« Remuer la plume dans la plaie », telle était la définition du journalisme par Hubert Beuve-Méry, fondateur du quotidien Le Monde. Il est donc normal qu’un journalisme d’investigation fasse des documentaires qui déplaisent à celles et ceux qui sont visés. Ceci n’empêche cependant pas d’également décoder la démarche journalistique. Pas plus qu’une autre profession, le journalisme n’est immunisé de parfois devoir être soumis à… investigation.
Le documentaire diffusé ce mercredi soir 8 décembre sur la Une (RTBF) dans le cadre du magazine #Investigation et relayé par des articles de Knack et du Vif (« Les étranges affaires de l’Eglise »), concernait les ASBL Poverello et Rafael, s’occupant toutes les deux de plus démunis. Il m’est difficile de me prononcer sur l’asbl Poverello, dont je ne sais rien. Je laisse cela à ses administrateurs. Sur l’asbl Rafael, par contre, je pense que – même si de vraies questions sont posées par le documentaire – le point de vue des intéressés mérite d’être mieux défendu. Particulièrement, je ne saisis pas le souci du transfert de propriété vers l’archevêché, dans la mesure où cela sert le projet Bethléem. Le documentaire laisse sans cesse sous-entendre qu’il y aurait conflit d’intérêt et volonté d’enrichissement de… « l’Eglise ». Ce qui est faux. Il s’agit de contribuer à construire des logements pour les plus démunis à Bruxelles. Des pauvres un « peu moins pauvres », persiffle le documentaire… Cela s’appelle plaider à charge. A titre de contre-récit, il y a la version de Mgr Cosijns que je laisse découvrir ci-dessous.
C’est ici, que nous touchons à une des limites du journalisme d’investigation. Tout comme le chasseur a envie d’attraper sa proie, il n’est pas facile pour un journaliste ayant passé des mois à suivre un dossier, de conclure que tout compte fait, il n‘y a pas grand-chose. Du coup, la tentation est grande de scénariser et de dramatiser. Et les rédactions en rajoutent une louche dans l’annonce du documentaire, pour aguicher l’audimat. Je me rappelle, quand j’étais porte-parole des évêques, d’une interview sur le financement des cultes, où le journaliste d’investigation avait essayé de me faire dire pendant 45 minutes, ce que je n’allais pas dire, car ce n’était pas la vérité. Du coup, à l’émission, je fus filmé avec sa voix « off », qui commentait : « malgré notre longue insistance, l’abbé de Beukelaer n’a pas voulu nous en dire plus ». Subtile Mimille… D’où ma question au journalisme d’investigation: pourquoi ne jamais accepter de clôturer un documentaire d’investigation par un débat où toutes les personnes mises en cause, auraient la possibilité de réagir au documentaire qu’ils ont vu et ainsi donner leur version en direct, face aux journalistes ? A chaque fois que je l’ai proposé à des rédactions, cela fut refusé. Peur de la confrontation? Cela serait, selon moi, plus juste et moins intimidant que de sonner à une porte avec une caméra pointée sur une personne non-préparée…
Ce qui me dérange cependant le plus, c’est le timing. Dans les semaines précédant Pâques, je me suis habitué à voir l’une ou l’autre actualité médiatique égratigner l’Eglise sur la gestion de la souffrance et de la mort. Une façon de troubler la fête. Et il est tout aussi fréquent que, peu avant Noël, ce soit le rapport catholique à l’enfance ou à la pauvreté, ou tout autre thème proche de Noël, qui soit abordé. Quand j’en parle à des journalistes, ils me répondent: « ben oui, nous nous coulons dans l’actualité du calendrier ». D’accord, mais diffuser pareil documentaire au moment précis où toutes les associations s’occupant de démunis, font le plus gros appel aux dons de l’année, ce n’est pas innocent. Si la générosité des donateurs baisse avec la méfiance qui augmente, ce seront finalement les plus démunis qui en payeront une fois encore le prix.
(Ci-dessous – Rafael: la réponse de Mgr Cosijns)
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RAFAEL : un projet honnête de logement pour les pauvres à Bruxelles
Commentaire au sujet de l’asbl bruxelloise Rafaël après la diffusion d’un tissu de mensonges
Histoire
L’abbé Reginald Rahoens frappé par les besoins sociaux de la paroisse de Sint-Guido à Anderlecht, a fondé l’asbl Rafaël pour faire face à ce problème. L’asbl a eu l’opportunité d’acheter le bâtiment de l’ancienne clinique Sainte-Anne aux Soeurs hospitalières du très Saint-Sauveur en 1997. Il y a accueilli des personnes en difficulté et y a même vécu lui-même. Grâce au Conseil d’administration, Rafaël a pu poursuivre son œuvre après le décès de l’abbé Rahoens, en 2011. En 2015, 300 personnes étaient hébergées dans l’ancienne clinique Sainte-Anne. Et ce sans le moindre subside public.
Restauration du bâtiment
Fin 2016, la commune d’Anderlecht a déclaré que le bâtiment n’était plus en conformité avec les dispositions légales (procès-verbal du 23/12/2016). L’état du bâtiment était si mauvais que la commune a interdit la prise en charge de nouveaux résidents et a enjoint l’évacuation d’un grand nombre de chambres.
L’organe administratif a décidé la rénovation en profondeur du grand bâtiment d’une surface habitable de 10.000 m². Prix : 10 millions d’euros. Le coût de cette rénovation dépassant largement les possibilités de l’asbl Rafaël, l’Archidiocèse de Malines-Bruxelles a été sollicité. Ce dernier s’est dit prêt à soutenir le projet suite à l’inspiration évangélique réelle et très concrète qui l’animait.
Le bâtiment qui a toujours appartenu à la communauté ecclésiale, a été transféré à l’Archidiocèse, en vue de sa restauration. L’Archidiocèse en confiera ensuite la gestion à Rafaël pour lui permettre de poursuivre son objectif social : la réinsertion des personnes vulnérables dans notre société.
Objectif social
Le centre rénové comprendra 52 logements sociaux. Cette action sera menée en collaboration avec plusieurs partenaires, dont l’asbl ‘t Eilandje (refuge pour les personnes sans abri), Les petits Riens (et leur projet d’habitat accompagné pour les personnes provenant d’un Centre d’accueil) et l’asbl Convi-vial (qui propose des logements aux réfugiés).
Le centre comprendra également une dizaine de logements pour hébergement d’urgence ou pour situation de transit. Un centre de santé, un restaurant social, une banque alimentaire et des locaux paroissiaux sont également prévus. Les travaux terminés, la chapelle rouvrira également ses portes.
L’objectif social est donc maintenu, même si la structure de cet objectif social est différente.
Un logement pour tous les anciens résidents
La rénovation, exigée par la commune et qui prendra deux ans, ne pouvait avoir lieu que si l’ancien bâtiment était entièrement évacué. Depuis 2017, on a recherché un nouveau logement pour et avec chacun des anciens résidents. La commune d’Anderlecht et son service social, le service social de Cureghem, qui assurait la permanence, et le syndicat des locataires d’Anderlecht ont participé à cette recherche.
Finalement, début 2021, seuls quelques résidents n’avaient pas trouvé de solution. L’asbl Rafaël a loué pour eux, un bâtiment d’une vingtaine de chambres. En juin 2021, cinq chambres de ce bâtiment étaient encore libres. Des chambres étaient donc encore disponibles pour tous ceux qui n’auraient pas trouvé de logement. Ceci est en opposition totale avec les déclarations mensongères à ce sujet.
Banque alimentaire
La banque alimentaire de Raphaël a toujours continué à fonctionner. Elle remettait des colis alimentaires trois fois par semaine à plus de 600 personnes. Trois à dix bénévoles – résidents de Rafaël et autres – en assurent le fonctionnement. Nous nions totalement qu’il s’agissait de travail obligatoire, comme certains le prétendent. Ce n’était pas non plus le cas dans le cadre du déménagement des tables et des chaises offertes par l’ambassade d’Islande.
Crédit-pont
Un autre mensonge qui a été diffusé est que l’un des administrateurs de l’asbl aurait reçu de l’argent. Les faits, corroboré par document sont les suivants : un crédit-pont a été accordé à l’une des administratrices, mère célibataire avec cinq enfants qui s’est retrouvée en situation financière très précaire suite à des circonstances ne comportant aucune faute de sa part. Ce crédit est entièrement remboursé, avec intérêts. Cette procédure est parfaitement légale.
Nous tenons à souligner qu’aucun des administrateurs de Rafaël n’a jamais fait usage de l’argent de Rafaël à des fins personnelles. L’asbl Rafaël n’a également jamais bénéficié de subventions d’une quelconque instance gouvernementale.
Rafaël est un projet honnête qui fournit des logements aux personnes en situation précaire de Bruxelles. Nous sommes profondément choqués par les mensonges diffusés à son sujet.
Herman Cosijns
Président de l’Organe d’administration de l’asbl Rafaël
8 décembre 2021