Elargissement de la loi belge sur l’euthanasie aux mineurs – Débat télévisé « Mise au Point » demain à midi (RTBF)

Chacun de nous a déjà fait cet étrange rêve – un rêve au cours duquel nous essayons désespérément de parler, sans qu’aucun son ne nous sorte de la bouche. C’est exactement l’impression que j’ai face au débat sur l’élargissement de la loi belge sur l’euthanasie. Quelques propos dans les médias et une sorte d’apathie au sein de la population: « les experts nous disent que c’est nécessaire pour éviter les souffrances des mineurs  et la plupart des partis y sont favorable – donc pourquoi s’agiter? » Même les partis opposés à la loi semblent résignés. La proximité des urnes fait en sorte que chacun veut au plus vite tourner cette page, avant qu’elle ne leur fasse perdre trop de voix. Bref, la loi passera, chacun le sens bien.

Demain, le débat télévisé dominical de « Mise au Point » (RTBF) traitera de la question. . J’aimerais que la discussion réponde à deux questions: 1. Tous les pays qui ne légisalisent pas l’euthanasie – soit presque le monde entier – sont-ils coupables de laisser souffrir inutilement? Sur la question de l’euthanasie, la Belgique s’avance bien seule en eaux profondes… Cela ne mérite-t-il pas quelques doutes? 2. Jusqu’à quelles limites s’étend la loi belge de 2002 sur l’euthanasie? Même le reportage du JT de la RTBF parle de « suicide » dans le cas de Jeanne De Ceuleneer , une dame âgée en mauvaise santé, mais non en fin de vie, souhaitant mourir, car – selon les paroles mêmes de la  présidente de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité – sa vie lui semblait devenue trop restreinte et étroite.  La condition légale de « souffrance physique ou psychique constante et insupportable » de la loi belge de 2002 semble bien avoir reçu une interprétation subjective de la part de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. Comme je l’écrivais dans une récente chronique parue dans le quotidien « La Libre », il ne s’agit donc plus seulement d’une législation pour personnes en fin de vie – alternative aux soins palliatifs – mais également d’un cadre légal sur le suicide médicalement assisté pour personnes qui ne souhaitent plus vivre, vu leur grand âge et/ou leur santé ou handicap.

13 réflexions sur « Elargissement de la loi belge sur l’euthanasie aux mineurs – Débat télévisé « Mise au Point » demain à midi (RTBF) »

  1. Le terme-même d’euthanasie a pour moi des relents nazis, et est en ce qui me concerne inacceptable. Quant à la création d’un « droit de mourir » qui tend à devenir plus subjectif dans son interprétation, je me pose seulement la question de savoir s’il n’y a que cette manière de mettre fin à des souffrances tant physiques que psychologiques. Au risque de paraître injuste à l’égard des demandeurs d’euthanasie, cette dernière est-elle la seule solution, d’une part, et ceux qu’elle libère du poids de la souffrance, ne serait-ce pas son entourage ? Et vouloir euthanasier des mineurs ne me semble pas plus acceptable, puisqu’en plus, ces derniers n’ont pas vraiment droit à la parole. Mais je reconnais que, malgré ce que proclame l’Espérance des chrétiens, la question de l’euthanasie ne peut et ne pourra pas être occultée sine die.

  2. Monsieur l’Abbé,

    Je suis consternée quand je lis les articles sur ce sujet. L’extension aux mineurs, aux personnes démentes … bien incapables, d’ailleurs, de s’exprimer … Qui va décider en leur nom ? Et pourquoi ? Et ceux qui n’ont plus de famille ?

    Quel sera le pas suivant ?

    Je me demande vers quelle société nous nous dirigeons. Ayant eu moi même un fils handicapé mental (aujourd’hui décédé, hélas), je me sens blessée lorsque je vois le peu de valeur que l’on accorde aux vies plus fragiles, plus faibles.

    Je me demande aussi si cette sorte de « ‘suicide assisté » était bien prévu dans la loi d’origine ou si, tout simplement, on met la loi  » de côté  » … mais au nom de quoi et de qui ?

    Quand je pense à toutes les merveilleuses personnes qui travaillent avec des personnes malades mentales ou handicapées mentales avec dévouement et amour, je me dis que c’est comme si on leur envoyait une gifle dans la figure …

    Je ressens une grande tristesse !

    merci pour votre texte si équilibré et humain !

  3. @tous
    Bonjour,
    A titre personnel, je suis partisan de la loi actuelle ainsi que de son extension demandée. Ceci dit, je comprend très bien qu’elle puisse mettre mal à l’aise et qu’on puisse ne pas y adhérer à titre personnel et bien entendu ne jamais en faire usage.
    Mais par contre, pour quelle raison vouloir en refuser le bénéfice à ceux à qui elle apparaît en adéquation avec leur morale et leurs convictions philosophiques? Qui s’autoriserait à me juger si un jour je devais y recourir pour mettre fin à une situation de souffrance concernant ma propre existence? Et au nom de quoi?
    Par ailleurs, ces lois ne surgissent pas du néant et sans prévenir. Elles sont l’aboutissement d’un long processus de réflexion et de travail parlementaire, dans un contexte parfaitement démocratique, avec des échos réguliers dans la presse. Soit donc l’antithèse de ce qui a pu un jour survenir sous le pouvoir nazi. Si quelqu’un meurt par euthanasie, c’est parce qu’il l’a demandé clairement et de façon répétée, ce ne peut être imposé évidemment.
    Personnellement, j’aurais horreur de devoir subir des souffrances insupportables ou de me retrouver privé de mes capacités intellectuelles, de ce qui fait que je suis moi. Et tout autant de l’infliger à mes proches, dont j’espère bien qu’ils seraient soulagés de me savoir soustrait à cela.
    Tant mieux donc si la Belgique est précurseur en cette matière. Là où les citoyens n’ont pas cette possibilité d’euthanasie, ils ne peuvent que supporter les souffrances qui leur échoient. Ils n’ont pas le choix. C’est parfait pour ceux qui le veulent bien, mais insupportable pour les autres. Et donc dans ces pays, on laisse effectivement souffrir inutilement ceux qui ne le désirent pas. Est-ce coupable? En tout cas bien peu humain je pense.
    En tout cas je trouve très sain de pouvoir exprimer des doutes et discuter de ces questions; donc encore merci pour ce blog et ses opinions.

    1. J’entends bien mais lorsque vous écrivez « si quelqu’un meurt par euthanasie, c’est parce qu’il l’a demandé clairement et de façon répétée », il me semble clair que vous ne parlez pas des malades mentaux, ni des handicapés mentaux.

      Pour les enfants, cela reste à voir, selon l’âge, la capacité de décision, etc …

      Je m’interroge aussi sur « des souffrances psychiques » termes bien vagues à mon avis ! Il faut reconnaître haut et clair qu’il s’agit d’un suicide assisté lorsque quelqu’un en a assez de la vie qu’il a !

  4. De la difficulté de débattre lorsque les mots que nous utilisons n’ont pas nécessairement la même signification !
    Certes, seuls les pays du Benelux ont dépénalisé l’euthanasie tandis que les Etats d’Oregon, de Washington et du Vermont aux Etats-Unis et la Suisse connaissent le suicide assisté. Eric De Beukelaer se pose la question : est-ce à dire que les autres pays seraient coupables de laisser souffrir inutilement ? Si la question se pose en ces termes quantitafifs, que dire par exemple d’autres sujets de société : pour l’abolition de la peine de mort ou de l’esclavage, pour le droit de vote ouvert aux femmes, il a fallu que certains Etats s’emparent de la question pour qu’ensuite les autres suivent. Si seule la question du nombre devait compter, que dire de l’Eglise catholique qui fait figure d’exception à propos de l’imposition du célibat aux prêtres ?
    La question que je me pose, la loi de dépénalisation de l’euthanasie a-t-elle permis d’humaniser la fin de vie en permettant à des personnes atteintes de maladies graves et incurables de ne pas devoir subir une pénible agonie grâce au geste posé par un médecin ?J’y répondrai d’une manière positive à la lumière des nombreuses expériences vécues par moi ou par d’autres. Le livre de François Damas La Mort Choisie, comprendre l’euthanasie et ses enjeux (éditions Mardaga) en est une belle illustration.
    J’ajoute que cette loi de dépénalisation de l’euthanasie ne contraint rien ni personne. Et je ne vis pas l’euthanasie comme une alternative aux soins palliatifs. Toute personne a droit à bénéficier de soins de qualité, en ce compris de soins palliatifs, fût-elle en demande d’euthanasie. La demande d’euthanasie ne signifie pas l’arrêt des soins.
    Très souvent, les personnes qui sont en demande d’euthanasie veulent vivre leurs derniers moments de manière intense. Et j’ai découvert au fil des années la concrétisation de cette appropriation des derniers moments de la vie par l’invention de nouveaux rituels et une réelle quête de sens. Superbe geste d’un veuf qui avait préparé ses funérailles jusqu’au moindre détail et avait commandé un bouquet de roses rouges destinées à son épouse qu’il allait rejoindre !
    Je retrouve dans l’écrit d’Eric De Beukelaer l’habituelle distinction entre euthanasie et suicide assisté, distinction non pas basée sur la méthode utilisée (par injection ou per os) mais bien en fonction du temps plus ou moins long qu’il nous reste à vivre. Rappelons que la loi de 2002 ne connaît pas cette distinction mais a prévu des conditions supplémentaires dans l’hypothèse où le décès n’est pas prévisible à brève échéance. En d’autres termes, même si je trouve l’expression peu heureuse (mais c’est une autre histoire), l’euthanasie n’est pas limitée à la phase terminale.
    Je pourrais éventuellement comprendre que l’on qualifie de suicide assisté toute euthanasie : il s’agit en effet toujours de la volonté de la personne qui demande une aide à mourir. Et c’était bien le cas de Mme Werner, mère de Marcel De Ceuleneer. Mme Werner souffrait de plusieurs pathologies (insuffisance cardiaque, arthrose, notamment). Suite à une activité d’ouvrière en milieu toxique, elle était réfractaire à la morphine. Les seuls antidouleurs qu’elle supportait étaient du paracétamol. Agée de 88 ans, elle avait déjà fait deux tentatives de suicide. C’est vrai que j’ai parlé du fait que son univers se restreignait. Entre autres, se posait la question de sa mobilité. Et, dans son cas, il n’y avait pas de perspective d’amélioration, ni sur le plan des pathologies, ni sur le plan des souffrances physiques et psychiques. Jamais je n’aurais dû donner ces détails qui appartiennent en fait à l’intimité de cette dame. Mais tout comme pour De Duve, ou encore pour Hugo Claus, voire Nathan ou les frères Verbessen, des voix se sont élevées mettant en doute le fait que les conditions de la loi étaient remplies.
    Quant à la question des mineurs, la première chose choquante est qu’un enfant soit atteint d’une maladie grave et incurable, qu’une jeune pousse soit fauchée avant qu’elle ne puisse éclore. La mort d’un enfant est choquante, injuste, cruelle. Là est l’injustice. Mais quand un enfant souffre, sait qu’il n’existe aucune perspective de guérison, voire simplement de rémission, au nom de quel dogme devrait-on lui interdire l’accès à cette liberté ? Je dis bien liberté et non droit puisque en termes juridiques, jusqu’à preuve du contraire, il n’existe pas de droit à l’euthanasie. Ces questionnements existent depuis l’entrée en vigueur de la loi. Combien de fois, lors de conférences, j’ai été interpellée de manière parfois vigoureuse concernant cette anomalie de la loi ? Par des soignants, par des parents, par des adolescents.
    Voilà quelques réflexions jetées en pâture. J’entends fort bien que mon point de vue n’est pas celui d’Eric De Beukelaer. Et personnellement, je suis heureuse de vivre dans un pays qui permet la coexistence de conceptions philosophiques et religieuses différentes. Le débat permet également de se remettre sans cesse en question et de nous épargner des certitudes sclérosantes. Mais je sursaute à chaque fois que l’on avance l’odieux amalgame euthanasie-nazisme. Ce n’est pas digne d’un débat respectueux des autres. L’humanisme n’est certainement pas le monopole de ceux qui ne considèrent pas l’euthanasie comme une option possible pour eux.
    Jacqueline Herremans, présidente ADMD

    1. Madame Herremans,

      Sans vouloir ouvrir un autre débat sur l’expression « droit de mourir dans la dignité », je voudrais juste signaler que selon moi l’être humain qui souffre ne perd en aucun cas sa dignité.

      Le fait d’avoir besoin de soins de « nursing » non plus : j’ai pendant des années dû nourrir et laver mon fils handicapé et lui prodiguer tous les soins que donne d’habitude le personnel hospitalier. Il comprenait cela et me regardait le soigner avec beaucoup de douceur et de patience.

      Il m’a beaucoup appris sur le sens de la vie, les différences entre les êtres, la valeur humaine de celui qui ne sera jamais acteur de la « productivité » et même sur la mort (survenue accidentellement)… le « vide » créé dans notre famille demeure.

      C’est pourquoi j’ai mal lorsque j’entends parler de « mourir avec dignité »
      Je pense que vivre dignement est un très bel objectif.

      Bien à vous,
      marie madeleine

      1. « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui.» C’est une citation de Sartre. Tout être est doté de dignité…ontologique. Et vous avez eu cette expérience unique avec votre enfant. Pas de mots pour la décrire, certainement pas dans mon chef. C’est votre histoire, c’est votre sens de l’amour.
        Lorsque nous parlons de vivre ou de mourir dans la dignité, c’est par rapport à ce que nous ressentons comme étant notre dignité, de façon concrète et de façon singulière.
        Pas de jugement par rapport à un autre.

        1. Citer Sartre, en réponse à une expérience humaine, une souffrance humaine, ne me semble guère (c’est un euphémisme) adéquat : Sartre n’a jamais été un humaniste…a-t-il jamais aimé ? mais il a surtout cherché à être aimé, adulé…Pour en terminer à ce sujet, je préfère Camus.
          J’ai vu vos interventions TV ce dimanche, votre premier commentaire (sur ce blog) les nuance utilement. Mais, j’ai mal à comprendre les arguments (ce que dit Brotchi, n’est pas ce qui dit Mahoux…il y a beaucoup de nuances)
          Il n’y a pas d’urgence…le nombre de cas est restreint, et, si un « cas » concret se produisait, et qu’une des « parties » s’estimait lésée, on ferait référence à la Justice…Une solution pragmatique, alors que l’euthanasie pour des personnes adultes consentantes couvre un plus large éventail…
          N’oublions pas que les soins palliatifs coûtent plus chers que l’euthanasie..

    2. C’est drôle, me semble -t-il d’utiliser l’abolition de la peine de mort en justification du droit à l’euthanasie, qui, pour moi dans certaines de ses applications, est une des formes de la peine de mort. (voir les brigades d’ exécuteurs au Pays-Bas, qui euthanasient à domicile)
      Pour avoir vécu dans ma famille une sollicitation à l’euthanasie par des proches auprès du corps médical, sur base d’une aspiration à mourir émise par la personne en souffrance, je peux vous dire que, si c’était, en partie, de la pitié pour la mourante, c’était surtout guidé par l’égoïsme de se débarrasser au plus vite, d’une situation douloureuse pour les demandeurs.

      1. Je ne vais certes pas commenter le cas particulier que vous évoquez, n’ayant aucun élément pour le faire. En revanche, je ne peux laisser dire « les brigades d’ exécuteurs au Pays-Bas, qui euthanasient à domicile ». C’est totalement faux. La clinique de fin de vie créée aux Pays-Bas recueillent les demandes de personnes qui se sont entendues refuser une euthanasie. Leur dossier doit être complet: description de la maladie, explications concernant les traitements en ce compris les traitements refusés, le nom du médecin traitant, etc. Certains cas sont refusés d’emblée car ne répondant pas visiblement aux critères de la loi. Pour les autres dossiers, une équipe composée d’un médecin et d’un infirmier en fonction du domicile du demandeur est désignée. Et contact est pris avec le médecin traitant et le patient. Toutes les solutions sont envisagées, en compris, si la situation le permet,des soins palliatifs. Et ce n’est qu’au bout de ce cheminement, dans l’hypothèse où la personne persiste dans sa demande et qu’elle répond aux critères de la loi, que l’euthanasie est alors envisagée…Il arrive que ce soit le médecin traitant qui avait initialement refusé qui, convaincu que les critères sont rencontrés et bénéficiant des conseils et de l’aide de son confrère, qui accepte de poser lui-même le geste. Il est vrai que les euthanasies à domicile aux Pays-Bas sont les plus fréquentes ( de l’ordre de 70 %). Mais n’est-ce pas compréhensible que l’on préfère connaître ces derniers moments chez soi, entouré des siens?

  5. Je viens de lire sur le site de La Libre le point de vue du sénateur Delpérée qui votera contre l’extension de la loi. Il accepte clairement le principe de l’euthanasie pour les adultes qui décident d’en faire la demande. Je le rejoins dans le principe. Pour moi, il n’y a pas de raison philosophique de valeur générale interdisant le suicide assisté pour autant que la personne en demande soit vraiment libre, à ce propos on peut certes se poser des questions comme le rappelle Mr Jadin. L’extension, en revanche, me laisse perplexe. Faut-il une législation spécifique pour quelques cas, où les interactions entre plusieurs personnes sont très complexes? J’aimerais que des personnes comme Mr Delpérée fassent une proposition alternative pour rencontrer ces détresses.

  6. N’y aura-t-il donc même pas dix justes dans la Sodome moderne qu’est devenue la Belgique pour crier à ces démons rouges à visage humain que la vie appartient à Dieu : clercs et laïcs nous sommes devenus tièdes. Le sel a perdu sa saveur :
    Notre Eglise est devenue muette, elle va mourir faute de vrais prophètes : miserere nostri Domine quoniam deficit sancta…

    1. Archichantre : prie et chante….Tu n’es pas un prophète et re-pends toi (non, je ne veux pas faire le jeu de mot)…Que la bienveillance de Dieu te console…Il serait temps que chacun s’exprime sur ce blog sous sa véritable identité…et non sous des pseudos…

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