Dr Philanthrope et M. Vautour – M… Belgique p.61

Ci-dessous ma chronique parue en p.41 dans l’hebdo M… Belgique, de ce vendredi. Merci à la rédaction de me donner cet espace d’expression:

Elève modèle du néolibéralisme dans les années 90, l’Argentine n’a pas fini de payer la facture. Faillite d’état en 2001 et bientôt, sans doute, défaut de paiement. Ce lundi 16 juin, la Cour suprême des Etats-­Unis a rejeté le recours argentin, demandant l’annulation de sa condamnation par des tribunaux amé­ricains face aux créances des « fonds vautours » – ces fonds spéculatifs, qui rachètent au rabais des dettes souveraines pour réclamer ensuite en justice leur remboursement, additionnés de copieux intérêts et amen­des. En l’occurrence… 1600%  de retour sur investissement.  L’état argentin – et sa population – sont donc étranglés par des fonds spéculatifs sans autres états d’âme que leurs énormes profits. Paradoxalement, Paul Singer, propriétaire de NML – le premier de ces fonds – parraine nombre de fondations charitables et a même signé la campagne lancée par Warren Buffet et Bill Gates, engageant les personnes les plus fortunées des Etats-Unis à donner la majeure partie de leur argent à des fins philanthropiques. Bienfaiteur privé et usurier économique, le milliardaire est donc – tout à la fois – Dr Jekyll et M. Hyde. Pas étonnant qu’un célèbre argentin dénonce avec autant de force un système économique qui transforme le philanthrope en vautour : « Nous ne pouvons plus tolérer que les marchés financiers décident du sort des peuples au lieu de répondre à leurs besoins et qu’un petit nombre de gens amassent des fortunes immenses grâce à la spéculation. » (Pape François)

 

11 réflexions sur « Dr Philanthrope et M. Vautour – M… Belgique p.61 »

  1. Une dette doit pourtant bien être remboursée… Ça ne me semble pas scandaleux.
    Au contraire, je crois qu’il est préjudiciable à la société de donner l’illusion qu’on peut emprunter sans avoir tôt ou tard, à passer à la caisse.
    Je comprends votre propos, néanmoins, mais je crois qu’il est dangereux d’entrer dans ce cadre d’analyse méchants riches vs gentils pauvres.
    Par ailleurs, je suis toujours un peu mal à l’aise quand les hommes de Dieu, plutôt que de mettre l’homme devant ses propres fautes (le riche, comme le pauvre,…), cherche des épouvantails, des boucs émissaires à charger de manière abstraite (le « marché », le « néolibéralisme », etc.).
    D’ailleurs, au passage, les responsables politiques qui ont plongé les finances du pays dans le chaos ne sont-ils pas les premiers responsables?
    Personnellement, si j’emprunte au-delà de mes moyens pour vivre « à l’américaine », je ne pourrais pas forcément en vouloir aux banques lorsqu’elles viendront réclamer leur dû.
    Mais passons, la choses la plus importante à mes yeux, c’est de faire comprendre a homme ses faiblesses, de les accepter et, avec l’aide de Dieu, de les dépasser.
    Pace è bene.

    1. Cher Dorian, votre commentaire ne tient pas compte de mon texte: à aucun moment je ne parle de « méchant riche », mais de comportement schizophrène de la part de certains riches. Et puis, vous semblez méconnaître la réalité économique. Ici, l’exemple ne vient pas de haut – puisque la première économie mondial emprunte – elle – sans rembourser, parce que la monnaie de référence est la sienne, le dollar, qui sert de réserve en boni. De plus, si – oui – il faut rembourser, ce n’est pas de manière usurière. Enfin, je vous invite à méditer Matthieu 18, 21-35, avant de conclure que tout est « pace è bene ».

      1. Mon Père,
        Je comprends bien l’asymétrie de la situation.
        Mais la question que je me pose est ici celle de la « laïcité », au sens premier du terme, à savoir la séparation du trône et de l’autel.
        En effet, même si tous les hommes étaient profondément chrétiens, ils ne pourraient s’empêcher de commettre des écarts (moi le premier), et de fauter contre Dieu et les hommes, ce qui fait que le Royaume est sans cesse à reconquérir.
        Mais tous les hommes étant loin d’être des « Parfaits », comment imaginer que le règne de l’autel seul puisse assurer paix et stabilité dans une société donnée?
        Faudrait-il que le criminel, meurtrier, voleur ou autre soit pardonné par l’Eglise (je crois que oui s’il y a sincère pénitence) ET d’office par la société (le trône)? A savoir, au nom du pardon, d’abolir les peines, sanctions, amendes et autre?
        Comment gérez-vous ce nécessaire grand écart entre l’Evangile et la nécessité de maintenir l’ordre dans le société?

        1. Et, par ailleurs, comment alors expliquer l’approbation de l’Eglise sur la peine de mort, dans certains cas très particuliers (identification claire du coupable, danger représenté par le coupable pour le reste de la population, etc.)?

          1. C’est un sujet fort débattu dans l’Eglise, car la peine de mort reste toujours un acte de violence.

          2. J’avais trouvé une formulation de la question intéressante :

            « «Tous les grands instructeurs nous ont enseigné qu’il ne faut pas résister au mal, que la non-résistance est l’idéal moral le plus élevé. Or nous savons tous que si un certain nombre d’entre nous essayaient de mettre ce principe intégralement en application, toute notre société s’écroulerait, les méchants s’empareraient de notre vie et de nos biens, et feraient de nous tout ce qu’ils voudraient. Si une telle non-résistance était mise en pratique, ne fût-ce qu’un seul jour, cela provoquerait une catastrophe. Et pourtant, par intuition, nous sentons au fond de notre cœur la vérité de cet enseignement : « Ne résiste pas au mal », qui nous paraît être l’idéal le plus élevé. Enseigner cette doctrine équivaudrait pourtant à condamner une fraction importante de l’humanité. En outre, on donnerait aux hommes l’impression qu’ils agissent toujours mal, on éveillerait en eux des scrupules de conscience à l’occasion de chacune de leurs actions, on les affaiblirait, et ce mécontentement continuel de soi susciterait plus de vice que n’importe quelle autre faiblesse. »

            La réponse qui était donnée était que chacun est différent. Certains font des progrès en résistant au mal. Si ils ne le faisaient pas, ce serait lâcheté.
            Ils ne sont pas Saints, et ne font pas que le bien, mais sans eux ça serait pire (cf Churchill).

            D’autres qui pourraient par contre écraser leurs adversaires (tel le Christ en Jean 18-6) voient au contraire une plus grande perfection à ne pas le faire et incarnent l’idéal le plus haut de la sainteté, eux sont vraiment Saints.

        2. Il y a la loi de l’Esprit et de la sainteté. Il y a également la justice humaine – dont traite la doctrine sociale de l’Eglise. Celle-ci visite tous les hommes dans leur imperfection. La justice distributive (qui redistribue aux plus pauvres une part des richesses) n’est d’ailleurs pas une invention chrétienne. Aristote en parle.

  2. Très bon article qui décrit bien l’hypocrisie des spéculateurs qui jouent aux bienfaiteurs par ailleurs.. Des gens qui préfèrent l’assistanat paternaliste à la justice sociale. Qu’il faille rembourser ce qu’on a emprunter, oui. Mais quand il faudrait rembourser des sommes infiniment plus élevées que ce qu’on a emprunté, c’est de l’usure qui est une activité condamnable.

  3. C’est la différence entre le monde protestant et le monde catholique ( Voir A.WEBER…et B.COLMANT…sur son blog).

    Dans le monde anglo-saxon, la Justice est une notion relative….et la charité compense la dureté des lois de la réussite individuelle….comme le montre EDB, dans ce post.
    Les Catho’s ont trop tendance à l’hypocrisie : « sauver les apparences »….Faites comme je dis…
    Pour le reste (l’analyse du « cas argentin ») : l’Eglise en tant qu’Institution ne doit rien ajouter, même si le pape actuel est argentin….Que l’Eglise affirme ses principes, mais qu’elle soit d’une « prudence de sioux » quand elle entre dans la réalité économique (cf mon post dans le cas Delhaize)

    1. Cher Bernard, Je préfère que l’on reproche à l’Eglise de trop parler que de trop se taire. Coincée entre ceux qui lui disent qu’elle doit se taire en morale familiale et ceux qui lui enjoignent de ne surtout pas se prononcer en matière de justice sociale, il ne lui resterait donc plus qu’à annoncer l’horaire des Messes. Je préfère m’entendre opposer par mes critiques que « j’ai tout faux », plutôt que de me voir reprocher d’avoir détourné mon regard quand la justice était bafouée. Je suis d’ailleurs honoré que Bruno Colmant me reconnaisse ce droit, depuis notre livre écrit à deux mains (« La bourse et la vie »)

      1. « L’excès nuit en tout » dit la sagesse populaire…Si trop parler peut être un défaut (car parler, c’est communiquer, donner du sens, s’exposer, etc) : se taire ne connait pas la nuance…On peut « trop » parler mais jamais « trop » se taire… a + (sur MP)

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