De retour de vacances, une réflexion sur la récente actualité: Je comprends que la possible libération conditionnelle de Michèle Martin, l’ex-compagne et complice de Marc Dutroux, choque les familles des victimes, voire une partie de l’opinion. Si j’étais parent d’une petite victime – je ne sais pas par quels tourments je passerais. Mais réfléchissons. Quand on renonce à la peine de mort – un progrès civilisationnel – ce n’est pas pour remplacer la guillotine par les oubliettes. Il faut bien se dire que les pires bourreaux continueront à vivre. Où et dans quelles conditions? Une réponse doit être fournie par la société. Dès lors, quand je lis sous la plume d’un éditorialiste de la presse populaire qu’avec cette libération conditionnelle la justice belge « perpètre une mauvais coup avec la complicité de l’Eglise catholique », je pense qu’on nage en plein populisme. La justice applique les lois, telles qu’elles furent démocratiquement votées par nos élus. Si le tribunal d’application des peines a mal appliqué la loi, ce sera à la cour de Cassation de le dire. En tout état de cause, pourquoi s’en prendre aux Clarisses de Malonne? Si certains actes ne sont pas pardonnables, une personne ne peut jamais être réduite à ses actes – si odieux soient-ils. Et s’il doit continuer à exister un seul lieu d’accueil inconditionnel, c’est bien là où est proclamé l’Evangile du Christ. Ainsi, les couvents. Que ces mêmes bonnes consciences qui dénonçaient à l’époque de la commission Adriaenssens (commission ecclésiale sur les abus sexuels) une trop fragile séparation entre justice et Eglise, soient cohérentes: il s’agit bien ici d’une décision de justice. Faire glisser sa hargne vers les Clarisses de Malonne, qui ne font que prendre acte de cette décision souveraine, tout en vivant leur vocation d’accueil, je trouve cela facile et gratuit. Sauf à vouloir proscrire l’Evangile. Un critique m’écrivait: « l’amour n’équivaut pas au pardon ». Pour le Christ, le pardon est la signature de l’amour: « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. (…) Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et vous recevrez : une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans votre tablier ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous. » (Luc 6, 27-38) Je ne dis pas que ces paroles sont faciles à vivre. Parfois, le pardon est au-dessus de nos forces humaines. Il doit pourtant rester l’horizon de tout chrétien. Quant à fantasmer – comme le firent certains – sur un « ordre épiscopal d’accueillir Michèle Martin »… c’est faire régresser tout le débat sur cette douloureuse affaire au niveau du « Da Vinci Code ». Les sœurs Clarisses ont pris leur décision et responsabilité toutes seules. Leur courage mérite au moins le respect dû à des chrétiennes et des citoyennes qui se sont mouillées dans un délicat débat de société.
Se mouiller…. Je suis en train de lire la chronique du printemps libyen, écrite par Bernard-Henry Lévy (« La guerre sans l’aimer » aux éditions Grasset). J’y reviendrai. Le rôle crucial joué par Nicolas Sarkozy dans le soutien au soulèvement populaire contre Kadhafi est souligné par le célèbre intellectuel de gauche. Le président français s’est mouillé jusqu’au cou pour sauver la ville insurgée de Benghazi du massacre annoncé par l’ex-tyran de Tripoli. Est-il dès lors étonnant que cet ancien chef d’état refasse parler de lui en plein été, alors que le peuple syrien meurt à Alep sous les bombes du dictateur de Damas? Certains commentent cette sortie estivale, en n’y voyant qu’une stratégie de retour aux affaires de la part d’un ex-président qui « s’ennuie » et envoie des torpilles à son successeur. Peut-être aussi. Mais pourquoi exclure une sincère indignation de la part de ce politicien souvent excessif, mais non dénué d’audace et de courage? Je sais bien que la situation syrienne ne se présente pas comme celle de Libye et que la Syrie ne doit nous faire oublier l’est du Congo qui agonise, ou la Somalie qui meurt de faim. Mais – comme pour les Clarisses de Malonne – je trouve qu’il est un peu facile d’égratigner sans plus ceux qui dans ce dossier se mouillent, sans proposer d’alternative. Et puis de tranquillement se remettre au balcon de l’histoire, en profitant du soleil d’été un bon petit verre de rosé frais à la main.