Je reprends ici le droit de réponse à ma récente chronique, signée par Véronique De Keyser, présidente du CAL.
Elle sera publiée dans La Libre du 17 juillet et est reprise sous ma chronique sur leur site.
J'ai de l'estime pour Véronique De Keyser. Je regrette à mon tour le ton de sa réponse - parlant en mon chef d'arrogance et d'extrême violence de ma dégoutante métaphore.
Je suis cependant heureux de recevoir une réaction du CAL et que le débat puisse se poursuivre.
Je constate simplement que, si l'Eglise catholique est régulièrement critiquée dans ce pays (parfois avec raison), le CAL semble peu goûter la contradiction.
Pourtant, la démocratie, c'est le débat.
Plus fondamentalement, je déplore de ne recevoir aucune réponse de fond à ce que j'écris.
Ainsi, si le CAL déclarait officiellement qu'il est heureux que l'UBB (Union Bouddhiste de Belgique) reçoive le statut de philosophie non confessionnelle, je présenterai officiellement mes excuses.
S'il ne le fait pas, qu'il explique en quoi cela le dérange de voir d'autres citoyens renforcer les rangs des convictions non-religieuses.
Carlo Luyckx, président de l'UBB, parle dans une lettre ouverte d'avril dernier, d'une "campagne de lobbying intense mais discrète du CAL".
S'il a tort, que le CAL le détrompe en soutenant la demande bouddhiste.
S'il a raison, que le CAL s'explique sur les raisons qui le font désirer rester le seul représentant "non confessionnel" dans ce pays, plutôt que de balayer ma lecture des choses comme "complotiste et affairiste".
Toute autre attitude ne contribue qu'à noyer le poisson (si cette métaphore n'est pas trop osée...)
On ne peut, en effet, tout à la fois prôner la stricte séparation entre les religions et l’Etat et demander à "une commission parlementaire" de se prononcer dans une question de théologie interne à cette communauté.
C'est la position constante du Conseil d'Etat et du Conseil de l'Europe: ce n’est pas à l’Etat de déterminer si une conviction de vie est « religieuse ou non ». Si une communauté convictionnelle décide de se présenter comme « philosophie non confessionnelle » et qu’elle entre dans les critères de reconnaissance par l’Etat belge, la puissance publique « neutre » (ou laïque…) doit se contenter de constater que les critères juridiques sont remplis et puis, prendre acte de cette volonté.
Pour en revenir à la métaphore: si j'ai utilisé l'image du "chien berger" qui mord ceux qu'il est censé protéger, c'est pour réveiller mes amis laïques.
On ne peut tout à la fois se présenter comme le protecteur du pluralisme des convictions, et vouloir piloter celles des autres.
Je ne m'attendais pas à un bouquet de fleur de la part du CAL en guise de réponse, mais j'aurais espéré un débat respectueux et répondant à mes arguments.
Je n'ai jamais snobé les invitations des laïques et les leur ai souvent rendues. Au nom de cette relation longue, franche, souvent cordiale, mais sans compromis, je leur pose haut et fort une série de questions importantes pour le vivre-ensemble démocratique.
Le fait que le droit de réponse du CAL soit tellement épidermique ne peut s'expliquer que par deux options: soit je me suis totalement planté, soit j'ai fait mouche. Chacun jugera, car tel est l'objet du débat. Vous avez dit "libre-examen" de toute question?
Par Véronique De Keyser, présidente du Centre d’Action Laïque
J’ai pris connaissance de l’étonnante sortie d’Éric de Beukelaer publiée dans La Libre Belgique de ce mardi 9 juillet.
Les combats du Vicaire général de Liège contre ce qu’il appelle les « laïcités politique et philosophique » sont connus et mon « Droit de réponse » n’est pas le lieu pour y revenir. Hélas, ses conceptions sur ces matières sont totalement dépassées et souffrent de multiples lacunes conceptuelles qui montrent à quel point ses idées ne sont plus au goût du jour, comme toutes celles qu’il égrène dans cette affligeante « Chronique » : « laïcistes », « religions d’état », sens du « libre examen », etc.
Il y a tant de fantasmes et de chimères dans ses analyses sans nuances et souvent empreintes d’arrogance. A un point tel que l’on n’est jamais très loin d’une vision complotiste et affairiste, comme, par exemple, quand il évoque le rôle du CAL quant à la procédure, pourtant strictement parlementaire, de la reconnaissance de l’Union Bouddhiste de Belgique. Mais ce n’est pas ceci qui me choque car les libertés d’expression et de pensée d’Éric de Beukelaer valent aussi.
En revanche, l’extrême violence de la métaphore dont il use pour parler du CAL, elle, ne passe absolument pas : le chien, la rage, les morsures et le vaccin. Mais quelle abjecte et scandaleuse séquence ! Car, à filer cette dégoûtante métaphore, nous, les laïques, tels des chiens frappés de rage, devrions donc être piqués pour nous voir inoculer un vaccin… La férocité de la diatribe d’un homme qui se présente comme un chantre du dialogue et se félicite de se faire inviter dans tous les cénacles laïques et même en Franc-maçonnerie m’a scandalisée au plus haut point. Et ceci d’autant plus que le momentum politique choisi pour écrire cette Chronique n’a rien d’anodin.
C’est donc cela que la Présidente d’une Association qui regroupe des milliers de femmes et d’hommes laïques ne peut absolument pas laisser dire ! Il m’est intolérable qu’ils soient assimilés à une horde de chiens enragés. Il m’est insupportable que nous, librement engagés et acteurs laïques au service de ce pays, soyons réduits à des fondamentalistes en puissance ou à des porteurs de « voix illibérales », terme tellement symboliquement surchargé quand on connaît le rôle historique des « Libéraux » dans la configuration pacifiée de notre pays.
Et de même, pourquoi donc se servir, dans ce raisonnement qui attaque lâchement le CAL, d’un mot terrifiant comme « dhimmitude », par ailleurs chéri par l’extrême-droite ? Pourquoi employer à dessein un terme aussi pervers et polémique, et qui plus est bâtard, vocable d’une rare brutalité à l’égard de nos concitoyens musulmans, tant il les ramène, par ricochet, à une vision négative et abjecte de leur religion, comme s’il fallait encore, dans cette diatribe, se servir de l’islam et l’instrumentaliser ? Quel immense gâchis !
Si Éric de Beukelaer veut vraiment, pour le citer, que demeure « la centralité de la Raison dans la Cité », il ne doit pas s’exempter lui-même de cette tâche humaine et humaniste. Aucun sentiment de supériorité ne lui permet de se dispenser de cet élémentaire devoir de respect citoyen. Je lui demande d’arrêter d’user de ces infâmes procédés dont les effets sont dévastateurs, tant ils sont porteurs de haine et de mépris.
Car ce n’est pas qu’un « prêtre-chroniqueur » qui parle, c’est, je l’ai dit, le Vicaire général de Liège, mais c’est aussi un membre important du « Comité national » chargé d’organiser la visite du pape en Belgique. D’ailleurs, faudra-t-il alors, par un nouvel excès de zèle, écrire une autre « Chronique », pour museler les chiens enragés, en sorte que les soi-disant « amis laïques » ne viennent pas jouer les trouble-fête devant le pape, lors de sa visite du 26 au 29 septembre ? D’autant que les laïques tiennent plus que tout à la journée du 28 septembre, cette « Journée mondiale pour le droit à l’avortement », droit sans cesse remis en cause, comme celui de l’euthanasie et de tant d’autres, par un homme dont les convictions religieuses, sur ces questions qu’il assimile honteusement à une « culture du déchet », sont obscurantistes.
Je demande donc à Éric de Beukelaer de ne pas verser dans le mépris et de ne pas inventer des guerres et des combats qui n’ont plus lieu d’être. Car tenter de séduire les uns et les autres avec des propos contradictoires est un jeu dangereux. Et je le rassure : on ne risque pas d’y être mordu, mais bien d’y perdre son âme. Ce qui pour un chrétien à plus de prix qu’un mollet. Il est urgent que reviennent, chez lui, le sens du respect et un ton en cohérence avec les fonctions qui sont les siennes.