Ci-dessous l’article paru ce jour en p.13 du Soir. Il y a une semaine, je débattais dans une maison de la laïcité avec le président du CAL (= »Centre d’Action Laïque » – pour les non-Belges: organe de la libre-pensée de tendance anticléricale) et mes relations avec cet homme intelligent et spirituel – sont excellentes. Mais en lisant la littérature ci-dessous, je ne puis m’empêcher de sourire. Pas pour le fond du débat – je n’ai pas envie de rentrer dans le sujet, car il y a déjà assez de débats comme ça au synode (J’y reviendrai dans un article). Mais pour la forme… Ah, si l’Eglise catho n’existait pas – que ferait donc le CAL ? Tel Peppone sans Don Camillo, il serait tout perdu. La journaliste semble l’avoir bien compris, quand elle compare, dans sa conclusion, le silence du CAL concernant la famille musulmane à sa hargne contre le synode catho. Avec en arrière-fond la crainte que le pape François ne soit plus assez « Don Camillo » pour leur donner du travail. Un peu comme ce vieux militant laïque liégeois qui me déclara il y a quinze ans : « J’aime bien l’intransigeance de Jean-Paul II. Au moins, je puis m’y opposer ». Pauvre Peppone…
(Article) En Belgique, un enfant sur deux naît désormais hors mariage. Une famille sur quatre est monoparentale, une sur sept est recomposée. Chaque année, 1.300 couples de personnes de même sexe officialisent leur union via une cohabitation légale, tandis qu’un millier de ceux-ci opte pour le mariage. Et une centaine d’enfants naissent au sein de couples lesbiens. Quelle place pour toutes ces familles dans l’Eglise catholique ? Aucune. C’est en substance la question (et la réponse) que se propose de susciter la nouvelle publication du Centre d’action laïque, intitulée « Familles, qui êtes-vous ? ».
L’idée de cet ouvrage collectif est bien partie du premier synode sur la famille, qui a eu lieu à Rome en octobre 2014, confirme Henri Bartholomeeusen, président du CAL : « Nous étions très intéressés par ce qui allait suivre. Or, nous constatons dans le document de travail qui doit servir ce second synode – appelé instrumentum laboris – que la référence à la loi naturelle, que nous avions vivement critiquée, a un peu évolué. Le document abandonne cette notion, mais en précisant l’intention de ce changement, à savoir une prise en compte d’un besoin de communication. »
En clair, l’Eglise cherche avant tout à lisser son discours, mais ne compte pas pour autant évoluer, sur le fond. Et l’équipe du Centre d’action laïque de lister les principaux objets d’inquiétude que ce document préparatoire laisse poindre. Un : les libertés individuelles sont acceptées… pour autant qu’elles sont conformes aux valeurs de l’Eglise. Deux : selon le CAL, on « instrumentalise l’empathie en affirmant qu’il n’y a pas de brebis définitivement égarée, à partir du moment où elle passe par un “chemin pénitentiel”, ce qui est une manière d’exploiter les peurs et la culpabilité des gens et dénote un prosélytisme bien plus brutal qu’il n’y paraît », s’insurge le président du CAL. Trois : et c’est sans doute le point sur lequel les laïques insistent le plus, l’instrumentum laboris inciterait au détournement de la clause de conscience. Le texte stipule en effet : « Dans certains pays, on signale la présence de projets de formation imposés par l’autorité publique et dont les contenus contrastent avec la vision vraiment humaine et chrétienne : par rapport à ceux-ci, les éducateurs doivent affirmer fermement leur droit à l’objection de conscience. » L’éducation à la vie sexuelle et affective dans les écoles est donc clairement visée.
La riposte ? Une publication collective, qui, à travers 10 articles de 10 auteurs différents (dont des experts d’autres associations, comme la Ligue des familles ou le lobby européen des femmes), dépeint tous les visages des familles d’aujourd’hui. « L’Eglise revendique la famille comme sa propriété, mais elle n’en a pas le monopole !, conteste Henri Bartholomeeusen. Les familles d’aujourd’hui sont beaucoup plus diverses que cette famille traditionnelle qu’elle entend imposer comme modèle unique. Il est nécessaire de rééquilibrer le débat et de donner une place à toutes ces familles qui n’ont ici pas voix au chapitre. Alors qu’elles sont par contre reconnues par la loi aujourd’hui : l’Eglise est donc en opposition avec les lois civiles. » Alors que le synode sur la famille – et la vision qu’il en véhicule – va monopoliser les médias pendant les trois semaines à venir, les laïques entendent donc faire contrepoids, notamment à l’opération séduction du pape François qui «s’invite tous les jours dans le salon des gens et paraît progressiste aux oreilles distraites», dénonce Sylvie Lausberg, chargée de mission au sein de la cellule « Etude et Stratégie » du CAL.
Mais les catholiques, directement visés ici, sont-ils pour autant les seuls à participer à cette « recrudescence des revendications religieuses et identitaires, lesquelles […] tentent de resservir de vieux concepts dogmatiques repeints dans les tons à la mode – la famille traditionnelle est l’un de ceux-là », comme on peut le lire dans l’introduction de l’ouvrage ? Sur la question de l’islam en tout cas, les laïques restent particulièrement prudents : «C’est très compliqué, il y a tellement de courants dans l’islam qu’on doit se garder d’idées préconçues. Tandis qu’avec l’Eglise catholique, on a affaire à une organisation structurée, avec des moyens énormes.» ÉLODIE BLOGIE