Pas morte, la solidarité…

Comme tant de Liégeois, j’ai des proches qui ont été sinistrés dans le déluge qui s’est abattu sur la province. Je suis passé par la sidération et l’impuissance, ne sachant pas comment aider, alors qu’ils étaient isolés par la furie des flots. 

Et puis, je me suis retrouvé le lendemain, les jambes dans une eau qui sent le fuel pour aider aux premiers constats et rangements. Et là, un groupe d’adolescents vient nous voir et nous demande s’ils ne doivent pas aider: « nous sommes scouts et partons demain en camp. Nous sommes venus aider la famille de l’un d’entre nous et si nous pouvons faire quelque chose pour vous… » Chapeau. 

Ce dimanche, je célèbre au sud de Verviers, en dépannage. Mais comment prendre l’autoroute E25, coupée à la sortie de Liège? Je pose la question à des pompiers qui vident une poche d’eau. Ils me répondent dans un français approximatifs, qu’ils ne sont pas d’ici. Les services de secours flamands sont venus en nombre, dépanner leur collègues liégeois surchargés. 

Après les célébrations dominicales, je suis retourné donner un coup de main dans la maison sinistrée. Une équipe d’amis, de neveux et même d’amis d’amis… s’y sont démenés la journée durant. Dans toutes les maisons du quartier, c’était les mêmes élans d’entraide. 

Comme me le glissa un des neveux, venus aider de l’autre côté de la Belgique avec son épouse: « pas morte, la solidarité. » De fait. C’est dans l’adversité que l’on reconnaît la qualité du lien social. Ce à quoi j’ai assisté ces dernier jours, m’a plutôt rassuré. 

« Brebis sans berger » – 16° dimanche, Année B

« Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger ». (Marc 6, 30-34)

 Nous commencions à nous remettre de la COVID et même à penser aux vacances. Et puis, vinrent ces inondations terribles en province de Liège, comme ailleurs.

Ceux qui ont vu leur maison prise par les flots, sont hébétés. Les autres se sentent impuissants. 

Viens nous instruire, Seigneur… Apprends-nous à être tes disciples, même quand advient la catastrophe. 

« Sport d’équipe » – 15° dimanche, Année B

« Il les envoie deux par deux ». (Marc 6, 7-13)

Quand Jésus envoie les douze en mission, il le fait par équipe de deux. Cette façon de faire est permanente dans l’Eglise. Elle indique que – si personne ne peut être chrétien à notre place – nous ne sommes jamais chrétiens tous seuls.

Un peu comme dans un sport d’équipe : que penserait-on d’un footballeur à l’Euro, qui laisserait les 10 autres joueurs se démener et qui se contenterait d’un effort minimum ? que penserait-on d’un coureur du tour de France, qui se contenterait de se laisser porter par le peloton sans jamais produire un effort personnel ? Pareil joueur ou coureur passerait à juste titre pour un tire-au-flanc.

Il en va de même dans l’Eglise : facile de faire reposer tout le poids de la mission d’évangéliser sur les épaules de l’évêque, du curé, des professeurs de religions, des catéchistes,… La question que chaque baptisé est invité à se poser est : et moi, quelle est ma part d’effort dans le peloton ?  Seul celui qui prend sa part du fardeau – mission différente pour chacun – réalise pleinement sa mission de baptisé.

Sans se mettre une pression inutile, cependant. L’évangélisation est pour chaque baptisé une obligation de moyen, pas une obligation de résultat. Nous sommes appelés à annoncer la Bonne Nouvelle, mais pas condamnés à réussir. Comme dans un sport d’équipe. « Si, dans une localité on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds ». Autrement dit : ne vous obstinez pas, mais poursuivez votre mission ailleurs.                

« L’herbe est toujours plus verte… » – 14° dimanche, Année B

 «Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison ». (Marc 6, 1-6)

Elle est presque comique, cette scène décrivant Jésus qui retourne prêcher à Nazareth – son villageOn entend d’ici les commérages : « Non mais ! Pour qui se prend-il à nous faire la leçon ? Nous l’avons connu en culotte courte! » Devant le peu de foi de ses familiers, Jésus ne réalise que de rares signes du royaume (miracles).  

Nous ressemblons à ces Nazaréens. Nous partons bien loin en vacances, mais connaissons mal notre région. Les hommes politiques du passé, étaient des hommes d’état, alors que ceux du présent sont des médiocres –  sauf peut-être s’ils gouvernent un pays lointain. Nous rencontrons des gens « formidables » sur internet, mais trouvons nos proches tellement décevants. Bref – comme l’énonce le dicton – « l’herbe est toujours plus verte chez le voisin »

Et pourtant… quand l’Evangile nous parle des autres, il décrit surtout notre « prochain » – c’est-à-dire celui qui vit près de moi, tous les jours, dans mon quotidien. C’est avec lui qu’il me faut apprendre à cheminer à l’écoute de l’Esprit. Parfois même, nous pouvons devenir « prophètes » l’un pour l’autre – c’est-à-dire parole de Vie.              

« Dieu de vie » – 13° dimanche, Année B

 «Je te le dis, lève-toi». (Marc 5, 21-43)

C’est sans doute un des clichés les plus injustes concernant le christianisme : ce soupçon tenace chez tant de nos contemporains, qu’il s’agirait d’une religion hostile à la vieA les entendre, la foi chrétienne empêcherait d’être pleinement vivants. Même si des maladresses peuvent parfois donner cette impression, la vérité est à l’opposé.

Ainsi, l’Evangile de ce dimanche, qui nous montre un Jésus qui redresse, relève, ranime… Bref, un Christ qui rend à la vie. Le Dieu de l’Evangile nous veut vivants. Et les exigences morales de notre foi, ne sont pas là pour nous empêcher de profiter de l’existence. Il s’agit de balises destinées à nous faire goûter à la liberté spirituelle. 

La vie est une course d’endurance. Avec ses épreuves. Mais l’arrivée est promise à tous, même pour les ouvriers de la 11° heure. La seule chose à éviter, c’est de nous décourager. Le Christ est là, qui nous lance à chaque chute « Je te le dis, lève-toi ».           

« Abide with me » – 12° dimanche, Année B

«En ce jour-là, le soir venu, Jésus dit à ses disciples : Passons sur l’autre rive. » (Marc 4,35-41)

La vie est passage – de l’enfance à l’adolescence ; de l’âge adulte à l’automne de la vie. Nous passons d’une rive à l’autre et – parfois – de violentes tempêtes secouent le frêle esquif de nos existences. Alors, nous prenons peur et – même si nous ne sommes pas très religieux – une prière s’échappe de nos lèvres : « Seigneur, je coule – cela ne te fais rien ? »  Et pourtant, si souvent, le Seigneur semble endormi, comme s’Il nous laissait seul, avec notre frayeur. 

Le Christ n’a jamais promis qu’il n’y aurait pas de tempêtes. Il n’a pas, non plus, promis que – tel Zorro – Il nous sortirait de toute épreuve. Non – il a simplement promis qu’Il resterait avec nous dans la barque – jusqu’à ce que celle-ci ait rejoint l’autre rive. Alors, soyons dans la paix. 

S’il y a des paroles que j’aimerais entendre au jour de mes funérailles, ce sont celles du vieil hymne anglican de Henry Lyte, “Abide with me” (« Reste avec de moi »): ”I fear no foe, with Thee at hand to bless; Ills have no weight, and tears no bitterness. Where is death’s sting? Where, grave, thy victory? I triumph still, if Thou abide with me.” (« Je ne crains aucun ennemi, tant que – tout proche – Tu bénis. La maladie ne pèse pas et les larmes ne sont pas amères. Où est l’aiguillon de la mort? Où la victoire de la tombe? Je triomphe de tout cela, Seigneur, tant que Tu restes avec moi ».      

« Sans bruit, pousse la semence » – 11° dimanche, Année B

«Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit». (Marc 4, 26-34)

Il y a 25 ans naissait le mouvement punk. Un quart de siècle après l’optimisme hippie de mai ’68, des jeunes en révolte criaient de rage contre la société. Leur credo était : « no future ». La plupart sont aujourd’hui mariés et parents. Quelques-uns sont cependant morts d’overdose ou de suicide.

Aujourd’hui, le « no future » est plus diffus et généralisé. Des enquêtes nous l’enseignent : 8% des sondés belges entre 18 et 75 ans auraient déjà tenté de se suicider, 10% souffrirait d’angoisse ou de dépression, 57% sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants et le même % aurait besoin d’un accompagnement psychologique. La pandémie et le confinement n’arrangent rien.

Face à la crise et à la précarité, la foi chrétienne n’a pas de solution magique à proposer. Le christianisme n’est pas un opium qui sert à oublier et accepter. Cependant, la vie avec Christ nous construit intérieurement dans la confiance. Si une dose de stress fait partie de toute vie, l’Esprit du Ressuscité nous rappelle que rien – même pas la mort – ne peut vaincre la puissance de l’Amour. Celle-ci est croissance sans bruit – telle la petite graine de moutarde, qui devient un géant de la forêt. Tel l’adolescent rebelle qui se découvre un beau jour « papa ».  

Alors, malgré les épreuves, abordons l’avenir avec confiance: «Nuit et jour, que le semeur dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit». Et bonnes fêtes aux pères.           

Parti-pris de la Matinale sur la radio @lapremière @rtbf: ma pensée du jour

Ce lundi matin 14 juin, Caroline Sägesser (CRISP) et moi-même étions programmés pour notre dernière émission de l’année sociale dans le « parti-pris », séquence qui passe à 8h30 sur La Première (RTBF).  Las, le « dieu Foot » est passé par là et nous avons été remplacés par une émission spéciale « Euro – diables rouges ». (Un prêtre pour parler des diables, cela ne le faisait pas… 😉) C’est donc via mon blog que je partage « la pensée du jour », que le présentateur, François Heureux, nous demandait à chaque fois de développer en fin d’émission :


1. Cela fait deux ans que je participe aux parti-pris de la Matinale RTBF et un an que je le fais en duo avec Caroline Sägesser du CRISP. Je tiens à la remercier et à lui rendre hommage. C’est tellement agréable dans un agora où fleurissent les dialogues de sourds, de pouvoir discuter courtoisement et intelligemment avec une intellectuelle dont les arguments ne sont jamais « fake », mais construits et argumentés. Parfois nous étions d’accord et parfois pas. Qu’importe. A chaque fois, j’avais l’impression qu’elle avait nourri ma réflexion avec des arguments qui élèvent l’esprit. 


2. Cette année, un micro-groupe de laïques radicaux m’ont pris à partie sur les réseaux sociaux, après plusieurs de mes interventions. En soi, la chose est sympathique, car le signe que nous sommes écoutés. Cependant, ce n’était pas ce que je racontais à l’antenne qui était critiqué (et qui est toujours matière à critique), mais bien celui que je suis. Pour eux, il était intolérable qu’une chaine de média publique, invite un ecclésiastique pour donner son opinion sur un sujet de société. J’analyse cette attitude comme une forme d’expression de type « woke » et/ou « cancel culture » qui décide de qui est digne d’antenne et qui ne l’est pas. Pour eux, un catholique – prêtre de surcroît – n’a apparemment pas voix au chapitre. Il est prié de rester confiné en sacristie. Qu’il me soit permis de leur répondre, de ma voix « mielleuse » (car – à les lire – il semblerait que j’ai une voix insupportablement « mielleuse » ) que, moi aussi, il m’arrive d’entendre sur les ondes de La Première des personnes qui me donnent des boutons. C’est le propre d’un service public que d’offrir un micro à toutes les sensibilités démocratiques qui forment une société pluraliste. Le jour où la RTBF n’invitera plus qu’un seul type d’intervenants pour ses émissions de débats et de réflexions citoyennes (qu’importe qu’ils soient cathos, laïques, « neutres », ou autre…) ce ne sera plus le Service public, mais la « Pravda de Bruxelles ». Dieu nous en préserve.


Merci au présentateur François Heureux, toujours souriant et positif, et à toute l’équipe technique, dont Sarah Hammo, ainsi qu’au personnel d’accueil. Et – qui sait? – peut-être à retrouver notre binôme via les ondes de La Première…  

« Deviens ce que tu reçois » – Fête du Corps et du Sang du Christ, Année B

«Ceci est mon corps… Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour la multitude». (Marc 14, 12-26)

Le dimanche de la fête du Corps et du Sang du Christ – appelé communément « la Fête-Dieu – est d’origine liégeoise. Comme le rappela le pape Paul VI en 1965 : « elle fut célébrée la première fois au diocèse de Liège, spécialement sous l’influence de la Servante de Dieu, sainte Julienne du MontCornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l’étendit à l’Eglise universelle » (encyclique Mysterium Fidei n°63). 

Instituée au XIIIe siècle, cette fête rappelle que l’Eucharistie est le sacrement qui – par excellence – exprime l’Eglise : si le Christ se rend sacramentellement présent dans l’Eucharistie, c’est afin que ceux qui communient à Luideviennent présence du Christ dans le monde. Comme l’enseignait saint Augustin aux chrétiens qui participaient à l‘Eucharistie : « Deviens ce que tu contemples, contemple ce que tu reçoisreçois ce que tu es : le Corps du Christ ».