J’ai quitté le débat « Mise au Point » de ce dimanche avec un goût amer à la bouche. Et après avoir vu les deux JT du jour, je suis carrément en colère. Une première – car d’habitude je participe à ce genre d’exercice sans état d’âme. Je connais les règles du jeu et du format médiatique. De plus, les participants à l’échange verbal étaient des personnes de qualités et je trouve – quitte à passer pour immodeste – que je ne me suis pas trop mal défendu sur le plateau.
Alors, pourquoi ce coup de blues? Plutôt du découragement. Je me suis levé à l’aube ce dimanche matin et j’ai fait un aller/retour Liège-RTBF – au cours d’un WE avec deux mariages en paroisse et des professions de foi – parce que je pensais que le débat permettrait de bâtir des ponts. Des ponts entre le monde des religions et la communauté homosexuelle. Et cela, non pas par irénisme. Je ne crains pas l’opposition. Mais – comme tant d‘autres – le meurtre du jeune Ishan par des paumés sur le territoire de ma paroisse, m’a profondément choqué. Je compte des homosexuels dans ma famille et parmi mes amis. Je ne souhaite pas qu’ils tremblent en sortant dans la rue. Bref, en arrivant à la RTBF ce dimanche matin, je ne craignais pas un débat musclé. Mais j’espérais aussi un peu d’écoute et de dialogue. Un dialogue sans langue de bois pour lequel je me suis toujours mouillé, sans jamais avoir eu le moindre mot de reproches de la part de la hiérarchie ecclésiastique. Ainsi, cette interview donnée en 2004 au site Gaybelgium.
Mais voilà – une fois de plus les clichés bêtes et faciles ont pris le dessus : « les religions cassent du pédé ». Au lieu d’entrer en dialogue avec le musulman Yacoub Mahi – qui a courageusement répondu à l’invitation – chacun s’est cru autorisé de lui tomber dessus. Quant à votre serviteur, quand il essaya de ramener la balle au centre en parlant d’accueil et de non-discrimination, on lui envoya dans les gencives un mystérieux texte « haineux » contre les homosexuels du pape Jean-Paul II (qu’on se garda cependant bien de citer).
Il y eut ensuite le traitement médiatique ultérieur du débat. Une dépêche RTBF qui souligne que mon appel au dialogue ne reflétait « pas forcément la position officielle de l’Eglise » et que le Vatican avait soutenu « dans les pays africains des initiatives législatives qui condamnent (juridiquement) l’homosexualité » (ce qui est archifaux). De la même veine fut la séquence du JT de dimanche midi, et plus encore celle de dimanche soir. En tant que représentant à ce débat de la première communauté religieuse de Belgique, face au découpage de mes interventions lors de ces JT, un seul mot me vient à la bouche : désinformation.
Bref, au lieu d’être une occasion de bâtir des ponts, le débat du jour contribua à construire des murs. Les faucons l’ont emporté sur les colombes. La raison de tout ceci n’est pas difficile à chercher. Il y a, d’une part, la colère de nombre d’homosexuels face à ce qu’ils ressentent comme du rejet de la part des religions. Cela, je puis le comprendre. Mais il y a également la bonne conscience anticléricale d’une certaine culture bobo. Comme me l’écrivait cet après-midi un aîné de la RTBF, qui est gay et peu suspect d’être bigot : « Dans un tel débat, tu pars avec un handicap: on peut te voler dans les plumes sans risquer de se faire traiter de raciste ». Et cela est irresponsable. Ainsi que le déclara avec justesse sur le plateau, la Ministre de l’intérieur au début du débat : plus la crise économique augmente, plus l’intolérance grandit. A l’heure où des forces antipolitiques redressent la tête aux quatre coins de l’Europe et où le contrat social est mis à mal, les démocrates de tous bords sont condamnés à se parler. Le jour où d’autres paumés casseront encore des gays ou des lesbiennes en pensant le faire au nom d’Allah, de Jésus ou de Bouddha, chacun aura beau jeu de s’indigner. Ce genre de débat n’aura pas aidé à les détromper. Que du contraire. D’où ma colère.