La boue de nos vies…

Pour avoir croisé quelques fois le désarroi de personnes dont la maison fut inondée, je me doute bien du drame vécu par ces habitants de la région de l’est du Brabant-wallon, qui assistent impuissants à des coulées de boues aussi répétitives que dévastatrices. Mon billet publié ce 20 juillet dans La Libre retrouve ainsi une dramatique actualité – ce dont chacun se serait fort bien passé (La Libre du 20/07 en p.45).

En même temps, cette tragédie domestique est une parabole de nos vies. Qu’est-ce que vivre, si ce n’est sans cesse nettoyer et re-nettoyer la boue qui nous assaille ? Un dictateur est chassé de Lybie, mais tout est à reconstruire dans son pays et – ailleurs de par le monde – d’autres tyrans redressent la tête. Un enfant réussit une épreuve et en ressent une légitime fierté, mais attention : il ne s’agit pas de s’asseoir sur ses lauriers. La vie réservera d’autres défis, étapes et crises. Et l’échec sera toujours là. Surtout – à vue humaine et matérialiste – vers la fin, avec la vieillesse, la maladie et la mort.  Un sale défaut nous habite ? une mauvaise habitude ? On essaie de s’en défaire. Encore et encore… Et parfois, le découragement prend le dessus. Des chrétiens sincères se démènent pour que l’Eglise puisse rayonner du message du Christ et puis – boum ! – un gros scandale de pédophilie éclate et laisse chacun pantois. Etc. etc. Oui, la vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais un incessant combat contre toutes ces boues personnelles et collectives. Malheur à celui qui baisse les bras. Il se laissera engloutir. Mais –reconnaissons-le – parfois tenir debout, tient du miracle.

Dans la tourmente, les chrétiens ne sont pas plus forts ou meilleurs que les autres. Mais ils savent qu’ils ne sont pas seuls. En Christ, Dieu s’est chargé de toute la boue de nos vies, pour y inscrire l’empreinte de son Esprit. Alors, haut les cœurs ! Ne laissons pas la boue ternir l’éclat de nos âmes. Je pense surtout à tous ces jeunes qui reviennent des JMJ – pleins de feu et de joie. La vie va les reprendre. La boue – insidieuse – les ramènera à la grisaille du quotidien. Que le feu de leur foi se fasse par moment moins ardent, est dans l’ordre des choses probables. Mais aidons-les à faire en sorte que ce foyer allumé à Madrid ne s’éteigne pas. Apprenons-leur les simples gestes de fidélité : aux sacrements, à la prière, à la lecture de la Parole, au partage fraternel,… Et puis, surtout, montrons-leur un visage d’adulte qui leur donne envie de grandir dans cette Eglise. Oui, de la boue il y en aura encore et par tonnes. Pourtant… « Dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais gardez courage, j’ai vaincu le monde ! » (Jean 16, 33)

Orages, bourses, négociations… Et pendant ce temps-là, les JMJ.

Même dans notre petit pays de climat tempéré, la météo se fait meurtrière. L’orage de hier laisse au moins cinq victimes au festival de rock « Pukkelpop ». Malgré toutes les garanties financières, les bourses mondiales plongent à nouveau vers l’inconnu. Et les observateurs les plus éminents ne sont guère rassurants (lire l’interview de Jacques Delors, publiée hier dans les colonnes du quotidien « le Soir »). Quant aux négociations politiques pour la formation d’un gouvernement fédéral belge, elles sont toujours aussi laborieuses. Bouleversements climatiques, récession mondiale et tensions communautaires… Oui, cela arrive près de chez nous. Et oui, nous ne sommes plus à l’abri.

C’est ici que les JMJ prennent une signification toute particulière. Non, il ne s’agit pas d’une grande opération de « com. » catholique. Impossible de réunir plus d’un million de jeunes s’il n’existe pas un élan de fond. Et non, ce n’est pas non  plus une tentative de reprise en main ultraconservatrice au sein de l’Eglise. C’est le signe que la soif spirituelle de la jeunesse est toujours aussi vive. C’est la preuve que la rencontre intérieure avec le Christ n’a rien perdu de son magnétisme. Et cela  est une bonne nouvelle pour tous – croyants et athées confondus. En effet, ce qui donnera aux générations futures d’affronter avec confiance et courage les temps ardus qui s’annoncent, c’est leur capacité à rester debout. Pour cela, il leur faudra une colonne vertébrale spirituelle et non des carapaces de repli. Dans le monde inquiétant – et passionnant – qui s’annonce, la présence de jeunes chrétiens bien dans leur époque et dans leur foi, sera un apport essentiel.

« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? Il n’est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Matthieu 5, 13-16)

 

Harry Potter donne à penser…

Ce blog prend quelques vacances et ceci, jusqu’aux alentours de l’Assomption. Merci encore aux lecteurs – silencieux ou participants. Il est probable qu’à la reprise, le rythme des articles sera moins soutenu. En effet, mes nouvelles fonctions de curé-doyen au centre de la bonne ville de Liège m’offriront sans doute moins de loisirs pour écrire. Nous verrons bien. En guise de cadeau d’été, je vous laisse avec trois réflexions, tirées du dernier film d’Harry Potter – que j’ai eu l’occasion de récemment aller voir avec ma filleule.

Même quand il gagne, le cynique perd : Frappé à mort par Voldemort (le très méchant), Harry se retrouve en esprit dans un lieu qui ressemble à une gare. Là, il rencontre son ancien directeur d’école, feu le professeur Dumbledore. Il comprend que – même s’il a le choix – il doit retourner parmi les vivants, plutôt que de rejoindre ceux qu’il aime et qui sont décédés. Alors Dumbledore lui dit : « Ne plains pas les morts, Harry. Plains plutôt les vivants – surtout ceux qui vivent sans amour ».
Cela me rappelle une conversation avec un jeune militant. Celui-ci me demandait si mon récent essai, « Credo politique », critiquait son parti. Je lui répondis que mon écrit ne traitait pas de questions partisanes, mais du bien commun. Il me fit alors cette réflexion : «  Ah, ton livre voit les choses du point de vue moral. Tu es bien naïf. La politique est seulement une question de pouvoir ». Qu’il médite donc sur la phrase du professeur Dumbledore. Bien sûr que la politique tourne aussi autour de la question du pouvoir, mais je plains celui qui – comme Voldemort – ne vit que pour lui, tel une drogue. Même parvenu au sommet de la gloire, sa vie est une maison bâtie sur le sable. Il est bien plus mort que ceux qui sont morts après avoir réellement vécu – c’est-à-dire – en ayant aimé.

Ce qui est mental n’est pas forcément irréel : Toujours lors de cette rencontre en esprit avec Dumbledore, Harry lui demande : « Professeur, ce moment se passe-t-il dans ma tête, ou est-il réel ? » Son ancien directeur lui répond : « Evidemment que cela se passe dans ta tête, Harry ! Mais cela ne signifie pas pour autant que ce ne soit pas réel ». Cette phrase dit quelque chose de profond. Ainsi les questions : « L’inspiration de l’Esprit se fait-elle intérieurement ? Les apparitions de la Vierge se passent-elles dans la tête des voyants ? Les guérisons miraculeuses agissent-elles sur le psychique ? » Je n’ai pas de réponse définitive à ces questions, mais je suis convaincu que ce n’est pas parce que quelque chose se passe dans la tête, qu’elle n’est pas réelle. Si Dieu existe – comme je le crois – et s’Il est un Dieu relationnel – comme les chrétiens le professent – alors pourquoi ne pourrait-Il pas se communiquer et agir – aussi – par le biais de la vie mentale ?

Le découragement détourne de l’épreuve : Dans l’univers d’Harry Potter, les « détraqueurs » (‘dementors’ en anglais) sont des esprits funestes. Ces ombres ont pour particularité d’aspirer toute joie de ceux qu’elles approchent. Parfois, il m’arrive de rencontrer pareils « détraqueurs » au sein de l’Eglise catholique. Certains proclament que Vatican II est une catastrophe, d’autres que Vatican II est la seule bonne chose, d’autres enfin que seul Vatican III ou IV est la solution. Ce n’est pas leur analyse – pertinente ou non… je n’entre pas dans la question – qui en fait des « détraqueurs », mais bien le découragement qui l’accompagne. Pour eux, tout va mal : évêques, prêtres, laïcs… personne ne trouve grâce à leurs yeux. Autour d‘eux, ne séviraient que lâcheté, imposture et trahison. A celui qui se laisse contaminer par leur état d’esprit, ces personnes enlèvent toute joie.
Comment résister à l’infernale sinistrose des détraqueurs ? Harry apprendra que – pour les chasser – il s’agit de penser très fort à une souvenir qui élève l’âme. C’est exactement ce que j’invite les baptisés à faire. Résistez à ces prophètes de la nécrose et pensez à ce qui est grand et beau ! Oui, les temps ne sont pas faciles pour les disciples du Christ. A l’instar du grand Churchill, je ne puis que leur promettre: « du sang, du labeur, de la sueur et des larmes ». Mais bon sang, que cela ne nous enlève pas notre joie, notre bienveillance et notre paix intérieure ! Même au plus noir du blitz londonien, le sens de l’humour du premier ministre britannique fut l’étendard de son courage. Quant au Christ, il invite à résister à tous les détraqueurs de la terre et d’ailleurs – peu importe qu’ils soient traditionalistes, centristes ou progressistes : « Vous aurez des tribulations dans le monde; mais gardez courage, j’ai vaincu le monde ». (Jean 16, 33)

Sur ces réflexions, je souhaite à tous de profiter de la douceur – même pluvieuse – de l’été. Restons en communion par la prière.

Catholicisme en chute libre – (L’Avenir 16 juillet, pp.2-3)

Le quotidien belge d’origine catholique lAvenir couvrait sa « une » du WE dernier avec un seul titre : « le catholicisme en chute libre ». Le dossier en pp.2-3 commentait les résultats d’une étude de l’Adrass (Association pour le Développement et la Recherche en Sciences Sociales) sur la pratique du culte catholique en Wallonie. Résultats : cela fait 40 ans que le catholicisme décline – ça, ce n’est malheureusement pas un scoop – et aucune inversion de tendance n’est perceptible. D’où cette conclusion : à tendance constante, en 2050 seuls 8% des Wallons seront encore catholiques et un petit 1,6% de la population ira encore à la Messe.

Que penser de pareille étude ? Le tassement, voire l’effondrement, d’une religion de masse est dans l’air du temps. Longtemps, le catholicisme fut pour nos compatriotes la « religion par défaut ». Ils étaient catholiques par naissance et à défaut d’alternative spirituelle. Le centre des villages était la tour de l’église. Aujourd’hui, le cœur de la vie sociale est devenu l’écran de l’ordinateur. La preuve… vous lisez ce blog :-) Un simple « clic » ouvre nos adolescents à un monde pluriel, bariolé de religions, philosophies, voies de sagesses…  De plus, par rapport au catholicisme, les vents sont contraires. S’il était de bon ton de se déclarer catholique – même non-pratiquant – jusque dans les années 80, aujourd’hui, cela relève du courage.

Ceci m’amène donc à nuancer les conclusions de l’étude. Jadis, il n’est pas certain que toutes les personnes se déclarant « catholiques », l’étaient vraiment. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que toutes les personnes ne se déclarant plus catholiques le font par conviction, plutôt que par convenance sociale. L’étude de l’Adrass évalue la part des catholiques de Wallonie à 37%, avec 6,8% de pratique dominicale. Ces chiffres semblent plausibles. Par contre, quand elle projette qu’en 2030, il n’y aurait plus que 17% de catholiques et 3,3% de pratiquants, je suis plus prudent. L’avenir est ouvert : le cœur de l’homme étant variable, qui dit que le catholicisme ne reviendra pas « à la mode » dans 10 ans ? Je ne parle pas d’un retour à une religion de masse, mais à un petit côté « vintage » qui fera en sorte que nombre de compatriotes sans fort ancrage religieux se déclareront à nouveau « plutôt catholiques ».

Je pense donc que la décroissance sociologique du catholicisme va se poursuivre et qu’elle va surtout marquer le paysage institutionnel. Le catholicisme sera, de moins en moins, une puissance sociale dans ce pays. On peut le regretter, mais c’est dans l’ordre des évolutions de société. Je n’en conclurais pas pour autant trop vite que le catholicisme va s’effacer au même rythme des cœurs et des consciences comme conviction religieuse. Combien de fois n’ai-je pas fait l’expérience que des personnes se présentaient à moi de but en blanc comme « non-catholiques », puis après une bonne rencontre corrigeaient cela en ajoutant : « enfin, nous avons des doutes et ne savons plus très bien que croire ». Bref, sans se déclarer piliers d’Eglise, elle se disaient – tout compte fait – un peu moins « non-catholiques » que ce qu’elles avaient affiché de prime abord. Cela ne donne pas des raisons d’être immodérément optimistes pour l’avenir du catholicisme dans ce pays, mais n’oublions pas : « Le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde qu’un homme prit et sema dans son champ, lequel est, il est vrai, plus petit que toutes les semences ; mais quand il a pris sa croissance, il est plus grand que les herbes et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent et demeurent dans ses branches ». (Matthieu 1, 31-32) Bref, même avec une petite graine de foi plantée dans un cœur, l’Esprit peut faire pousser une forêt d’apôtres pour demain.

Faut-il croire au GADLU… ?

Pour les profanes – non-francs-maçons – dont je suis, le terme GADLU peut sembler désigner une recette de cuisine hongroise. Il n’en est rien. Il s’agit de l’abréviation en Loge du « Grand Architecte De LUnivers ». De par le monde, la majorité des loges maçonniques sont appelées régulières et font de l’adhésion au « Grand Architecte » un passage obligé (en terminologie maçonne : un Landmark), alors que les Loges – dites libérales ou a-dogmatiques – laissent à leurs membres une entière liberté à ce sujet. C’est principalement sur cette question que se sont séparées les grandes tendances en maçonnerie. La maçonnerie régulière dépend de la Grande Loge Unie d’Angleterre et est surtout présente dans le monde anglo-saxon, alors qu’en France et en Belgique c’est la tendance libérale – dont le Grand-Orient est le principal ambassadeur – qui est de loin majoritaire. Aujourd’hui, la rupture laisse lentement place au rapprochement, les deux branches collaborant par exemple au musée de la maçonnerie récemment ouvert à Bruxelles.

« Fort bien que tout cela », me dira-t-on, « mais en quoi est-ce que cela concerne le prêtre catholique que tu es ? »  Loin de moi toute velléité de me mêler de la vie intérieure du monde maçonnique (même si j’y ai nombre d’amis, je rappelle qu’un contentieux existe toujours entre celui-ci et le catholicisme), mais je suis d’avis que pareille polarisation nous apprend quelque chose d’important sur le fonctionnement de l’esprit humain. Je pense, en effet, que nombre de nos oppositions ne se fondent pas tant sur des arguments rationnels, que sur une charge émotionnelle.

Je m’explique : à quoi pensent les maçons réguliers quand ils parlent du Grand Architecte ? Je cite Eli Peeters, leur Grand Maître belge (le Vif 1er juillet p.26) : Il s’agit du « principe qu’il existe quelque chose qui dépasse l’individu ». Que rejettent les maçons libéraux quand ils récusent l’obligation d’adhérer au GADLU ? Je cite Eddy Caekelberghs, premier Grand Maître adjoint du Grand orient de Belgique : « Les maçons a-dogmatiques ne se sentent liés par aucun principe créateur ». (le Vif p.27) Bref, les deux points de vue son parfaitement conciliables : il est, en effet, parfaitement possible et acceptable d’adhérer à un principe qui dépasse l’individu, mais qui ne soit pas considéré comme « créateur » de l’univers. En terme savant : on peut être « déiste » sans être « théiste ».

Les maçons réguliers énoncent sans complexe qu’une démarche initiatique en vue d’un développement personnel n’est possible qu’en référence à un principe qui dépasse l’individu, chacun  restant libre de croire que l’origine de ce principe se trouve sur terre ou au ciel. En cela, la maçonnerie régulière reflète bien la culture anglo-saxonne, qui n’a pas connu de combat pour la sécularisation et pour qui, en conséquent, le « Grand Architecte » n’est émotionnellement que fort peu lié au Dieu de la révélation chrétienne. Ainsi, quand un Yankee lance « God bless America », cela ne signifie pas pour autant qu’il fait une profession de foi religieuse. De même, l’athéisme a mauvaise presse Outre-Atlantique, car la plupart n’y voient nullement une question de foi religieuse, mais bien un refus pratique d’adhérer à des valeurs qui dépassent l’intérêt individuel. Bref, de par une histoire différente qui a engendré un inconscient collectif distinct, dans l’univers anglo-saxon les mêmes mots ne signifient pas nécessairement la même chose. Plus que de divergence rationnelle, il s’agit avant tout d’une question de charge émotionnelle.

Le monde maçonnique libéral est, quant à lui, né de la lutte contre l’influence sociale de l’Eglise catholique. « Ecrasons l’infâme ! » proclamait à son sujet Voltaire. Le rejet parmi les loges a-dogmatiques de toute obligation d’adhérer au GALDU est, selon moi, moins dû à une opposition rationnelle à un quelconque principe « qui dépasse l’individuel » (sinon, comment comprendre la dimension symbolique des activités maçonniques ?), qu’à une posture émotionnelle engendrée par l’inconscient collectif de ses membres – ce « Grand Architecte » leur rappelant par trop le Dieu d’une Eglise catholique qui représente l’adversaire historique.
C’est l’expérience que je fis avec un vieux sage maçon – membre du Grand-Orient de Belgique (GOB). Je l’apprécie et, je pense que c’est réciproque. Cependant, dans nos échanges, je devais éviter l’utilisation de tous mots à charge émotionnelle trop « catholique ». Parler de « foi » en des valeurs, ou encore de « spiritualité » citoyenne… c’était déjà perçu comme une manœuvre de curé, destinée à le récupérer. Cela rendait le dialogue difficile. Avant de débattre de nos divergences – bien réelles, elles – il fallait d’abord déminer le vocabulaire.

Bref, je le répète : nombre de nos oppositions ne se fondent pas tant sur des arguments rationnels, que sur une charge émotionnelle. Celui qui veut permettre le dialogue entre communautés humaines, devra autant travailler les émotions que le débat de fond. Dans leurs échanges œcuméniques, les chrétiens catholiques, orthodoxes et protestants en savent quelque chose. Dans leur recherche d’un nouveau compromis institutionnel, les Belges flamands et francophones, aussi. Le monde maçonnique ne fait pas exception. La question du GADLU en est, selon moi, la preuve.

 

Karl-Heinz Weasley et la crise gouvernementale en Belgique

Avec la sortie du dernier film de la série, la Pottermania bat à nouveau son plein. Je n’ai jamais partagé l’avis de ceux qui pensaient que la lecture d’Harry Potter encourageait la pratique des sciences occultes chez les jeunes. Le risque n’est évidemment pas zéro qu’un mineur à la dérive confonde l’histoire et la réalité. D’où un besoin de vigilance et d’éducation de la part des parents et autres adultes. Mais reconnaissons que la possibilité de « dégâts collatéraux » provoqués par une œuvre littéraire auprès de personnes fragiles, a malheureusement toujours existé. Ainsi, le roman épistolaire « les souffrances du jeune Werther » que Goethe publia fin du 18e siècle et qui provoqua quelques suicides romantiques parmi une jeunesse désœuvrée.
Ce devoir de vigilance de la part des adultes étant rappelé, soulignons que le talent de J.K. Rowling est justement de parler de notre réalité en faisant de la fiction. Voldemort (pour les profanes de la série : le très méchant) est le tenant d’une communauté de sorciers de sang-purs, là où Harry et ses amis défendent un monde qui s’ouvre à la différence. Pas besoin de baguette magique pour transposer ce récit dans notre réalité quotidienne. Cela, la plupart des jeunes lecteurs de « Harry Potter » l’ont fort heureusement bien compris.

Parmi les nombreux personnages de la saga Potter, la figure d’Arthur Weasley, père de Ron, mérite notre attention (pour ceux qui ont vécu ces dix dernières années sur la planète Mars, Ron est le meilleur ami d’Harry). Ce brave fonctionnaire du ministère de la magie est issu d’une prestigieuse lignée de sorciers pur-sang. Et pourtant, Arthur Weasley respecte le monde des « moldus » (pour le demi-pourcent de la terre qui l’ignore encore, le terme « moldus » désigne les non-magiciens) et fait tout pour essayer de mieux connaître cette autre communauté d’humains, à la fois si semblable et si différente.
Ce matin, j’ai découvert quelque chose de cela en écoutant à la radio (Matin Première – RTBF)  Karl-Heinz Lambertz, le ministre-président de la communauté germanophone de Belgique. Voilà un homme politique socialiste aux convictions proches de celles d’Elio Di Rupo, qui n’en garde pas moins une vision des choses propre à la culture germanique. En l’entendant parler de la Flandre, je me suis dit : « Tout en défendant les positions francophones, cet homme parle comme un flamand et analyse les choses comme on le fait au nord du pays ».
De là à le nommer Formateur, il y a un pas que le Roi ne pourra sans doute pas franchir. Cependant, pour sortir de l’impasse, il est important que nos hommes politiques capitalisent sur ce genre de personnalités qui – à la manière d’Arthur Weasley face aux Moldus – symbolisent un pont entre Flamands et Francophones.   

“News of the World” – ou l’arroseur arrosé

Je ne me réjouis pas du malheur des autres. Le sort de Rebekah Brooks, Andy Coulson et Glen Mulcaire – la rédactrice-en-chef et les journalistes incriminés de feu le journal ultra-tabloïd « News of the world » – n’est pas enviable. Avoir sa photo affichée à la « une » de toutes les gazettes ; lire des rumeurs répandues sur son compte sans pouvoir réagir ; alimenter les discussions de comptoir ; être devenu l’objet d’une curiosité publique malsaine…. Je les plains sincèrement.

Cependant, comment oublier qu’ils endurent ce que « News of the world » a fait subir – des années durant – à nombre d’autres personnes que le quotidien à sensation espionnait illégalement avec la complaisance – voire la complicité – de politiciens et policiers? Ce qui est arrivé n’est d’ailleurs pas qu’une mise en garde à l’encontre de certaines catégories professionnelles. Cela nous regarde tous. Les récentes rumeurs que des internautes anonymes ( ?) font circuler sur la candidate à la président française Martine Aubry, ne valent pas mieux.
J’écrivais récemment dans « Credo politique » (p.94) : « J’invite chaque journaliste adepte du billet d’humeur à se poser une simple question avant de le diffuser ou de le publier : – Si ce reportage ou cet article me visait moi ou ceux que j’aime, comment est-ce que je vivrais cela ? Cela aide parfois à ajouter quelques nuances, qui gratifient le sujet du jour d’un début de bénéfice du doute… ».
Avec ces trois journalistes livrés en pâture aux médias nous avons une cruelle illustration de l’arroseur arrosé. Et je me pose la question : le jour où ils reprendront la plume, l’épreuve subie les rendra-t-elle plus respectueux et prudents par rapport aux personnes qui font l’objet de leurs articles ?