Synode : Où est l’authentique Tradition ? – La Libre 28 octobre p.47

Ce mardi 28 octobre, est parue avec un peu d’avance ma chronique du mois de novembre dans le quotidien La Libre en p.47.  La rédaction en a changé de titre en « Un Synode à l’inverse des discours moraux ». Personnellement, je préfère celui que j’avais choisi, car il présente mieux le propos que je tiens. Les abonnés à La Libre peuvent lire ma chronique, en cliquant sur le lien suivant: « Un Synode à l’inverse des discours moraux »  Pour les autres, le texte se trouve ci-dessous:

Merci à la rédaction de La Libre de m’offrir cet espace d’expression.

Prêtre de la génération Jean-Paul II et très attaché à la Tradition, je n’en écrivais pas moins, il y a dix ans déjà : « Au nom du Christ, l’Église s’autorise et a pour rôle de réveiller les consciences. Si elle le fait en donnant l’impression de connaître toutes les réponses avant même que des questions lui soient posées, elle agacera nos contemporains »[1]. Ma remarque visait ces discours moraux qui surplombent l’humanité, sans d’abord la prendre en compte. Pareille démarche est déductive – elle part de principes généraux pour les appliquer au réel. Par sa tentative de poser un regard bienveillant sur les couples non-mariés, remariés ou homosexuel, le récent Synode sur la famille a osé le chemin inverse. La réflexion se fit inductive, partant du concret humain pour y porter la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

Les opposants à un tel renversement de perspective, ne manquent pas d’arguments. Ainsi, le philosophe Thibaud Collin – né en 68 ( !) – dans le quotidien français Le Figaro du 14 octobre : « Ce texte (du rapport intermédiaire du Synode) est, en effet, porteur d’une nouvelle méthode pastorale, qui part de la réalité de la vie des hommes et des femmes d’aujourd’hui en valorisant au maximum ce qu’elle contient. (…) Cette méthode repose sur les sciences humaines et sociales et non plus sur une anthropologie philosophique et théologique telle qu’elle a été développée durant les deux derniers pontificats. Au lieu de voir l’homme dans sa vérité profonde, on le regarde tel qu’il est concrètement, c’est-à-dire blessé et imparfait. (…) C’est donc toute l’économie de la miséricorde qui en contournant l’objectivation du péché, et donc de la liberté, risque de rendre superflue la conversion. (…) En bonne logique, la légitimation de l’exception ruine tout simplement la norme. La norme rebaptisée idéal ne gêne plus personne puisqu’elle apparaît réservée à une élite. L’appel universel à la sainteté proclamé par Vatican II devient une option parmi d’autres. »

La référence à Vatican II par ce jeune philosophe est paradoxale, car la logique de son raisonnement est identique à celle utilisée, lors du dernier Concile, par les traditionalistes pour s’opposer à l’œcuménisme: « Reconnaître l’action salvifique du Christ en-dehors du Catholicisme, c’est ouvrir la porte au relativisme », objectaient-ils, « la vérité et l’erreur ne seraient, dès lors, plus que des questions de sincérité subjective. » Et c’est là que je ne suis pas d’accord. Discerner que l’Esprit agit par-delà les limites visibles du Catholicisme, ce n’est pas renoncer à la foi romaine, mais prendre acte que la puissance divine ne s’arrête pas aux frontières – mêmes celles sacrées de l’Eglise. De même, en saluant « la réalité positive » vécue au sein de couples non-sacramentels (36) et le soutien réciproque au sein de couples homosexuels, qui peut constituer « une aide précieuse pour la vie des partenaires » (52), le rapport intermédiaire du Synode n’octroyait aucun blanc-seing moral, mais constatait que l’Esprit souffle où Il veut. J’y décèle l’authentique Tradition. Bien davantage que dans ce « cartésianisme théologique », enfermant le Vrai et le Bien dans des aprioris, du genre : « Hors de l’Eglise canoniquement délimitée, point de salut. » « Hors du mariage sacramentel ou du célibat pour le Royaume, point de vertu. » Lorsque le Christ rencontre au bord du puit une femme qui vit en concubinage après avoir eu cinq maris, Il l’éveille à la soif spirituelle et en fait la première missionnaire. La Samaritaine est-elle devenue bonne sœur pour la cause ? Aux disciples étonnés – voire choqués – est rappelé la puissance de l’Esprit : « Levez les yeux et regardez les champs, déjà dorés pour la moisson. » (Jean 4, 35)

 

 

 


[1] « Pourquoi je ne crois pas à la faillite du christianisme », Nouvelle Cité, p. 197

14 réflexions sur « Synode : Où est l’authentique Tradition ? – La Libre 28 octobre p.47 »

  1. Bravo pour cette prise de position, monsieur l’abbé – ou faut-il dire le chanoine – d’un ecclésiastique lucide ! Il est tout de même évident que le Bien est dans la Création, dans l’Univers, et ne peut se limiter à l’Eglise romaine, catholique et apostolique – où le Mal est aussi, d’ailleurs. Alors, si l’Eglise entre enfin dans le monde, sort de sa tour d’ivoire pour contempler et accepter le Bien vers lequel tant de gens tendent, qui souvent n’ont même jamais entendu parler d’elle ni de son enseignement (sur 6 milliards d’individus, combien à votre avis?), quel progrès !

  2. Quand on se met à dire qu’il y a du bon chez l’autre alors qu’il est intrinsèquement mauvais, où est le progrès?

    Quand on se met à relativiser la Vérité à laquelle on croit, où est le progrès?

    1. « intrinsèquement mauvais » 2 mots si durs à entendre … »Dieu vit que cela était bon »….je préfère partir de là, je préfère penser que certains actes commis par l’homme sont intrinsèquement mauvais : ainsi « Caïn se lève au-dessus de son frère Abel…et le tue » l’acte est irréparable…le dialogue qui suit entre Dieu et entre Caïn, entrevoit peut-être une réponse , cependant les descendants de C. ne survivront pas au déluge … le bon larron,lui, entre au Paradis…mystère d’une étincelle divine présente en tous les humains nés d’une femme /d’une étincelle qui peut être étouffée jusqu’à s’éteindre ? , hélas…
      …et si Jésus est la vérité,ce que je crois, il n’en est pas moins vrai que mon point de vue est unique , ma vérité n’est pas la vôtre; le Dieu qui m’habite est le même, mais m’habite autrement qu’il ne vous habite , pour moi chacun humain révèle, et la diversité et l’unité du Créateur et si justement c’était cela l’aboutissement de l’histoire : que nous les humains habitions cette terre qui nous est donnée dans la paix et l’harmonie

      1. Madame,

        Je renvoie à 1Rom2.

        Je suis le premier à le croire mais il en est parfois qui ressortent de ce qui y est dit. Et les mots sont durs. On est bien d’accord mais on vit une époque où on ne peut se suffire d’une parole de consensus mais dire, pour le bien de chacun, les choses telles qu’elles sont.

        D’autre part, savez vous me dire sur base de cette simple phrase, la Vérité à laquelle je crois, alors que vous ne me connaissez pas!

          1. Non mais quand la personne refuse Dieu, comment peut-on espérer la Lui ramener en lui parlant de « bribes de biens » dans un état de vie en contradiction avec ce que nous enseigne Jésus-Christ?

            D’un côté on souhaite que les gens soient authentiquement croyants et de l’autre, on fait la part belle à des gens qui se savent hors de la Grâce, qui persistent à l’être et qui n’ont pour lien avec l’Eglise que le fait de se sentir membre d’un corps collectif et qui voudraient – en plus ! – que l’Eglise rende légitime leur état de vie?

            Il y a une très grosse différence entre la personne homosexuelle telle que visée dans la version 2005 du catéchisme et la conception de la personne homosexuelle telle que nous la présente la communauté gay, soit un homo pratiquant et « en couple ». Et là j’ai l’impression qu’avec ce texte on accepte implicitement la seconde version qui enferme l’être humain dans son état de vie et la condamne à cet état.

    2. Monsieur, où avez-vous lu, dans l’Ancien ou le Nouveau Testament, dans un texte issu d’un Concile oecuménique, dans un document magistériel, dans le Catéchisme de l’Eglise catholique, qu’une personne, quelle qu’elle soit, puisse être « intrinsèquement mauvaise » ? Une telle affirmation est absolument contraire à l’ensemble de la Tradition de l’Eglise.
      A vrai dire, elle rappelle plutôt certaines positions protestantes, affirmant que le péché originel a complètement détruit la nature de l’homme, détruisant l’image de Dieu en celui-ci.
      Telle n’a jamais été la position de l’anthropologie catholique.
      Mais peut-être confondez vous avec l’idée d’un acte ou d’un comportement intrinsèquement mauvais, ce qui est très différent. Mais là aussi, si vous relisez la parabole du bon grain et de l’ivraie, ou les discussions des théologiens moralistes depuis des siècles, il est possible – je dis seulement « possible », qu’aucun acte humain ne soit 100% bon ou 100% mauvais. Le considérer peut éventuellement constituer un progrès, car cela nous fait prendre conscience que l’on peut toujours progresser dans le bien (ou régresser d’ailleurs), que le pharisien régresse quand il se croit parfait, et que le pécheur progresse quand il se sait… pécheur. C’est la B.A.-BA de tout progrès spirituel.
      Finalement, Dieu seul est le juste juge de nos actes.

  3. Le vrai scandale est de laisser entendre aux homosexuels actifs et aux adultères qu’il pourraient plaire à Dieu malgré leur mode de vie.
    Cette fausse bienveillance qui cherche la bribe de bien qu’il y aurait dans ces couples est en fait un immense manque de charité, car elle leur refuse la vérité : ces personnes, malgré leur possible amour pour leur conjoint, sont en état de péché mortel.
    La démarche du synode est donc proprement diabolique, car son effet est de confondre vérité et erreur et de conforter les hommes dans le péché plutôt que des les exhorter à la conversion.

    Monsieur l’abbé, vous n’êtes pas sans savoir que si le Christ à accueilli des pécheurs, à chaque fois il conclut par « va et ne pèche plus ».
    Notre Seigneur pardonne à ceux qui sont décidés à rompre avec leur vie de péché.
    Ne pas rappeler cela est lourd de conséquences. Nos contemporains peuvent bien s’agacer, Dieu ne se plie pas à nos désirs, c’est à nous de nous conformer à Sa volonté.

    En qualité de prêtre, élevé à l’image du Christ, tout cela vous devez le savoir.
    Alors pourquoi laisser entendre le contraire ?

    1. Cher Olivier,
      Celui qui a dit « va et ne pèche plus », a d’abord énoncé « Que celui d’entre vous qui est sans péché, lui jette la première pierre ». Cela s’applique-t-il à vous?
      Vous maniez avec aisance le concept de péché mortel, qui fait en sorte que la vie de Grâce soit morte chez votre prochain. Pour rappel, l’enseignement moral de l’Eglise précise que, pour qualifier un péché, il s’agit de tenir compte de l’intention, des circonstances, et de toutes données qui influencent la volonté. C’est ce qui a permis à l’Eglise d’accepter finalement d’offrir des funérailles religieuses aux suicidés. Elle part du principe que, dans la toute grande majorité des cas, leur liberté n’était pas entière: ils ne voulaient pas maudire la vie, mais ne supportaient plus leur existence.
      Enfin, vous-même parlez d’un « possible amour » pour le conjoint… Et la 1° épitre de Jean nous enseigne: « Dieu est amour »… Ne saisissez-vous pas votre contradiction?

    2. @ Potier : je ne suis pas clerc, ni médecin, ni psy : un simple chrétien de base…comme vous, sans doute…: qui êtes-vous pour juger ? Seriez-vous Dieu, à la place de Dieu ?…Vous commettez le (même) péché originel : celui de savoir tout, l’orgueil…Réfléchissez, faites pénitence…et vous comprendrez….et surtout vous découvrirez le vrai message du Christ : l’Amour, au-delà de la morale…

  4. Je ne jette pas de pierres, je ne juge pas les âmes.
    Si j’observe quelqu’un au bord du précipice, ce n’est pas prédire sa chute que de lui rappeler qu’il risque de chuter et qu’il vaudrait mieux pour lui s’écarter du bord.

    Cela vous vous l’interdisez.
    Sous prétexte de « ne pas juger », vous n’invitez pas cette personne à s’éloigner du bord du précipice mais lui faites remarquer comme les fleurs y sont jolies. Votre discours l’encourage au contraire à prolonger sa dangereuse promenade.
    Si cette personne venait à chuter malgré elle, quelle serait votre responsabilité ?

    Où est la véritable charité ?

    1. @ OlivierC’est sa liberté…Car si je l’avais convaincu que « les fleurs sont jolies » et que la vie vaut la peine d’être vécue : ma charité est dans l’écoute, l’accompagnement et les « actes concrets » et pas dans « fais gaffe, tu vas te tuer si tu continues ta dangereuse promenade »…Je tends la main et s’il ne la prend pas : c’est sa responsabilité…et Dieu nous jugera…

  5. Bonjour,
    C’est la première fois que j’interviens dans ce blog bien que je le lis de temps en temps.
    Dans un premier temps, je serai tentée d’être d’accord avec l’idée de partir de la situation réelle des personnes pour cheminer. Cependant, cette démarche se heurte à la réalité pastorale telle qu’elle existe en Belgique en tout cas celle que j’ai vécue depuis 20 ans. Mon expérience me donne la vision en Belgique d’une Eglise ouverte qui part des situations réelles mais qui n’aboutit nulle part. L’Eglise accepte les situations telles qu’elles sont mais ne produit de discours qui permet d’avancer spirutellemet car elle sécularise totalement son approche. A partir de la situation, elle ne parle plus de Foi, ni de prière. Elle reste a une approche socio psycho économico de super assistant social. Quelques exemples pour illustrer ce que je dis.
    Quand je me suis mariée, j’étais en couple union libre avec mon future mari et enceinte. Je voulais me marier parce que j’étais +/- croyante/ traditionnelle. Nous avons suivi la préparation au mariage avec le prêtre qui allait nous marier et ensuite au CPM.(en tout 3 journées complètes). La Foi et la signification du sacrement et de l’engagement ont a peine été évoquées. Avec le Prêtre nous avons fait un jeu de connaissance réciproque très intéressant mais que n’importe quel psychlogue aurait le pu faire. A aucun moment on a même évoquer la place de la confession, ou de la prière ni savoir ce qu’il en était de notre perception de la Foi. C’était très centré sur la situation de couple sans vraiement essayer d’élargir la prespective et aider à s’excentrer et se tourner vers Dieu ou même dire la basse christique du message de l’Eglise sur le mariage.
    Depuis lors dans ce que je peux constater en diverses occasions (préparation au baptême, cathéchisme des enfants, coors de religion à l’école,……), il n’y a très peu de paroles qui amènent à dépasser la situation initiale. Je pourrai citer d’autres exemples: le doyen qui ne parle jamais de Foi dans ses discours quand il est présent lors de remise de diplôme dans l’enseignement catholique ou à la fin d’un camp patro A la remise de diplôme du secondaire de mon fils, il a fait un discours socio économique (mauvais je trouve) et seul le directeur a évoqué la foi et la spiritualité. Alors que je trouve ses homélies à la messe intéressantes et inspirantes.
    La situation de vie réélle est aussi une grande ignorance des bases du message de Foi. C’est ce message de Foi qui n’existe très peu à force de vouloir s’adapter à la situation réelle alors qu’il y a une véritable soif spirituelle.
    Pour ces raisons, je trouve l’approche que propose Thibaud Collin en fait plus réaliste par rapport à la situation en Europe où je trouve que l’Eglise se présente comme fournisseur de services spirituels plutôt qu’évangélisatrice.
    Désolée d’avoir été si longue et pas très théologique

    1. Madame, Je pense que la douceur est plus forte pour contrer l’ignorance que la dureté. « Heureux les doux »… Je n’aime pas les préparations au mariage trop socio-psycho, mais si le curé qui vous préparait au mariage avait commencé par vous balancer que « vous viviez dans le péché », peut-être que votre mari et vous auriez claqué la porte à l’Eglise et n’auriez pas pu faire le chemin de foi qui vous amène à réagir sur mon blog. Rendez-vous quand vos enfants auront 20 ans… ;-) Fraternellement, EdB

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