Devoir d’enquête
Remarquable « Devoir d’enquête » ce mercredi soir à « La Une » (RTBF-TV) sur Michelle Martin. Le magazine de société présenté par Malika Attar a su dégager un portrait de l’ex-épouse de Marc Dutroux tout en nuance. L’énormité de ses actes ne fut pas gommée, mais par la mise en perspective de son parcours de vie, la personnalité de la « femme la plus détestée de Belgique » reçut de l’épaisseur. J’ai été particulièrement impressionné par la réaction de maître Jean-Philippe Rivière, l’avocat de Sabine Dardenne – une des victimes survivantes de Marc Dutroux. Il regrette que Michelle Martin ait été libérée à ce stade de sa détention, mais dit respecter les décisions de justice – à commencer par celle des jurés, qui n’ont pas condamné cette femme à perpétuité. Vivre en démocrate, implique de respecter des décisions judiciaires que l’on n’aurait peut-être pas prises soi-même… Merci, Maître Rivière, de nous le rappeler.
Partenaires avant d’être adversaires
Il y a quelques jours, j’ai reçu un communiqué du Centre d’Action Laïque (CAL) en date du 15 septembre, regrettant que le projet de durcissement de la législation sur la libération conditionnelle soit porté dans la précipitation, dans la foulée de « l’affaire Martin »: « ce projet de réforme s’écarte d’une conception humaine de la justice et de la société ». Je ne connais pas assez le dossier pour me prononcer. Cependant, je souligne que maître Rivière s’est exprimé de la même façon au cours de l’émission que je viens d’évoquer.
Voilà bien un sujet de société où toutes les traditions philosophiques pourraient collaborer. Ce 22 septembre dernier, le CAL organisait un grand remue-méninge appelé « la Cité critique ». Un invité inattendu se trouvait au milieu de la foule laïque: Mgr Léonard. L’archevêque ne s’est pas converti au libre-examen, mais il venait écouter et s’instruire. Ce faisant, il souligne que – pour édifier la « cité critique » – croyants de religions diverses et laïques sont partenaires avant d’être adversaires. Des oppositions demeurent et il ne s’agit pas de transiger dans le débat sur diverses questions éthiques. Mais, tout comme il y eut jadis collaboration face au drame des sans-papiers, la législation sur la libération conditionnelle pourrait justifier une position commune des cultes et de la laïcité, qui fasse avancer le débat public vers « une conception humaine de la justice et de la société ».
Le prix des cultes et de la laïcité
Ceci m’amène à souligner que – sans exclure des adaptations – le régime de financement belge des cultes et de la laïcité, est imprégné d’une certaine sagesse. Le système allemand et autrichien est celui de l’impôt du culte. Avec pour corollaire l’exclusion des services d’Eglise de tous ceux qui ne paient pas. Les évêques allemands l’ont récemment rappelé sous une huée de critiques. Pourtant, c’est le propre de la logique du système: c’est en payant son obole qu’un citoyen dans ces pays marque son adhésion à une Eglise. Voilà pourquoi, je n’ai jamais été partisan de l’introduction d’un tel système en Belgique. Le système italien (et espagnol, dans une moindre mesure) est celui du référendum religieux: le citoyen vote pour attribuer sa part d’impôt dédicacé. Cela me semble déjà plus praticable, mais avec pour dégât collatéral de mettre les cultes en concurrence. Le système de non-financement public, oblige – quant à lui – les cultes à se financer par d’autres voies. Cela peut être délicat pour assurer leur indépendance par rapport à des mécènes fortunés et pas forcément désintéressés. Le système belge pense le financement des cultes et de la laïcité un peu comme une magistrature. La « magistrature du sens » (religions reconnues et laïcité) reçoit un salaire fixe de l’état. Ceci assure aux ministres du culte et aux conseillers laïques une autonomie financière, afin de garantir qu’ils exercent leur fonction sans être soumis à des influences parasites. Je ne dis pas que ce système est idéal, mais je le trouve adapté à notre pays.