Dénigrer, c’est euthanasier le débat

Pour faire très bref, dans le débat sur l’euthanasie, il y a l’approche de principe et la gestion politique de celle-ci. Le principe est de savoir si le droit à la « bonne mort » (sens du mot euthanasie) peut être octroyé sur demande à des citoyens et – si oui – moyennant quelles conditions. Les partisans de l’euthanasie répondent « oui » au nom du libre-arbitre ; les opposants – dont je fais partie – répondent « non » de par l’interdit fondateur de donner la mort. La gestion politique du « oui » implique de vérifier les conditions d’accès au droit de mourir, en évitant que cette liberté ne se transforme en pressante invitation. La gestion politique du « non », demande de mettre en œuvre une politique de soins qui apaisent la souffrance – quitte à accélérer le décès – sans pour autant provoquer la mort. Si l’honnêteté intellectuelle invite à reconnaître que les partisans du « oui » ne sont pas des êtres privés de respect pour la vie humaine, la même honnêteté, force à admettre que les adeptes du « non » ne sont pas pour autant des obscurantistes imposant le poids de leurs croyances passéistes à toute la société. Le fait que – parmi d’autres grandes nations démocratiques –  la très laïque France n’aie à ce jour aucune loi de dépénalisation de l’euthanasie, illustre assez clairement que le débat existe.

Il est donc bien naturel qu’en Belgique, dix années après le vote d’une loi aussi éthiquement chargée que celle sur l’euthanasie, les tenants des deux thèses fassent leur bilan et qu’ils s’affrontent sur celui-ci. Ceci explique les cartes blanches parues dans le quotidien La Libre du président de la Conférence Episcopale de Belgique (29 mai) et la réponse à celle-ci du président du Centre d’Action Laïque (2 juin). Chacun ira relire leurs arguments et… se fera une religion.
Mais outre le contenu, ce qui différencie les deux articles est le ton. Le président du Centre d’Action Laïque (CAL) aurait pu commencer son plaidoyer comme ceci : « En mai 2002, une majorité parlementaire a voté une loi relative à l’euthanasie. Dix ans après sa promulgation, un bilan s’impose. Lors des débats parlementaires, le CAL avait déjà soutenu cette loi, en exprimant que celle-ci permettait aux personnes les plus vulnérables d’exercer leur liberté de choix jusqu’au bout ». Le lecteur attentif aura noté que je ne fais que paraphraser le sobre début de l’opinion de l’Archevêque, mais en changeant l’argument. S’il avait opté pour le style neutre et respectueux, le Président du CAL aurait pu poursuivre en expliquant sa vision du bilan de la loi et du travail de la commission de contrôle. Il aurait également donné son avis sur l’objection de conscience et ses limites. Mais non. Le billet du Président du CAL s’ouvre sur un tout autre registre :  « C’est sans grande joie que nous retrouvons dans « La Libre » (mercredi 29 mai) la rhétorique habituelle de l’archevêque Léonard dans sa croisade contre les libertés individuelles. L’amalgame, la désinformation, le raccourci facile, le mensonge par omission, le supposé présenté pour vrai, l’argument bâti sur un faux socle : ces techniques sont éculées et archiconnues de tout qui se pique un peu de sémantique. Comme disait Nietzsche : « Quand on a la foi, on peut se passer de la vérité. » ». La suite est du même cru. Imaginons un seul instant que ce soit l’Archevêque qui eut prononcé une pareille charge à l’encontre de son homologue laïque… Point n’est besoin d’être (grand) clerc, pour prophétiser que cela aurait causé un nouvel émoi national, avec son chapelet d’indignations pleuvant de toute part, en ce compris de bon nombre de catholiques. L’inverse semble, par contre, n’émouvoir pas grand monde. Cela en dit long sur notre capacité sélective d’indignation.

Pourquoi une personnalité, par ailleurs responsable et intelligente, opte-t-elle pour le dénigrement ?  Le but poursuivi est sans doute tactique. En politique, railler les intentions de son contradicteur est efficace. C’est aussi pour cela que l’Institut Européen de Bioéthique est traité dans le même billet de « faux institut de recherche et vrai lobby ultra-catholique actif auprès des instances européennes ». Notons le sobriquet « d’ultra-catholique » qui ne veut pas dire grand-chose (pas plus que celui d’« ultra-laïque »), mais qui discrédite celui à qui il s’adresse. Le dénigrement joue également sur le registre émotionnel. Rien de tel que de revivifier la prose des grands affrontements idéologiques et de présenter la hiérarchie catholique comme une force puissante qui chercherait à prendre le contrôle des libertés démocratiques. Ainsi, le Président du CAL qui constate en finale de son billet « que l’Eglise, par la voix de son chef en Belgique, tente une fois encore d’imposer sa vision à tous les citoyens, qu’ils soient ou non adeptes de la foi catholique ». Je résume son point de vue: quand l’Eglise catholique s’exprime sur une question de société, elle est bien inspirée quand ce point de vue rejoint celui du CAL (comme pour demander des critères de régularisation pour les sans-papiers). Sinon, elle est hégémoniste et peu respectueuse de la démocratie. Elle est bien paradoxale, l’assurance qui anime nombre d’adeptes du libre-examen en les assurant qu’ils se trouvent forcément du bon côté de l’histoire… Selon moi, pareil credo s’explique par l’adhésion à une certaine idéologie du progrès : tout ce qui conforte le combat laïque, y est proclamé «  progressiste » et allant dans le sens de l’histoire. Les avis contraires seront, dès lors, nécessairement régressifs et devront être traités comme tel.

Certains applaudissent le ton du discours du Président du CAL. Ils lui trouvent le mérite de la clarté et préfèrent cela à ce qu’ils appellent un consensualisme mou de bisounours. Je ne suis pas d’accord. La démocratie se bâtit sur des affrontements d’idées musclés, certes, mais respectueux du contradicteur. Sinon, c’est la dictature du « prêt-à-penser » sur base d’intimidation intellectuelle. Ce qui est sous-entendu quand on dénigre, est : si vous avez le mauvais goût de penser comme l’Archevêque, vous aussi êtes des « ultra-catholiques », adeptes de « l’amalgame, la désinformation, le raccourci facile ». Prenons un exemple différent : Il y a quelques mois encore, une bonne part de l’establishment belge francophone condamnait en chœur les mesures d’inburgering flamandes (politique d’intégration obligatoire à l’encontre des immigrés primo-arrivants). Ces mesures furent dénigrées par beaucoup, car dénoncées comme volonté d’assimilation nationaliste. Aujourd’hui, et suite aux émeutes dans la périphérie de Bruxelles de jeunes « désintégrés », les mêmes voix semblent découvrir les vertus de l’approche flamande. Plutôt que ce volte-face, il eut été plus constructif d’entrer – de prime abord – en débat avec nos compatriotes du nord pour comprendre et discuter leurs motifs. C’est cela, le beau jeu de la démocratie. De la même façon, le débat sur l’euthanasie mérite des échanges musclés, certes, mais pas le dénigrement. En effet, celui-ci nuit gravement à la culture démocratique, car il a pour unique résultat… d’euthanasier le débat.

30 réflexions sur « Dénigrer, c’est euthanasier le débat »

  1. Merci de réclamer un minimum de respect et de l’honnêteté intellectuelle.
    Le ton que ces dénigreurs emploient ne les grandit pas et cache mal leur émotionnel non maîtrisé.

  2. Le ton de l’archevêque était particulièrement sobre, bravo. Bravo aussi pour l’intervention des autorités ecclésiastiques dans ce difficile débat public, en tant que citoyens certes convaincus de la valeur de leur message plutôt que comme détenteurs d’une autorité qui devrait s’imposer à tous les honnêtes gens. Je reste favorable à la possibilité de l’euthanasie en dernier recours et avec grandes précautions, au nom de la dignité humaine.

    1. Non, non, non, il n’y a aucun cas où l’euthanasie peut être accepté.
      Nous ne pouvons jamais être d’accord avec un droit de donner la mort Michel biart.
      Nous luttons dans le monde contre la peine de mort, pour quelqu’un qui a donné la mort; mais d’un autre côté, nous sommes prêt à donner, nous, la mort à quelqu’un sous prétexte de ses souffrances que NOUS ne pouvons supporter. Où est la logique?
      Qui a le droit de donner la mort? Qui, sinon Dieu, afin de nous donner la vie éternelle.
      Qui a le droit de dire qu’un tel peu vivre, l’autre pas; qu’un tel souffre suffisamment que pour accepter l’euthanasie pour lui et pas un autre.

      Nous ne pouvons jamais mesurer la souffrance de quelqu’un. Nous sommes chacun vraiment seul face à Dieu devant notre propre souffrance. Il faut l’admettre.

      L’euthanasie est le pas, pris par l’homme, sur Dieu pour régler en son nom, ici sur terre NOTRE conception de la souffrance. Quel audace! Sommes-nous supérieur à Dieu?

      La plus grande et noble chose à faire est de PRIER. Prier Dieu et lui demander soit la guérison, soit de rappeler à lui l’âme souffrante et de lui donner du courage, …, puis de lui faire confiance. La souffrance a un but, une raison d’être qui nous échappe. Les chemins de Dieu sont impénétrables mais infiniment justes.

      La plus belle chose que nous puissions apporter au souffrant est notre amitié, notre tendresse humaine, notre amour fraternel, et lui faire sentir qu’il compte pour nous, que nous l’aimons. C’est bien cela « laisser partir quelqu’un dans le respect ». Le faire disparaître par les coulisses de l’euthanasie n’est pas de l’amour.

      N’oublions jamais que l’Eglise accepte bien entendu tous les soins palliatifs pour soulager la souffrance. C’est la seule chose qu’humainement nous sommes en droit d’accepter et de promouvoir. Dieu est notre seul créateur. Nous n’avons aucuns droits sur la vie de nos frères ou soeurs.

      1. J’espère comme vous que les soins paliatifs continueront à progresser et à réduire la demande d’euthanasies.

        Il me semble que dans certains cas l’aide à mourir dans la dignité s’impose humainement. Bien des personnes qui s’opposent à l’inscription de toutes possibilités d’euthanasie dans la loi admettent d’ailleurs cela mais estiment que c’est aux tribunaux à reconnaître les situations particulières. Je trouve la voie législative plus honnête. C’est une question d’appréciation.
        Toutefois, il est clair que les partisans de l’euthanasie vont souvent beaucoup plus loin et considèrent que quand une personne se sent très diminuée elle a droit à l’euthanasie. Cette position va très souvent de pair avec l’athéisme ou l’agnosticisme et donc l’idée que l’être humain est maître de son destin. Je ne partage pas cette opinion mais c’est un domaine où j’évolue encore.
        Bonne fin de journée

  3. « Dénigrer, c’est euthanasier le débat »

    Je trouve très bonne votre réaction (j’insiste) et celle de mgr Léonard. Le ton académique et courtois vous sert, vos adversaires donnent dans le pamphlétaire à leur détriment. C’est un art qui n’est pas donné à tout le monde. Le lecteur non initié trouvera la réaction du CAL disproportionnée.
    J’y vois leur désarroi devant des autorités spirituelles qui ne se laissent pas intimider. Si la hiérarchie catholique s’excusait d’exister et cherchait à plaire par des propos veules et iréniques, ils flatteraient, mais le ferme propos courtois les exaspère car ils voient avec déplaisir que le monde catholique se ressaisit et pas qu’en Belgique.

    L’idéal pour eux serait que l’autorité catholique n’ose plus rien dire de peur de voir l’Eglise partir en morceaux et de se sentir marginalisé dans « l’intégrisme ». La fidélité à la vraie doctrine est logiquement dans leur esprit un passéisme; il n’y a pas de valeurs éternelles pour la maçonnerie, mais des forces de progrès en lutte contre les résidus du passé. La vérité suprême de la maçonnerie c’est qu’il n’y a pas de vérité. Ils sont enfermé dans le mobilisme philosophique. Il n’y a pas de valeurs permanentes. Dieu qui ne change pas, est l’ennemi.

    Croire qu’en anéantissant le monde catholique le monde sera libéré d’une aliénation, c’est leur illusion, car en fait sans l’Eglise la morale naturelle existe et reproche à celui qui la transgresse son comportement. Le droit au meurtre des autres ou de soi même n’est pas d’abord une doctrine qui heurte une doctrine religieuse mais une prétention qui heurte la conscience morale de l’individu. Le droit naturel est inscrit, même confusément, dans le coeur de l’homme avec ou sans religion, même si l’Eglise se fait la championne de ce droit. Leur ennemi est au fond d’eux-même et c’est la conscience droite.

    Le maçon qui prétend au droit de vie et de mort sur lui-même se heurte à sa conscience qui lui indique que c’est mal. C’est une des explications de la véhémence du pamphlet de ces messieurs car pour paraphraser saint Jean, l’Esprit est la lumière qui éclaire tout homme en venant en ce monde. Même si les hommes d’Eglise se taisaient les consciences se sentiraient dans leur tort. Comme dirait Victor Hugo, l’oeil était dans la tombe et regardait Cain. Lorsque nous faisons le mal, notre conscience nous le reproche même si nous revendiquons une légitimité derrière par un droit abusif. Dieu nous a fait spirituel et moral.

    Bravo pour votre intervention.

    Cordialement

  4. « Le droit au meurtre des autres ou de soi même n’est pas d’abord une doctrine qui heurte une doctrine religieuse mais une prétention qui heurte la conscience morale de l’individu. »

    C’est dit calmement et poliment, mais c’est ignoble. Accéder à la demande d’un proche de mettre fin à ses souffrances et à son état de dépendance, l’accompagner dans cet acte extrêmement douloureux, relève à mon sens de l’héroïsme. Ne pas le voir ainsi est votre droit. Appeler cela un meurtre ne l’est pas.

    1. La tentation du meurtre.

      La tentation est permanente de monter en épingle l’exception des souffrances interminables où les circonstances atténuantes sont grandes pour nous pousser à transgresser la règle. Nous savons pertinemment qu’il ne faut pas tuer mais nous avons parfois l’excuse des circonstances atténuantes. L’héroicité qu’il faut dans certains cas pour ne pas tuer, n’est pas facile à assumer. Mais nous avons le devoir de résister au meurtre. Ce n’est pas facile.

      Il faut essayer de calmer la douleur oui , ne pas faire d’acharnement thérapeutique certes, mais ne pas tuer. C’est presque impossible quand on voit ce lui que l’on aime hurler sans remède évident…

      On peut être ignoble par manque de compassion et moralisme froid, mais on peut être ignoble en tuant froidement sous prétexte d’abréger la souffrance.

      Vous pouvez avoir le choix entre deux ignominies, être indifférent à la souffrance de l’autre ou arguer de cette souffrance pour liquider le malade. Derrière se cache la banalisation du meurtre habillé d’humanisme.

      La souffrance, la maladie et la mort sont pour toute l’humanité croyante ou pas. Nous n’avons pas de demeure permanente sur la terre. Si la souffrance nous paraît utile pour progresser ou absurde selon les circonstances, on peut y voir une source de sanctification, je vais vous faire hurler.

      Le seul mal éternel c’est l’enfer, sur la terre nous sommes provisoirement dans le mal. Nous avons une âme immortelle à sauver. Je vais encore vous faire hurler.

      Sans l’espérance de l’éternité bienheureuse, je ne vois pas de solution humaine à l’inéluctable mort plus ou moins douloureuse qui attend tout le monde.

      On doit soigner les corps et essayer d’atténuer les souffrances, mais on doit aussi soigner les âmes et leur mettre en évidence les fins dernières qui ne sont pas sur la terre.

      La croix est ignoble. la croix est une espérance de salut.

      Cordialement

  5. le 2 juin à milan,le cardinal andré vingt-trois, archevêque de paris : « exprimer son point de vue n’est pas imposer ce que l’on pense, et si certains sont exclus de la discussion à cause de ce qu’ils pensent, on ne voit pas très bien où sera le débat ! or, c’est bien le grief que l’on nous fait en nous demandant pourquoi nous voudrions que notre point de vue l’emporte. il ne s’agit pas de répondre que notre point de vue serait le meilleur et devrait donc profiter à tous, même si cela a quelque vraisemblance pour nous. le fond des choses est que nous ne souhaitons pas que notre point de vue l’emporte sur tout le monde, mais que nous estimons avoir autant de titre que quiconque à manifester ce que nous pensons et ce que nous croyons.
    L’homélie est ici : http://www.eglise.catholique.fr/eglise-et-societe/politique/elections-2012/homelie-du-cardinal-andre-vingt-trois-a-la-rencontre-mondiale-des-familles-2012-14370.html

  6. Que vous pensiez que la souffrance est source de sanctification ne me fait pas hurler. Mais que vous vouliez l’imposer aux autres pour cette raison-là me révolte.

    Et ce qui me révolte encore davantage, c’est que vous parliez de « tuer froidement sous prétexte d’abréger la souffrance ».
    Je ne vous souhaite pas d’être dans les circonstances où un très proche vous demandera comme une grâce d’être libéré de ses souffrances, et où vous devrez faire la sourde oreille. Ou, si vous vous décidez à l’écouter, ce qui n’est vraiment pas plus facile, vous partagerez avec l’être aimé et souffrant, et avec son médecin, le poids d’une décision difficile, mais qui n’aura jamais, au grand jamais, quoi que ce soit de « froid ».

    1. « Tu ne tueras pas « , Dieu à Moise.

      Votre révolte se comprend, mais ne s’approuve pas, car vous n’êtes pas maître de donner la vie et la mort. Tentation satanique. « Vous serez comme Dieu », Satan à nos premiers parents..

      L’Eglise excommunie les francs-maçons, serviteurs de Satan.

      Dieu seul est maître de notre destinée.

      Cette loi est inscrite dans le coeur de l’homme même s’il ignore les dix commandements. Même le pygmée au fond de l’Afrique et de son ignorance sait que ce n’est pas bien de tuer son prochain. C’est la lumière que le bon Dieu met dans notre esprit quelle que soit notre condition humaine.

      Grandeur de l’homme.

      La grâce d’être libéré de la souffrance appartient à Dieu, pas à l’homme. Ni sur la terre, ni au purgatoire, ni en enfer.

      Mon grand père qui était chirurgien, est mort dans de grandes souffrances, il disait revivre la passion du Christ. Sa souffrance est sacrée et Dieu seul est maître de la vie et de la mort. Il nous autorise les remèdes et les apaisements possibles. Notre gloire au Ciel sera proportionnée à notre mérite, mais si nous nous sauvons c’est grâce à Jésus et malgré notre indignité et si nous nous damnons par meurtre direct ou par complicité ce sera à cause de nous.

      Dieu est Dieu. Nom de Dieu !!!

      (ce n’est pas un juron mais une objurgation).

      L’enfer est le seul mal éternel.

      Je ne cherche pas à vous convaincre, ni à vous provoquer, mais je transmets ce que j’ai reçu.

      Cordialement

  7. Olivier, j’admire la force de vos convictions et le courage que vous avez d’en témoigner respectueusement mais sans flancher. Toutefois, permettez-moi de vous écrire que vous ne respectez pas toujours les convictions et la démarche spirituelle des autres. Qualifier en toute généralité les francs maçons de « serviteurs de Satan », c’est pour moi franchir une ligne rouge.
    Quant à votre respect absolu de la vie, cela me pose une question. Etes-vous opposé à toute guerre et n’acceptez-vous la violence pouvant entraîner mort d’homme en aucune circonstance?
    J’ai compris votre allusion aux « circonstances atténuantes ». Si j’étais placé dans une situation extrême, j’espère que j’aurais le courage de commettre une transgression avec de telles circonstances.
    Cordialement à vous

    1. Vous avez raison,

      Les francs maçons ne sont pas sataniques à la base, sans doute au sommet pour les plus conscients. La plupart des gens sont inconscients des réalités spirituelles invisibles, d’où le caractère pardonnable de l’homme.

      « Quant à votre respect absolu de la vie, cela me pose une question. Etes-vous opposé à toute guerre et n’acceptez-vous la violence pouvant entraîner mort d’homme en aucune circonstance? »

      L’Eglise est casuiste puisque le « tu ne tueras pas » mérite d’être explicité.

      Il y a trois cas où l’on peut tuer:

      1) légitime défense à condition que la riposte soit proportionnée à l’attaque. Cas classique de droit où le pacifique est tenu de chercher à se défendre en pouvant entraîner la mort de l’assaillant sans la chercher.
      Ne pas se défendre où ne pas défendre une tierce personne étant alors une non assistance à personne en danger.

      2) défendre son pays. Il est douloureux mais nécessaire de mourir parfois pour son pays et donc de donner la mort. Sans la guerre, cela peut arriver par opération de gendarmerie pour éliminer des criminels. Le gendarme qui tue un criminel ne commet pas un crime quoi que pensent les intellectuels de gauche pervertis. Il faut distinguer la mort du coupable de la mort de l’innocent.

      3) pour punir des assassins. On peut les éliminer ou trouver des peines de substitutions.

      Donc les dix commandements méritent d’être intelligemment interprêtés et non comme les sectes chrétiennes pacifistes qui mettent en danger le bien commun par des positions religieuses aberrantes. Le bien commun peut exiger de sacrifier des individus à l’espèce mais il ne faut pas abuser de ce genre de raisonnements.

      L’euthanasie se pose aussi quand en temps de guerre on voit des blessés que l’on ne peut secourir que l’on est tenté d’achever pour abréger leurs horribles blessures et souffrances. Dans l’abstrait la théologie morale est facile, dans le concret c’est crucifiant de ne pas se laisser aller à soigner le mal par le mal. Idem pour la torture des criminels pour obtenir des renseignements qui sauveront des vies. Tous les services de renseignements torturent, le moraliste doit prendre position sans angélisme et sans complaisance pour les méthodes ignobles.

      Mais vous sentez bien que trop de souplesse dans les principes amènent vos interlocuteurs à n’importe quoi, l’officier supérieur va donner le style de la troupe, la moindre faiblesse de principe aboutira à des atrocités. Il faut donc être intransigeant sur les principes et suave dans les manières de les transmettre (fortiter in re suaviter in modo). Il faut de préférence être compris.

      Il est difficile de rester des hommes quand les circonstances deviennent extrêmes.

      Cordialement

      1. @ Olivarus: Bonjour; j’ai quelque difficulté à comprendre votre point de vue. L’interdiction de tuer est dites-vous un absolu, une loi naturelle. Interdiction de demander à être euthanasié quelles que soient les circonstances donc. Mais pas de problème s’il s’agit d’exécuter un assassin ou de tirer sur l’ennemi durant la guerre? Difficile de faire plus incohérent! Et de me demander: qui s’arroge le droit de publier ces exceptions casuistes à une règle de droit divin?

        1. Bonne question

          Je fais exprès de vous montrer la difficulté de la moralité des actes.

          C’est votre raison qui vous indique en fonction des circonstances ce que la prudence vous commande. Un acte vertueux aujourd’hui peut être vicieux dans des circonstances différentes. Ce n’est pas du relativisme, c’est le bon sens.

          Pécher pour saint Thomas d’Aquin c’est d’abord pécher contre la raison.

          Si vous lisez les commandements de Dieu sans intelligence vous aboutissez à des absurdités. Tu ne tueras pas l’assassin qui vient torturer ta femme après l’avoir violé, parce que ta religion t’interdit de tuer. S’il vous plait monsieur l’assassin veuillez arrêter d’exterminer mon épouse, que faire si le charmant garçon continue? Dieu est alors idiot, puisqu’il donne un ordre impossible à réaliser ou Dieu est mal compris.

          Il faut donc considérer que de tuer par devoir l’agresseur n’est pas la fin recherchée mais sa mise hors d’état de nuire au bien commun ou au bien personnel.

          Dieu distingue l’innocent du coupable et n’hésite pas à promettre les pires châtiments à ceux qui transgressent les commandements mais pas aux innocents qui se défendent. Dieu nous demande d’être intelligent pas con.

          La vie est sacrée donc se tuer par suicide rapide, ou lent (alcool, drogue), euthanasie est un péché mortel qui entraîne la damnation si l’on agit en matière grave, en sachant très bien que c’est grave, et en voulant malgré tout désobéir, ce sont les conditions de notre culpabilité mortelle. Nous devons confesser nos péchés mortels et prendre la résolution de réparer et de ne pas recommencer.

          Mais de défendre la vie des siens c’est défendre un bien même si cela amène à tuer un coupable.

          Le tueur se retranche de la communauté des hommes par sa faute, c’est pourquoi tant qu’il n’est pas amené à reddition la société doit le réduire.

          Donc les commandements de Dieu ne sont pas à obéir sans discernement.

          Autre exemple, si vous volez une pomme parce que vous êtes sans ressources et affamé ce n’est pas un péché mais si vous volez en temps ordinaire c’est un péché. La morale est qu’il ne faut pas voler mais qu’il ne faut pas mourir d’inanition par sottise.

          Dieu nous aime et nous donne des ordres pour notre bien pas pour nous embêter.

          Il veut une réponse d’amour et d’intelligence pas de connerie.

          Les dix commandements sont à obéir intelligemment.

          Cordialement

          1. Je résume: la vie est sacrée, sauf celle des autres si j’estime qu’ils ne méritent pas de vivre, mais interdiction d’attenter à la mienne même si c’est de toute évidence la seule chose intelligente à faire?

  8. Bonjour. A titre personnel en tant qu’athée, je regrette en effet le ton de la réponse aux propos de l’archevêque Léonard; ce n’était pas utile. J’apprécie d’ailleurs toujours le ton clair et posé de Mr Léonard et sa grande cohérence. Evidemment sur le fond je ne suis pas d’accord avec lui et j’adhère au point de vue et aux arguments du président du CAL, à mon avis parfaitement fondés.
    En mon nom je voudrais dire ceci: j’accorde une grande importance à la dignité humaine, la mienne y compris. Me retrouver petit à petit privé de mes facultés intellectuelles par la maladie d’Alzheimer ou étouffer lentement à cause d’un cancer des voies respiratoires: deux cas que je ne voudrais ni subir ni infliger à mes proches, et pour lesquels les soins palliatifs ne peuvent rien. En ces circonstances, ma vie n’appartiendrait qu’à moi. Aucun dieu ne me l’a accordée. Avant ma naissance je n’existais pas. Après ma mort je n’existerai plus. C’est pour moi la source d’une grande sérénité qui me laisse libre d’agir selon ma volonté. Que d’autres pensent autrement n’est pas un problème, sauf s’ils s’arrogent le droit de me priver de ma liberté.

          1. On s’éloigne du sujet, mais les vieux grimoires « reçus et transmis » sont pourtant assez explicites:

            Si ton frère, fils de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou la femme qui repose sur ton sein, ou ton ami que tu aimes comme toi-même, t’incite secrètement en disant: Allons, et servons d’autres dieux! … tu n’y consentiras pas, et tu ne l’écouteras pas; tu ne jetteras pas sur lui un regard de pitié, tu ne l’épargneras pas, et tu ne le couvriras pas. Mais tu le feras mourir; ta main se lèvera la première sur lui pour le mettre à mort… (Deutéronome 13.6-11)

            Cela s’applique certainement aux « francs-maçons, serviteurs de Satan », mais quid pour les athées?

            L’Éternel a commandé pas mal de tueries parmi les Madianites, Egyptiens, Philistins et autres. Vous n’en doutez pas, j’espère?

            Plus sérieusement, en se plongeant un peu dans l’anthropologie et la sociologie, on réalise que l’évolution a façonné, lors de l’hominisation, plusieurs « lois » concernant le respect de la vie, l’inceste, la famille, etc. qui ont été reprises, puis « améliorées » par diverses religions. Leur domaine s’étend même à d’autres primates, même s’il n’en a forcément pas toujours été ainsi pour l’homme ces derniers 500.000 ans. Bref, assurément rien d’absolu…

      1. Si vous avez l’occasion de lire La Croix, je vous conseille l’article de Gaston Piétri dans le n0 de ce week-end (p. 18). Il mérite d’être lu et relu, en particulier pour les deux messages complémentaires sur le dialogue de l’Eglise avec la non-Eglise et le témoignage qu’elle doit porter. Deux façons de reconnaître l’altérité. L’auteur insiste d’abord sur l’une puis sur l’autre.
        Bien cordialement

      2. michel biart says:
        8 juin 2012 at 15 h 59 min
        Si vous avez l’occasion de lire La Croix, je vous conseille l’article de Gaston Piétri dans le n0 de ce week-end (p. 18). Il mérite d’être lu et relu, en particulier pour les deux messages complémentaires sur le dialogue de l’Eglise avec la non-Eglise et le témoignage qu’elle doit porter. Deux façons de reconnaître l’altérité. L’auteur insiste d’abord sur l’une puis sur l’autre.
        Bien cordialement

  9. Que chacun décide pour sa vie.. rien de plus normal. Le suicide est un choix personnel conscient ou inconscient, c’est un triste aboutissement, voir immanquablement un échec sociétal ou un aboutissement d’un chemin sans issu.
    L’euthanasie n’est pas un suicide, il s’agit d’un acte prémédité par une tierce personne car il faut bien un acteur pour injecter le poison. Le problème se pose à la personne qui fera l’injection même si légalement il ne sera pas poursuivi, les complices qui soutiendront l’acte forment aussi inévitablement une association de malfaiteur même si légalement ils ne seront pas poursuivis.
    Ceci pour dire que je ne peux être qu’attristé vis-à-vis de ces criminels en blouse blanche qui se préparent inévitablement à un avenir difficile dès lors qu’ils auront pris conscience de la portée de leur geste et de ses conséquences pour eux-mêmes, généralement à ce stade il est déjà trop tard pour se sauver soi-même.
    Ce n’est pas anodin que le serment d’Hippocrate notifie que  » « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ».
    Comme pour l’avortement, même si les acteurs ne sont pas poursuivis, l’avenir de ces médecins, infirmières ou aides-soignants sont en opposition radicale à leur vocation initiale de soigner… et un jour ils devront l’assumer en leur âme et conscience. Tuer n’a jamais été un acte anodin et sans conséquence, certains ont déjà sombré dans la folie pour moins que ça.
    Je terminerai par dire que les personnes qui se font euthanasier ou avorter sont souvent victime du contexte, les repères sociétaux étant décousus par une folie et une inconscience politique collective où la vie humaine ne compte plus pour grand-chose.
    Le revers d’une mauvaise laïcité est bien le retour au paganisme et à ses déviances.

    1. @Benoît. L’euthanasie est en quelque sorte un suicide assisté. Il faut montrer le plus grand respect vis-à-vis des médecins qui choisissent d’assurer jusqu’au bout l’accompagnement des patients, en accédant à leur demande d’euthanasie. Ce geste médical est forcément difficile à accomplir et nécessite une formidable dose d’humanité ainsi qu’un solide équilibre psychologique.
      Par ailleurs, le serment d’Hippocrate (un authentique païen soit dit en passant), pour admirable qu’il soit, nous arrive d’une lointaine époque et rien n’interdit de l’actualiser. Et franchement, je peine à imaginer quelqu’un demandant et obtenant d’un médecin d’être euthanasié alors que ce n’est pas vraiment ce qu’il désire. De nombreux cas attestent au contraire de refus obstinés de la part non pas simplement de médecins (c’est leur droit) mais bien d’institutions hospitalières (c’est inhumain et illégal).

      1. « en quelque sorte un suicide assisté » c’est ce que l’on appelle de la malhonnêteté intellectuelle comme « mourir dans la dignité ».
        On joue sur les mots et on corrompt ainsi le sens véritable de la pensée.
        L’euthanasie est bien un crime car il y a l’intervention d’une tierce personne contrairement à un suicide où l’on fait cela seul.
        Un chat c’est un chat et non un chat canin.

        1. Bonjour. Dans la législation actuelle, il s’agit en effet d’un crime dépénalisé. On peut débattre de l’honnêteté intellectuelle de cela; il s’agit clairement d’un compromis juridique permettant d’accéder aux demandes d’euthanasie tout en maintenant la notion criminelle. A titre personnel je pense que ce n’est pas vraiment l’idéal car l’euthanasie m’apparaît vraiment comme un suicide assisté plutôt que comme un crime (du fait de la motivation compassionnelle et de l’absence de volonté de nuire).
          Quant à la dignité, aucun doute là-dessus, l’agonie vous en dépouille bien trop souvent. Mieux vaut s’en aller sereinement et consciemment, au moment qu’on aura choisi. Je comprend que ce ne soit pas envisageable pour un croyant. Mais je n’admet pas qu’on puisse l’interdire aux autres.

          1. Le droit et la tolérance

            Vous posez les bonnes questions. On peut tolérer un mal sans le considérer comme un droit.

            Pourquoi?

            Parce que l’homme n’est pas isolé et a une dimension sociale, si le suicide devient épidémique toute la société sera sinistrée. Le mal de l’individu qui se suicide, on est bien obligé de le tolérer comme un mal que l’on ne peut facilement empêcher, mais non comme un droit. Le mal et l’erreur n’ont aucun droit mais on peut les tolérer pour éviter un mal plus grand, le risque de guerre civile ou le totalitarisme, ennemi des libertés. Léon XIII a écrit beaucoup de subtilités sur la question dans son encyclique Libertas.

            La société doit se protéger contre les adeptes du meurtre sur soi ou les autres, mais ne peut organiser une dictature du bien.

            Cordialement

          2. Hippocrate n’était pas croyant (et c’est vous qui le confirmez !) Pour lui, l’idée n’était pas envisageable et même inconcevable.
            La mort n’est pas un bien car elle est un drame de notre humanité, elle ne représente qu’une réalité visible de ce qui nous attend. Une part du monde invisible échappe à notre raison et chacun par ses propres choix se lie ou se délie d’une destinée offerte à tous. Le « suicide assisté » sont deux mots qui ne peuvent se concilier entre eux, seul la malhonnêteté intellectuelle peut établir une jonction; il faut situer le geste fatal sur celui qui va le commettre et non sur celui qui le demande, un suicide reste un assassinat de sa propre personne par sa propre personne. Mettre fin à ses jours c’est un manque totale d’espérance et si l’entourage manque d’espérance.. nous sommes alors dans le monde de la morbidité et pour que la médecine accepte cela nous sommes partis tout droit dans de l’eugénisme planifié digne des nazis.

  10. Olivier, votre analyse me rappelle les propos du cardinal Ruffini, à Vatican II. J’étais de l’autre bord mais estimais l’intelligence et la force de conviction du prélat. Cela vaut aussi pour vous. En lisant, dans La Croix de samedi, l’article de Gaston Piétri, j’ai pensé que vous vous y reconnaîtriez. C’est pourquoi j’ai cité l’article sue le blog, sans être capable de le poster en réponse à votre intervention précédente.
    Bien cordialement

  11. @Benoît. Bonjour. Désolé mais votre point de vue me semble réellement excessif et pratiquer l’amalgame. Je conçois parfaitement que l’euthanasie ne soit pas admissible pour un croyant (au fait, je n’ai pas dit qu’Hippocrate n’était pas croyant, j’ai rappelé qu’il était païen ce qui n’a rien à voir. Les chrétiens ne sont que je sache pas les seuls à être croyants). Sinon, je réfute absolument cette accusation de malhonnêteté intellectuelle. La personne en demande d’euthanasie vise à mourir de sa propre volonté, c’est chez elle que se situe la prise de décision et la responsabilité de l’acte. Le médecin accepte d’aider par souci d’humanité mais il est hors de question de lui imputer une responsabilité et c’est d’ailleurs pour cela que l’acte est dépénalisé. Par ailleurs, pour l’athée que je suis, il n’y a effectivement pas d’espérance dans l’au-delà, mais rien de morbide là-dedans,ce qui m’oblige d’ailleurs à vivre de manière intense, éthique et responsable autant que faire se peut. La mort n’est ni un bien ni un mal, c’est un simple fait. Pour finir, l’eugénisme nazi ou autre, planifié et forcé, n’a rien à voir avec l’euthanasie, qui est un acte personnel, décidé librement et en connaissance de cause. Associer les deux EST une malhonnêteté intellectuelle flagrante.

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