Le pape a canonisé ce jour le cardinal John Henry Newman (1801-1890), qui fut et reste une de mes grandes sources d’inspiration théologique. En 1877, il publia son dernier ouvrage important, la troisième préface à la « Via Media », à propos de laquelle j’ai écrit mon mémoire pour l’obtention de ma licence en théologie de l’Eglise.
La « Via Media of the Anglican Church » est un livre qu’il publia comme anglican en 1836. Il y présente l’Eglise d’Angleterre comme la voie du milieu entre les excès romains (qui rajoutent à la tradition) et réformés (qui suppriment à la tradition). Devenu catholique, Newman voulut, par une troisième fort longue préface à l’ouvrage, expliquer ce qu’il en pensait désormais. Il ne renie pas tout le contenu du livre anglican, mais élabore une théologie des abus et conflits du Catholicisme. Newman explique que l’Eglise est à la fois une doctrine (la théologie), une dévotion (la prière, les sacrements, la spiritualité) et une organisation (la structure hiérarchique de l’Eglise). Chaque baptisé participe aux trois dimensions, mais chacun est un peu plus porté à l’une d’entre elle. Or, il est dans la nature humaine de ne voir la réalité que de son point de vue. Quand cela arrive dans l’Eglise, les théologiens tendent au rationalisme, les spirituels à la superstition et les responsables à une forme de dictature.
D’où l’importance que les théologiens rappellent aux spirituels et aux responsables, l’objectivité du message évangélique; que les spirituels rappellent aux théologiens et responsables la nécessité de la prière et que les responsables rappellent aux théologiens et au spirituels que la « catholicité » (= universalité) de l’Eglise est maintenue quand chacun reconnait aux autres (théologies et spiritualités reconnues) sa validité. Cette tension dynamique entre les trois pôles de vie dans l’Eglise ne se vit pas sans conflits et excès – écrit Newman. Seule une écoute patiente de l’Esprit et des autres, permet d’avancer en équilibre.
En clair: la vie en Eglise n’est pas un long fleuve tranquille et la vie de l’Esprit ne se développe pas à l’abri des tensions et conflits. Comme l’Esprit l’anime et veille à l’équilibre, ces constantes crises n’ont pas empêché l’Eglise de traverser les siècles, pour nous apporter aujourd’hui encore, la vie en Christ dans sa plénitude.