Dis-moi ce que tu gagnes… et je te dirai combien tu vaux

Ce dimanche sur le plateau TV de « Revu et Corrigé » (RTBF – la « Une »), je me sentais quelque peu extraterrestre en rappelant que le salaire seul, n’avait pas à être la mesure exclusive de compétence humaine. Que parfois même, il pouvait avoir l’effet inverse. En effet, les super-salaires ont, selon moi, un effet néfaste sur le sens du leadership. Lorsque votre rémunération n’a plus rien à voir avec celle de vos employés, le risque n’est pas mince de perdre le sens du réel et de se prendre pour un demi-dieu. Les armées avec un état-major déconnecté des troupes, courent à la défaite. Une Eglise avec des responsables coupés du peuple croyant, est un bateau qui vogue à la dérive. En irait-il autrement dans le monde de l’entreprise, publique comme privée? (A ceux qui veulent poursuivre cette réflexion, je conseille de lire « L’invitation à un leadership authentique » de François-Daniel Migeon, aux éditions Eyrolles. Pour l’auteur, les trois critères sont: déployer une vocation plutôt qu’une ambition personnelle; servir ses équipes plutôt que s’en servir; se transformer soi-même plutôt que de s’imposer aux autres.)

Sur le plateau TV, je citais en exemple le président du CPAS (Centre Public d’Aide Sociale – organisme communal/municipal d’aide aux plus démunis) de Namur, Philippe Defeyt, qui accepta récemment de réduire son salaire de 20%. Sans pour autant devenir 20% moins compétent, mais sans doute quelques % plus crédible. Ceci, d’autant plus que l’homme ne s’érige pas en donneur de leçons. Il explique que ses enfants ayant tous quitté le nid, il peut se permettre de vivre avec moins d’argent – et de consacrer la différence au fonctionnement de l’organisme socialqu’il dirige. Un autre président de CPAS d’une grande ville – homme de gauche de surcroit – a taxé sa décision d’“erreur politique, voire philosophique”. Elle signifierait, en effet, que les travailleurs sociaux ne devraient pas bien gagner leur vie. Pareille remarque est exemplative d’une société où le salaire devient l’unique étalon de reconnaissance professionnelle. Bien entendu que chacun a le droit de gagner sa vie. Et que celui qui a plus de responsabilités, mérite de gagner davantage. Mais de là à critiquer un mandataire qui – en temps de crise – décide de vivre volontairement une décroissance salariale – on croit rêver. Un ami missionnaire, qui revient ces jours-ci se reposer de sa mission auprès des plus pauvres au Congo, me fait comprendre avec délicatesse qu’en Belgique nous ne nous rendons même plus compte de l’emprise de l’argent sur nos vies. A méditer. Quelqu’un a dit: « Vous ne pouvez servir deux maîtres: Dieu et l’argent »… (Matthieu 6, 24)

 

Une réflexion sur « Dis-moi ce que tu gagnes… et je te dirai combien tu vaux »

  1. Eric,
    La « sortie » de Defeyt est honorable et aussi « publique » : que d’autres la suivent ne peut que me réjouir….Comme on l’a déjà signalé (la LLB, elle-même ?), il est Président du CPAS depuis 2004…Il n’est jamais trop tard pour bien faire et, lui, l’a fait aujourd’hui.
    Quant à Y. Mayeur, futur bourgmestre de Bruxelles (PS) : plus rien ne nous étonne…Sa pitoyable défense de la cheffe du Samu social et de ses rémunérations exorbitantes (au sens étymologique) a montré à suffisance que les termes « gauche » ou » droite », ne sont que des mots, vidé de contenu et même négation de l’idéologie référentielle….
    N’oublions pas le sort de ce « vulgum pecus », ouvrier, employé, petit indépendant, qui chaque jour, se lève pour « aller travailler », et qui n’ont pas le temps (mais pas les raisons) de se plaindre…et surtout si on féminise ces termes…

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