Viande de cheval et regard sur l’Eglise

L’affaire de la viande de cheval nous dit quelque chose de notre société: Un produit passe d’intermédiaires en intermédiaires et puis – malgré tous les contrôles – plus personne ne sait encore ce qui se trouve dans l’assiette. On pense être informé, car sur la boîte de surgelés se trouve une belle étiquette. Et pourtant…

Il en va un peu de même avec nombre de choses qui se lisent dans l’actualité catholique ces jours-ci. Le flot des rumeurs passe de dépêche en dépêche. Plus personne ne sait encore exactement qui a donné l’info ou comment la recouper. Chacun se croit donc bien informé en la relayant, car « on l’a entendu à la TV ». Et pourtant…

Ainsi, cet intellectuel déclarant aujourd’hui dans un grand quotidien du nord du pays: « Le Pape a réussi à renoncer au job le plus désirable au sein de son organisation, pour faire ce dont il a vraiment envie ». Voilà une grille de lecture représentative de notre société de consommation: Le Pape avait le « job suprême », mais choisit pourtant de se retirer pour jouir de la vie. Bref, tout est question de choix entre désirs à assouvir. Que voilà une information représentative de l’homme postmoderne. Il a renoncé à la naïveté des catéchismes. Lucide, maintenant, il sait. Et pourtant…  Cet homme a des yeux et ne voit pas. Bien sûr que l’Eglise est aussi une réalité dont les membres sont pétris de chair et donc de péché. Mais il y a bien plus que ça. Dans l’analyse du chroniqueur, nulle trace d’élévation ou d’idéal – et encore moins d’Esprit. Il croit être informé sur l’Eglise… Tout comme quelques heures plus tôt, il pensait manger des lasagnes au boeuf.

 

« L’homme en blanc » – 2e dimanche de Carême, Année C

« Ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante » (Luc 9, 28b-36)

Quand on parle de « l’homme en blanc », beaucoup pensent au Pape. La blancheur de sa soutane rappelle, en effet, qu’il est témoin de la Lumière divine. Bientôt, cette blanche soutane passera des épaules de Benoît XVI à celles d’un nouveau successeur de Pierre. Comme chaque baptisé, les Papes passent, car ils ne sont que disciples de Celui qui – seul – rayonne pleinement de la lumière de Dieu. En ce dimanche, c’est ce que le Christ manifeste à ses disciples par sa transfiguration.

La transfiguration de Jésus sur la montagne, c’est l’expérience de l’infinie puissance d’amour de Dieu qui s’exprime à travers Lui. Difficile de décrire ce que les trois apôtres ont vu, mais  leur Maître leur est apparu d’une « blancheur éclatante ».  A ses côtés Pierre, Jacques et jean ont perçu la présence de Moïse, qui donna la loi, et d’Elie, modèle des prophètes. En effet, en Christ sont récapitulés la loi et les prophètes – et donc toute l’histoire sainte d’Israël. Alors, résonna la Voix. Aujourd’hui encore, elle nous dit : « Celui-ci est mon Fils… Ecoutez-le ».

Un désert au cœur des villes

La plupart des grands médias n’en parleront sans doute pas: Le décès du père Pierre-Marie Delfieux vient d’être annoncé. Il était le fondateur des Fraternités Monastiques de Jérusalem.
En quelques mots: Il s’agit d’un prêtre diocésain qui travaille dans les années 60 du XXe siècle, en équipe dans une aumônerie d’étudiants autour de celui qui deviendra le cardinal Lustiger. En plein mai ’68, l’abbé Delfieux ne jette pas de pavés, mais part vivre en ermitage dans le désert. Depuis sa jeunesse, il est – en effet – fasciné par la figure du Charles de Foucauld. A son retour vers la vie moderne, l’homme est habité par une intuition forte: C’est au milieu des villes que nombre de nos contemporains vivent désormais le désert.
Ici, je cite l’agence Cathobel: « En juin 1974, sa décision est prise de devenir moine dans la ville. L’église de Saint-Gervais lui est alors confiée dans le centre de Paris, pour y établir la future fraternité. Proche de l’Hôtel de Ville et du quartier des Halles, l’église se trouve dans un quartier en pleine rénovation. D’emblée l’essentiel est posé : une vie fidèle aux grandes exigences monastiques et professant les trois vœux de chasteté, pauvreté et obéissance, mais adaptée, en sa forme concrète, aux réalités de l’Église postconciliaire et du monde contemporain. L’accent est mis sur la prière personnelle et communautaire, avec d’amples liturgies chantées dans une église ouverte à tous. La vie fraternelle est fondamentale, mais elle se vit en ville, dans des appartements ou des maisons loués, sans que la Fraternité puisse acquérir de propriétés. Le travail, nécessaire pour gagner son pain, se veut aussi solidaire des contraintes vécues par les citadins : il se vit, de préférence, à mi-temps, comme salarié. Les frères veulent ainsi se situer en solidarité avec les citadins qui les entourent, mais aussi en contestation, pour affirmer le primat de l’amour et de la prière ».

Prions pour ce bon et loyal serviteur de l’Evangile et confions sa fondation au Maître de la moisson.

 

 


« Avoir, pouvoir, valoir » – 1er dimanche de Carême, Année C

« Il fut conduit par l’Esprit à travers le désert » (Luc 4, 1-13)

Carême… A la suite du Christ, l’Esprit nous conduit 40 jours au désert. Le désert est retour à l’essentiel : Qu’est-ce qui me rend plus vivant ? Le désert est aussi le lieu où la tentation reçoit son vrai visage : « Ordonne à ces pierres de devenir du pain ». Vais-je vivre pour les biens matériels, plutôt que spirituels ? Tentation de l’avoir. « Prosterne-toi devant moi et je te donnerai les royaumes de la terre » Vais-je vivre en m’asservissant à la logique du prince de ce monde ? Tentation du pouvoir. « Jette-toi en bas du pinacle du temple et les anges viendront pour te porter ». Vais-je vivre en cherchant à séduire la galerie ? Tentation du valoir.

Carême… A la suite du pape Benoît XVI, nous sommes conduits à comprendre que toute possession terrestre n’est qu’un emprunt ; tout pouvoir, un service temporaire ; et toute dignité, une charge à remettre au pied du Christ. Tel est le chemin de la Pâques. Empruntons-le avec Benoît XVI et – uni à lui – prions pour le prochain successeur de Pierre.

Futur conclave – John Allen, un journaliste à suivre

Conseil d’ami aux journalistes et aux lecteurs de ce blog: S’il est un homme qu’il faut lire ces jours-ci, c’est bien John Allen jr. Ce journaliste américain du National Catholic Reporter (NCR), fut – des années durant – correspondant à Rome. Sa réputation est solide. C’est lui que CNN et les autres grandes chaines télévisées américaines se battent pour avoir comme commentateur quand un événement majeur se déroule au Vatican. Pourquoi? Parce que les connaisseurs savent que peu de Vaticanistes ont, tout à la fois une telle intégrité déontologique, une pareille connaissance du terrain et la confiance de tant de hauts prélats romains. Ce n’est un secret pour personne: Si un journaliste doit pouvoir obtenir une interview de la part d’une éminence de la Curie, il y a de fort à parier que ce soit John Allen. Et je pense pouvoir affirmer que certaines de ces analyses sur le rapport entre Eglise et médias furent lues et reçues par les plus hautes autorités ecclésiastiques. Le crédit de celui qui est aussi un catholique engagé est tel que, comme l’homme se trouvait être par hasard à Rome lors de l’annonce surprise de la renonciation faite par Benoît XVI, d’aucuns pensaient qu’il était au courant… Ce qu’il démentit avec humour.

Sur quoi se fonde pareille réputation? Sur le fait que les analyses de l’Américain sont à l’opposé de la dérive tabloïd. Elles écartant le sensationnalisme et l’anecdotique, pour aborder le fond des choses. Ainsi son dernier article, paru hier sur le site du NCR. Pour ceux qui ne lisent pas l’anglais, je résume: D’aucuns ont affirmé que l’ombre de Benoît XVI pourrait planer sur le conclave et empêcher les cardinaux de délibérer en toute liberté de cœur. C’est plutôt le contraire qui est prévisible et ceci pour trois raisons: 1. Benoît XVI lui-même vient de sortir des sentiers battus en prenant une décision grave et inédite. Il invite donc les cardinaux à être audacieux à l’écoute de l’Esprit.  2. Le fait que le Pape renonce à sa charge en déclarant n’avoir plus la santé pour mener à bien les défis de l’heure, alors qu’il n’est nullement grabataire, accrédite le fait qu’il faille un pontificat qui puisse prendre à bras le corps une série de chantiers ouverts – à commencer par le fonctionnement de la Curie. 3. L’ombre d’un Jean-Paul II défunt fut bien plus importante sur le conclave dernier que ne sera probablement celle d’un Benoît XVI se retirant dans la prière. En effet, si le peuple catholique exprime à ce Pape sa tristesse de le voir se retirer, l’émotion il y a huit ans était d’une toute autre ampleur, face à la perte de « l’athlète de Dieu ».

John Allen conclut en écrivant qu’il ne faut pas, pour autant, s’attendre à un changement de cap au Vatican. Plutôt un changement de style et de fonctionnement. L’analyse a le mérite de donner à penser. Quant aux fidèles, en ce début de carême et en cette fête des saints Cyrille et Methode, patrons de l’Europe – elle les invite à confier le futur conclave au Maître de la moisson. Par le jeûne, le partage et la prière.

Carême amoureux – La Libre 13 février p.47

Ce 13 février, jour du Mercredi des Cendres, qui marque l’entrée des catholiques en Carême,  ma chronique du mois a été publiée en p.47 du quotidien La Libre. Ecrite il y a plusieurs semaines déjà, le renvoi que j’y fais à Benoît XVI n’est nullement lié à l’actualité, même si celle-ci rend ma citation d’autant plus actuelle.
Pour lire la chronique, cliquez sur le lien suivant: « Carême amoureux ».
Je souhaite un saint temps de Carême à tous les lecteurs de ce blog.

Merci à la rédaction de « La Libre » de m’offrir cet espace d’expression.

 

Bluffé par Benoît XVI – suite

Je le disais précédemment: La décision de Benoît XVI de renoncer à sa charge pétrinienne, est un acte théologique qui n’est pas anodin. Ce geste nous dit quelque chose de la relation qui unit le Pape et les autres Evêques catholiques. Il existe une hiérarchie au sein du collège des Evêques: Le Pape est le supérieur hiérarchique des Evêques. Il existe également une collégialité entre tous les Evêques: Le Pape est Evêque de Rome et donc, un évêque parmi les autres. Dans une note explicative préliminaire à la Constitution dogmatique sur l’Eglise de Vatican II, Lumen Gentium, le pape Paul VI a résumé cette double dimension, en désignant le lien entre les Evêques – successeurs des apôtres – et le Pape – successeur de Pierre – par les mots « communion  hiérarchique ». Parce qu’il est le principe de l’unité du collège épiscopal, le Pape en est le chef. Mais, parce que les Evêques sont ses frères dans l’épiscopat, le Pape exerce son autorité en communion avec tous les évêques catholiques du monde.

Le concile Vatican II a édicté qu’à 75 ans, tout évêque serait désormais prié de présenter une renonciation à sa charge. Il est sain que la Pape ne soit pas soumis à la même règle, car c’est le propre de l’institution pontificale de n’être soumis à aucune contrainte externe. (Le Pape est ainsi garant de l’indépendance de l’Eglise). Cependant, une règle non-écrite stipulant que – sauf catastrophe – un Pape ne pourrait jamais renoncer à sa charge – celle-ci étant trop « sacrée » – créerait une injuste distinction d’avec les autres évêques. En effet, en quoi la charge de ceux-ci serait-elle moins « sacrée »? N’ont-ils pas tous reçu la plénitude du sacrement de l’ordre, qui en font les successeurs des apôtres? Par sa libre renonciation, Benoît XVI rétablit l’équilibre. Il est Pape et, à ce titre, personne ne peut le contraindre à renoncer à sa charge. Ni lui, ni ses successeurs. Il n’en est pas moins évêque de Rome et donc, peut juger que le moment est venu de s’aligner sur la discipline propre aux autres membres du collège épiscopal: Si sa santé ne lui permet plus de porter la charge pétrinienne, il la remet entre les mains de l’Eglise – pour que celle-ci en appelle à l’Esprit pour lui désigner un successeur. Comme cela se fait pour les autres Evêques.

La dernière grande décision de Benoît XVI est donc aussi un enseignement. A cet égard, elle s’inscrit pleinement dans la dynamique du pontificat de ce Pape-Théologien.

 

Bluffé par Benoît XVI

Bien sûr, j’avais appris durant mes études en droit canonique qu’un Pape pouvait démissionner. Bien sûr, l’histoire de l’Eglise m’avait enseigné que ceci était déjà arrivé. Bien sûr, j’avais expliqué durant mes années de mandat comme porte-parole des évêques que ceci faisait partie des éventualités. Bien sûr… Mais combien de fois, des personnes bien informées et bien intentionnées, ne m’ont-elles pas rappelé que pareille éventualité n’était prévue que pour les cas extrêmes? Que sinon, s’ouvrirait la boîte de Pandore? Et pourtant, Benoît XVI a osé. Ce Pape que d’aucuns disaient sclérosé, a fait preuve d’une audace peu commune. Il a pris conscience que sa santé ne lui permettait plus d’assumer la mission de successeur de Pierre comme il convenait. Alors, il a suivi la voie que le Concile Vatican II indiquait aux évêques, en remettant sa charge entre les mains de l’Eglise, afin – qu’inspirée par l’Esprit – celle-ci désigne son successeur.

Benoît XVI marquera l’histoire comme Pape théologien. Sans doute que le dernier acte majeur de son pontificat, sera également son affirmation théologique la plus forte: Toute responsabilité ecclésiale vient du Christ et retourne à lui. Le fait que ce message soit porté par un Pape tellement ancré dans la tradition et aussi éminemment expert en science sacrée, lui donne un poids d’autant plus lourd. Jusqu’ici, une démission de Pape était synonyme de catastrophe ou d’accident. Avec Benoît XVI, l’éventualité de voir un Pontife Romain renoncer à sa charge entre dans le champ des possibles. Désormais, un conclave pourra élire un Pape sans que celui-ci ne se croie obligé de rendre sa charge avec son dernier souffle. En effet, ce Pape du futur saura que – si un jour son état de santé handicape gravement l’accomplissement de sa mission – une porte de sortie existe pour le bien de l’Eglise. Et que cette porte, Benoît XVI l’a entrouverte pour lui.

« Quand le pêcheur se reconnaît pécheur… » – 5e dimanche, Année C

« Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » (Luc 5, 1-11)

L’évangile de Jean raconte que l’appel des premiers disciples se fit à partir de l’entourage de Jean le Baptiste. Cela correspond sans doute à la réalité historique. Le récit des trois autres évangiles préfère, quant à lui, décrire un autre moment : Celui qui fit passer ces hommes de leur vie professionnelle ordinaire au service du Royaume. Ce sont des pêcheurs. Ils s’en vont donc pêcher. Mais il n’y que peu de prises ce jour-là. Jusqu’au moment où Jésus s’en mêle. Alors, Simon-Pierre comprend qu’à travers Jésus, c’est le Très-Haut qui agit. Il est pris d’effroi et se reconnaît pécheur. Jésus confirme son appel, ainsi que celui de ses compagnons : « Désormais, ce sont des hommes que tu prendras ».

Ce mercredi, nous entrons en Carême par l’imposition des cendres. Que ces 40 jours soient aussi pour nous une occasion de quelque peu laisser nos occupations profanes, pour davantage nous consacrer au service du Christ. Ce qui compte, c’est notre disponibilité. Le résultat, lui, est entre les mains d’un Autre. Le Maître de la pêche, c’est le Christ.

‘How should one live?’ – UWC Maastricht

Being an alumni of the United World Colleges (UWC) www.uwc.org www.uwc.be www.uwc.nl, I was honored to be asked to give, this very Thursday, the keynote speach launching the two days ‘Theory of Knowledge conference’ organised by students of UWC Maastricht. I gave my lecture in the very room where – as we were told by the Governor – exactly 21 years ago, the Maastricht Treaty was signed. I was impressed by the interest and maturity of the some 200 teenagers (average age: 17) listening to me and asking intelligent questions. After my speech, I participed at one of the workshop organised by the students themselves. The topic ‘eugenics’, was introduced by a Danish student. I stood there listening and debating for one and a half hour, amidst 30 youngsters and not one single adult in charge. All these young citizens were listening, questioning, and respectfully disagreeing. No disciplinatory problem: All of them were highly committed, having organised it all by themselves. I was impressed. And all the sudden, I remembered that this was exacly what I had experienced some 30 years ago, when I happened to be  a UWC student in Southern Wales. There was but one difference: When our young Danish moderator asked us, who believed humans were overall generous and who thought they were rather selfish – only a small 20% of the attendants took the optimistic view. In my days, the split would have been much more balanced. The current generation is born with the economical crisis. It therefore carries a darker view on the human species. And nevertheless, those young people are capable of high ideals, in order – as Kurt Hahn, the founder of UWC stated – to make this world a better place. I don’t know whether my speech managed to tell them something lasting about ‘How to live’. But what I do know, is that leaving Maastricht this day, I felt grateful and happy that life made such experiences possible.