« Propos d’arrière-saison » (La Libre) – un parfum d’amertume?

Une chronique dépressive?
Je voudrais revenir ici sur mon récent billet, publié ce mercredi 17 octobre dans le quotidien ‘La Libre’: « Propos d’arrière-saison ». Il s’agit d’une des chroniques les plus personnelles que j’ai écrite depuis longtemps. Je tenais à partager une évolution spirituelle, en expliquant pourquoi – avec les années – la prière d’intercession avait pris une place plus importante dans ma vie spirituelle. Nombre de lecteurs m’ont exprimé que cet écrit les avait touché, mais quelques personnes se sont aussi manifestées en se disant inquiètes pour moi: « Est-ce que je broyais du noir? Etais-je pris d’un relent d’amertume? Avais-je peur de vieillir? »
Ces remarques partent d’un réel sentiment amical. Je remercie donc ces lecteurs aussi attentifs qu’attentionnés. Cependant, leur regard me laisse profondément perplexe. Ce n’est pas la première fois que mes chroniques attirent des réactions critiques – c’est la règle du jeu – mais jamais mon propos n’avait été aussi mal compris. En effet, je rassure toutes ces personnes sur mon état d’esprit. Je n’ai pas un caractère propice au découragement et, en plus, je suis pleinement épanoui dans ma vie de prêtre du moment. Ce que ma chronique exprimait d’ailleurs – discrètement – en comparant la tranche de vie que je parcours à un « été indien ».

Malentendu?
Comment, dès lors, expliquer un aussi grossier malentendu?
Me suis-je mal exprimé? Possible, mais j’ai beau relire ma chronique, je ne vois vraiment pas ce qui peut prêter à pareille interprétation.
Alors, la présentation rédactionnelle du texte est-elle propice à créer la confusion? Il est vrai que – pour une fois – j’ai trouvé que les deux phrases que ‘La Libre’ avait mises en exergue, étaient mal choisies. La première passe encore: « Avec l’âge, je ressens plus clairement que ce monde est trop lourd pour mes épaules. Que je ne suis pas son sauveur.«  La suite du texte éclaire cependant mon propos d’une toute autre lumière: « Qu’un Autre a porté l’humanité. Que c’est l’Esprit qui vivifie. Voilà pourquoi, l’intercession est devenue un réflexe chez moi. » La seconde phrase me semble carrément mal choisie:  » Plus jeune, j’étais viscéralement optimiste et décidé à me battre pour un monde meilleur« . La citer sans sa suite, me fait dire le contraire de ce que j’affirme. Pour rappel, cette suite est: « Je n’ai pas changé et je crois toujours que – malgré mes inévitables défauts – le bonheur de mon prochain dépend aussi de ma générosité et de mes paroles.«  Inutile de chercher de la malice dans ce travail rédactionnel, mais admettons que cela ait pu influencer la lecture de certains.
Cependant, peut-être qu’il ne s’agit pas d’un malentendu, après tout. En soulignant – volontairement à répétition – qu’à près de 50 ans, on n’est plus un jeune homme et en expliquant qu’avec les années, je suis davantage conscient qu’une part du réel échappe à ma maîtrise, mon article a peut-être fait mouche. Il est parvenu à chatouiller un des dogmes sociaux sur lequel repose notre société occidentale: celui de la performance et du contrôle.

Je suis ce que je fais
Je vis en profonde sympathie avec la culture occidentale qui est la mienne, mais force est de constater qu’elle est toujours dopée au culte du résultat, du Guiness record book et des médailles olympiques. « Sky is the limit ». Notre Occident vit dans l’obsession du « faire ».
Petit détour par l’histoire de la pensée chrétienne:  Les théologiens orientaux se sont intéressés depuis le berceau du christianisme à des questions ayant trait à la contemplation du Mystère divin: filiation divine, nature humaine du Rédempteur, divinité de l’Esprit, etc. Ces querelles laissèrent bien des occidentaux dubitatifs. Ils les considéraient comme trop « byzantines » (le terme vient d’ailleurs de là). Un seul grand débat occupa l’occident, et ce depuis toujours: celui de la morale, de l’action, du faire,… Déjà Tertullien se coupe de l’Eglise officielle au II° siècle, parce qu’il la considère pas assez « rigoureuse ». Au tournant du IVe et Ve siècle, saint Augustin passera la première partie de sa vie d’évêque à combattre les Donatistes – également rigides – et la seconde à répondre à Pélage, ce dernier privilégiant le « mérite » humain sur le don divin. A partir du XIIIe siècle, les courants thomistes et augustinistes se différencient sur ce qui prime dans l’ « action » divine: la sagesse du Créateur ou Sa volonté? Au XVIe siècle, protestants et catholiques, mais aussi le dominicain Banez et le jésuite Molina, s’opposent sur la priorité entre grâce divine et liberté humaine. Idem pour Jansénistes et Jésuites au XVIIe siècle. Sous une forme sécularisée, cette opposition se retrouve même aujourd’hui entre ceux qui soulignent le conditionnement humain et ceux qui magnifient son autonomie.
Bref, moins que de creuser « qui est » Dieu ou « qui est » l’homme, la culture occidentale se focalise sur « que fait » Dieu et « que fait » l’homme. Il est d’ailleurs rare qu’un paroissien demande au prêtre que je suis: « Parlez-moi de Dieu » ou « Apprenez-moi à prier ». Le plus souvent, c’est la question du « faire »  qui prime: « Doit-on encore aller à la Messe? » « Est-on obligé de se confesser? » « Pourquoi les femmes ne peuvent pas « devenir » prêtres? » « Pourquoi l’Eglise est-elle contre ceci ou cela? » Je ne dis pas que ces questions sont sans importance ou pertinence. Je rappelle seulement qu’elles restent  à la périphérie du Mystère, en se focalisant sur le « faire », plutôt que sur « l’être ». Imagine-t-on un époux qui demande: « Dois-je embrasser ma femme chaque soir? » « Faut-il encore souhaiter son anniversaire? »    
L’obsession du « faire » se répercute d’ailleurs dans le langage courant. Lors d’une rencontre, il n’est pas habituel de demander: « Etes-vous heureux? »  La question rituelle sera: « Comment allez-vous? » Ce terme, qui trouve son origine dans le transit intestinal, pourrait être traduit par: « Chez vous, est-ce que tout fonctionne bien? »  Une question « technique », en quelque sorte. Et la réponse sera, presque invariablement: « Je vais bien et vous? »(même si rien ne va). Dans notre monde de performance technologique, il y a ceux qui « fonctionnent » et les « loosers » – ces perdants de la vie qui n’arrivent plus à « progresser », à « se dépasser », à « faire du chiffre »… Et qui souvent essaient de le cacher. Quand il s’agit d’être éternellement « in », il n’est guère confortable de se sentir « out ».

Enfants du Père
Quel rapport entre ces considérations historico-culturelles et ma chronique? Celle-ci exprimait une conviction, de plus en plus ancrée en moi, qu’une part des enjeux de l’existence humaine échappe à notre contrôle. D’où mon besoin de plus en plus pressant, de confier ceux et celles que je croise à Celui qui seul, est la Source de toute vie.
Sans doute que mon ministère me rend plus sensible à cet aspect des choses. En effet, ce sont rarement les personnes riches et bronzées qui se confient au prêtre. Mais je pense aussi que notre obsession de la performance insensibilise. Beaucoup de chrétiens ont été drillés, depuis leur tendre enfance, à faire « de bonnes œuvres pour Dieu », mais peu sont habitués à « se découvrir enfant de Dieu ». Je pense que ceci explique pour une part au moins, pourquoi d’aucuns ont trouvé mon témoignage quelque peu « contre-performant », « défaitiste », voire « angoissé »… Alors que ce billet fut écrit dans une très grande paix intérieure. Il se voulait, en effet, avant tout un hymne à l’espérance et un appel à la confiance. « Regardez les oiseaux du ciel ; ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier; cependant Dieu les nourrit. Ne valez‑vous pas beaucoup plus qu’eux? Considérez les lys, comme ils croissent; ils ne travaillent ni ne filent cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux ». ( Luc XII, 23)

 

Tractations postélectorales – 29° dimanche, Année B

 « Vous ne savez pas ce que vous demandez ». (Marc 10, 35-45)

Jacques et Jean – les fils de Zébédée – veulent pousser leur avantage au sein du groupe des douze. Objectif  stratégique: le jour où Jésus aura pris le pouvoir à Jérusalem, se voir attribuer les meilleurs postes ministériels. Pour ce faire, ils prennent le Maître à part et lui demandent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ».  On se croirait en pleine tractation postélectorale. Et Jésus de soupirer : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » « Nous le pouvons ! », répondent les présomptueux. Ils n’ont rien compris. Le jour où le Fils de l’homme sera élevé en gloire, ce sera sur une croix. Plus personne ne se battra pour siéger à sa droite ou à sa gauche. Un privilège réservé à deux bandits. La gloire de Dieu – c’est l’amour jusque sur une croix: « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ».    

Le chameau et le trou de l’aiguille – 28° dimanche, Année B

 « Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer ». (Marc 10, 17-30)

Un fils de bonne famille vient voir Jésus et lui demande : « Que faire pour être sauvé ? » Réponse du Christ : « Ne tue pas, ne vole pas, ne fais pas de faux témoignages… Bref, conduis-toi en être humain et respecte les commandements ». Mais le jeune idéaliste veut plus. Tout cela,  il l’a observé depuis sa jeunesse. Comment vivre une vie selon le cœur de Dieu ? Alors Jésus pose son regard sur lui et se met à l’aimer : « Si tu veux décrocher la lune, laisse tout derrière toi et suis-moi ». Le jeune homme s’en va bien triste, car cela – c’est trop lui demander.  Et Jésus de dire : « Qu’il est difficile pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu… Il est plus facile pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille ». Le Christ ne condamne pas la richesse matérielle. Mais Il constate que celle-ci est souvent un obstacle pour vivre l’Evangile. Celui qui veut simplement « ne pas déplaire à Dieu », qu’il se contente de respecter les commandements. Mais celui qui cherche l’intimité avec le Christ, qu’il mette toute forme de richesse – avoir, pouvoir, valoir – au service de l’Evangile. Car les richesses alourdissent le cheminement. Comment un chameau chargé de bagages pourrait-il passer par le trou d’une aiguille ? L’exigence de Jésus est celle de l’amour. Est-ce trop demander? Aux disciples déconcertés, le Christ ajoute : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu. Tout est possible à Dieu ». Heureusement d’ailleurs, car la plupart d’entre nous restons des chameaux, lourds de vaines richesses. Mais Dieu dilate le trou de l’aiguille à la mesure de son infinie miséricorde.    

 

« Le ciel et la terre passeront. Mes paroles ne passeront point ». (Matthieu 24, 35)

Ce dimanche, la Belgique vote pour ses communales et provinciales. Pour un pays que l’on dit désintéressé par la chose politique, je trouve que la campagne fut animée. Il faut s’en réjouir. L’Eglise n’a pas à donner des consignes de vote, mais elle invite à prendre au sérieux son devoir de citoyen.

Garder les catholiques au cœur du monde, tel fut bien une des lignes directrices du Concile Vatican II qui s’est ouvert hier, il y a 50 ans. Mais un demi-siècle plus tard, le défi demeure: Comment vivre pleinement dans son siècle sans pour autant devenir sécularisé? Presser par voie politique une société à se convertir à l’Eglise est contraire à l’Evangile – comme le rappela le décret conciliaire sur la liberté religieuse. Du coup, certains ont cru obtenir pareille adéquation entre l’Eglise et le monde en invitant l’Eglise à se convertir aux modes de l’instant. C’est évidemment une impasse. Comme l’énonce le Christ à ses disciples: « Vous êtes dans le monde mais vous n’êtes pas du monde » (Jean 17, 14-18).

L’enjeu de la « Nouvelle Evangélisation » dont débat à Rome le synode en ce début de l’année de la foi, n’est donc pas mince. Que le baptisé prie l’Esprit, afin que le Christ et Son Evangile prennent corps concrètement au cœur de sa vie. Ce même Esprit lui ouvrira des chemins vers l’âme de ceux qu’il rencontre. Soyons donc des apôtres décomplexés, car la Parole du Christ reste d’une actualité totale. « Le ciel et la terre passeront. Mes paroles ne passeront point ». (Matthieu 24, 35) Mais gardons-nous de devenir des évangélisateurs collants et trop insistants. Si notre interlocuteur n’est pas dans les dispositions pour recevoir l’annonce du Christ, ce n’est pas à nous de forcer la porte de son cœur. Contentons-nous de semer, sans nous focaliser sur la moisson. «Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ: nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment ». (Mc 4,26-34)

Philosophie et question du sens (Le Vif/L’Express 5 octobre p.11)

L’hebdomadaire le Vif/L’Express de cette semaine publie une intéressante interview de Raphaël Enthoven, un jeune philosophe assez présent dans les médias en France. Une de ses remarques a retenu mon attention. Enthoven déclare: « La philosophie n’est pas la théologie. A la question du sens de la vie, la philosophie substitue la question de savoir d’où vient le besoin qu’on a de trouver un sens à la vie. La philosophie, c’est questionner les questions plus que d’y répondre ».
Suis-je d’accord avec un tel point de vue? Oui et non.

Oui – la philosophie n’est pas à confondre avec la théologie. Elle n’a pas à trancher la question du sens de la vie. Cette question « ultime » n’est pas d’abord de l’ordre de la raison, mais bien de la foi. L’accueil d’un acte de foi, ou le refus – voire la suspension – de tout acte de foi religieux (ce qui est encore une forme d’acte de foi) dépasse le champ de la philosophie, en ce qu’il implique un « saut » par-delà le rationnel vers le Mystère. Ici, nous entrons dans le monde de la théologie, ou de l’athéologie, ou même de l’agnosticologie.

Mais non – la philosophie ne peut se contenter de questionner notre besoin de trouver un sens à la vie. Car ce questionnement est lui aussi une question de sens. Ce n’est pas notre « besoin de trouver un sens à la vie » qui est l’objet de la philosophie, mais bien le questionnement de ce sens de l’existence qui s’impose à nous. Telle était la question de Socrate face aux sophistes. Ces derniers faisaient fi du sens. Pour eux, la vérité n’était qu’un art rhétorique: le plus tribun, adroit ou séducteur imposait ses réponses. Dans ce cas, arrêtons la philosophie et prenons des cours de manipulation (ou, sous une forme moins socialement nocive: de marketing). Et qu’importe si les réponses sont fausses. Puisque rien n’a de sens, les mots « mensonge » et « vérité » ne sont que des leurres. Mais si la question de ce qui est « vrai » et « faux » a quel qu’importance, c’est que la réponse à pareille question a du sens – comme le pensait Socrate. Alors ce sens, comment le penser avec les ressources de notre raison et en mettant toute forme de foi entre parenthèse? Telle est – par excellence –  la question philosophique.

Pour ceux qui trouveraient tout ceci un peu trop abstrait, je reformule à partir d’une illustration tirée de l’histoire récente: « Hitler avait-il tort parce qu’il a perdu la guerre ou parce que sa pensée et son action étaient la parfaite négation de humanité? » Cette dernière thèse signifie que, même s’il avait gagné la guerre, il aurait encore tort. Celui qui pense comme moi que – même si le nazisme avait vaincu – il aurait néanmoins encore tort, affirme que tout n’est pas relatif. Et donc, qu’un « sens » existe qui dépasse nos points de vue subjectifs et les contingences de l’histoire. Discourir sur ce « sens » à partir de la simple raison, afin que le discours soit recevable par tous les hommes – croyants, agnostiques ou athées – tel est, selon moi, l’enjeu premier de la philosophie.

Quand le meilleur devient le pire – 27° dimanche, Année B

 « Au commencement de la création, Il les fit homme et femme ». (Marc 10, 2-6)

« Les hommes viennent de Mars et le femmes de Vénus… ». Un titre de best-seller qui résume bien que l’union conjugale n’est pas une affaire de sentiments à l’eau de rose. Elle est si mince, la frontière qui sépare l’« alliance des sexes » de la « guerre des sexes ». Quand l’amour est soumis à l’épreuve de la durée, le meilleur se révèle toujours – à un moment donné – sous le visage du pire. Il y a un demi-siècle encore, les couples qui se séparaient, étaient mis au ban de la bonne société catholique. Cette attitude n’était pas digne de l’Evangile. Cependant, chacun sent bien qu’aujourd’hui – avec sept mariages sur dix qui connaissent le naufrage – notre société est désaxée. (Outre la souffrance des partenaires, pensons au coût social que cela représente pour l’éducation des enfants). Une des raisons de cette évolution, est que la société de consommation promet le meilleur sans le pire. Se lamenter ou condamner tous-azimuts, ne sert cependant à rien. Le rôle prophétique des chrétiens n’est pas de juger ceux qui connaissent l’échec, mais de rappeler le rêve de Dieu : « L’homme quittera son père et sa mère. Il s’attachera à sa femme. Tous deux ne feront plus qu’un ». La suite n’est pas une menace, mais une prière : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ».   

Blog: bilan du mois de septembre

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées ; du 1er mai au 31 mai 3322 visites et 5626 pages visionnées. Du 1er juin au 31 juin, le blog a reçu 3464 visites et 5721 pages furent visionnées. La fréquentation baissa durant les vacances, car le blog – aussi – pris du repos. Pour le mois de septembre 4423 visites sont enregistrées et 6683 pages sont visionnées. En octobre, il y eut 3027 visites pour 4689 pages visionnées. En novembre, il y eut 2679 visites pour 3915 pages visionnées. En décembre, 3203 visites pour 4754 pages visionnées. En janvier, 3143 visites pour 4815 pages visionnées. En février, cela donne 3709 visites pour 5501 pages visionnées. En mars, il y eut 3592 visites et 5530 pages visitées. En avril, il y eut 4063 visites pour 6280 pages visitées. En mai, il y eut 4895 visites pour 8100 pages vues. En mai, il y eut 4499 visites pour 5395 pages vues. Je n’ai pas reçu les chiffres de juin. En juillet,  3502 visites pour 4158 pages vues. En août: 3213 visites pour 5059 pages vues. En septembre: 5624 visites pour 8773 pages vues.

Le lectorat reste majoritairement belge (4595 visites). La France augmente (667 visites), puis vient le Canada (62 visites).

L’article le plus fréquenté fut « La dernière anarchie » du 20 septembre avec 287 visites. Vient ensuite « Droit au blasphème et langue de bois » du 20 septembre avec 214 visites et « Une Messie peut en cacher un autre » du 15 septembre avec 156 visites.
Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

Atteintes aux symboles religieux – au croisement de deux sagesses (La Libre 2 octobre p.20)

Ce mardi 2 octobre, une interview dans le quotidien « La Libre » a retenu mon attention.  “La Libre” a rencontré Sewif Abdel Hady, imam et orateur du Centre islamique et culturel de Belgique, qui est aussi le représentant en Belgique de la prestigieuse université/mosquée Al Azhar. Fondée au Xe siècle au Caire, Al Azhar est aujourd’hui l’institution sunnite la plus influente du monde musulman. Elle forme une bonne part des religieux du Moyen­-Orient.
Le commentaire de La Libre ajoute: « Al Azhar promeut un islam modéré et ouvert sur le monde. Les paroles de cet homme de 43 ans, qui est aussi directeur de l’Institut islamique européen de Bruxelles, sont empreintes de sagesse et de tolérance. Des principes consubstantiels à l’islam, rappelle­t­il« .

Deux sagesses
En lisant cette interview, je suis d’accord  que l’imam Sewif est un homme au propos sage et modéré. Il se situe à des années-lumières des furies Ultra-salafistes ou de la caricature d’islam qu’offre « Sharia4belgium ». Ceci rend l’analyse de son propos d’autant plus intéressante. La sagesse dont il témoigne fut sans doute celle d’un certain catholicisme pré-conciliaire, mais elle n’est plus celle de l’Occident ou de l’Eglise catholique d’aujourd’hui. Imaginons un seul instant Mgr Léonard déclarant lors d’une interview à « La Libre »: « Le catholicisme refuse toute sorte de critique contre sa foi et les autres religions. Dès qu’il y a une insulte à l’égard d’une religion, quelle qu’elle soit, il est normal de se mettre en colère ». Ce n’est pas du tout ce que pense l’archevêque, qui est un homme de débat. Mais, s’il l’avait fait, cela ferait un beau pétard. Les médias en feraient leur « une » pendant des semaines, s’indignant à qui mieux-mieux. Pourtant, c’est exactement ce qu’a dit l’imam, en parlant des musulmans.

Mon avis sur la question? La colère – « pacifique » comme l’entend l’imam – peut se comprendre. (Ici, je le rejoins sur le principe, même si je trouve cette colère contre-productive). Ainsi, si je sors un film idiot qui présente la franc-maçonnerie sous ses pires clichés, il ne faudra pas attendre longtemps avant que nombre de frères « trois-points » se dressent pour exprimer leur colère. Et je ne l’aurai pas volé. La colère pacifique en réaction à une critique – surtout bête et méchante – fait donc aussi partie de la liberté d’expression. Pourquoi seuls les caricaturistes auraient-ils le droit de s’exprimer, laissant aux religions tout juste la permission de courber l’échine?

Par contre, je ne puis suivre l’imam quand il déclare: « L’islam refuse toute sorte de critique contre sa foi et les autres religions ». Je ne suis pas d’accord et ceci, pour deux raisons: La première est que – même si elles font mal – certaines critiques peuvent s’avérer parfaitement justifiées. Qui suis-je pour affirmer que la façon de pratiquer le catholicisme (ou l’islam, ou le libre-examen) en Belgique en 2012 est au-delà de toute critique?  Ensuite, et plus fondamentalement, parce que la liberté d’expression ne peut tenir que si tout peut être critiqué sans exception. (Restant sauf la possibilité de saisir les tribunaux, si une critique est diffamante envers des personnes). Si on retire les religions du droit à la critique, pourquoi s’arrêter en si bon chemin? Criminalisons aussi l’atteinte à l’honneur national, à la dignité d’un dirigeant, à… Bref, une exception ouvre la boîte de Pandore. Voilà pourquoi, je suis opposé au projet de résolution internationale en préparation à l’université d’Al Azhar, visant à criminaliser les atteintes aux symboles des principales religions dans le monde. Je cite l’imam: « Cela permettrait de punir ceux qui portent atteinte aux religions. Al Alzhar propose aussi une cour internationale de justice à même de poursuivre les responsables de tels actes qui menacent la paix mondiale. Al Azhar prépare un projet de loi, en concertation avec les institutions d’autres religions, à soumettre à l’Onu et à l’Union européenne« . Ici, on se trouve clairement au croisement de deux sagesses. Et le choix à faire n’est pas anodin.

Purifier la mémoire
L’imam Sewif Abdel Hady ajoute: « Les responsables de la communauté internationale doivent le soutenir (le projet de résolution internationale criminalisant les atteintes à la religion). Sans quoi il est impossible d’établir la paix et la sérénité internationales« . Ici encore, je ne suis pas d’accord: une religion forte ne craint pas la critique et ne met pas en danger la paix et la sérénité internationale, simplement parce qu’à l’autre bout du monde, une poignée d’imbéciles sortent des âneries.

Un avatar du fameux « choc de civilisations » séparant Occident et monde musulman? Je pense qu’il s’agit d’autre chose. L’imam déclare un peu plus loin: « Oui, il y a un sentiment d’humiliation collective (quand on insulte l’islam) ». Ca, ce n’est pas de la théologie. Cela met le doigt sur ce curieux mélange de fascination et de frustration avec lequel le monde arabo-musulman contemple depuis quatre siècles l’Occident et son insolente réussite politico-économique. Rappelons que le président des Etats-Unis au dixième siècle était… le calife de Bagdad. L’islam nous dépassait alors de la tête aux pieds. La nervosité actuelle des masses musulmanes face à toute critique s’explique, selon moi, avant tout par ce sentiment diffus d’humiliation prolongée. La moindre étincelle met le feu aux poudres.

Cela n’a pas grand-chose de théologique et n’est pas propre aux musulmans. Si, à l’occasion des fêtes de Wallonie, je brûle un drapeau wallon à Namur devant la foule, je serai peut-être verbalisé par un policier zélé ou raillé par la foule, mais la réaction majoritaire sera: « qu’est-ce qui lui prend, donc? »  Mais essayez de brûler un drapeau flamand le jour de la fête nationale flamande devant la foule… Ambiance assurée! Parce que les Flamands sont moins tolérants que les Wallons? Non, bien sûr. Mais parce que la mémoire collective flamande (ou catalane, corse, écossaise, galloise,…) est plus susceptible que celle de la Wallonie.  Ceci me donne de conclure que pour parvenir à la « paix et à la sérénité internationales », il ne faut pas des résolutions internationales criminalisant les atteintes à l’islam ou au flamand. Il y a un travail de purification de la mémoire collective à entreprendre. Et cela demande du temps, de la patience et de la délicatesse. Toutes sortes de valeurs que l’Occident pourrait apprendre de nos frères d’Orient.

 

Pratiquants non croyants

Il y a quelques temps, j’échangeais avec un ami breton de ma génération. Agnostique et ayant des parents – jadis fort chrétiennement engagés – qui ont pris distance par rapport à la foi de leur enfance, il me parlait de ses grands-parents avec des mots forts: « Ils étaient pratiquants jusqu’à la mort… mais je ne pense pas qu’ils étaient croyants ». Il décrivait là le risque d’une religiosité sociale: le fidèle suit le mouvement plus qu’il n’y adhère.

En lisant en p.39 du quotidien ‘la Libre’ de ce jour, l’interview du prix Nobel Christian de Duve, je me dis qu’il y a dû y avoir quelque chose de cela chez lui. Je cite ce savant de réputation mondiale: « Les gens n’ont pas appris à raisonner avec la rigueur et l’honnêteté intellectuelle qu’essaient d’observer les scientifiques, à pratiquer le doute méthodique dont parlait Descartes. Ils manquent d’objectivité et sont obnubilés par des croyances et des certitudes qui ne se fondent sur aucune réalité démontrable. C’est vrai du Pape qui parle de “vérités révélées” et donc, non contestables et qui est pourtant suivi par 1,5 milliard de gens« . Comment un homme aussi intelligent et respectable, qui a baigné bien plus que moi dans un catéchisme à l’ancienne, peut-il sortir une phrase aussi énorme du point de vue épistémologique? Comment peut-il tomber à pieds joints dans le piège du « rationalisme concordiste », qui consiste à prétendre que la méthode scientifique est la seule qui fasse sens? Comment peut-il à ce point confondre une affirmation scientifique visant la réalité finie et quantifiable avec une adhésion de foi, touchant à l’infini et donc à l’indémontrable?  Et quid de la poésie et de la danse? Leur vérité sont-elles démontrables? Je pense que le professeur de Duve a longtemps été un pratiquant non croyant, avant de se reconnaître agnostique. Il a adhéré durant sa jeunesse à des « preuves de l’existence de Dieu » et des « raisons de croire », avant de les laisser tomber comme peu crédibles. Mais jamais, sans doute, ne fit-il l’expérience intime du Ressuscité.

Et que penser pour cet aimable notable venu me voir après une Messe dominicale? Au cours de l’homélie, j’avais rappelé que – sans nier en rien l’horreur de certains actes –  le pardon de Dieu était offert à tous, en ce compris Michelle Martin. Il me dit que là, il ne pouvait me suivre. Je lui répondis que je ne faisais que citer le Christ, qui rappelait qu’il fallait pardonner septante-sept fois sept fois. Il ne dit plus rien, sauf qu’il n’était pas d’accord. Une fois de plus je me dis que ces personnes qui militent pour l’école catholique pour leurs petits-enfants et les bonnes manières, mais n’intègrent pas la folie du pardon dans leur vie, n’ont sans doute jamais croisé le regard du Crucifié.

Idem pour ces cadres catholiques qui m’invitèrent jadis à une conférence sur la doctrine sociale de l’Eglise. En début de soirée, la plupart insistaient bien sur le fait qu’ils étaient des rebelles, car ils avaient pris distance du Vatican et de ses « pompes ». Pourtant certains de ces « rebelles » manquèrent d’avaler de travers quand je leur ai dit que le bourgeois catholique a en général le cœur à gauche et le portefeuille à droite. Que l’enseignement de l’Eglise, par contre, les invitait à avoir le cœur à droite et le portefeuille à gauche. « Critiquer le Pape », d’accord… mais soutenir une solidarité par l’impôt plutôt que la rentabilité de leurs ‘sicavs’ – quel blasphème!

Les pratiquants non croyants ont encore de beaux jours devant eux. D’où la nécessité de prier sans cesse pour que souffle l’Esprit. Afin qu’eux aussi puissent un jour proclamer: « Amazing Grace! »