« L’Eternité, cela dure longtemps ? » – 32° dimanche, Année C

« Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ». (Luc 20, 27-38)

A l’époque du Christ, les Sadducéens formaient l’aristocratie sacerdotale de Jérusalem. Ils vivaient des revenus du temple et avaient une foi formaliste et sclérosée : Contrairement aux pharisiens – les théologiens de province, qui enseignent dans les synagogues – ils n’acceptaient que les cinq premiers livres de la Bible (le Pentateuque) et refusaient de croire en la résurrection des morts – un article de la foi juive, trop récent à leurs yeux.  D’où leur question à Jésus : S’il y avait vraiment une vie après la mort, comment ferait une femme plusieurs fois mariées, en retrouvant tous ses maris au ciel ? Le Christ leur répond que dans l’éternité, rien n’est comme sur terre. Et puisqu’il s’adresse à des Sadducéens, Il leur cite le Pentateuque : Dieu se déclare dans le livre de l’Exode (3,6) « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Ils sont donc vivants, car l’Eternel n’est pas le Dieu des morts.

L’erreur des Sadducéens n’a rien d’exceptionnelle. C’est une erreur fréquente, que de penser la vie en Dieu, à partir de nos catégories spatio-temporelles. D’où des questions-impasses, comme « Où sont les ressuscités ? », ou encore : « L’Eternité, cela dure longtemps ? » En Dieu, le temps et l’espace ne sont plus de mise. Pas plus que l’enfant dans le ventre maternel ne sait à quoi ressemble le monde extérieur, ne pouvons-nous – qui vivons dans l’espace et le temps – nous faire une idée précise de la vie après la mort. Mais tout comme le fœtus perçoit le battement du cœur de sa mère – par la foi nous entendons battre le cœur de Dieu. Il « n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants».

« La communion des saints, la résurrection de la chair, la vie éternelle » – Toussaint et commémoration des défunts

«Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu» (Matthieu 5, 1-12)

L’Eglise catholique fête ce 1er novembre tous ses saints, soit ces défunts – connus ou anonymes – qui ont été perméables à l’amour divin sur terre et qui participent désormais à la plénitude du ciel. Leur course terrestre s’est achevée, mais ils sont tout sauf spirituellement morts. En Dieu, ils sont plus-que-vivants. Voilà pourquoi à ceux qui les invoquent, ils servent de premiers de cordée sur le chemin de la conversion. La communion des saints est cette solidarité profonde qui unit spirituellement les vivants sur terre et les vivants en Dieu.

L’Eglise catholique commémore ce 2 novembre plus largement tous les défunts, soit la multitude d’hommes et de femmes qui ont vécu leur grand passage. L’Eglise invite à prier avec eux, mais aussi pour eux. En effet, tout comme l’œil qui sort de la cave doit s’habituer à la lumière éclatante du soleil, de même beaucoup ont besoin d’une transition qui dilate leur cœur – état que l’Eglise du moyen-âge appela le « purgatoire ». La prière pour les défunts est donc une expression de la solidarité spirituelle qui unit les pèlerins de la terre à ceux du ciel.

Le culte des saints et la prière pour les défunts sont bien davantage que des fioritures de notre foi de baptisé. En voyant le nombre impressionnant de nos contemporains qui – en ce début de XXIe siècle – visitent encore les cimetières, nous constatons que l’affection pour « ces chers disparus » rejoint une intuition spirituelle profonde. En priant pour un défunt, nous l’accompagnons sur le chemin de notre commune destinée en espérance – la pleine communion dans l’Amour trois fois saint. Alors, l’adieu devient « à-Dieu ».

Coup de vent intérieur – 31° dimanche, Année C

 « Zachée, descends vite : aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer chez toi ». (Luc 19, 1-10)

Imaginons que l’évêque rende visite à une communauté paroissiale. Les fidèles sont là pour l’accueillir – curé, membres de l’équipe pastorale et fabriciens en tête. L’évêque arrive et aperçoit – à la terrasse d’un café – un homme d’affaire notoirement véreux. A la surprise de tous, il lui lance : « Lève-toi vite : aujourd’hui il faut que je partage ton repas ». Je me demande bien la tête que tous, nous ferions.

C’est pourtant ainsi que Jésus agit. « Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Son geste causera un « coup de vent intérieur » dans la tête de Zachée, dont le cœur s’ouvre à l’appel de l’Esprit.

Humilité… Vous avez dit humilité ? – 30° dimanche, Année C

 « Parce que je ne suis pas comme les autres hommes… ». (Luc 18, 9-14)

A ceux qui m’interrogent sur les effets du péché originel, je conseille d’étudier l’égo humain. Intellectuellement – chaque homme normal sait qu’il a des qualités et des défauts. Et qu’une société bien faite, permet aux talents des uns de compenser les limites des autres. Emotionnellement – nous vivons cependant souvent les choses de façon plus torturée. Notre rapport à l’égo est troublé. Les uns ont une image surévaluée d’eux-mêmes. Ils se sentent toujours un peu plus intelligent, vertueux, capable,… que le voisin. Comme ce pharisien de l’évangile qui rend grâce à Dieu « parce qu’il n’est pas comme les autres hommes… ». Les autres ont d’eux-mêmes, une noire vision. Ils ne s’aiment, ni ne s’acceptent. Ce qui n’est pas plus juste.

Le mot « humilité » vient du latin humus – qui signifie « la terre ». Est humble celui qui connaît le terreau dont il est façonné – avec ses forces et faiblesses. Cela donne de se sentir pécheur, mais aussi enfant de Dieu. Comme le publicain de l’évangile – dont le Christ approuve la prière.

Eloge du casse-pied – 29° dimanche, Année C

« Je ne respecte pas Dieu, et je me moque des hommes, mais cette femme commence à m’ennuyer : je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête ». (Luc 18, 1-8)

Le découragement, voilà bien la tentation la plus subtile, le plus cruelle et – sans doute – la plus efficace pour abattre l’homme. Quand l’humain commence à se dire « à quoi bon ? » et à baisser les bras – alors, le pire n’est jamais loin. Dégoût de soi, fatigue des autres et certitude que rien de beau ne puisse advenir. Les systèmes totalitaires l’ont bien compris : pour casser une population, ils lui arrachent l’espérance. Alors, la multitude devient une foule anonyme. Sans voix et sans visage.

Jésus secoue le cocotier en racontant avec humour cette parabole d’un juge sans foi ni loi. La veuve de l’histoire lui casse tellement les pieds, que le magistrat corrompu finit par lui faire justice. Et le Christ de conclure : « Combien plus, Dieu vous fera-t-Il justice ? Priez et ne vous résignez pas » Mais la tentation du découragement est puissante. D’où cette finale, en guise d’avertissement : « Mais le Fils de l’homme, quand Il viendra, trouvera-t-Il la foi sur la terre ? »     

Dieu en dehors des sentiers battus  – 28° dimanche, Année C

 « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ». (Luc 17, 11-19)

Dix lépreux croisent Jésus et s’arrêtent à distance. En effet, la loi juive interdisait à un « impur » de s’approcher d’un homme sain. Jésus s’adapte à leur comportement et répond donc à leur demande en suivant – à son tour – les préceptes de la loi : « Allez vous montrer aux prêtres ». En Israël, seuls ceux-ci avaient autorité pour déclarer qu’un lépreux était guéri et qu’il pouvait, en conséquence, reprendre sa place dans la société.

Les dix hommes obéissent. En cours de route, ils réalisent qu’ils sont guéris. Un seul rebrousse chemin. Au lieu d’obéir à la lettre en allant d’abord voir les prêtres, il écoute l’Esprit. Cette fois, oubliant l’obligation légale de garder ses distances, il se jette au pieds du Christ en louant Dieu.

Jésus reconnaît la foi de cet homme. Ce Samaritain a perçu – mieux que les autres – que Dieu agit à travers le Nazaréen. Que parfois, la Grâce divine ne suit pas les sentiers battus par la loi des hommes : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ».     

Mesure de foi – 27° dimanche, Année C

Les apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » (Luc 17, 5-10)

Un jour en Afrique noire, un missionnaire assiste à la fuite de réfugiés. Dans la chaleur écrasante, un jeune garçon porte une fillette sur ses épaules. Le prêtre s’approche et lui glisse : « Jeune homme, tu portes là un bien lourd fardeau ». Le garçon répondit :  « Père, ce n’est pas un fardeau. Il s’agit de ma petite sœur. »

Quand quelqu’un nous est précieux, nous sommes capable de nous dépasser. Ainsi, la foi. Il ne s’agit pas d’un truc d’athlète spirituel qui « s’augmente » par entrainement intensif – comme le pensaient les disciples. La foi est une relation de confiance. Dieu a foi en nous.

Tel ce jeune africain portant sa sœur, Christ nous porte sur la croix. A notre tour, donnons-Lui notre confiance – notre foi. Alors,  nous déplacerons des montagnes. Ce faisant, à l’instar de ce garçon africain, nous n’auront pas l’impression de faire quelque chose d’exceptionnel. Simplement notre devoir.     

Sur le pas de ma porte… – 26° dimanche, Année C

« Un pauvre, nommé Lazare, était couché devant le portail…». (Luc 16, 19-31)

Elle est dure cette parabole du riche et du pauvre Lazare. A la fin de sa vie terrestre, l’homme fortuné finit au séjour des morts en proie à une soif terrible. Pourquoi un tel châtiment ? Ce n’est pas sa richesse qui lui est reprochée. Pas non plus le fait qu’il n’ait pas secouru tous les pauvres de la terre. « Des pauvres, vous en aurez toujours parmi vous » (Matthieu 26,11), reconnaissait d’ailleurs le Christ. Non – ce qui est reproché au riche, c’est de ne pas avoir secouru ce malheureux-là, qui était couché devant sa porte. De ne pas avoir saisi qu’il était, lui aussi, un être humain. Avec un visage et un prénom : Lazare. Notons au passage que dans la parabole, c’est le riche qui n’a pas de prénom. Son égoïsme l’a dépouillé de toute humanité. C’est donc ce cœur de pierre qui l’a retranché du paradis et qui le torture comme une soif incessante.

Méditons cette parabole. Il ne nous est pas demandé de sauver le monde entier. Mais sur le pas de notre porte, des frères et sœurs attendent de notre part – qui un coup de main, qui un sourire, qui une parole d’encouragement, qui un geste de pardon, etc. Ne soyons pas aveugles comme ce riche. Conduisons-nous en chrétien – ou, tout du moins, en humain.   

Eloge du filou – 25° dimanche, Année C

« Car les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière ». (Luc 16, 1-13)

Une parabole n’est pas une allégorie. Il est souvent vain de rechercher des correspondances entre les personnages et Dieu. Il s’agit avant tout d’une anecdote, dont Jésus tire un message.

Ainsi, la parabole truculente de l’intendant qui vole son maître. Ce dernier s’en rend compte et lui annonce qu’il va le renvoyer. Le gredin met sa dernière journée de travail à profit  pour réduire les dettes des créanciers de son patron, afin que ceux-ci l’accueillent une fois qu’il sera au chômage. Quand son maître découvre l’ultime tromperie, il réagit de façon surprenante en faisant l’éloge du filou. Il se dit : « C’est un roublard – mais un roublard malin. Je vais le garder à mon service, car il me sera encore bien utile ».

Parabole immorale, s’il en est. Jésus fait-il donc l’éloge du vice ? Bien sûr que non. Mais Il nous force à réfléchir. Pour payer moins d’impôt, ou augmenter la rentabilité d’un patrimoine – les hommes redoublent de créativité. Mais lorsqu’il s’agit de se battre pour la justice, la paix ou l’annonce de l’Evangile, ils semblent démunis et dépassés : « C’est bien triste, mais le monde est ainsi fait. Que pouvons-nous y changer ? »  D’où la conclusion pleine d’humour que Jésus donne à sa parabole : Ah, si seulement les fils de la lumière avaient un peu de l’habilité des enfants de ce monde…