Un contributeur régulier à ce blog et à ma page FB, a réagi assez négativement aux propos que la Pape a tenu en Bolivie. Ce dernier critiquait durement l’austérité, le culte de l’argent et la globalisation des marchés. Mon contributeur réagit : « Beaucoup de slogans simplistes, beaucoup de généralisations abusives, beaucoup de jugements à l’emporte-pièce, et un manque flagrant de rigueur analytique. Ca flatte peut-être l’ego du paysan bolivien qu’il a en face de lui, mais au final, c’est assez vain et creux. A l’avenir, je l’inviterais soit à se cantonner à la théologie, soit à se faire conseiller par des économistes bien formés, rigoureux et expérimentés. Sauf à perdre toute crédibilité. Laissons la médecine aux médecins, la théologie aux théologiens, et l’économie aux économistes, et les vaches seront bien gardées. »
Sa réaction à vif, m’invite à réagir à mon tour :
- J’apprécie la franchise du propos. Qu’un catholique – plutôt classique – critique un Pape aussi populaire, n’est pas banal. Il en a le droit. Quand le Pape donne un avis « prudentiel » sur un sujet, sa parole doit être reçue avec le respect voulu au premier pasteur de l’Eglise, mais elle n’est pas pour autant « parole d’Evangile ».
- Le Pape lui-même ne s’émeut pas de ces critiques, car il ne se prétend pas infaillible en émettant ce genre de propos. Il confia d’ailleurs, il y a quelques jours, à des journalistes, qu’il avait entendu qu’aux Etats-Unis, ses propos sur l’économie étaient critiqués – et qu’il étudierait cela.
- Par contre, je ne suis pas d’accord avec l’idée de laisser chaque discipline à ses « experts » : « Laissons la médecine aux médecins, la théologie aux théologiens, et l’économie aux économistes, et les vaches seront bien gardées. » D’abord, ceci serait contraire à l’idée même de « université », qui consiste à mélanger les savoirs. Ensuite, quand une discipline ne tourne que parmi ses « pairs », elle se coupe du réel. Au XIIIe siècle des raisonnements théologiques « imparables » – dont ceux de saint Thomas d’Aquin – ont ainsi justifié l’inquisition et même la torture des « hérétiques ». Tout comme la théologie est trop précieuse pour être laissée aux seuls théologiens, l’économie est trop importante pour être laissée aux seuls économistes. Combien n’ont d’ailleurs pas sincèrement reconnu avoir été aveugles avant la crise Lehman-Brothers ? J’ai ainsi jadis coécrit un livre avec mon ami Bruno Colmant. Il a évolué sur bien des thèses – ce qui est à son honneur. Et puis – qui donc sont « les économistes » ? Keynes est-il Hayek ? De Grauwe est-il Schauble ? L’économie n’est nullement une « science exacte ». Elle est une science humaine, qui ne peut que progresser par le questionnement extérieur – dont aussi celui du regard théologique.
- Enfin et surtout, je ne puis être d’accord avec la phrase : « A l’avenir, je l’inviterais à se cantonner à la théologie ». Euh… ? Parler des excès du pouvoir de l’argent, ce n’est donc pas faire de la théologie ? Qu’est-ce donc que la théologie ? Pas de parler de sexualité, car c’est l’affaire des individus et les célibataires consacrés n’y connaissent rien ? Pas de parler d’économie, car c’est l’affaire des économistes et un pape qui critiquerait le système, sortirait de son rôle ? Pas de parler d’environnement, car il s’agit de laisser cela aux climatologues ? Pas de parler du mystère de Dieu, car c’est déconnecté de la vie des hommes ? Bref – il resterait aux théologiens à annoncer l’horaire des Messes et à réfléchir sur le sexe des anges. Eh bien non – la théologie, c’est de déchiffrer et expliciter le Mystère du Christ et le regard qu’Il pose – dans l’Esprit – sur toute réalité du ciel et de la terre. En ce compris la sexualité, l’économie et le climat. Et surtout – la théologie est efficace, non pas quand elle caresse dans le sens du poil : « une théologie de droite avec un Jésus de droite pour chrétiens de droite ; une théologie de gauche avec un Jésus de gauche pour chrétiens de gauche ; une théologie du centre avec un Jésus centriste pour chrétiens centristes… » Non – la théologie a pour mission de prendre les humains à rebrousse-poil, pour les faire réfléchir et réagir. Pensons au Christ traitant les pharisiens de « sépulcres blanchies ». Donc – ce pape est dans son rôle. Avec ses inévitables limites humaines et les approximations d’un caractère latin et enthousiaste. Bien sûr que François n’est pas Benoît XVI. Mais il est tout autant dans son rôle, qui est d’annoncer au monde le Royaume du Christ – à temps et à contretemps.
Effectivement, c’est curieux cette vision technocratique que certains ont de la gestion des problèmes de société. Dans le monde où nous vivons les interdépendances sont pourtant évidentes. Ainsi, par exemple impossible de s’occuper de problèmes de pauvreté sans concevoir des modèles de développement et de croissance, sans étudier les investissements en infrastructures de santé, sans étudier le secteur pharmaceutique et les « incentives » dont il a besoin pour investir en recherche etc. Tout est devenu pluridisciplinaire ou chaque spécialiste donne son éclairage; mais , au bout du compte, les choix à faire exigent une métrique éthique voire morale qu’il est difficile d’avoir sans une vision globale de la dignité de l’homme et de son destin. L’Eglise se doit à elle-même de se faire entendre, en tant qu’autorité morale parmi d’autres.
Je me demande si, outre son tempérament « latino », enthousiaste et chaleureux, ce qui nous perturbe parfois dans les paroles et les gestes de Sa Sainteté François, n’est pas dû au fait que, pour la première fois de l’histoire, l’Eglise est dirigée par un homme qui voit le monde depuis le continent sud-américain. Pour lui, Rome et l’Europe, et donc notre civilisation même, ce n’est pas le centre, mais bien l’autre bout du monde. Le contraste avec S.S. Benoît XVI, intellectuel brillantissime, accentue encore cette distance parfois déconcertante.
En fait, le pays d’origine du Pape est le plus « européen » des pays de l’Amérique du Sud. Il compte des communautés européennes allemandes, brtitanniques (galloises en fait) et surtout italiennes qui mitigent très fort l’influence des colonisateurs du premier jour. Les parents de Francois I sont d’ailleurs d’origine italienne.
Cher Eric,
C’est gentil de prendre le temps de réagir à ma modeste contribution.
Quelques réflexions:
Je critique le pape parce que je l’aime bien. Quand je l’invite à se cantonner à la théologie, c’est une formule de style. Il est tout à fait dans son rôle lorsqu’il se désole de la misère, de la pauvreté, du crime et des guerres et qu’il plaide pour prendre ces problèmes à bras-le-corps. Tant qu’il reste dans le descriptif, ok. Mais lorsqu’il pose un diagnostic (ce qui amène, inévitablement à une prescription), il doit être plus prudent, car en l’occurrence, il se trompe. La globalisation et le capitalisme ne sont pas les causes de la misère humaine. Je ne doute pas de ses bonnes intentions, mais l’enfer en est pavé.
Pour prendre une analogie: un prêtre est tout à fait dans son rôle lorsqu’il se penche au chevet des malades et des mourants, et lorsqu’il compatit à leurs souffrances. Mais ce n’est pas à lui à prescrire le remède.
Je ne suis pas opposé au mélange des savoirs, que du contraire. Et j’applaudis à la pluridisciplinarité et aux questionnements extérieurs. Je suis cependant effaré de l’aplomb affiché par tant de nos concitoyens sur des questions qui les dépassent totalement. Aujourd’hui, tout le monde a un avis sur tout, absolument tout, et surtout les questions économiques. Pour ou contre l’austérité. Pour ou contre le capitalisme. Pour ou contre l’UE. Pour ou contre l’euro. Les gens sont omniscients: ils savent tout, ils ont un avis autorisé sur tout. Et tranché encore bien. Hier encore, en prenant le train, j’entendais certains voyageurs échanger leurs avis éclairés (et pas vraiment nuancés pour le coup) sur la Grèce. Les contre-vérités (purement factuelles) se succédaient à un rythme hallucinant, j’en avais la nausée.
Moi, après plus de 10 ans sur les bancs de l’université, et 5 diplômes dont un doctorat, il n’y a que sur certaines questions financières sur lesquelles j’estime avoir l’expertise suffisante pour donner une opinion solide, rigoureuse et argumentée. Le reste? Je ne sais pas. L’accord signé avec la Grèce est-il bon? Je ne sais pas. C’est compliqué. Certaines choses sont positives, d’autres sont plus problématiques. Fallait-il sauver Lehman & Brothers? Je ne sais pas. C’est compliqué. Mais posez cette question au premier quidam, et là tout devient d’une simplicité et d’une évidence… C’est vraiment sidérant. Si les gens prenaient leurs décisions médicales comme ils forment leurs opinions économiques, les morgues déborderaient.
Bref, tout cela pour dire: un peu d’humilité ne ferait pas de tort à nos concitoyens (pape y compris, moi y compris). Dire « je ne sais pas », ce n’est pas un gros mot, ce n’est pas un aveu de faiblesse ou d’impuissance, c’est simplement la réalité. Le monde est extrêmement complexe. Donnons notre opinion sur les rares sujets que nous maîtrisons, et sur les autres, silence, écoute et confiance.
Je partage l’avis exprimé par E. De Beukelaer et tout particulièrement le point 4.
Je considère que le Pape François est tout à fait dans son rôle lorsqu’il nous interpelle sur des questions comme la pauvreté et j’aime le dynamisme avec lequel il s’exprime : pas de langue de bois et un langage compréhensible pour tout le monde… Il nous secoue et nous réveille avec ardeur, comme l’aurait fait le Christ (enfin, comme je crois que le Christ l’aurait fait ) !
Vive la pauvrete, vive la misère, vive la mediocrite. On parle toujours des exces du pouvoir de l’argent (c’est quoi le pouvoir de l’argent sinon le pouvoir tout court), mais jamais des exces du socialo-fascisme qui pauperise nos pays et euthanasient nos Libertes. Le pape Francois decredibilise l’Eglise. Croit-il vraiment que si l’Eglise etait pauvre, il pourrait fanfaronner comme il le fait. Quelle credibilite aurait-il? Qui est ce patakesse? Francois est un communiste en soutane qui ne prend pas en compte la nature humaine. Venant d’Amerique latine, c’est deja pas bon. Il est contamine par la vermine toxico-gauchiste. Un mec d’Europe de l’Est eut ete mieux car immunise. JPII etait LE pape, pas un Castro en chasuble. No pasaran!!!