Hier soir, en me rendant à la prière pour les victimes – organisée par la communauté de Sant’Egidio – je longeai la Meuse et suis passé sous le pont des Arches. En levant la tête, je vis que – d’une rive à l’autre – sur ce pont était garé un chapelet de camions-émetteurs de presse, venus de tous pays. Bien malgré elle, Liège était devenue le centre d’attention du monde entier. Comme d’autres, je reçus d’ailleurs plusieurs messages inquiets – ou paroles de soutien – de personnes habitant par-delà les océans.
Et pourtant, tout cela gardait quelque chose d’irréel pour ceux, qui – comme moi – avaient vécu le drame à quelques rues de distance. J’avais été témoin de l’agitation et avais vu les policiers courir dans les rues, mais guère plus. Il m’était difficile de me dire que cette ville meurtrie – dont la presse était pleine, frisant par moment le trop-plein – était celle où je vivais. Jusqu’au moment où je reçus un mail m’annonçant qu’une des jeunes victimes était le fils de voisins d’une connaissance. Un gamin poli et aimable, parti le matin pour réussir un examen et qui ne rentrerait pas. Alors seulement, la tragédie reçut un prénom et un visage.
Ce matin encore, le visage des Liégeois était fermé. Tel celui qui a la gueule-de-bois, la Cité Ardente s’est réveillée sonnée par le coup de boutoir, reçu la veille. Petit à petit, pourtant, les rues se sont à nouveau animées. L’esprit ardent et bon-vivant des Principautaires reprend le dessus. Ceci, même sur les lieux du drame, où je suis passé ce mercredi midi. Mais Liège n’oublie pas. Sujets de conversations graves et regards chargés d’émotion. Liège se relève, mais n’oublie pas.
Merci à Serge Schoonbroodt de m’avoir signalé l’œuvre du photographe Jim Sumkay, en ajoutant pour unique commentaire : « Liège est meurtrie mais digne. Liège est belle, même lorsqu’elle souffre ! » http://www.museepla.ulg.ac.be/opera/sumkay/2011/1213.html http://www.museepla.ulg.ac.be/opera/sumkay/2011/1214.html