Lettre ouverte des aumôniers de prison en Flandre

On me transmet cette lettre ouverte aux responsables politiques en matière d’internement, rédigée par les aumôniers catholiques et les pasteurs bénévoles des Établissements pénitentiaires néerlandophones. Je suis conscient des énormes problèmes budgétaires de la politique carcérale. Mettre sur pied des réponses au cri d’alarme contenu dans cette lettre, ne se fera pas par un claquement de doigts de politiques magiciens. Cependant, j’ai jugé utile de partager cette réflexion sur mon blog. D’abord, parce que je trouve que les accompagnants spirituels en milieu carcéral font un boulot formidable – ce que je souhaite saluer. Ensuite, parce que la demande d’euthanasie de Frank VDB  et les motivations qu’il y donne, se rapproche dangereusement d’une « peine de mort sur demande ». Et cela doit faire réfléchir. EdB

Lettre ouverte (aux responsables politiques en matière d’internement)

Le 13 septembre 2012, on apprenait que la demande d’euthanasie de Frank V.D.B., un homme interné (c’est-à-dire déclaré irresponsable par le juge) avait été approuvée par trois médecins.  Cette décision souleva immédiatement des questions au sein de l’Association belge des Syndicats de Médecins : “Même si la demande d’euthanasie est conforme à la loi, la question qui préoccupe tout un chacun dans cette discussion d’ordre social est de savoir si le détenu aurait pris cette décision radicale s’il avait bénéficié des soins psychiques et du soutien nécessaires.” Depuis cette approbation donnée l’année dernière, aucun médecin ne s’est trouvé disposé à donner à Frank l’injection réclamée. L’état psychique de Frank n’a fait qu’empirer. Hier, sa situation a été l’objet une fois de plus d’une émission de Panorama.

Jusqu’à présent nous, aumôniers catholiques des établissements pénitentiaires néerlandophones, avons gardé le silence. Nous considérons que notre tâche primordiale consiste à nous tenir proches de Frank, à prêter l’oreille à son histoire, à ses interrogations, à ses angoisses. Nous respectons la décision qu’il a prise après mûre réflexion, même si nous ne partageons pas toujours son opinion.

Nous désirons aujourd’hui faire entendre notre voix, parce que nous sommes d’avis que la souffrance psychique de Frank est indissolublement liée au système dans lequel il vit actuellement. Comme pour tant d’autres personnes internées, la place de Frank est dans une institution psychiatrique, alors qu’il séjourne depuis plusieurs années (en tout 28 ans !) en prison. Il n’y a jamais reçu de traitement psychiatrique adéquat et on n’y a pas créé les circonstances qui auraient pu rendre vivable et supportable le séjour de plusieurs années d’un patient comme lui. Le soutien psychiatrique était lui aussi insuffisant. Après toutes ces années, il considère que continuer à vivre dans ces conditions n’a absolument aucun sens.

Dans la demande d’euthanasie de Frank, nous n’entendons pas tant une demande de mourir, que le souhait de vivre, mais alors de façon digne et humaine. Frank désire donner du sens à sa vie, même s’il reste privé de liberté. Frank veut exister aux yeux des autres, même s’il ne peut pas participer pleinement à la vie en société. D’où notre appel urgent aux responsables politiques pour qu’ils entendent le cri lancé par Frank à travers sa demande d’euthanasie : occupez-vous en priorité des personnes internées en les accueillant dans des institutions adaptées où ils recevront les soins adéquats! Le nouvel établissement, en voie d’achèvement pour le moment à Gand, peut offrir dans ce domaine une occasion rêvée. Son mode de fonctionnement est toutefois menacé. Le manque de personnel qualifié risque de faire en sorte que cette institution ne devienne finalement qu’une “prison ordinaire”. Et l’on peut craindre en outre que ne soient envoyés dans cette nouvelle institution que les internés “faciles”, tandis que les autres resteront détenus dans des prisons.  Nous sommes d’avis que les internés de longue durée qui, contrairement à la plupart des autres détenus, ont beaucoup plus de mal à obtenir leur libération, ont en priorité le droit de vivre dignement, plutôt que d’être obligés d’avoir recours à une demande d’euthanasie pour échapper à leur situation.

Les aumôniers catholiques et les pasteurs bénévoles des Établissements pénitentiaires néerlandophones.

Une réflexion sur « Lettre ouverte des aumôniers de prison en Flandre »

  1. Eric,
    Bon Dieu, pourquoi ne pas écouter la souffrance, pourquoi ne pouvons pas admettre la demande de Franck ? Pourquoi refuser l’euthanasie ? Au nom de quelle loi « divine » ?
    Je pense que Dieu nous donne et la vie et la liberté de vivre ( ce n’est pas la même chose que vivre « libre ») ! Si une vie en souffrance est une vie « libre », je peux le comprendre dans des cas extrêmes (comme Thérèse de Lisieux) : elle était entourée dans son monastère et elle faisait témoignage (= martyr)…Et la liberté, c’est aussi choisir sa mort (même si la tradition nous dit que « vous ne savez ni le jour, ni l’heure »)…Alors, rejeter sa demande est aussi un déni de liberté…l’obliger à vivre est aussi un acte « totalitaire », liberticide…Alors, nous pourrons gloser longuement,philosophiquement sur la « fin de vie », la responsabilité et le choix personnel, les moyens (il est préférable dans une société où les moyens sont rares à les « investir » dans la prévention que dans la répression ou l’accompagnement des auteurs)…Jésus,condamné sur la croix,nous a indiqué une voie entre les deux larrons…
    Mais ce post n’est pas le lieu de ce débat…

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