La « crapule », les paumés et les patrons

« Crapule! » – En désignant de façon si peu flatteuse Lakshmi Mittal, les politiques se font surtout porte-parole du désarroi populaire. Combien de familles, la décision de fermer plusieurs lignes de phases à froid, va-t-elle faire basculer dans la précarité? Chaque année, leur nombre gonfle en région liégeoise. Je ne parle pas ici de la cohorte de celles et ceux qui vivent en décrochage social. Ni alcooliques, ni délinquants, ni drogués et pas forcément sans diplômes ou malades, les paumés de la mondialisation ont le visage de Monsieur et Madame tout-le-monde. Ce sont des citoyens qu’un accident économique fait passer « sous la ligne de flottaison »: Incapacité de payer une facture, coupure d’électricité, sur-endettement,… Et s’ils sombrent dans la dépression, ce n’est qu’en réaction à l’épreuve financière et morale qui les frappe.
La faute à des « crapules »? Les choses seraient simples, si la sidérurgie wallonne était victime d’un grand complot, ourdi par de méchants capitalistes. La réalité est plus froide. Les Mittals de ce monde suivent la logique implacable et aveugle de la finance sans balises. Tous les analystes le soulignent: Aucun interlocuteur politique n’est de taille à faire obstacle aux calculs d’une multinationale. Voilà pourquoi, se battre pour un rééquilibrage de l’économie mondiale – comme je le soulignais dans un de mes derniers « posts«  – est une des grandes priorités de l’heure.

Ceci n’empêche pas une réflexion concrète sur l’avenir de l’emploi liégeois. J’étais jeune prêtre quand un cadre retraité de la FN m’emmena sur les hauteurs de Liège et me dit: « Regarde la cité ardente: Cette ville de 200 000 habitants vivait, il y a quelques années encore, grâce à trois employeurs majeurs: la FN, le Val ST Lambert et Cockerill. Tous trois ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Et pourtant la population de la ville est restée stable. L’explication? Beaucoup de personnes ont retrouvé un emploi grâce aux petites et moyennes entreprises. Ce sont elles l’avenir de notre région. » C’était bien vu. Le pays de Liège n’a jamais tant eu besoin d’entrepreneurs. Ici, une anecdote récente me vient à l’esprit. Il y a peu, je me trouvais chez un couple. Il y a quinze ans, ils ont fondé à la sueur de leur front une PME qui emploie aujourd’hui neuf personnes et a un chiffre d’affaires en croissance. Ces dynamiques quadras n’ont rien d’ultra-libéraux cyniques – bien au contraire. Ceci ne rend leur témoignage que plus pertinent: « Nous croulons sous les contrôles et les taxes tracassières. C’est vraiment décourageant. Pour essayer de faire bouger les choses, nous nous sommes un temps engagés dans les instances wallonnes représentant les entreprises, mais sans résultat. Le point de vue des petits patrons n’est que peu pris en compte dans ce pays ». Je leur suggérai de rencontrer des politiciens pour leur communiquer un tel message, mais ils me répondirent par un soupir qui en disait long sur leur résignation. Ils ajoutèrent: « Et ne nous confondez pas avec ces top managers aux salaires astronomiques. Quelles que soient les qualités de ces derniers, ce ne sont pas des patrons. Simplement des employés au service d’un actionnariat ». Ce témoignage comporte sa part de subjectivité – comme tous les témoignages. Mais il mérite réflexion. Les vrais patrons – ceux qui sont capitaine d’un navire qui leur appartient – sont une denrée trop rare pour que nous ne les écoutions pas.

5 réflexions sur « La « crapule », les paumés et les patrons »

  1. « Les vrais patrons – ceux qui sont capitaine d’un navire qui leur appartient – sont une denrée trop rare pour que nous ne les écoutions pas. »

    Voila bien une vérité qui vaut pour bon nombre de responsable.

    Que ces messieurs les politiciens qui crient au loup avec le peuple n’oublient pas qu’ils ont mis eux-mêmes les outils amenant cette situation de crise.

  2. Dag beste Eric

    ik heb alles goed gelezen, maar gezien ik vlaming ben zullen me wel enkele finessen ontgaan. Ik begrijp uw priesterlijke bekommernis als Luikenaar nu: uw schrijven heeft me diep opntroerd.
    ik heb een schoonbroer die hoofdingenieur is bij eletrabel en ik had nog aan de lijn vanavond , hij werkt reeds drie dagen per week in Parijs ! Hij zegt : ik werk nu voor Suez !!! En België wordt een arme vazalstaat van Frankrijk!

    je hebt me gekwetst met uw laatste antwoord over het homohuwelijk  » de hetero’s trouwen niet meer, waarom zouden de homo’s dat nog doen ?

    Maar ik draag geen rancune want ik hou van jou, hoever we ook van elkaar bestaan;

    je genegen,

    johan

  3. La démocratie commence avec la prise en charge de soi-même. Elle continue dans la reconnaissance de nos limites et de la possibilité de les dépasser quelque peu grâce aux lien que nous tissons. Cela vaut notamment pour nous aider à mener une vie professionnelle entreprenante. Il me semble que cet état d’esprit progresse en Wallonie jusqu’au niveau politique. Il devrait nous aider à limiter les effets négatifs de la réorganisation de l’économie.

  4. Je trouve bien juste, mon cher Eric, de rappeler que derrière le visage de monsieur et madame tout-le-monde, se cache parfois bien des drames inavoués. Beaucoup
    de ceux que nous croisons en rue, dans le bus ou au marché ont appris à conserver leur dignité coûte que coûte. Ils s’efforcent donc de garder une apparence convenable, de fréquenter un bar ou un parc public afin d’échanger quelques mots avec autrui , en omettant, bien sûr, d’évoquer leur propre misère. Car la dignité est tout ce qui leur reste. Ils ont souvent perdu un emploi bien rétribué et dont ils étaient fiers, mais aujourd’hui, leur vie s’effiloche comme un vieux vêtement.
    Bien entendu, on peut faire porter le chapeau par les dirigeants des entreprises en difficulté, mais qu’est-ce que cela change ? Plusieurs d’entre-eux ont eu le soucis de tenir l’entreprise à flot avec le soucis de préserver leur personnel. Les causes sont à chercher plus globalement, notamment dans cette fameuse globalisation planétaire. C’est ce qu’on appelle aussi la mondialisation. Les corrections à apporter au fonctionnement économique de l’ensemble des nations sont le fait des hommes politiques. Mais pas en se contentant de grands débats comme le G7, et d’autres., dont il ne sort que quelques bonnes intentions. Alors que le mal doit être prit à la racine et par des décisions bien concrètes, non plus dans le cadre d’industries et de commerces nationaux, mais en tenant nécessairement compte des autres pays et de leurs besoins
    réels, afin de privilégier l’échange d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre. ..
    Et, en attendant que cela ne bouge un peu, gardons les pieds sur terre pour accompagner et aider le mieux possible les personnes précarisées que nous côtoyions fréquemment ( et cela avec l’aide attentive de nos élus !) Ne perdons jamais de vue que nous risquons de nous trouver un jour à leur place. Sachons trouver les gestes
    et les mots qui les aideront à guérir de leurs blessures et à retrouver un peu de dignité humaine.

  5. Désolé, cher Eric, tous les patrons de multinationales ne sont pas des ultra-libéraux cyniques, vivant au dessus de toutes lois ( par opposition aux bons petits patrons encore un peu paternalistes et tellement conscients du bien-être de leur personnel qu’ils en viennent à oublier qu’une entreprise non profitable est vouée à la disparition) Dans les multinationales, secteur que je connais un peu, il y a généralement chez les dirigeants un très gros souci précisément d’assurer la pérennité de l’entreprise et de prendre en compte l’impact social des décisions prises , souvent par altruisme, parfois seulement pour maintenir l’image nationale ou internationale de l’entreprise.
    Evitons tous de tomber dans les clichés, la mauvaise multinationale, le syndicat vertueux ( comme la GGT chez Goodyear en France, etc) La réalité est bien plus nuancée , même dans le monde de l’économie libérale « débridée »
    Amitiés
    jean pierre hainaut

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