« Effata ! » – 23° dimanche, Année B
« Il fait entendre les sourds et parler les muets ». (Marc 7, 31-37)
Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus guérit un sourd-muet avec un peu de salive et une parole étonnante, citée pour cette raison en version originale: « Effata ! », c’est-à-dire « ouvre-toi ».
Jésus n’a pas guéri tous les sourds-muets de son époque. Par son geste, Il fait comprendre qu’Il vient délivrer l’homme de sa surdité et de son mutisme spirituel. Le dicton énonce avec justesse : « Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ». Et de fait, quand on me demande quel est mon pire défaut, je réponds que c’est sans doute celui dont je n’ai pas encore conscience. Tant que je le nie, mon péché me domine et me rend aveugle, sourd et muet. Je me contente d’objecter avec véhémence : « mais non, je ne suis pas comme ça ! » Par contre, le jour où je prends conscience de ce travers – je « vois » mon défaut, « j’entends » les reproches de mon entourage, « j’exprime » une demande de pardon.
Vous l’aurez compris : Jésus n’est pas là pour nous conforter dans le sentiment que nous sommes des « gens biens ». Il n’a pas, non plus, pour mission de nous reprocher que nous sommes des « vauriens ». Non, Il vient à notre rencontre par l’Esprit et dit : « Ouvre ton cœur. Afin que tes oreilles entendent ce que tu n’entendais pas et que ta langue exprime ce qu’elle n’arrivait pas à dire ».« Effata !… ouvre-toi ».
In memoriam Mgr. Noël Treanor (1950-2024), le gentleman-diplomate de Dieu
Dimanche dernier, c’est en célébrant l’Eucharistie dans la chapelle de la Nonciature Apostolique près l’Union européenne, que Mgr Noël Treanor est brutalement décédé à 73 ans, victime d’une crise cardiaque aussi inattendue que fatale. Quel choc…
J’ai connu Noël alors qu’il était le Secrétaire Général de la COMECE, l’organisme qui représente les épiscopats des états membres de l’Union, après de l’Union européenne. Né à Tyholland, tout près de la frontière avec l’Irlande du nord, l’abbé Treanor a rejoint la COMECE en ’89 pour en devenir le Secrétaire général en ’93 et ce, jusqu’à ce qu’il soit appelé à l’épiscopat en 2008. Une bonne part de ce que la COMECE est devenue – et cet organisme est important – elle le doit à ce gentleman-diplomate. L’Irlandais était pourvu d’un excellent sens social et maitrisait nombre de langues – dont le français et le néerlandais – tout en restant simple et affable avec les grands comme avec les modestes. L’article 17 du Traité Fondamental de l’Union européenne doit beaucoup à Mgr Treanor. Cet article reconnait les communautés religieuses et philosophiques, en déclarant vouloir maintenir avec elles « un dialogue ouvert, transparent et régulier ».
Avec Mgr Noël, nous avions des échanges sporadiques, mais toujours cordiaux. Quand il sut qu’il allait être appelé à servir ailleurs, il me proposa même de postuler pour lui succéder à la COMECE. La Providence m’a mené à parcourir d’autres chemins, mais dans cette suggestion, j’ai vu un signe de confiance de la part de cet homme dont j’admirais la compétence, l’humour et l’enthousiasme.
Mgr Treanor devint évêque du diocèse de Down and Connor – c’est-dire Belfast – en taille le 2° plus grand diocèse de la province ecclésiastique d’Irlande, situé sur le territoire du Royaume-Uni. Il fut un pasteur apprécié et un artisan de paix. En avril 2021, suite à un regain de violences interconfessionnelles, il participa à un appel à la paix au sein de toutes les communautés confessionnelles. Il m’écrivit qu’avec les responsables des quatre églises principales du lieu – presbytérienne, méthodiste, anglicane et catholique – il organisa une marche silencieuse des deux côtés de la frontière entre quartiers catholiques et protestants. Ce fut un geste fort.
En novembre 2022, le pape François nomma Mgr Treanor, Nonce apostolique près de l’Union européenne. C’était une perte pour l’Irlande du nord, mais Rome envoyait ainsi pour soutenir le rêve européen, le prélat le plus compétent qui soit pour occuper pareil poste stratégique. Ceci nous donna de nous revoir. En février dernier, je partageai un repas avec lui, en présence d’un professeur en droit constitutionnel. Ce fut un moment intense.
Nous pensions l’avoir à nos côtés pour des années. Mais voilà… De Là-Haut, il continuera à veiller sur la paix en Irlande du nord et sur l’avenir de l’Union européenne. « Bon et loyal serviteur, entre dans la joie de ton Maître ». (Matthieu 25, 21-23)
« Du pain et des jeux…» – 20° dimanche, Année B
« Moi, Je suis le pain vivant ». (Jean 6, 51-58)
Les jeux olympiques de Paris sont clôturés. Comment ne pas applaudir tant d’exploits sportifs ?
Et pourtant, le sport ne peut devenir une religion. Celle du corps, de la performance et de l’audimat. Alors, l’esprit olympique est détourné de son sens premier, qui est d’oxygéner le corps et l’esprit, tout en cultivant une saine fraternité entre les athlètes. Alors, la compétition nous distrait de l’Essentiel – notre devoir d’humanité.
En ne vivant que pour du pain et des jeux, l’homme est distrait de son devoir envers la terre : celle qui crie famine au Soudan et qui hurle sous les bombes à Gaza ou en Ukraine. En ne vivant que pour du pain et des jeux, l’homme oublie également de lever les yeux vers le Ciel et vers le seul Pain qui permet des performances qui ne diminuent pas avec l’âge.
En Christ, Dieu nous nourrit de sa vie donnée pour le salut du monde. Ce mystère d’amour infini est rendu présent dans chaque Eucharistie. « Moi, Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »
Alors oui, faisons du sport. Mais que ceci ne nous détourne pas de notre vocation première : devenir les Nafissatou Thiam de l’amour de Dieu et les Remco Evenepoel du service des hommes.
Qu’est-ce que l’Assomption, cette grande fête que célèbrent les catholiques? – La Libre p.33
« Faim de quoi ?» – 18° dimanche, Année B
« Travaillez pour la nourriture qui demeure ». (Jean 6, 24-35)
Alors que la famine sévit encore au XXI° siècle (pensons au drame du Soudan), nos pays souffrent souvent de malbouffe et d’obésité.
Un signe de notre accumulation de biens matériels, plutôt que de viser la nourriture spirituelle.
« Travaillez pour la nourriture qui demeure », enseigne le Christ. Puis Il ajoute : « Je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi, n’aura jamais faim ».
Cérémonie d’ouverture des JO de Paris – la polémique
« Pas de marketing…» – 17° dimanche, Année B
« Alors, de nouveau, Il se retira tout seul, dans la montagne ». (Jean 6, 1-15)
Ce Jésus n’est vraiment pas doué en matière de marketing… Il vient de faire un coup d’éclat en multipliant les pains. Les foules raffolent et en redemandent. Mieux : elles veulent en faire leur roi. Et lui, au lieu de prendre la balle au bond, que fait-il ? Il se retire, seul, dans la montagne pour prier son Père. Ses disciples – qui n’attendaient que de le voir triompher – n’ont pas dû comprendre.
Et pourtant, si Jésus multiplie les pains, ce n’est pas pour annoncer la fin des famines. L’Evangile n’est pas une assurance de gagner au win-for-life, mais une invitation à prendre le dur chemin de la conversion. La multiplication des pains annonce que le Royaume du Père est source d’abondance spirituelle et de partage fraternel. Mais le cœur humain est lent à comprendre ce que son âme pressent. Quand passe un gourou qui annonce un bonheur aussi trompeur que facile – nous sommes séduits. Tandis que le Verbe de Dieu, que les foules voulaient couronner pour de mauvais motifs, finira couronné d’épines sous les regards amusés.
« Saint repos » – 16° dimanche, Année B
«Reposez-vous un peu ». (Marc 6, 30-34)
De retour de mission, les apôtres sont fatigués. En bon pédagogue, Jésus les invite à se reposer. Cela n’est pas anodin. Nous vivons dans une société de l’efficacité et du travail. En soi, ce n’est pas mauvais de faire l’éloge de l’effort. A condition, cependant, que la sacro-sainte compétitivité ne devienne pas une religion. Le « toujours plus vite, plus fort et plus intense » ne peut tenir éternellement. Nous ne sommes, ni des surhommes, ni des robots. D’où le besoin de repos, de recul, de vacances. Pas uniquement pour « ne rien faire » ou pour bronzer, mais pour nous oxygéner l’esprit. Afin de faire le point, de creuser en nous-mêmes, voire pour retrouver la source de notre baptême en écoutant davantage l’Esprit.
Les vacances, ce n’est pas forcément partir loin, ou visiter beaucoup de choses. Les vacances, c’est prendre du recul par rapport au quotidien, afin de revenir plus frais, plus disponible, plus lucide, et pourquoi pas ?… plus chrétien. Car du travail nous attend à notre retour et pas uniquement pour gagner notre croute. Il s’agit aussi de notre mission de baptisé : « Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, Il se mit à les instruire longuement ».
Droit de réponse de la présidente du CAL à l’article d’Éric de Beukelaer
Je reprends ici le droit de réponse à ma récente chronique, signée par Véronique De Keyser, présidente du CAL.
Elle sera publiée dans La Libre du 17 juillet et est reprise sous ma chronique sur leur site.
J'ai de l'estime pour Véronique De Keyser. Je regrette à mon tour le ton de sa réponse - parlant en mon chef d'arrogance et d'extrême violence de ma dégoutante métaphore.
Je suis cependant heureux de recevoir une réaction du CAL et que le débat puisse se poursuivre.
Je constate simplement que, si l'Eglise catholique est régulièrement critiquée dans ce pays (parfois avec raison), le CAL semble peu goûter la contradiction.
Pourtant, la démocratie, c'est le débat.
Plus fondamentalement, je déplore de ne recevoir aucune réponse de fond à ce que j'écris.
Ainsi, si le CAL déclarait officiellement qu'il est heureux que l'UBB (Union Bouddhiste de Belgique) reçoive le statut de philosophie non confessionnelle, je présenterai officiellement mes excuses.
S'il ne le fait pas, qu'il explique en quoi cela le dérange de voir d'autres citoyens renforcer les rangs des convictions non-religieuses.
Carlo Luyckx, président de l'UBB, parle dans une lettre ouverte d'avril dernier, d'une "campagne de lobbying intense mais discrète du CAL".
S'il a tort, que le CAL le détrompe en soutenant la demande bouddhiste.
S'il a raison, que le CAL s'explique sur les raisons qui le font désirer rester le seul représentant "non confessionnel" dans ce pays, plutôt que de balayer ma lecture des choses comme "complotiste et affairiste".
Toute autre attitude ne contribue qu'à noyer le poisson (si cette métaphore n'est pas trop osée...)
On ne peut, en effet, tout à la fois prôner la stricte séparation entre les religions et l’Etat et demander à "une commission parlementaire" de se prononcer dans une question de théologie interne à cette communauté.
C'est la position constante du Conseil d'Etat et du Conseil de l'Europe: ce n’est pas à l’Etat de déterminer si une conviction de vie est « religieuse ou non ». Si une communauté convictionnelle décide de se présenter comme « philosophie non confessionnelle » et qu’elle entre dans les critères de reconnaissance par l’Etat belge, la puissance publique « neutre » (ou laïque…) doit se contenter de constater que les critères juridiques sont remplis et puis, prendre acte de cette volonté.
Pour en revenir à la métaphore: si j'ai utilisé l'image du "chien berger" qui mord ceux qu'il est censé protéger, c'est pour réveiller mes amis laïques.
On ne peut tout à la fois se présenter comme le protecteur du pluralisme des convictions, et vouloir piloter celles des autres.
Je ne m'attendais pas à un bouquet de fleur de la part du CAL en guise de réponse, mais j'aurais espéré un débat respectueux et répondant à mes arguments.
Je n'ai jamais snobé les invitations des laïques et les leur ai souvent rendues. Au nom de cette relation longue, franche, souvent cordiale, mais sans compromis, je leur pose haut et fort une série de questions importantes pour le vivre-ensemble démocratique.
Le fait que le droit de réponse du CAL soit tellement épidermique ne peut s'expliquer que par deux options: soit je me suis totalement planté, soit j'ai fait mouche. Chacun jugera, car tel est l'objet du débat. Vous avez dit "libre-examen" de toute question?
Par Véronique De Keyser, présidente du Centre d’Action Laïque
J’ai pris connaissance de l’étonnante sortie d’Éric de Beukelaer publiée dans La Libre Belgique de ce mardi 9 juillet.
Les combats du Vicaire général de Liège contre ce qu’il appelle les « laïcités politique et philosophique » sont connus et mon « Droit de réponse » n’est pas le lieu pour y revenir. Hélas, ses conceptions sur ces matières sont totalement dépassées et souffrent de multiples lacunes conceptuelles qui montrent à quel point ses idées ne sont plus au goût du jour, comme toutes celles qu’il égrène dans cette affligeante « Chronique » : « laïcistes », « religions d’état », sens du « libre examen », etc.
Il y a tant de fantasmes et de chimères dans ses analyses sans nuances et souvent empreintes d’arrogance. A un point tel que l’on n’est jamais très loin d’une vision complotiste et affairiste, comme, par exemple, quand il évoque le rôle du CAL quant à la procédure, pourtant strictement parlementaire, de la reconnaissance de l’Union Bouddhiste de Belgique. Mais ce n’est pas ceci qui me choque car les libertés d’expression et de pensée d’Éric de Beukelaer valent aussi.
En revanche, l’extrême violence de la métaphore dont il use pour parler du CAL, elle, ne passe absolument pas : le chien, la rage, les morsures et le vaccin. Mais quelle abjecte et scandaleuse séquence ! Car, à filer cette dégoûtante métaphore, nous, les laïques, tels des chiens frappés de rage, devrions donc être piqués pour nous voir inoculer un vaccin… La férocité de la diatribe d’un homme qui se présente comme un chantre du dialogue et se félicite de se faire inviter dans tous les cénacles laïques et même en Franc-maçonnerie m’a scandalisée au plus haut point. Et ceci d’autant plus que le momentum politique choisi pour écrire cette Chronique n’a rien d’anodin.
C’est donc cela que la Présidente d’une Association qui regroupe des milliers de femmes et d’hommes laïques ne peut absolument pas laisser dire ! Il m’est intolérable qu’ils soient assimilés à une horde de chiens enragés. Il m’est insupportable que nous, librement engagés et acteurs laïques au service de ce pays, soyons réduits à des fondamentalistes en puissance ou à des porteurs de « voix illibérales », terme tellement symboliquement surchargé quand on connaît le rôle historique des « Libéraux » dans la configuration pacifiée de notre pays.
Et de même, pourquoi donc se servir, dans ce raisonnement qui attaque lâchement le CAL, d’un mot terrifiant comme « dhimmitude », par ailleurs chéri par l’extrême-droite ? Pourquoi employer à dessein un terme aussi pervers et polémique, et qui plus est bâtard, vocable d’une rare brutalité à l’égard de nos concitoyens musulmans, tant il les ramène, par ricochet, à une vision négative et abjecte de leur religion, comme s’il fallait encore, dans cette diatribe, se servir de l’islam et l’instrumentaliser ? Quel immense gâchis !
Si Éric de Beukelaer veut vraiment, pour le citer, que demeure « la centralité de la Raison dans la Cité », il ne doit pas s’exempter lui-même de cette tâche humaine et humaniste. Aucun sentiment de supériorité ne lui permet de se dispenser de cet élémentaire devoir de respect citoyen. Je lui demande d’arrêter d’user de ces infâmes procédés dont les effets sont dévastateurs, tant ils sont porteurs de haine et de mépris.
Car ce n’est pas qu’un « prêtre-chroniqueur » qui parle, c’est, je l’ai dit, le Vicaire général de Liège, mais c’est aussi un membre important du « Comité national » chargé d’organiser la visite du pape en Belgique. D’ailleurs, faudra-t-il alors, par un nouvel excès de zèle, écrire une autre « Chronique », pour museler les chiens enragés, en sorte que les soi-disant « amis laïques » ne viennent pas jouer les trouble-fête devant le pape, lors de sa visite du 26 au 29 septembre ? D’autant que les laïques tiennent plus que tout à la journée du 28 septembre, cette « Journée mondiale pour le droit à l’avortement », droit sans cesse remis en cause, comme celui de l’euthanasie et de tant d’autres, par un homme dont les convictions religieuses, sur ces questions qu’il assimile honteusement à une « culture du déchet », sont obscurantistes.
Je demande donc à Éric de Beukelaer de ne pas verser dans le mépris et de ne pas inventer des guerres et des combats qui n’ont plus lieu d’être. Car tenter de séduire les uns et les autres avec des propos contradictoires est un jeu dangereux. Et je le rassure : on ne risque pas d’y être mordu, mais bien d’y perdre son âme. Ce qui pour un chrétien à plus de prix qu’un mollet. Il est urgent que reviennent, chez lui, le sens du respect et un ton en cohérence avec les fonctions qui sont les siennes.