Amère Pentecôte au Vatican (suite)

Je suis reconnaissant à un téléspectateur vigilant de m’avoir conseillé de regarder l’émission diffusée aujourd’hui sur France 5 : « C dans l’air ». Sans aller tout au fond des choses (il est d’ailleurs trop tôt pour tenter de le faire), il s’agit pour moi d’une fort honnête tentative journalistique d’y voir clair dans le brouillard des Vatileaks.

Même si certains avis me semblent parfois excessivement sévères, je trouve que la personnalité du Pape y est respectée : un penseur et non un manager. Un pasteur parfois bien seul dans sa volonté de nettoyer les écuries. Cela invite à prier pour cet homme âgé, qui porte sur ses épaules l’écrasant fardeau de la papauté.

Chacun peut visionner l’émission de ce 29 mai par internet.

 

 

 

Amère Pentecôte au Vatican

Il est trop tôt pour saisir l’ampleur de la crise des Vatileaks qui souffle sur le siège apostolique. Banale histoire de corruption d’un proche du Pape ou stratégie concertée pour s’en prendre à son autorité ? L’avenir nous le dira – sans doute. Une chose semble établie : Benoît XVI aura vécu douloureusement cette fête de Pentecôte 2012. Qu’un intime dérobe et diffuse du courrier personnel, voilà qui constitue une épreuve pour tout homme. Mais quand on est Pape et que le cercle des proches est trié sur le volet, cela doit être encore plus insécurisant.

Demandons donc à l’Esprit d’envoyer au Pape des collaborateurs loyaux et non serviles. Des aides franchess en interne et discrètes en externe. Une Curie qui œuvre à l’écoute du Souffle divin, plutôt que des sirènes carriéristes. De telles personnes existent à Rome – j’en ai rencontrées. Mais sans l’Esprit, la chair est faible. Prions donc l’Esprit. Comme le rappelait le Métropolite Ignace de Laodicée (Syrie): « Sans l’Esprit Saint, Dieu est loin, le Christ reste dans le passé, l’Évangile est une lettre morte, l’Église une simple organisation, l’autorité une domination, la mission une propagande, le culte une évocation, et l’agir chrétien une morale d’esclave. Mais en Lui : le cosmos est soulevé et gémit dans l’enfantement du Royaume, le Christ ressuscité est là, l’Évangile est la puissance de vie, l’Église signifie la communion trinitaire, l’autorité est un service libérateur, la mission est une Pentecôte, la liturgie est mémorial et anticipation, l’agir humain est déifié! »

« Le goût de Dieu » – Pentecôte, Année B

 « Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, s’écria : “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive,celui qui croit en moi ! ” selon le mot de l’Ecriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive.Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui ». (Jean 7, 37-39)

Un jour une catéchiste demanda à un enfant : « Tu aimes le chocolat ? » Réponse affirmative – bien évidemment. Elle lui dit alors : « Mais comment peux-tu me dire cela ? Il n’y a pas de chocolat ici ». Perplexité de l’enfant. La catéchiste dit alors : « Tu peux me dire cela, parce que tu as déjà goûté au chocolat et que tu as donc son goût en toi. Sans cela, le mot ‘chocolat’ resterait aussi abstrait pour toi que si je te parlais de la planète Pluton. Ainsi agit l’Esprit. L’esprit est Celui qui nous donne le goût de Dieu. Sans l’Esprit, Dieu reste loin et abstrait. Mais quand l’Esprit touche un cœur, celui-ci « goûte » l’Amour du Christ. Désormais, le goût de Dieu l’accompagnera toute sa vie. Dieu ne sera plus jamais une abstraction ». Voilà pourquoi l’Esprit est représenté comme du feu qui éclaire et réchauffe. Comme du vent qui souffle et oxygène. Comme la terre qui porte le fruit. Ou encore – dans l’Evangile de ce dimanche de Pentecôte – comme de l’eau qui désaltère et devient en nous « fleuve d’eau vive ». En cette Pentecôte, demandons donc à l’Esprit de nous donner le goût de Dieu.     

Retour au Moyen Age (soupir)

Ce 11 mai, j’ai publié une chronique dans le Vif , intitulée « Péché originel d’Adam… Smith ». Un lecteur envoya au journal et à moi-même une sévère critique de mon propos. Celle-ci vient d’être publiée en p.118 de l’hebdo, sous le titre : « Veut-on retourner au Moyen Age ? » Vu cette publication, il est utile que je fasse connaître ma réaction – sans nulle rancune, mais afin d’éviter que mes propos soient interprétés d’une façon pour le moins… surprenante.
Voici donc le courrier des lecteurs de Jean-Luc Grayet, suivi de ma réponse :

Veut-on retourner au Moyen Age ?
Monsieur Eric DE BEUKELAER se prétend : « abbé nomade ». Qu’est-ce à dire ?  S’agit-il d’un SDF (sans diocèse fixe) ? Non, puisqu’il est chanoine-curé des paroisses (pardon : de l’entité pastorale) de la rive gauche à Liège. Il est donc, au contraire, plutôt sédentarisé et  bien ancré dans le système.  Pourquoi, dès lors, parler de « nomade » ? Nomadisme serait-il ici synonyme de liberté de pensée ? Personnellement  j’en doute en découvrant ses propos plutôt conventionnels sur l’économie mondiale et les théories d’Adam Smith dont il dénonce le « péché originel » ( !) mais surtout sur le rôle que, selon lui,  devrait jouer l’Église.
Ce serait pour avoir méconnu l’enseignement de celle-ci sur les problèmes socio-économiques que le monde va si mal. Et de citer l’encyclique Caritas in veritate de Benoît XVI qui préconise une « Autorité politique mondiale ». Le Pape comme arbitre des conflits mondiaux, comme expert pour résoudre la crise : est-ce bien sérieux ? Veut-on retourner au Moyen Âge où la pape se prétendait au-dessus des empereurs et des rois et voulait leur dicter sa loi ?
La crise – en particulier celle de l’euro – est profonde et nul ne sait vraiment si ou comment nous allons nous en sortir mais je doute que les « intuitions constantes » de l’Église catholique puissent nous y aider.
Jean-Luc GRAYET

Ma réponse :
Cher Monsieur,
Je vous suis reconnaissant de m’avoir envoyé votre courrier au « Vif ».
Permettez-moi de rectifier certains de vos propos. Vous écrivez : « M. Eric DE BEUKELAER se prétend : abbé nomade ». Nullement. C’est la rédaction du ‘Vif’ qui a cru bon de me présenter ainsi. Je fus le premier à m’en étonner vu mes fonctions sédentaires, mais il me fut répondu que cela était dû au fait que j’avais souvent changé de fonction ces derniers temps. Dont acte.
Vous poursuivez : « Nomadisme serait-il ici synonyme de liberté de pensée ? »  Nullement. La liberté de pensée se vérifie, entre autre, à la capacité de s’ouvrir à des pensées qui ne sont pas nôtres. Je ne vous connais pas et ne peut donc juger de votre liberté de penser. Cependant, je m’étonne du gouffre qui sépare ce que j’ai écrit et ce que vous avez lu. Vous me faites dire : « Ce serait pour avoir méconnu l’enseignement de celle-ci sur les problèmes socio-économiques que le monde va si mal ». Je n’ai jamais écrit cela. Je signalais que l’intuition d’un contrôle politique sur l’économie mondialisée était – entre autre et non exclusivement – défendu par la pensée de l’Eglise. Vous poursuivez: « Le Pape comme arbitre des conflits mondiaux, comme expert pour résoudre la crise : est-ce bien sérieux ? Veut-on retourner au Moyen Âge où la pape se prétendait au-dessus des empereurs et des rois et voulait leur dicter sa loi ? » J’avoue que je reste pour le moins pantois devant la pensée que vous me prêtez. Plus personne de sérieux dans la planète catholique ne défend cela depuis bien… bien longtemps. Comme l’énonce fort justement mon ami Baudouin Decharneux, professeur à l’ULB, une des marques de la liberté de pensée, est de ne pas se construire un contradicteur de pacotille, qui n’existe qu’en fantasme : un catholique nécessairement nostalgique du Moyen-âge ou un laïque forcément bouffeur de curé.
Bien cordialement,
Eric de Beukelaer

« Y a d’la joie… » – 7° dimanche de Pâques, Année B

 « Je parle ainsi en ce monde, pour qu’ils aient en eux ma joie et qu’ils en soient comblés. Je leur ai fait don de ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils ne sont pas du monde, de même que moi je ne suis pas du monde… » (Jean 17, 11-19)

La joie est un des signes les plus sûrs de la présence de l’Esprit dans un cœur. Non pas la joie mondaine – qui est éphémère et souvent suivie de tristesse. Non pas la joie forcée de celui qui prétend que tout va toujours bien, même quand cela va mal. Non. La joie profonde. La joie spirituelle. Celle qui demeure, même quand « le monde » vous prend en grippe. La joie de celui qui se sait aimé d’un Amour qui n’est pas de ce monde.

Ne jugeons pas nos frères (et nous-mêmes) sur la joie et nous ne serons pas jugés. Mais demeurons lucides. Là où se trouvent tristesse, amertume ou cynisme – l’Esprit du Vivant ne peut être présent. Là où demeure la joie – même au cœur des larmes, des injustices et des souffrances – le souffle du Crucifié-Ressuscité nous caresse le visage.

Durant l’ultime semaine qui nous sépare de la Pentecôte – fête du don de l’Esprit, prions chaque jour. Demandons que le Souffle de Dieu nous procure Sa joie.

Devoir d’exemplarité

En temps de crise, le comportement des élites donne le ton.
J’avais déjà exprimé cela – suite à la demande du milliardaire Warren Buffet de payer plus d’impôts – dans une chronique du 20 septembre 2011 à La Libre.
Le même souci d’exemplarité se retrouva depuis chez le Président du Conseil italien, Mario Monti, qui renonça à son salaire. On le rencontre désormais avec le nouveau gouvernement français qui diminue ses émoluments de 30%. Toutes ces mesures sont avant tout symboliques. Les critiques diront – cosmétiques.

Je pense, quant à moi, que notre monde a plus que jamais besoin d’exemplarité. Nos dirigeants ne doivent pas feindre d’être parfaits ou toujours à la hauteur. Il leur est, par contre, demandé une forme de solidarité avec tous ces électeurs qui se serrent la ceinture en temps de crise. Les chefs les plus légitimes sont ceux qui marchent à la tête de leurs troupes. A méditer par le monde politique, financier, religieux, ou autre – à commencer par les lecteurs de ce blog et l’auteur de ces lignes. « A celui qui a beaucoup reçu, on demandera beaucoup ; et l’on exigera davantage de celui à qui l’on a beaucoup confié » (Luc 12, 48).

« Libre en Christ » – Solennité de l’Ascension, Année B

« En mon nom, ils chasseront les esprits mauvais ; ils parleront un langage nouveau ; ils prendront des serpents dans leurs mains ; et s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera aucun mal… » (Marc 16, 15-20)

Si le Ressuscité avait voulu nous garder sous sa coupe, Il se serait contenté d’apparaître de temps en temps dans les églises ou au coin des rues. Plus besoin d’Evangile, de Vatican, de curés et chacun serait convaincu… Convaincu, oui. Croyant, non. Il faut être libre pour vivre l’aventure de la foi. Le Christ – qui est liberté suprême – ne s’impose pas à notre conscience. Avec l’Ascension, Il retourne dans la gloire de Son Père et nous envoie Son Esprit.

Les signes de l’Esprit ? Celui qui chasse le mauvais esprit autant que les esprits mauvais. Celui dont le langage renouvelle les relations humaines – même s’il n’est pas polyglotte. Celui qui n’a pas peur de se salir les mains – quitte à prendre à bras-le-corps toutes les vipères que la vie nous fait croiser. Celui que le poison de la médisance ou de la vanité ne tue pas…

Neuf journées séparent l’Ascension de la Pentecôte – fête du don de l’Esprit. Prions chacune de ces neuf journées. Demandons que le Souffle de Dieu nous renouvelle.

Homophobie – Triste débat à Mise au Point. Traitement médiatique peu éclairé (RTBF)

J’ai quitté le débat « Mise au Point » de ce dimanche avec un goût amer à la bouche. Et après avoir vu les deux JT du jour, je suis carrément en colère. Une première – car d’habitude je participe à ce genre d’exercice sans état d’âme. Je connais les règles du jeu et du format médiatique. De plus, les participants à l’échange verbal étaient des personnes de qualités et je trouve – quitte à passer pour immodeste – que je ne me suis pas trop mal défendu sur le plateau.

Alors, pourquoi ce coup de blues? Plutôt du découragement. Je me suis levé à l’aube ce dimanche matin et j’ai fait un aller/retour Liège-RTBF – au cours d’un WE avec deux mariages en paroisse et des professions de foi – parce que je pensais que le débat permettrait de bâtir des ponts. Des ponts entre le monde des religions et la communauté homosexuelle. Et cela, non pas par irénisme. Je ne crains pas l’opposition. Mais – comme tant d‘autres – le meurtre du jeune Ishan par des paumés sur le territoire de ma paroisse, m’a profondément choqué. Je compte des homosexuels dans ma famille et parmi mes amis. Je ne souhaite pas qu’ils tremblent en sortant dans la rue. Bref, en arrivant à la RTBF ce dimanche matin, je ne craignais pas un débat musclé. Mais j’espérais aussi un peu d’écoute et de dialogue. Un dialogue sans langue de bois pour lequel je me suis toujours mouillé, sans jamais avoir eu le moindre mot de reproches de la part de la hiérarchie ecclésiastique. Ainsi, cette interview donnée en 2004 au site Gaybelgium.

Mais voilà – une fois de plus les clichés bêtes et faciles ont pris le dessus : « les religions cassent du pédé ». Au lieu d’entrer en dialogue avec le musulman Yacoub Mahi – qui a courageusement répondu à l’invitation – chacun s’est cru autorisé de lui tomber dessus. Quant à votre serviteur, quand il essaya de ramener la balle au centre en parlant d’accueil et de non-discrimination, on lui envoya dans les gencives un mystérieux texte « haineux » contre les homosexuels du pape Jean-Paul II (qu’on se garda cependant bien de citer).
Il y eut ensuite le traitement médiatique ultérieur du débat. Une dépêche RTBF qui souligne que mon appel au dialogue ne reflétait « pas forcément la position officielle de l’Eglise » et que le Vatican avait soutenu « dans les pays africains des initiatives législatives qui condamnent (juridiquement) l’homosexualité » (ce qui est archifaux)De la même veine fut la séquence du JT de dimanche midi, et plus encore celle de dimanche soir. En tant que représentant à ce débat de la première communauté religieuse de Belgique,  face au découpage de mes interventions lors de ces JT, un seul mot me vient à la bouche : désinformation.

Bref, au lieu d’être une occasion de bâtir des ponts, le débat du jour contribua à construire des murs. Les faucons l’ont emporté sur les colombes. La raison de tout ceci n’est pas difficile à chercher. Il y a, d’une part, la colère de nombre d’homosexuels face à ce qu’ils ressentent comme du rejet de la part des religions. Cela, je puis le comprendre. Mais il y a également la bonne conscience anticléricale d’une certaine culture bobo. Comme me l’écrivait cet après-midi un aîné de la RTBF, qui est gay et peu suspect d’être bigot : « Dans un tel débat, tu pars avec un handicap: on peut te voler dans les plumes sans risquer de se faire traiter de raciste ». Et cela est irresponsable. Ainsi que le déclara avec justesse sur le plateau, la Ministre de l’intérieur au début du débat : plus la crise économique augmente, plus l’intolérance grandit. A l’heure où des forces antipolitiques redressent la tête aux quatre coins de l’Europe et où le contrat social est mis à mal, les démocrates de tous bords sont condamnés à se parler. Le jour où d’autres paumés casseront encore des gays ou des lesbiennes en pensant le faire au nom d’Allah, de Jésus ou de Bouddha, chacun aura beau jeu de s’indigner. Ce genre de débat n’aura pas aidé à les détromper. Que du contraire. D’où ma colère.

« Totale exigence… » – 6° dimanche de Pâques, Année B

« Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis » (Jean 15, 9-17)

La phrase sonne plutôt sympa. Du genre: « vous êtes mes potes – je vous invite à mon BBQ ». En fait, elle est d’une exigence radicale. Etre serviteur, cela laisse un peu de distance. On obéit, histoire de ne pas déplaire au patron… mais inutile de faire du zèle. Par contre, être « ami », cela engage à connaître, à aimer, à librement imiter.

Concrètement ? « Aimez-vous les uns les autre comme je vous ai aimés ». D’accord, Seigneur, mais cela veut dire quoi : « comme je vous ai aimés » ? Réponse : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Pour la plupart d’entre nous, cela signifie : donner sa vie à petit feu – en se donnant aux autres. Parfois, cependant, le choix se fait radical. Il s’agit alors de donner jusqu’à sa vie par amour.

… Quand je vous disais que cette parole était exigeante.