons nos masques de bien-pensants et regardons chaque homme – de cœur à cœur. 

« Jésus prie » – 5e dimanche de l’Année, Année B

« Le lendemain, bien avant l’aube, Jésus le leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait ». (Marc 1, 29-39)

La semaine dernière, ce qui frappait ceux qui écoutaient Jésus, était le fait qu’Il enseignait « avec autorité ». Ce dimanche, l’évangéliste souligne un autre trait de la personnalité du Fils de l’homme : « Il priait ». 

En ce temps-là, la prière collective au temple ou à la synagogue était familière aux Juifs, mais cette forme solitaire de prière – ce « cœur à cœur » dans un lieu désert avec le Père – cela frappait les esprits. Et même – cela dérangeait un peu : « Tout le monde te cherche », lui lance Simon, comme en reproche. Comprenez : « Tu es une vedette maintenant. Alors, va dans la lumière ! ». Mais non, le Christ se retire longuement pour communier à son Père dans l’Esprit. Ce faisant, Il se plonge spirituellement dans la Source de son être et identité.

Si le Fils de Dieu ressentait dans son humanité le besoin de régulièrement se retirer pour longuement prier, cela nous rappelle que la prière individuelle est vitale pour réveiller la grâce de notre baptême. Nous objectons si facilement : « Je n’ai pas le temps de prier ». La vérité est que nous ne prenons pas le temps de prier. Déjà, rien que 10 minutes de prière solitaire tous les jours – cela change une vie. Sur 24 heures, qui d’entre nous n’a même pas 10 petites minutes à consacrer à Dieu ?  

Le rôle précieux et ingrat des fabriques d’église

Suite à l’affaire de la Collégiale Sainte-Waudru de Mons où un ouvrier du lieu a maladroitement «  restauré » des oeuvres d’art, il y a de l’émoi dans tous les sens. Comment réagir?

1. Si l’Eglise de Belgique a créé pour la partie francophone du Royaume, le CIPAR (Centre Interdiocésain du Patrimoine et des Arts Religieux: https://cipar.be), c’est justement pour conseiller les fabriques d’église en matière de patrimoine. Dans les diocèses, le CIPAR est relayé par une Commission d’art sacré (à Liège: commission.artsacre@evechedeliege.be).  Il est dommage que la fabrique d’église en question n’ait pas songé à se faire conseiller par cet organe, qui a une grande expertise.

2. La ville de Mons a communiqué de manière surprenante, en signalant qu’elle n’était pas propriétaire de la Collégiale, mais que c’était la fabrique d’église. Ceci est incompréhensible. Pour rappel: à la Révolution française, toutes les églises ont été nationalisées. La propriété des bâtiments sacrés est ainsi passée aux communes. Lors du concordat avec le Pape, Napoléon n’a rien rendu, mais il a affecté les églises au culte. Sauf exception à prouver, toutes les églises construites avant 1804 sont donc propriété communale. Pour les églises construites après cette date, tout dépend: si elles sont construites sur un terrain communal, elles sont communales; si elles sont construites sur un terrain fabricien, elles sont fabriciennes. Pourquoi les communes n’aiment-elles pas trop reconnaître cet état de fait? Pour moins devoir s’en sentir responsables. Les communes ont souvent des budgets pour plein de choses, mais moins pour entretenir les églises, si prestigieuses soient-elles…

3. Une fabrique d’église n’est pas un « organe d’Eglise ». Il s’agit d’un établissement public, créé par la loi et sous tutelle publique (de l’évêché aussi, mais également des communes et des services du gouverneur). Cet établissement public a la responsabilité des lieux de cultes, quel qu’en soit le propriétaire. Outre le curé, le bourgmestre ou l’échevin du culte est membre de droit de toute fabrique d’église. La commune a donc « un oeil » dans tout ce que fait une fabrique. Si elle n’use pas de ce droit de regard prévu par la loi (certains échevins du culte interviennent trop peu/pas du tout dans la vie des fabriques), elle n’en porte donc pas moins une part de responsabilité dans des décisions inadéquates qui seraient prises par le Conseil de fabrique.

4. Le bon peuple aime à croire à la richesse des évêchés « qui possèdent toutes ces églises ». Mais non : que le propriétaire soit la commune ou la fabrique, ces bâtiments appartiennent au domaine public et non aux diocèses. Les fabriciens sont donc des bénévoles qui gèrent gratuitement des biens publics. Ce sont rarement des professionnels et les responsabilités que l’on fait peser sur leurs épaules sont écrasantes. Ce n’est pas un blanc-seing pour accepter le n’importe quoi, mais cela mérite respect et encouragement. Si demain les communes doivent remplacer les fabriciens par des fonctionnaires payés par elles, leur budget s’en ressentirait bien plus lourdement. Voilà pourquoi, je tiens à redire toute ma gratitude à tous ces fabriciens et fabriciennes, qui ont un rôle ingrat et tellement précieux au service de toute la collectivité. Car, c’est une autre vérité trop oubliée: si elles sont affectées au culte catholique, les églises n’appartiennent pas aux Catholiques. Elles sont ouvertes à toute la population. Toute personne, quel que soit sa conviction, y est bienvenu dans sa quête de silence, d’intériorité, de beauté… de Mystère.    

« Jésus fait autorité » – 4e dimanche de l’Année, Année B

« On était frappé par son enseignement, car Il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes ». (Marc 1, 21-28)

Une chose frappe son auditoire: Jésus n’enseigne pas comme les scribes qui commentaient les écritures en se référant à d’autres scribes. Non, Il parle en homme qui a autorité – qui est « auteur » de Sa parole : « On vous a dit… Eh bien, moi je vous dit » (Matthieu 5, 21). Ce qu’Il dit ne sort pas des livres, mais du tréfonds de Son âme. Pareille autorité Lui donne de poser les gestes qui annoncent le Royaume – c’est-à-dire de « guérir » – et cela, même un saint jour de repos – car « le Fils de l’homme est Maître, même du Sabbat » (Marc 2, 28).

D’où cela lui vient-il ? Le Christ répond : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé » (Luc  4,18).

Nous ne sommes pas le Christ, mais – en tant que baptisés – nous avons part à son Esprit. Demandons donc à l’Esprit de nous remplir de l’autorité du Seigneur. Non pas pour devenir « autoritaires », mais pour – à notre tour – être témoin de la Bonne Nouvelle.   

« Jésus embauche » – 3e dimanche de l’Année, Année B

«Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent.» (Marc 1, 14-20)

Dimanche dernier, nous recevions comme Evangile le récit de l’appel des premiers disciples d’après Saint Jean. C’est sans doute la version la plus historique : ils étaient disciple du Baptiste et puis ont suivi Jésus. Ce dimanche, nous entendons la version de Saint Marc (assez proche de celle de Matthieu et de Luc). Les disciples sont en train de pêcher – c’est leur métier – et « paf ! » Jésus passe par là et les recrute pour devenir des « pêcheurs d’hommes ». Du coup, ils plantent là leur père et leurs filets et ils le suivent. 

Cet épisode correspond probablement davantage à une expérience spirituelle. En découvrant Jésus, les disciples ont saisi que plus rien ne serait comme avant. « Hareng-boulot-dodo », c’était bien. Mais l’Evangile, c’est la vie. Du coup, leur existence bascule. Il y a un avant Jésus et un après.

Les baptisés d’aujourd’hui ne sont pas tous appelés à lâcher leur profession – les vocations à se consacrer entièrement à l’Evangile restent l’exception – mais une fois que l’on a croisé le regard du Christ, plus rien ne doit être comme avant. A sa manière, chaque baptisé est appelé à être un « pêcheur d’homme ». Sur les sentiers de l’Evangile, il n’y a pas de chômage, de pause-carrière ou de pension. Même en pandémie. Avec Jésus, c’est le plein-emploi au service du Royaume de l’Amour.  

« Page Facebook de Jésus » – 2e dimanche de l’Année, Année B

« Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez et vous verrez. » (Jean 1, 35-42)

Le temps de la Nativité se termine et – jusqu’au début du carême – nous commençons le cycle des dimanches, dits « ordinaires ». Les prêtres et diacres portent des vêtements liturgiques verts – couleur de l’espérance. Ce n’est donc pas par hasard que l’Evangile de ce dimanche parle de l’appel des premiers disciples, car les nouveaux disciples que Jésus appelle en ce début d’année 2012 – c’est chacun de nous.  

Que faire pour ressentir l’appel du Christ ? Le chercher – comme les deux premiers disciples. Mais chercher ne suffit pas. Lorsque nous ressentons Sa présence spirituelle, il s’agit de prendre du temps pour mieux le connaître. C’est ce que permet la prière, la lecture de la Bible, ou encore la pratique dominicale de l’Eucharistie. 

Quand des jeunes (ou des moins jeunes) se cherchent sur « Facebook », ce n’est pas avant tout pour connaître l’adresse internet de l’autre, mais bien pour mieux découvrir qui est cet autre. Cependant, rien ne remplace une rencontre… (plus difficile en ce temps de pandémie, hélas) C’est ce qui arrive avec les premiers disciples. Jésus leur demande : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi, où demeures-tu ? » Ce faisant, ils ne demandent pas son adresse, mais cherchent à découvrir qui Il est. Alors, Jésus leur dit : « Venez et vous verrez. » (Jean 1, 35-42)

De boue et d’Esprit – Baptême du Seigneur, Année B

« Moi, je vous ai baptisé avec de l’eau (…). Lui, vous baptisera dans l’Esprit Saint. » (Marc 1, 7-11)

Les premiers chrétiens étaient surpris et même gênés d’apprendre que Jésus avait reçu le baptême de Jean. Pourquoi Celui qui est sans péché, a-t-il reçu un baptême de conversion – un baptême destiné aux pécheurs ?

Parce que le Christ se rend pleinement solidaire du destin des hommes. J’ai visité le lieu où – selon les Ecritures – Jean baptisait. Le fleuve y est boueux, car il charrie toutes les impuretés transportées depuis sa source. Celui qui est plongé dans le Jourdain à cet endroit, ressort de l’eau plein de boue – comme chargé du poids de péché des hommes. En demandant le baptême de Jean, c’est de cette boue humaine que le Christ se charge. Jésus se rend solidaire de notre condition pécheresse pour nous rendre solidaire de son intimité avec le Père dans l’Esprit.

Par notre baptême chrétien, nous sommes plongés dans la vie et la mort du Christ pour ressusciter avec Lui. Le Sauveur se charge de notre boue, afin que nous soyons revêtus de Sa lumière et que – par Lui, avec Lui et en Lui – le Père puisse nous dire : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie.»