Nine-eleven

Je me souviens qu’au soir du onze septembre 2001, une sourde angoisse s’empara de moi. Comme tant d’autres, je sentais que le monde rassurant que le parapluie américain avait offert à l’Occident – parapluie qui avait même eu raison du mur de Berlin – venait de disparaître avec les tours. Nous entrions dans le XXIe siècle et celui-ci se bâtissait sur les sables mouvants des peurs identitaires. Il faudrait aux générations à venir bien du courage pour l’affronter – à l’instar de ces pompiers de New-York.
De plus, nous étions à l’époque de l’hyper-image. Les pauvres gars bloqués dans les tours en feu ignoraient tout de ce qui leur tombait dessus, que déjà les caméras du monde entier savaient… L’image était devenue réalité. C’est pourquoi les trois mille victimes du World Trade Center sont aujourd’hui encore, plus réelles pour nous que les huit cent mille morts du Rwanda ou que tous ces cadavres silencieux de la corne de l’Afrique.

Une décennie plus tard, me viennent encore à l’esprit les paroles du prophète Jérémie (14, 17-21) : « Les larmes coulent de mes yeux nuit et jour, Et elles ne s’arrêtent pas; Car la vierge, fille de mon peuple, a été frappée d’un grand coup, D’une plaie très douloureuse. Si je vais dans les champs, voici des hommes que le glaive a percés; Si j’entre dans la ville, voici des êtres que consume la faim; Le prophète même et le prêtre parcourent le pays, Sans savoir où ils vont. As-tu donc rejeté Juda, Et ton âme a-t-elle pris Sion en horreur? Pourquoi nous frappes-tu Sans qu’il y ait pour nous de guérison? Nous espérions la paix, et il n’arrive rien d’heureux, Un temps de guérison, et voici la terreur! Éternel, nous reconnaissons notre méchanceté, l’iniquité de nos pères; Car nous avons péché contre toi. A cause de ton nom, ne méprise pas, Ne déshonore pas le trône de ta gloire! N’oublie pas, ne romps pas ton alliance avec nous! »

David Servan-Schreiber nous écrit

Cet été, je me trouvais en vacances en Normandie. Par hasard, je passai par Veulettes le lendemain des funérailles du docteur David Servan-Schreiber. L’auteur à succès d’ « Anti-cancer » venait de succomber à la maladie qu’il avait si longtemps affrontée. Par ses écrits et conférences, il avait partagé avec des milliers de personnes son combat contre le cancer et les leçons qu’il en tirait.
Ce jour-là donc, je suis monté à la petite église du village de Veulettes. Devant la tour, je trouvai une sépulture fraichement fleurie. Sur la pierre tombale, quelqu’un avait posé un lampion et celui-ci brûlait toujours. Dans l’église, un vieux monsieur jouait de l’orgue. Pas d’autres âmes qui vivent. La dépouille de l’homme dont la photo recouvrait – la veille encore – tous les journaux du pays, semblait déjà vouée à la solitude des cimetières. Au-dessus de son nom, celui de son père Jean-Jacques – une des figures politiques et journalistiques de mon adolescence. Il ne me restait plus qu’à me recueillir et à prier.

L’ultime et récent livre de David Servan-Scheiber, « On peut se dire au revoir plusieurs fois » (Robert Laffont), recèle des passages d’une profondeur touchante. Ainsi, ces lignes que ce médecin – qui se sait désormais condamné – écrit sur la mort : « Si elle est comprise comme une coupure de toutes les relations, la mort devient pour moi une vision de cauchemar : en perdant la vie, je perdrais tout lien avec mon terreau nourricier , je me retrouverais condamné  à une solitude absolue… Certes, je n’ignore pas que les trépassés sont censés ne plus rien sentir. Mais l’idée du noir désert privé d’amour me glace. Au contraire, la perspective de rejoindre l’ensemble des âmes humaines et animales dans un univers baigné de lumière, de connexion et d’amour, à tout pour me ravir ». (p.131)
Je ne pense pas que l’homme fut profondément chrétien, mais il n’en exprimait pas moins ainsi – avec ses mots et son intuition – quelque chose de l’espérance chrétienne en la « communion des saints » – soit l’union spirituelle qui unit en Dieu tous ceux qui vivent de la plénitude de son Amour. Par-delà, il annonçait même une ébauche de la foi en un Dieu relation – autrement dit, en un Dieu trinité.

Plus loin encore, David Servan-Schreiber parlait de l’œuvre de l’Esprit dans sa vie, ainsi que de la douloureuse expérience du désert spirituel, rencontrée par tant de contemplatifs : « J’ai senti également une sorte de naissance spirituelle. Moi qui étais le scientifique type, rationaliste et athée, je me suis trouvé en quelque sorte « en état de grâce ». L’épreuve m’avait rapproché de Dieu, et c’était devenu tellement crucial pour moi que quand je faisais mes exercices de méditation, je me surprenais à essayer de parler à Dieu, de communiquer avec lui. Je lui demandais de me maintenir dans cet état de grâce extraordinaire de bonheur et d’ouverture. Je le remerciais de la grâce que m’avait apportée la maladie. Et je lui promettais que je me servirais de cette lumière pour aider les autres dans la mesure de mes moyens. Cette vie devenue incandescente, je l’ai perdue. Plus tard, des mystiques m’ont révélé que c’était un phénomène assez courant : on trouve « la grâce » et on la perd. Certains consacrent le reste de leur vie à tenter de la retrouver… Je suis heureux d’avoir connu pareille merveille, même brièvement. Quand je pense à la façon dont ma vie en a été transfigurée, je souhaite que tout le monde puisse un jour connaître cette expérience… »  (pp.136-137)

Sans vouloir pour la cause « canoniser » ou « récupérer » les écrits de David Servan-Schreiber, ces passages rejoignent en bonne part l’expérience chrétienne. J’en conclus que l’Esprit continue – quoi qu’on en dise et parfois bien mystérieusement – à creuser son sillon dans le cœur de nos contemporains. « Le vent souffle où il veut » (Jean 3,8)

Cathédrale de Liège – 4 septembre 2011, 23° dimanche dans l’Année A

Homélie prononcée en la cathédrale Saint-Paul-et-saint-Lambert de Liège, à l’occasion de ma réception au sein du chapitre:

« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d‘eux » (Mt 18, 15-20)

Je remercie Mgr l’Evêque pour la confiance qu’il me témoigne en me nommant chanoine du chapitre de Saint-Lambert en notre bonne ville de Liège. Je suis également reconnaissant envers Monsieur le doyen du chapitre et Messieurs les chanoines de m’accueillir en leur sein. Comme jeune prêtre, il m’arrivait – comme tant d’autres de mes confrères d’âge – de gentiment me moquer de la bienheureuse quiétude des « vénérables chanoines »… Me voilà bien attrapé. Désormais, ce seront de plus jeunes confrères qui pourront s’amuser de moi.

Et puis, je me rends compte que cette quiétude est toute relative. Que signifie qu’un prêtre soit attaché au service d’une cathédrale ? La cathédrale, c’est l’église où siège l’évêque et donc – à ce titre – c’est un peu l’église-mère de toutes les paroisses du diocèse. Là où préside l’Evêque, là tout être humain est accueilli comme un enfant de Dieu. Là aussi, chaque baptisé du diocèse est quelque part « chez lui ». C’est ainsi que je fus accueilli par mon évêque, il y a un peu plus de 20 ans dans cette cathédrale, pour y être ordonné prêtre. Mais comme l’évêque ne peut demeurer en permanence dans sa cathédrale, en son absence – c’est le chapitre des chanoines qui est le gardien de cette fonction d’accueil, afin de faire de cette maison de pierre un poumon spirituel au cœur de la cité. D’où la prière de l’Office tous les matins : car, derrière l’évêque ou les chanoines, Celui qui accueille en vérité, c’est le Christ – Lui qui a dit : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d‘eux ». Quand je me joindrai au chapitre pour prier l’office du matin  c’est donc le Christ qui se rendra présent au milieu de cette cathédrale…même quand moi, je ne serai peut-être pas toujours pleinement réveillé.

Ce rôle de la cathédrale a-t-il encore un sens dans une ville sécularisée comme Liège ?  Ecoutons la parole que Dieu adresse au prophète Ezéchiel et que nous avons reçue comme première lecture : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur ». En ce début de XXIe siècle, les formidables progrès de la société n’ont pas libéré nos contemporains du poids de leur conscience. Les mêmes questions angoissées qu’a l’époque d’Ezéchiel résonnent dans les cœurs : « Quel est le sens de l’existence ? Comment réussir sa vie ? Quel est le secret du bonheur ? » Pour accueillir ce questionnement, les baptisés se doivent d’être des « guetteurs », des femmes et hommes capables de saisir l’enjeu spirituel des choses, d’avertir des impasses, d’inviter à une « conversion » – c’est-à-dire à un retournement de perspective. « Si ton frère a commis un péché, va lui parler », enseigne l’Evangile de ce dimanche. C’est un des rôles tenus par les chanoines de cette cathédrale : être des guetteurs de l’évangile au milieu de la cité.

Mais attention à l’envers de la médaille. Sans l’Esprit, toute mission chrétienne se sclérose. Elle n’est plus qu’un cliché, une triste caricature. Sans l’Esprit, le « guetteur » devient vite une éternelle belle-mère, un insupportable donneur de leçons,…. Vous savez, ces braves personnes qui ont à la bouche en toute circonstance, une parole assassine du genre : « Je te l’avais bien dit… » D’où l’avertissement de saint Paul dans son épitre aux Romains, entendue lors de la deuxième lecture de ce dimanche : « Celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. (…) L’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour ». Soyons donc des guetteurs de l’amour.

Apprendre à aimer – comme le Christ nous aime – vaste chantier ! Pour y parvenir, il s’agit de se mettre à l’école de l’Esprit. En ce temps de rentrée scolaire, voilà bien une école ouverte tous les jours et à tous les âges de la vie. Une école sans redoublement. Mais aussi une école où tous les baptisés restent élèves à vie. Et ceci, même – voire surtout – quand ils deviennent chanoines… Amen.

Bonne rentrée les parents

Lever les gosses, préparer les tartines, vérifier les cartables, les conduire à l’heure, leur trouver une bonne école, rencontrer l’instituteur, sécher une larme, venir les rechercher à l’heure, superviser les études, les écouter raconter leur journée, les envoyer au lit pas trop tard,…
Et le lendemain : lever les gosses, préparer les tartines, vérifier les cartables,…

Voilà une version de l’héroïsme au quotidien. Et – quand cela est vécu avec amour, voire dans la prière – de sainteté ordinaire.  Bonne rentrée les parents. Et courage.

Kerktorenleeuw

Het wat gek klinkende plan van de voorzitter van de kerkfabriek van Haringe om de haan op de toren van de Sint-Martinuskerk te vervangen door een leeuw, wordt geen nieuwe communautaire item. Naar verluidt, zou het voorstel van Paul Recour (een Franstalig klinkende naam), voorzitter van de Haringse kerkfabriek om daarmee de Vlaamse identiteit van het IJzerdorp wat meer in de verf te zetten, eerder te maken hebben met een soort weddenschap. Ik kan daar dus best mee lachen en zelfs mee leven als dat voorstel effectief wordt. Maar toch wil daar ook wat commentaar aan kwijt.

Symbolen zijn belangrijk en dienen ook zo behandeld te worden. Maar “over-symboliseren” is uit den boze. Morgen, 1 september, word ik effectief de nieuwe deken van het centrum van Luik. Een stad die in het Latijn “Leodiniensis” heet, en dus ook dikwijls in het verleden door een leeuw gesymboliseerd werd. Zou ik dan moeten beginnen pleiten dat dit dier vervangen wordt door een haan? (Luik zou dan een nieuwe naam krijgen, afgeleid van ‘coq’, het Franse woord voor ‘haan’, bv. ‘Coqsijde’.) Of dat een welbekende Vlaamse oud-premier tot Jean-Luc Deleeuw herdoopt wordt? Of dat de plek waar mijn familie zo graag met vakantie ging, vanaf nu “De-Leeuw-aan-Zee” zou heten? Iedereen verstaat maar al te goed dat dit allemaal te gek voor woorden is. En elke katholiek met een beetje cultuur weet ook dat de kerktorenhaan helemaal geen Waals symbool is. Maar goed, zolang gelovigen van elke ras of taal welkom zijn in de Sint-Martinuskerk van Haringe, mag deze haan voor mij gerust een leeuw worden… of zelfs een haring. Het is wel degelijk niet toevallig dat België het geboorteland is van het surrealisme…

Scout toujours…

Le quotidien liégeois « la Meuse » (groupe Sudpresse) consacrait ce mardi toute sa page 4 au changement de loi par « les Scouts ». J’avais déjà eu l’occasion de commenter dans ce blog la perte de la référence « catholique » par cette fédération. Ici, c’est le fait de biffer le mot “ Dieu ”, qui a fait grincer des dents. A cela, Jérôme Walmag, président des Scouts, répond : “ Il n’est pas question de mettra u placard le devoir spirituel qui doit rester dans chacune de nos unités. Nous comptons de plus en plus de scouts qui ne sont pas catholiques. Nous avons même une unité scoute musulmane à Bruxelles. Nous aurons bientôt une unité juive ”.

Que penser de cela? Les Scouts sont souverains pour décider de leur identité et de leur loi. Ce que je regrette, c’est que le devoir spirituel dont se réclame le président de la Fédération ne soit plus du tout présent dans le texte de la loi. Cela n’aurait certainement pas dérangé les scouts juifs, musulmans, ou agnostiques d’avoir dans leur loi un article ouvert, du genre : « Le scout cherche le sens spirituel de sa vie ». Cette absence est d’autant plus regrettable, que c’est pareille mention qui aurait été « moderne ». En ce début de XXIe siècle, le « tout au matérialisme » a fait faillite. Les démarches spirituelles – pas nécessairement toujours éclairées, il est vrai – foisonnent. Il est dommage que cette dimension essentielle de l’existence du jeune, soit écartée de la charte de vie d’un mouvement qui s’est toujours voulu spiritualiste. Baden-Powell, le fondateur, ne déclarait-il pas que les religions n’entraient pas « quelque part » dans le scoutisme, car elles étaient une dimension fondatrice de toute sa pédagogie ? Ceci rappelait fort judicieusement que la pédagogie scoute n’est jamais à confondre avec une forme de catéchisme. La spiritualité doit y avoir toute sa place, mais d’une façon intégrée à la vie du scout. Le reste est l’affaire de l’Esprit.

In fine – moi qui suis partie prenante dans différentes fédérations – j’ai trouvé regrettable que dans l’article de la Meuse, il se trouve encore un chef d’unité scoute pour faire l’amalgame entre la fédération des Scouts d’Europe et l’extrême-droite. S’il en était ainsi, que cette personne m’explique pourquoi de jeunes musulmans bruxellois participent chaque année au camp de formation pour animateurs Scouts d’Europe ? A mon époque, il y avait un article dans la loi qui énonçait : « Le scout est ami et frère de tout autre scout ». Cette maxime ne se trouve plus, non plus, dans la loi actualisée, mais je pense qu’elle reste d’application.

 

Soif et souffle…

« Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ». Ainsi débute le psaume 41. J’y pensais, récemment, en écoutant un ami me confier son cheminement. Garçon brillant et créatif, il n’adhéra pas à son éducation catholique. Comme tant d’autres, il mit entre parenthèse son baptême et avança dans la vie sans trop s’encombrer de bagages religieux. Et voilà que, la quarantaine s’annonçant, une soif le tenaille. Pas la soif explicite du Dieu de Jésus-Christ – non. Mais une soif spirituelle : recherche de silence, d’unité intérieure, de fécondité authentique.
C’est à  l’ami qu’il se confia, mais aussi au prêtre. Il voulait confronter ce qu’il vivait à mon témoignage de vie. Pareille expérience n’est pas aussi rare qu’on voudrait le croire. La soif spirituelle est grande. Quand nos contemporains nous confient leur quête, il faut les rejoindre sur ce chemin. Sans essayer de les « récupérer », mais également sans honte de témoigner de l’Espérance qui nous habite. Le reste, c’est l’affaire de l’Esprit. Car souvent se vérifie le dicton : « autre est le semeur, autre le moissonneur » (Jn. 4,38)  

Autre expérience forte : j’ai célébré ces jours-ci les funérailles d’une mère de famille de ma génération. (Terrassée par un sale cancer… comme tant d’autres). L’époux et les enfants me partagèrent l’intensité et la lucidité des échanges qu’ils eurent avec la défunte, alors que celle-ci vivait ses dernières semaines en soins palliatifs. Une réelle espérance anime cette famille de baptisés que l’on aurait taxé un peu vite de « croyants ordinaires ». Cela donne à réfléchir. Je ne suis pas optimiste au point de prétendre que tout va bien dans notre Eglise, mais le recul de la pratique sacramentelle – s’il n’en demeure pas moins inquiétant – ne signifie pas pour autant l’impuissance de l’Esprit. Parfois, son souffle nous décoiffe là où on ne s’y attend pas. « Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jean 3,8).

La boue de nos vies…

Pour avoir croisé quelques fois le désarroi de personnes dont la maison fut inondée, je me doute bien du drame vécu par ces habitants de la région de l’est du Brabant-wallon, qui assistent impuissants à des coulées de boues aussi répétitives que dévastatrices. Mon billet publié ce 20 juillet dans La Libre retrouve ainsi une dramatique actualité – ce dont chacun se serait fort bien passé (La Libre du 20/07 en p.45).

En même temps, cette tragédie domestique est une parabole de nos vies. Qu’est-ce que vivre, si ce n’est sans cesse nettoyer et re-nettoyer la boue qui nous assaille ? Un dictateur est chassé de Lybie, mais tout est à reconstruire dans son pays et – ailleurs de par le monde – d’autres tyrans redressent la tête. Un enfant réussit une épreuve et en ressent une légitime fierté, mais attention : il ne s’agit pas de s’asseoir sur ses lauriers. La vie réservera d’autres défis, étapes et crises. Et l’échec sera toujours là. Surtout – à vue humaine et matérialiste – vers la fin, avec la vieillesse, la maladie et la mort.  Un sale défaut nous habite ? une mauvaise habitude ? On essaie de s’en défaire. Encore et encore… Et parfois, le découragement prend le dessus. Des chrétiens sincères se démènent pour que l’Eglise puisse rayonner du message du Christ et puis – boum ! – un gros scandale de pédophilie éclate et laisse chacun pantois. Etc. etc. Oui, la vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais un incessant combat contre toutes ces boues personnelles et collectives. Malheur à celui qui baisse les bras. Il se laissera engloutir. Mais –reconnaissons-le – parfois tenir debout, tient du miracle.

Dans la tourmente, les chrétiens ne sont pas plus forts ou meilleurs que les autres. Mais ils savent qu’ils ne sont pas seuls. En Christ, Dieu s’est chargé de toute la boue de nos vies, pour y inscrire l’empreinte de son Esprit. Alors, haut les cœurs ! Ne laissons pas la boue ternir l’éclat de nos âmes. Je pense surtout à tous ces jeunes qui reviennent des JMJ – pleins de feu et de joie. La vie va les reprendre. La boue – insidieuse – les ramènera à la grisaille du quotidien. Que le feu de leur foi se fasse par moment moins ardent, est dans l’ordre des choses probables. Mais aidons-les à faire en sorte que ce foyer allumé à Madrid ne s’éteigne pas. Apprenons-leur les simples gestes de fidélité : aux sacrements, à la prière, à la lecture de la Parole, au partage fraternel,… Et puis, surtout, montrons-leur un visage d’adulte qui leur donne envie de grandir dans cette Eglise. Oui, de la boue il y en aura encore et par tonnes. Pourtant… « Dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais gardez courage, j’ai vaincu le monde ! » (Jean 16, 33)

Orages, bourses, négociations… Et pendant ce temps-là, les JMJ.

Même dans notre petit pays de climat tempéré, la météo se fait meurtrière. L’orage de hier laisse au moins cinq victimes au festival de rock « Pukkelpop ». Malgré toutes les garanties financières, les bourses mondiales plongent à nouveau vers l’inconnu. Et les observateurs les plus éminents ne sont guère rassurants (lire l’interview de Jacques Delors, publiée hier dans les colonnes du quotidien « le Soir »). Quant aux négociations politiques pour la formation d’un gouvernement fédéral belge, elles sont toujours aussi laborieuses. Bouleversements climatiques, récession mondiale et tensions communautaires… Oui, cela arrive près de chez nous. Et oui, nous ne sommes plus à l’abri.

C’est ici que les JMJ prennent une signification toute particulière. Non, il ne s’agit pas d’une grande opération de « com. » catholique. Impossible de réunir plus d’un million de jeunes s’il n’existe pas un élan de fond. Et non, ce n’est pas non  plus une tentative de reprise en main ultraconservatrice au sein de l’Eglise. C’est le signe que la soif spirituelle de la jeunesse est toujours aussi vive. C’est la preuve que la rencontre intérieure avec le Christ n’a rien perdu de son magnétisme. Et cela  est une bonne nouvelle pour tous – croyants et athées confondus. En effet, ce qui donnera aux générations futures d’affronter avec confiance et courage les temps ardus qui s’annoncent, c’est leur capacité à rester debout. Pour cela, il leur faudra une colonne vertébrale spirituelle et non des carapaces de repli. Dans le monde inquiétant – et passionnant – qui s’annonce, la présence de jeunes chrétiens bien dans leur époque et dans leur foi, sera un apport essentiel.

« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? Il n’est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Matthieu 5, 13-16)