Je crois que je vais aller buter un Curé…

« Au nom du fils » est joué depuis peu dans un cinéma de ma bonne ville de Liège. Pour ceux qui n’ont pas encore entendu parler du film de Vincent Lannoo, il s’agit de l’histoire d’une sage paroissienne, animatrice bénévole de radio catholique. Le jour où son fils adolescent – abusé par un prêtre – se suicide, son monde bascule. La fidèle devient vengeresse: Elle abat sans pitié tous les ecclésiastiques abuseurs sur sa route. Sur le modèle de « Pulp fiction » de Tarantino, il s’agit donc de ce que le réalisateur appelle un « pamphlet jubilatoire », nullement économe en hectolitres d’hémoglobine. Je n’irai pas voir ce film, mais – sur le principe – je n’ai rien à redire. La pédophilie n’a touché qu’une minorité du clergé catholique et elle sévit bien ailleurs – à commencer dans les familles. Il n’empêche, ce qui a eu lieu au sein d’une Eglise dont le « core business » est la défense des plus petits, mérite l’opprobre. Outre que l’abus sexuel est un sordide délit, quand celui-ci est commis par un « homme de Dieu » – cela est particulièrement grave: En plus de la souillure du corps et de la confiance envers l’adulte, c’est toute la relation à la Transcendance qui est salie. Dès lors, si d’aucuns s’en donnent aujourd’hui à cœur joie par une démarche cinématographique « jubilatoire », reconnaissons que certains au sein du catholicisme leur ont fourni des bâtons pour se faire battre.

Rien à redire donc sur le film, ni sur la vidéo de promotion, qui interroge les spectateurs liégeois à la sortie de la première en Cité ardente. Que la production ne garde que les commentaires élogieux, est de bonne guerre. Ce qui dérange, c’est que cette vidéo se conclut par la provocation d’un spectateur: « Je crois que je vais aller buter un Curé ». Et que, sur son site Facebook, la production salue la remarque par ces mots: « Mention spéciale pour la dernière phrase de la vidéo ».  Malgré le  petit smiley » qui suit le commentaire, ici une ligne rouge est franchie. Non pas par le provocateur qui – je l’espère – manie le second degré. Mais par la production, qui met sa boutade en exergue. Pour rappel, selon le centre pour l’égalité des chances, par « inciter à la (cyber)haine« , « il faut entendre toute communication verbale ou non-verbale qui incite à, stimule, attise, encourage, accentue, provoque, pousse ou appelle d’autres personnes à certaines réactions de haine ». Imaginons un film sur le fondamentalisme musulman, que les producteurs ponctueraient par l’éloge de la remarque: « Je crois que je vais aller buter un Imam ». Ou un film sur des malversations en milieu maçonnique ponctué par: « Je crois que vais aller buter un Vénérable ». Dans le prolongement de « l’affaire Trullemans », je doute que cela passerait. Entendons-nous bien: Je ne fais pas partie de ceux qui proclament que les catholiques sont devenus les parias de notre société. Je réclame simplement les même droits pour tous les citoyens – en ce compris les Curés. Il est un peu court de s’en tirer en disant: « Lol, c’était pour rire! ». Le jour où un déséquilibré prend une arme et « bute un Curé » – il sera trop tard de s’en étonner au cours de doctes débats télévisés dominicaux.

Pour conclure, j’ajoute que ces jours-ci, j’ai assisté – dans les diverses paroisses du centre-ville à Liège, dont je suis le… Curé – à plusieurs fort belles cérémonies de premières communions et de profession de foi. Les enfants semblaient heureux de mieux découvrir le Christ et désireux de vouloir grandir au sein de son Eglise. Le catholicisme ne se réduit pas à des pamphlets, si jubilatoires soient-ils. Cela aussi, méritait d’être rappelé.

 

19 réflexions sur « Je crois que je vais aller buter un Curé… »

  1. N’avoir rien à redire « sur le principe » de ce genre de films ? Alors que ce film incite à la haine, à la vengeance et à la violence. En contradiction frontale avec Jésus qui nous demande amour, pardon et non violence.
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    Or, le cinéma et la télévision sont truffés de ce genre de films. Peut-on dire, en tant que catholique, qu’on n’est pas opposé « sur le principe » à cette apologie massive de la haine, de la vengeance et de la violence ?
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    En outre, il faut savoir que notre société belge francophone pratique une omerta généralisée sur la pédophilie en son sein. Cela fut mis en évidence, au début 2012, avec l’affaire Child Focus. Cette association avait noté que pratiquement aucun enfant abusé sexuellement n’osait se déclarer. Que ces abus soient commis par des parents, par des enseignants, par des éducateurs, par des moniteurs, par des médecins, par des camarades, etc…
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    Child Focus avait alors lancé une campagne pour aider toutes ces victimes à se faire connaître et à oser déposer plainte. Résultat : aucun média officiel n’a relayé cette campagne et l’association s’est fait taper sur les doigts par les politiciens francophones. Les responsables de la protection de la jeunesse ont déclaré que cette question des abus sexuels dans la société belge ne regardait pas Child Focus, et que eux-mêmes s’en occupaient avec toute la discrétion et le tact nécessaires.
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    À quand donc un film ou un reportage qui dénonce cette chape de plomb sur le drame des abus sexuels sur mineurs en Belgique francophone ?

  2. Je peux comprendre que la liberté d’expression se doit de mettre en évidence les déviances dans quelque milieu que ce soit. Mais bien sûr, en évitant la généralisation. Et sur ce point je vous rejoins.
    Je pense aussi personnellement que l’Eglise (quellle qu’elle soit) fait beaucoup de tort à ses membres qui veulent croire à une vérité dogmatique. Mais s’ils en ont besoin, c’est leur choix.
    Ce que je regrette néanmoins dans votre analyse est la référence à la franc-maçonnerie. Car justement, si il y a bien un exemple à ne pas donner c’était celui-là. Car c’est le seul qui s’est réellement produit, notamment suite à un film « Forces occultes » en 1943 poussé par le Régime de Vichy, lequel était soutenu par l’Eglise Catholique. Des miliers de franç maçons ont été exécutés suite à cela. Je pense que vous auriez pu vous abstenir.

    1. Merci de cet avis. Votre vision du « dogme » est caricaturale, mais c’est votre droit… si vous « en avez besoin » ;-)
      Pour la citation de la Maçonnerie, justement, parce que cela s’est produit, il était utile de le citer: l’appel à la haine ne connaît pas de frontières idéologiques.
      Et c’est un prêtre régulièrement invité en tenue blanche (invitation faite à un non-maçon de venir parler en Loge) qui l’affirme.

    2. Ce n’est pas l’Eglise qui est en tord mais l’homme qui s’écarte de la Parole du Christ et des Evangiles.

      Film par nature provocateur qui désigne d’une manière explicite l’Eglise de Rome et non l’Humain tout en humanisant la vengeance (via la mère) s’oppose au principe même de la Chrétienté en jouant entre le Bien et le Mal, ce qui n’est pas nouveau mais approuver « a butter un curé » et implicitement faire la chasse à la communauté chrétienne est sans équivoque.

      Partir sur les franc-maçons en disant que l’Eglise catho a fait si et çà..c’est comme donner raison a la propagande communiste concernant le Pape en 45 alors qu’il a été reconnu comme Juste aussi bien par Golda Meir que le Grand Rabin de NYC etc..

      Maintenant il est moins risqué pour le réalisateur de faire un film sur l’Eglise que sur Aisha …que sur « le livre vert  » de Khomeiny …ou cette « tradition  » de mariage de gamines de 09 ans…qui existe depuis 1400 ans !

    3. @ philippe m… Cette histoire de persécution des francs maçons, et surtout votre chiffre de « milliers de francs maçons exécutés », relève de la fable. Le régime nazi était par contre violemment et ouvertement anti chrétien. Les chrétiens étaient associés aux juifs dans la haine de Hitler, comme le prouve ce qui suit.
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      En 1938, fut publiée une directive officielle pour la formation des jeunesses hitlériennes, en cinquante articles. Une véritable charge, d’inspiration très nietzschéenne et voltairienne, contre le christianisme, traitée de « religion pour les esclaves et les imbéciles ». Voici quelques articles : « Il n’y a pas de civilisation chrétienne », « Les dix commandements sont un résumé des plus bas instincts de l’humanité », « Comment mourut le Christ ? Gémissements sur la croix. Comment mourut Planetta (*) ? Heil Hitler ! Vive l’Allemagne ! » « Néron eut bien raison de persécuter les chrétiens. Il a extirpé l’esprit juif, c’est-à-dire le christianisme. »
      (*) Nazi autrichien, assassin du chancelier catholique Dollfuss, qui combattit le nazisme.
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      Cette haine des nazis résulte aussi de l’opposition frontale du Vatican contre le nazisme, opposition officialisée dans une encyclique de 1938 (« Mit brennender Sorge ») lue dans toutes les églises d’Allemagne, à la grande fureur de Hitler.
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      Questions. La f’ranc-maçonnerie s’est-elle opposée ouvertement contre le nazisme ? Pour quelles raisons selon vous le régime hitlérien ne pouvait-il tolérer la franc maçonnerie ?

  3. Pourquoi dès lors ne pas saisir la justice?
    Il me semble que ce serait cohérent avec vos propos et que cela permettrait à un plus grand nombre de se rendre compte de l’ampleur et de la banalisation du phénomène christianophobe et plus particulièrement cathophobe. Sans compter que vous sauverez peut-être des vies… courage!
    Amitiés et en udp!

    1. Le recours à la justice ne se justifie pas à chaque fois. Un simple appel au bon sens est parfois bien plus efficace.

  4. « La pédophilie n’a touché qu’une minorité du clergé catholique et elle sévit bien ailleurs – à commencer dans les familles. » Cette phrase me choque profondément car j’ai le sentiment qu’elle tente à minimiser un fait grave en pointant sans discernement une autre cible : les familles. Je suis père de famille très nombreuse et je connais assez bien les difficultés d’éducation dans le respect de chacun. Ma génération a été éduquée avec des non-dits, parfois dans le mensonge et surtout dans l’omerta. Le « sexe » était « le mal ». Qu’il y ait dans quelques familles des abus je n’en doute pas. Mais de là à discréditer les familles pour relativiser des faits innommables, je m’insurge !
    J’ai personnellement partagé, il y environ 30 ans, le témoignage d’un SDF de mon âge
    qui avait lui aussi été abusé. Il m’a raconté qu’ « après ses saloperies, « il » l’obligeait à se confesser » car, lui disait-il, « c’était lui qui « le » tentait »  »
    Et lorsqu’on sait ce que signifiait la « confession » pour le commun des fidèles il y a 40 ou 50 ans , on peut à peine s’imaginer le poids de la culpabilité qui s’abattait sur la victime.
    Je terminerai par cette phrase terrible :
    « Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre vous, c’est à moi que vous l’avez fait »

    1. Je n’incrimine personne. Je cite les statistiques officielles: partout où des mineurs sont sous autorité d’adultes, la vigilance est de mise. Et, si vous m’avez convenablement lu, vous verrez que je suis le dernier à minimiser.

  5. Merçi pour votre article…. et votre courage de prêtre … de plus en col romain.
    Le bouc émissaire parfait pour la grande majorité des personnes….. d’autant plus qu’ils ne risquent rien en ridiculisant les catholiques. (Du moins de ceux qui mettent en pratique la parole « Pardonne leurs, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».)
    « Le faux Dieu change la souffrance en violence.Le vrai Dieu change la violence en souffrance. » (Gustave Thibon)

  6. les procès des prêtres pédocriminels ont révélé deux choses dont visiblement l’une vous a échappé alors que c’est la plus grave : la complicité des évêques qui maintiennent dans le sacerdoce des détraqués psychiques prédateurs de mineurs (nominations de paroisses en paroisses, après dans les cas les plus graves, qq années dans un monastère)
    Quand allez vous comprendre ? Qu’un pervers viole des enfants c’est une chose mais que des responsables ne comprennent pas comment il faut protéger, et les enfants et le pervers lui-même (en le réduisant à l’état laic) est plus grave encore.

    je suis catholique pratiquant

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