Cultes – Pas un mot, ce n’est vraiment pas beaucoup…

Pas plus que les évêques de Belgique, je ne fais partie de ces catholiques qui militent en ce temps de confinement des cultes pour un retour immédiat à la Messe. Non pas parce que je m’en fiche ou que je ne souffre pas de l’absence de célébrations. Si je prône la patience et la discipline collective, c’est par solidarité avec la population et par soutien envers le personnel soignant.  Et puis aussi, par décence. Alors que tant de petits commerçants voient leur source de revenus agoniser pour cause de fermeture obligatoire, il me semblerait déplacé de pousser des revendications cultuelles. En ce temps de l’Avent qui s’ouvre, ce jeûne eucharistique – si crucifiant soit-il – peut d’ailleurs aussi être l’occasion pour les chrétiens d’approfondir la prière plus personnelle et d’aiguiser l’attention aux autres.   

Ceci étant dit, le fait que le Comité de concertation faisant hier soir le point sur les mesures de confinement en vigueur pour Noël n’ait pas dit un seul mot – pas un seul petit mot… – sur les cultes, mérite un commentaire. Je ne jette pas la pierre à nos gouvernants, tellement coincés entre virologues et lobbys socio-économiques, qu’ils ne savent plus à quels saints se vouer. Qu’aucun membre de leurs cabinets n’ai songé à leur rappeler que Noël, cela concerne aussi un tout petit peu ce truc qu’on appelle la religion, est déjà plus édifiant. 

J’entends ici, les brillants esprits – libérés de l’emprise du catholicisme de leur enfance –  me ricaner à la gueule: « enfin, vous comprenez que vous ne signifiez plus grand-chose dans ce pays ».  Bien sûr que la sécularisation et le pluralisme des convictions est passé par là. Quoi que… le catholicisme demeure encore – et de loin – la première conviction spirituelle de nos compatriotes. D’ailleurs, si tant de non-catholiques ont un rapport si particulier avec l’Eglise, rapport qui confine parfois au rejet adolescent – c’est que le cordon ombilical qu’ils ont coupé avec la religion de leurs racines, ne l’est peut-être pas tant que ça. Mais surtout – si l’évacuation de la dimension religieuse et/ou spirituelle de la société – rendait nos contemporains plus heureux, tout cela serait une bonne nouvelle. Il n’en est cependant rien. Que du contraire. J’en veux pour preuve tous les livres de méditation zen, wellness et de mindfullness qui se retrouveront sous les sapins, cette année encore. Oui, définitivement, « l’homme ne vit pas que pain »… (Matthieu 4,4)

Alors, que nous soyons catholiques ou pas, croyants ou non, rappeler l’origine religieuse de Noël et la dimension spirituelle qui s’y déploie, ne fait offense à personne. Mieux – cela fait du bien à tout le monde, car le symbole du petit Enfant de la crèche qui porte l’amour du monde, parle au coeur et ce, bien au-delà des murs des églises.

Vous savez quoi? Si les évêques de Belgique avaient été sur les barricades pour « exiger le retour au culte », plutôt que de se montrer solidaires et responsables, je suis persuadé que nos ministres auraient parlé hier soir du culte. Faut-il donc sans cesse taper du poing sur la table pour se faire respecter? Non – et le Dieu qui se fait enfant dans la crèche, est là pour nous le rappeler. Voilà pourquoi, me semblerait de mise, en ce temps qui prépare à la fête de Noël, un mot sur les cultes de la part de nos gouvernants. Un simple, tout petit mot…  

« Le Roi-nu-pieds » – Dimanche du Christ-Roi, 34e dimanche, Année A

«Chaque fois que vous l’avez fait à un de ces petits qui sont mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait» (Matthieu 25, 31-46)

En ce dernier dimanche de l’année liturgique – dimanche du Christ-Roi – l’Evangile nous fait réfléchir sur ce qu’on appelle communément « le jugement dernier ». Des générations entières ont eu l’imagination marquée par les bas-reliefs sculptés sur le portail de nos cathédrales: le Christ-Roi y trône en majesté et sépare les âmes justes de celles qui sont réprouvées. 

Mais cette représentation-là ne correspond pas pleinement à l’Evangile. Jésus est un roi dont la seule couronne est d’épine et l’unique trône, le bois d’une croix. Un roi humilié. Un roi crucifié. Un roi qui se fait le frère de tous les laissés-pour-compte de l’histoire.

L’unique question que ce Roi nous posera lors du jugement dernier, sera : Quand tu as croisé la route de ce pauvre type, nu, malade, prisonnier, affamé… l’as-tu servi comme un roi? Si tu l’as méprisé, comment pourrais-tu Me reconnaître comme ton Roi ?  Regarde-Moi : Je suis nu, malade et prisonnier. «Chaque fois que tu as fait du bien à un de ces petits qui sont mes frères, c’est donc à Moi que tu l’as fait».

« Talent caché – talent gâché » – 33e dimanche, Année A

«J’ai eu peur et je suis allé enfouir ton talent dans la terre» (Matthieu 25, 14-30)

La parabole des talents est bien connue. Et chacun s’étonne de la colère du maître. En effet, le serviteur qui n’a reçu qu’un seul talent (grosse somme tout de même) n’a rien fait de malhonnête. Il rend l’argent confié. Et pourtant, son patron le traite de « mauvais et paresseux »

Pourquoi ? Parce que – plutôt que d’oser prendre des risques – cet homme a écouté sa peur et a caché le talent qu’il aurait pu faire fructifier. La somme d’argent vise ici nos potentialités. C’est d’ailleurs le sens que le mot « talent » a reçu dans le langage courant – suite à cette parabole. 

Tous nous avons de reçu des talents. Certains plus que d’autres. Certains connaîtront l’échec. Dieu ne nous en voudra pas d’avoir essayé et échoué. Cela fait partie de la vie. La seule chose qui nous sera reprochée, c’est d’avoir caché nos talents par peur de rater. Talent caché – talent gâché.  

In memoriam Marc Metdepenningen

Sale temps pour les journalistes. Ce samedi, nous apprenions le décès de Jean-Jacques Durré, directeur des rédactions de Cathobel et ce jour, c’est celle de Marc Metdepenningen, pilier du journal Le Soir et grand spécialiste des affaires judiciaires. 

« Marcmet » est un de ces journalistes à l’ancienne que j’ai commencé à côtoyer quand j’étais porte-parole des évêques, surtout à l’occasion des scandales pédophiles dans l’Eglise. Par après, nous avons gardé un lien. Il me consultait encore deux ou trois fois par an. J’avais de la sympathie pour lui et je pense que c’était réciproque. Parfois, nous n’étions pas d’accord (cf. ma réaction en janvier dernier à un de ses billets d’humeur), mais c’était toujours dans le respect de l’autre. Marc intervenait régulièrement sur ma page FaceBook, avec un petit humour grinçant, mais jamais méchant.

C’était un timide révolté, à l’analyse fine et ferme. Sa grande érudition théologique m’intriguait. Il se piquait de parfois m’expliquer l’origine hébraïque de certains termes bibliques. Jaloux de son jardin secrets, jamais il ne m’expliqua l’origine de cette culture assez inhabituelle. Je me suis même demandé s’il n’avait pas commencé sa vie de jeune adulte comme novice dans quelque couvent… La seule fois où il fendit l’armure, ce fut en répondant à mes derniers voeux de Noël: « J’aime beaucoup la citation de ton message, même si ma chrétienté d’origine a été révoltée et repoussée par les aléas de la vie. » 

Marc a connu son grand Passage. Il a rejoint son épouse. Je prie pour lui et ses proches. Là-Haut, le Bon Dieu vient de recueillir un redoutable chroniqueur pour les pages « justices » du paradis… Elle me manquera, cette voix calme et légèrement rayée au téléphone, qui relançait un question après un court silence. A Dieu, cher Marc. Maintenant, tu sais.

In memoriam Jean-Jacques Durré

C’est avec stupéfaction que j’ai appris, il y a à peine une heure par la voix de Mgr Jean-Luc Hudsyn – évêque référent aux médias – le décès inopiné de Jean-Jacques Durré, directeur des rédactions des médias catholiques, soit de Cathobel

Il y a deux jours, Jean-Jacques m’appelait encore pour m’inviter avec Pierre Kroll à débattre de « caricatures et religion ». Il était en forme et parlait de ses projets avec enthousiasme. Et puis, ce jour, en ballade, une crise cardiaque le terrasse. 

Jean-Jacques était un homme aimable et bienveillant, un chrétien engagé et un journaliste compétent. Face au choc de sa disparition, nous sommes invités à méditer son dernier édito : « Comme croyants, nous ne devons pas entrer dans cette spirale infernale (…) Evitons de rester enfermés dans la peur, le désespoir ou la colère. Soyons des bâtisseurs de ponts et non de murs! »   

A sa famille, je présente mes sincères condoléances. A Dieu, cher Jean-Jacques. Je prie pour toi et tes proches. Je confie à ton intercession l’avenir des médias catholiques en Belgique francophone, que tu as si vaillamment servis. A Dieu donc – et merci.  

« La fourmi n’est pas prêteuse » – 32e dimanche, Année A

«Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure» (Matthieu 25, 1-13)

La parabole des vierges sages et des vierges folles que nous recevons ce dimanche comme Evangile, ressemble un peu à la fable de la Fontaine : « la cigale et la fourmi ». Les prévoyantes ne sont pas prêteuses et refusent de passer une partie de leur réserves d’huiles aux étourdies. Du coup, ces dernières ratent la noce.

Jésus ne fait pas l’éloge de l’avarice des vierges prévoyantes, mais met en garde contre l’étourderie des vierges folles. Combien de fois ne nous lamentons-nous pas en disant : « ah, si j’avais su ! »  Souvent, si nous avions été attentifs, nous aurions vu… mais notre cœur dormait.

Alors, réveillons-nous et écoutons ce que nous suffle l’Esprit. «Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure».

« La communion des saints, la résurrection de la chair, la vie éternelle » – Toussaint et commémoration des défunts

«Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu» (Matthieu 5, 1-12)

L’Eglise catholique fête ce 1er novembre tous ses saints, soit ces défunts – connus ou anonymes – qui ont été perméables à l’amour divin sur terre et qui participent désormais à la plénitude du ciel. Leur course terrestre s’est achevée, mais ils sont tout sauf spirituellement morts. En Dieu, ils sont plus-que-vivants. Voilà pourquoi à ceux qui les invoquent, ils servent de premiers de cordée sur le chemin de la conversion. La communion des saints est cette solidarité profonde qui unit spirituellement les vivants sur terre et les vivants en Dieu.

L’Eglise catholique commémore ce 2 novembre plus largement tous les défunts, soit la multitude d’hommes et de femmes qui ont vécu leur grand passage. L’Eglise invite à prier avec eux, mais aussi pour eux. En effet, tout comme l’œil qui sort de la cave doit s’habituer à la lumière éclatante du soleil, de même beaucoup ont besoin d’une transition qui dilate leur cœur – état que l’Eglise du moyen-âge appela le « purgatoire ». La prière pour les défunts est donc une expression de la solidarité spirituelle qui unit les pèlerins de la terre à ceux du ciel. 

Le culte des saints et la prière pour les défunts sont bien davantage que des fioritures de notre foi de baptisé. En voyant le nombre impressionnant de nos contemporains qui – en ce début de XXIe siècle – visitent encore les cimetières, même en ce temps de confinement, nous constatons que l’affection pour « ces chers disparus » rejoint une intuition spirituelle profonde. En priant pour un défunt, nous l’accompagnons sur le chemin de notre commune destinée en espérance – la pleine communion dans l’Amour trois fois saint. Alors, l’adieu devient « à-Dieu ».     

« S’aimer soi-même – vaste programme » – 30e dimanche, Année A

«Quel est le plus grand commandement ?» (Matthieu 22, 34-40)

«Quel est le plus grand commandement ?» A la question posée, Jésus ne réponds pas : « Tu iras à la Messe tous les dimanches » ou encore « ta conduite sexuelle sera irréprochable ». Cela ne veut pas dire que ces points moraux sont sans importance pour notre développement spirituel – car ils le sont. Cela signifie simplement que le cœur du message est ailleurs : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » Et encore : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». 

Ces commandements sont à la base de tout développement spirituel authentique. On peut même les prendre à l’envers et commencer par le « s’aimer soi-même ». Vaste programme… Combien de fois de pieux paroissiens ne me confient-ils pas : « je ne m’aime pas ». Je leur réponds que – même si ce n’est jamais gagné – il y a là un travail spirituel à faire sur soi-même. Non pas pour s’aimer narcissiquement – au nom de l’orgueil et de l’égoïsme. Du genre « c’est moi le plus beau, le plus grand, le plus… ». Non, le défi chrétien est de s’aimer en esprit et vérité… S’aimer comme le Père du ciel nous aime. 

En effet, celui qui ne s’aime pas – qui ne s’accepte pas tel qu’il est – n’aimera pas ceux qui lui sont proches. Soit il les admirera, soit il les craindra, ou encore les jalousera, etc. mais ne pourra développer avec eux une relation d’échange en vérité. Les personnes dures avec elles-mêmes sont dures avec les autres. Et puis – si je ne m’aime pas – comment aimer mon Créateur ? Pourquoi aimer l’Auteur de mon existence, puisque je n’aime pas la seule créature avec laquelle je dois vivre 24 heures sur 24 – c’est-à-dire moi-même ? Comment l’appeler « abba » – « papa » – si je me trouve un enfant raté ?

S’aimer soi-même, vaste programme, mais programme de vie. Dans la mesure où j’apprends à vivre avec moi-même – comme enfant du Père céleste – j’apprends à vivre avec mon prochain comme un frère de ce même Père. J’apprends, enfin, à aimer ce Père avec un amour d’enfant. A dire : « Abba », « Papa ».  Vous n’y parvenez pas ? Priez l’Esprit, sans vous décourager. Le résultat pourrait bien vous surprendre. S’aimer soi-même, vaste programme ! Mais programme de l’Esprit en nos cœurs.         

Entre Marx et Maurras – 29e dimanche, Année A

«Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.» (Matthieu 22, 21)

Une fois de plus, les ennemis de Jésus essaient de le piéger : « faut-il payer l’impôt à l’occupant ? » S’il dit « oui », il est un collabo. S’il dit « non », il est un fauteur de trouble. Le Christ ne tombe pas dans le panneau. Il répond : « je ne suis pas venu pour faire de la politique et me mesurer à César. Je suis venu de Dieu pour parler de son règne. Rendez donc à César ce qui est à César, mais – surtout – rendez à Dieu ce qui lui revient : ne réduisez pas son Evangile à un programme politique ».

L’Evangile se situe entre deux extrêmes : Elle ne se désintéresse pas des questions sociopolitiques en se contentant d’enseigner la résignation aux pauvres – comme le pensaient Napoléon ou Marx. Non, l’Evangile n’est pas un « opium pour le peuple ». Au contraire, la Parole de Dieu réveille les cœurs et les consciences et elle invite le baptisé à s’engager pour un monde plus juste, comme le rappelle la récente encyclique « Fratelli tutti ».

Cependant, personne ne peut enfermer le Christ dans un programme politique, si généreux soit-il. C’était l’erreur du philosophe français Maurras – pourtant lui-même agnostique. Il prônait que seul un système avec la religion catholique comme religion d’état, était conforme à la volonté du Christ. Non, bien que devenu totalement homme, le Christ n’en vient pas moins de Dieu. Il dépasse donc toutes nos constructions humaines : « rendez à Dieu ce qui est à Dieu ». 

Des chrétiens peuvent parfois se retrouver adversaires politiques, car ils proposent – chacun de bonne foi – des solutions différentes pour gérer la cité. Cela ne les empêche pas de se retrouver le dimanche, comme frères, pour écouter ensemble la Parole et communier au Christ dans son Eucharistie.