Affaire « Zwarte Piet » – Moi, c’est Saint-Nicolas qui me dérange

Je confesse avoir souri en entendant tous ces doctes sociologues et militants anti-racistes débattre ces derniers jours de la question de savoir si – comme l’affirme un rapport de l’ONU – le père Fouettard est – ou non – un symbole de l’esclavagisme des noirs par les blancs. Non pas que le débat soit idiot, mais parce que je pense que le langage juridique n’a que peu sa place dans le cadre des traditions folkloriques. Une loi interdisant d’encore exhiber un père fouettard noir aux côtés du patron des écoliers – serait risible. Par contre, si je devais donner une idée de buzz commercial et médiatique à une chaine de grands magasins, ce serait de prévoir cette année autour de la fête du 6 décembre, dans toutes les succursales des Saint-Nicolas noirs accompagnés de pères fouettards blancs. Histoire d’aborder la question de la meilleure façon qui soit: avec humour et second degré. Soit dit en passant, quand on connaît l’engouement national de la fête de Saint-Nicolas aux Pays-Bas, ce qui me surprend le plus – c’est que la polémique tourne autour de la couleur de peau du « Zwarte Piet » et non à propos du culte d’un évêque dans un pays à forte majorité calviniste…  

Mais redevenons sérieux: Moi, c’est surtout Saint-Nicolas qui me dérange. Pas la fête et le folklore, mais la « tromperie organisée » de parents pensant rendre service à leur enfant en lui faisant croire en une histoire qui tronque la vérité (que c’est Saint-Nicolas qui apporte les cadeaux et non pas eux). Ce faisant, ils se font surtout plaisir à eux-mêmes. Si j’en crois une sentence judiciaire française, un père ne peut donner la fessée à son enfant. (Je ne pense pas qu’il faille criminaliser le geste, mais sur le fond – je suis d’accord: la fessée est un aveu d’impuissance des parents et non de leur autorité). Mais pourquoi, les parents auraient-ils davantage le droit de répondre aux questions de leur petit par une histoire fausse? C’est ce que j’expliquais dans ce blog, en décembre 2011 – en partant d’une anecdote vécue il y a 44 ans et que je n’ai jamais oubliée. Allez me relire… Deux années plus vieux, je n’ai pas changé d’avis.    

 

16 réflexions sur « Affaire « Zwarte Piet » – Moi, c’est Saint-Nicolas qui me dérange »

  1. Eric, Votre post me laisse pantois…Déjà , la polémique et les commentaires soulevés par le rapport de l’ONU sont à la limite de l’imposture intellectuelle…Sans être un « folkloriste » averti, dans ma région (Verviers, proche de la frontière allemande), le « père fouettard » avait un nom Hanskruff (ou Hans Kruff) : il n’était pas noir, mais allemand et si son visage était noir, c’était tout simplement, parce qu’il portait les cadeaux aux enfants et passait par la cheminée : c’est la suie qui noircissait son visage…on est loin du racisme (blanc/noir), même si les traditions charrient aussi leurs symboles, qui amalgament et un contexte particulier et les mythes intemporels. Je vous laisse la responsabilité de créer un buzz commercial …cela me rappelle trop, ce qui fut en son temps, les happenings et les prurits de la révolution « culturelle » occidentale. Tout comme, votre « allusion » à l’ engouement des hollandais pour un évêque, pour faire court…Mais laissons là le folklore.
    Par contre, je ne peux que réfuter la « tromperie organisée » des parents qui racontent des histoires…Raconter des histoires fait partie de l’humanité, de notre essence humaine… (voyer la tradition des sociétés africaines, basée sur le récit). La Bible n’est qu’une suite d’histoires…Les grands « penseurs », les plus grands moralistes ont toujours raconté des histoires…et j’en ai aussi raconté à mes filles et petits enfants : l’essentiel c’est le lien, la relation , l’accompagnement. En un mot : la fiction n’est pas synonyme de mensonge ou tromperie.
    Enfin , la « fessée » (il ne s’agit pas de pratiques régulières et/ou humiliantes) : s’il est vrai que c’est toujours un échec, mais elle est aussi signe de relation…Le cas que vous relayez doit être aussi ramené à son contexte : le cadre d’une séparation du père et de la mère…où trop souvent, les enfants sont un enjeu, un moyen de pression, dans un conflit où ils ne sont que victimes…Enfin, votre lien vers votre post de 2011, indique que pour un enfant de 6 ans, vous étiez déjà philosophe… :-))…Moi, je reste avec le souvenir du gout des spéculoos, des visites à St Nicolas (au Grand Bazar) et la carotte, pour l’âne de Saint Nicolas…
    NB Halloween : une fausse tradition importée dans nos pays me semble avoir encore moins de justification !

    1. Cher Bernard, Je pense que vous m’avez mal lu. Pour le père fouettard, ma réflexion se voulait ludique. Pas besoin de faire un coup de sang pour cela. Pour la fessée, ce n’était qu’une réflexion « by the way »… en recadrant les choses, et signalant que cela n’avait rien à faire avec le droit pénal. Pour le coeur de mon message: « Raconter des histoires » aux enfant – oui. « Les tromper » – non. Faisons donc la fête de saint Nicolas. Mais quand l’enfant demande « qui apporte les cadeaux », disons-leur la vérité.

      1. Si un « coup de sang’ est exprimer un désaccord…OK
        Quand à dire « la » vérité » en prenant comme exemple qui « apporte les cadeaux »…c’est très matérialiste :il faut dire la vérité,et les enfants ne sont pas dupes (même, s’ils nous font croire qu’ils y croient) : l’essentiel, c’est la relation, l’amour, le lien…et parfois, la vérité n’est pas bonne à dire toujours et tout le temps : cela dépend des circonstances et des personnes…Je suis aussi relativiste.

        1. Non, le « coup de sang », c’est de se dire « pantois »… Ce blog encourage le débat et les désaccords, mais j’espère ne pas mettre mes fidèles lecteurs dans des états émotionnels trop extrêmes ;-)

          1. Eric, Rassurez-vous : je n’ai pas eu de « coup de sang » en lisant votre post…même si j’ai écrit le mot « pantois »…(il m’en faut plus, et ma vie, comme celles de beaucoup d’autres nous réserve, d’autres défis que la lecture et le commentaire d’un blog)…
            Quant à répondre par une pirouette ( un phrase plutôt qu’une réponse), je vous réponds aussi, au même niveau : pirouette, cacahuète…Mais sans doute, ce que j’écris en commentaire ne mérite pas davantage … Pas de coup de sang, pas de mépris, seulement une expression de ce qe l’on pense et ressent…a+

  2. Cher Eric,
    Tes réflexions me laissent perplexes. Tout d’abord sur « la tromperie organisée », où les parents se fons plaisir. C’est exactement le type de réflexion que mon meilleur ami m’a fait il y a quelques années, après que son premier enfant soit né. Depuis, il m’a annoncé fièrement, il y a de cela trois mois, que désormais il ne rentrerai plus jamais dans une église, même pour le mariage de son frère ou que sais-je, afin d’être cohérent avec ce qu’il pense. Or, je crois que ce type de réflexion est particulièrement horizontale. Je repense au beau titre de l’ouvrage de Philippe Maxence, tiré de l’œuvre de Chesterton « Pour le réenchentement du monde ». Il ne s’agit pas de s’évader dans un merveilleux onirique, mais bien plutôt de constater que la création, avec toutes ses créatures, ses saisons, ses paysages, est merveilleux. C’est le regard de l’enfant qui s’émerveille devant l’œuvre du Bon Dieu. Et c’est là le début de la sagesse…Alors franchement, faire croire à un enfant que, par sa gentilesse, par son amour du Bon Dieu (oui, je parle ici pour une famille catholique), son saint patron, le grand Saint-Nicolas, veut le féliciter, et lui offrir une récompense. Et les parents, au lieu de se mettre en avant et de récolter les « merci », s’effacent humblement pour que le Ciel, à travers un de ses saints, soit remercié. Comment ne pas voir, du point de vue de l’éducation chrétienne, la formidable possibilité que représente cette fête d’apprendre aux enfants qu’il y a un Ciel, avec ses saints, et que ce Ciel est bien plus réel que notre monde terrestre? Je ne vois donc aucun oxygène céleste dans ce type de remarque très « païenne ».
    Pour l

    1. Cher Jean, Je maintiens. Je suis un disciple de Chesterton et un grand adepte de réenchantement du monde. D’où mon intérêt pour « le Seigneur des Anneaux », « Narnia » et aussi – oui – Harry Potter. Et je n’ai aucun souci à ce qu’on raconte aux enfants que saint Nicolas apporte des cadeaux. A condition, de ne pas mentir quand l’enfant demande si c’est vraiment saint Nicolas qui vient. Faire la distinction entre le réel, le surnaturel et l’imaginaire est – bien au contraire – le meilleur rempart contre le paganisme. Qui est peut-être encore plus dangereux pour le christianisme que l’athéisme.

  3. Pour la fessée, dire que c’est un aveux d’impuissance ravira les parents qui essaient de faire correctement leur travail d’éducateur, et qui ne se laissent pas trop perturbé par la révolution des Dolto et autres apprentis sorciers de l’éducation. On préférera un type plein de bon sens comme Aldo Naouri, qui voit les méfaits de ’68 depuis quarante ans dans ses consultations et qui essaie de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
    Amicalement,
    Jean.

    1. Cher Jean, Je ne pense pas pas être un pur produit de mai ’68. Mais je ne réagis pas, non plus, par opposition. Et oui – si la fessée est parfois inévitable, elle n’est pas selon la meilleure pédagogie. Sans rien dramatiser. Ma remarque se voulait en passant et en rapport au sujet du post.

  4. Moi aussi, comme notre cher abbé blogueur, je garde un souvenir mitigé de cette tradition. J’ai pris conscience très tôt que Saint Nicolas, bien malgré lui, si il faisait la joie des uns, il faisait aussi la peine d’autres. Ce qui me dérange, c’est le vide qui entoure la révélation de la véritable identité du grand Saint, le fait que celle-ci se produise à des ages très divers. Je me souviens, chez des enfants plus grands, certains qui savaient se foutre de la gueule d’autres qui y croyaient encore. Je confesse avoir fait partie d’un tel groupe de moqueurs, nous avions d’ailleurs été punis. Mais quand j’y repense, se rendre compte à onze ans qu’on est un des seuls de sa classe à ne pas savoir qui est Saint Nicolas doit être humiliant. Et d’un point de vue purement stratégique, l’engouement pour cette tradition dans les familles, écoles, et mouvements de jeunesse catholique m’a toujours surpris, à leur place, il me semble que je m’en méfierais un peu.

  5. Monsieur le Doyen, bonjour.

    Vos deux articles (2011 et 2013) sur la modeste tradition du grand saint Nicolas donnent à réfléchir.

    Si on y ajoute l’Epiphanie et la Noël, cette tradition-là est assez universelle dans les vieux pays chrétiens. Au départ d’une fête religieuse, d’une manière ou d’une autre, nos aïeux ont inventé une laïcisation bon enfant – c’est le cas de le dire – pour favoriser une idée toute simple : l’amusement des enfants fait le contentement des parents.

    Vous auriez pu noter que la légende des enfants au saloir (et ressuscités) tombe pratiquement dans l’oubli.
    Vous auriez pu comparer les traditions entre elles.
    Vous auriez pu dénoncer les dérives mercantiles qui parasitent ces traditions.
    Ce n’est pas ça qui vous a intéressé.

    Vous vous attardez à moraliser, plus en profondeur, sur la « tromperie organisée »…
    Craignez-vous donc que les parents et les enfants ne soient pas assez lucides pour deviner – comme ce fut le cas chez vous – quand il est temps de tourner la page ?

    On vous lisant, je me suis dit : ce clerc, il n’est pas le plus clérical de nos clercs ; et pourtant. Chassez le naturel, il revient au galop ?

    1. Cher Monsieur, Merci de ce commentaire. Permettez-moi d’y répondre. Que vous ne partagiez pas mon analyse, est votre droit et mon blog est là pour engager la réflexion. Que vous voyez dans mon analyse une forme de « cléricalisme », dit – selon moi – plus sur vous que sur moi. Vous avez peut-être souffert de la moralisation des curés. Je ne sais. Mais en quoi le fait de partager mon avis, à partir de mon expérience d’enfant de six ans, serait une moralisation cléricale? Je ne saisis pas. Sachez que de nombreux clercs, en ce compris prélats, ne partagent pas mon point de vue. Et c’est également leur droit. Mais moi, j’ai un avis et je le partage. Je pense qu’il s’agit de prendre les enfants au sérieux, d’autant plus qu’il sont souvent les meilleurs théologiens qui soient. Et donc, racontons-leur la vérité. Si c’est cela être « clérical »… quelque chose doit m’avoir échappé. EdB

      1. Monsieur le Doyen, bonsoir.

        Tout d’abord. Personne ne souhaite pas interdire quoi que ce soit. Vous donnez un avis. On vous en présente une critique.

        Ensuite, je vous remercie de formuler l’hypothèse selon laquelle j’aurais souffert lors de mes fréquentations du clergé.

        Quant à votre argument tiré de la diversité des avis dans le clergé… Franchement, c’est léger : on peut trouver des « cléricaux » dans toutes les chapelles.

        C’est bien vous qui avez parlé de « tromperie organisée », à propos de la saint Nicolas. C’est une critique qui « ne fait dans la dentelle » et qui me paraît tout à fait excessive.
        Mon hypothèse d’explication est-elle fausse ? Peut-être. Mais votre manifestation de mauvaise humeur ne conduit pas dans cette direction.

        Bonne semaine.

        E. D.

        1. Cher Monsieur,
          Je ne vous reproche pas la critique, mais je trouve gratuit – et pour tout dire facile – que vous y colliez le label « clérical ».
          Que ma critique vous paraisse excessive, est votre droit. Et si je n’étais pas prêtre, mon avis serait le même.
          Car oui – je ne trouve pas juste que – quand un enfant demande la vérité sur S. Nicolas – elle lui soit cachée.
          Cléricalement vôtre ;-)

  6. Merci à vous.
    Surtout pour le « cléricalement vôtre ;-) ».
    J’y comprends ceci : tu as tort de me supposer clérical, mais au fond, peu m’importe.
    Franchement, ça, j’aime beaucoup.

    Bien à vous.

  7. Lorsque j’étais enfant, St Nicolas était la seule fête « magique » où le merveilleux s’offrait à nous. Aujourd’hui, les enfants ont la télévision et les dessins animés sont disponibles tous les jours, tout le temps. Les lieux de loisirs et parcs d’attraction se multiplient, bref, le merveilleux est partout et Santa Claus est apparu également, suscitant une seconde vague de cadeaux… Il me semble que ça commence à faire beaucoup.
    Nous sommes très loin de la légende des petits enfants dans le saloir (ce n’est pas une chose que je regrette d’ailleurs) et nous sommes entrés dans une ère de consommation à tout-va.
    Les familles ont bien du mal et parmi celles-ci tant d’enfants qui n’ont pas les mêmes chances…
    Bref, pour moi, on pourrait limiter la St Nicolas aux enfants de la maternelle ou alors leur dire que les parents « cotisent » pour la distribution des cadeaux. Leur faire croire que tout « tombe du ciel » (!) ne me paraît pas une si bonne idée que ça dans le monde d’aujourd’hui.

    C’était le simple avis d’une grand-mère, juste une réflexion !

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