En ce 80° anniversaire de l’appel du 18 juin, je souhaite établir un lien entre cet événement fondateur de la « France libre » et l’actuelle (non-)formation du Gouvernement fédéral belge. Quel lien? Beaucoup de lecteurs concluront que « de Gaulle, au moins, était un homme d’Etat. Tandis que nos bras cassés actuels… » Je juge, quant à moi, pareille analyse trop courte, en ce qu’elle dédouane à bon marché le premier intéressé: l’électeur. Or, s’il est bien une chose dont de Gaulle et Churchill – les deux pères symboliques de la démocratie moderne en Europe – étaient persuadés, c’est que l’électeur n’a pas toujours raison. En ce 18 juin ’40, une grande majorité de Français soutenait Pétain. En cas de vote sur le sujet, combien auraient à l’époque soutenu le fameux « Appel du 18 juin » dont chacun se réclame aujourd’hui ?
Ceci lève un voile sur la difficulté actuelle de la (non-)formation du Gouvernement fédéral belge. Si on suit le message de l’électeur, il faut former un gouvernement avec les deux plus grands partis du pays: la NVA au nord et le PS au sud. Mais alors, dira l’électeur wallon, le PS trahit le coeur de son discours politique. Et l’électeur du nord dira la même chose des nationalistes flamands, qui ont fait du gouvernement sans le PS, leur marque de fabrique. Combien n’ont pas reproché au CVP de papa, devenu CD&V, d’être un parti accroché au pouvoir, prêt à naviguer à gauche comme à droite au gré des scrutins, pour rester aux manettes? Exit donc le leadership des chrétiens-démorates en Belgique fédérale. En nu? Wat gedaan?
Soit l’électeur accepte que les deux grands partis mangent leurs promesses électorales, soit il accepte qu’une opposition soutienne un gouvernement fédéral minoritaire, soit il demande que l’on refédéralise le jeu politique avec une significative circonscription électorale fédérale, soit il choisit que l’on régionalise à fond le pays… avec une plus grande disparité de niveaux de vie entre les régions. Le vieux Belgicain que je suis, n’est certainement pas acquis à la dernière option. Cependant, il s’agit de trancher. Décider de de pas décider et de continuer à se regarder en chien de faïence pendant des mois encore, est la plus mauvaise des politiques. Cela aussi, l’appel du 18 juin nous le rappelle.
Bref, il est un peu facile pour l’électeur et les éditorialistes de tous bords, de se lamenter à chaque pas que nos politiciens font. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Il y a une direction à prendre et un prix à payer pour la suivre. Reste à trouver le « Général » ou « les Généraux » qui prendra (/ont) sur lui (/eux) de faire un «Appel » pour sortir la Belgique de l’impasse. Un ou des politique(s) prêt(s) à en payer le dur prix de solitude, tout en maintenant le cap dans la tempête… Charles de Gaulle, priez pour la Belgique.