Jaloux, moi ? – 25° dimanche, Année B

« Sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand ». (Marc 9, 30-37)

Déjà dans la cour d’école, le besoin de se démarquer nous chatouille. Qui ne s’est jamais vanté que : « Mon papa a une plus grosse bagnole que le tien » ?  Et tout au long de la vie, la tentation d’être au centre des attentions tenaille. Chacun rêve à sa manière d’être la reine du bal, le manager de l’année, la tête de liste politique, le médaillé d’or, etc. La recherche d’excellence n’est pas mauvaise en soi – que du contraire. A condition de se réjouir de l’excellence du voisin. Vouloir être performant – fort bien. Ne pas accepter qu’un autre le soit tout autant, voire bien davantage – cela est problématique. Saine émulation ne rime pas avec jalousie.

La jalousie est un sentiment omniprésent en l’homme. Et pourtant, peu le reconnaissent. Rare est celui qui confesse : « oui, il m’arrive d’être envieux ».  Contemplons les disciples de Jésus : « Sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand ».

Alors le Christ, prenant un enfant, leur enseigne que le plus grand est celui qui accueille les plus petits ; que le premier est celui qui prend la place du serviteur. Même parmi les baptisés, pareil enseignement n’a jamais été évident. C’est ce qu’illustre l’épître de saint Jacques : « Vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre ». (Jacques 4, 2)

Et pourtant, une petite voix nous murmure à la conscience : Jaloux, moi ? Jamais de la vie. L’autre, je ne dis pas… Mais pas moi, moi, moi…

Le Christ ou Superman ? – 24° dimanche, Année B

« Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». (Marc 8, 27-35)

Jésus est entouré de disciples depuis plusieurs mois déjà. Autour d’eux, les ragots vont bon train : qui est ce rabbi qui parle et agit avec autorité et fait des guérisons surprenantes ? Une réincarnation de Jean le Baptiste ? d’Elie ? d’un des grands prophètes d’autrefois ? Alors le Maître les prend à l’écart et leur pose la question dans le blanc des yeux : « Pour vous qui suis-je ? » Pierre se fait le porte-parole des autres et proclame avec assurance : « Tu es le Messie ».

Bonne réponse…mais demie-vérité : de quel genre de messie s’agit-il ? A partir de ce moment-là, Jésus leur annonce sa passion. Là, Pierre n’est plus d’accord. Si Dieu est tout-puissant, son Elu ne peut être que victorieux. Le prenant à part, le futur prince des apôtres « se mit à lui faire de vifs reproches ». En clair: il engueule Jésus. Alors le Maître le remet publiquement à sa place : « Passe derrière moi tentateur ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».

Rien n’a vraiment changé : les foules rêvent d’un Messie « Superman » qui change le monde, alors que Dieu envoie son Fils convertir les cœurs. Le Christ ne promet pas des lendemains qui chantent, mais une vie digne des enfants de Dieu. Chemin exigeant, s’il en est : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

In memoriam Robert Halleux

Ce 21 août est décédé un personnage truculent et typiquement liégeois, le professeur Robert Halleux. (Etant à l’étranger à ce moment-là, je lui rends hommage avec retard).
Né en 1946, professeur d’histoire des sciences à l’Université de Liège, il portait haut et fier ses profonds paradoxes: tout à la fois un des derniers stalinistes de la planète et un adepte du catholicisme pré-conciliaire.
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Je l’ai connu alors que j’étais curé-doyen du centre de Liège. Avec son humour à toute épreuve, c’était un bon compagnon.
Un jour, il m’invita à déjeuner pour me présenter un jeune politicien débutant, membre d’un micro-parti de gauche radicale et inconnu du grand public. C’est ainsi que je fis la connaissance de Raoul Hedebouw.
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Membre de l’Académie Royale de Belgique, Robert Halleux s’était mis en tête de m’y faire entrer. Par deux fois, il présenta ma candidature (la seconde fois avec le parrainage du directeur de la classe, un économiste libéral).
Cela ne se fit pas (si j’en crois l’hebdo Le Vif, mon profil dérangeait), mais démontra à suffisance la capacité de l’homme à dépasser les clivages philosophiques.
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RIP, cher Robert. Au Paradis (ou un temps au Purgatoire…), tu dois sans doute être assis entre Lénine et Mgr Marcel Lefebvre, histoire de les faire dialoguer 😇.

« Effata ! » – 23° dimanche, Année B

 « Il fait entendre les sourds et parler les muets ». (Marc 7, 31-37)

Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus guérit un sourd-muet avec un peu de salive et une parole étonnante, citée pour cette raison en version originale: « Effata ! », c’est-à-dire « ouvre-toi ».

Jésus n’a pas guéri tous les sourds-muets de son époque. Par son geste, Il fait comprendre qu’Il vient délivrer l’homme de sa surdité et de son mutisme spirituel. Le dicton énonce avec justesse : « Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ». Et de fait, quand on me demande quel est mon pire défaut, je réponds que c’est sans doute celui dont je n’ai pas encore conscience. Tant que je le nie, mon péché me domine et me rend aveugle, sourd et muet. Je me contente d’objecter avec véhémence : « mais non, je ne suis pas comme ça ! » Par contre, le jour où je prends conscience de ce travers – je « vois » mon défaut, « j’entends » les reproches de mon entourage, « j’exprime » une demande de pardon.

Vous l’aurez compris : Jésus n’est pas là pour nous conforter dans le sentiment que nous sommes des « gens biens ». Il n’a pas, non plus, pour mission de nous reprocher que nous sommes des « vauriens ». Non, Il vient à notre rencontre par l’Esprit et dit : « Ouvre ton cœur. Afin que tes oreilles entendent ce que tu n’entendais pas et que ta langue exprime ce qu’elle n’arrivait pas à dire ».« Effata !ouvre-toi ».

In memoriam Mgr. Noël Treanor (1950-2024), le gentleman-diplomate de Dieu

Dimanche dernier, c’est en célébrant l’Eucharistie dans la chapelle de la Nonciature Apostolique près l’Union européenne, que Mgr Noël Treanor est brutalement décédé à 73 ans, victime d’une crise cardiaque aussi inattendue que fatale. Quel choc…

J’ai connu Noël alors qu’il était le Secrétaire Général de la COMECE, l’organisme  qui représente les épiscopats des états membres de l’Union, après de l’Union européenne. Né à Tyholland, tout près de la frontière avec l’Irlande du nord, l’abbé Treanor a rejoint la COMECE en ’89 pour en devenir le Secrétaire général en ’93 et ce, jusqu’à ce qu’il soit appelé à l’épiscopat en 2008. Une bonne part de ce que la COMECE est devenue – et cet organisme est important – elle le doit à ce gentleman-diplomate. L’Irlandais était pourvu d’un excellent sens social et maitrisait nombre de langues – dont le français et le néerlandais – tout en restant simple et affable avec les grands comme avec les modestes. L’article 17 du Traité Fondamental de l’Union européenne doit beaucoup à Mgr Treanor. Cet article reconnait les communautés religieuses et philosophiques, en déclarant vouloir maintenir avec elles «  un dialogue ouvert, transparent et régulier ».

Avec Mgr Noël, nous avions des échanges sporadiques, mais toujours cordiaux. Quand il sut qu’il allait être appelé à servir ailleurs, il me proposa même de postuler pour lui succéder à la COMECE. La Providence m’a mené à parcourir d’autres chemins, mais dans cette suggestion, j’ai vu un signe de confiance de la part de cet homme dont j’admirais la compétence, l’humour et l’enthousiasme.

Mgr Treanor devint évêque du diocèse de Down and Connor – c’est-dire Belfast – en taille le 2° plus grand diocèse de la province ecclésiastique d’Irlande, situé sur le territoire du Royaume-Uni. Il fut un pasteur apprécié et un artisan de paix. En avril 2021, suite à un regain de violences interconfessionnelles, il participa à un appel à la paix au sein de toutes les communautés confessionnelles. Il m’écrivit qu’avec les responsables des quatre églises principales du lieu – presbytérienne, méthodiste, anglicane et catholique – il organisa une marche silencieuse des deux côtés de la frontière entre quartiers catholiques et protestants. Ce fut un geste fort.

En novembre 2022, le pape François nomma Mgr Treanor, Nonce apostolique près de l’Union européenne. C’était une perte pour l’Irlande du nord, mais Rome envoyait ainsi pour soutenir le rêve européen, le prélat le plus compétent qui soit pour occuper pareil poste stratégique. Ceci nous donna de nous revoir. En février dernier, je partageai un repas avec lui, en présence d’un professeur en droit constitutionnel. Ce fut un moment intense.

Nous pensions l’avoir à nos côtés pour des années. Mais voilà… De Là-Haut, il continuera à veiller sur la paix en Irlande du nord et sur l’avenir de l’Union européenne. « Bon et loyal serviteur, entre dans la joie de ton Maître ». (Matthieu 25, 21-23)

 

« Du pain et des jeux…» – 20° dimanche, Année B

« Moi, Je suis le pain vivant ». (Jean 6, 51-58)

Les jeux olympiques de Paris sont clôturés. Comment ne pas applaudir tant d’exploits sportifs ?

Et pourtant, le sport ne peut devenir une religion. Celle du corps, de la performance et de l’audimat. Alors, l’esprit olympique est détourné de son sens premier, qui est d’oxygéner le corps et l’esprit, tout en cultivant une saine fraternité entre les athlètes. Alors, la compétition nous distrait de l’Essentiel – notre devoir d’humanité.

En ne vivant que pour du pain et des jeux, l’homme est distrait de son devoir envers la terre : celle qui crie famine au Soudan et qui hurle sous les bombes à Gaza ou en Ukraine.  En ne vivant que pour du pain et des jeux, l’homme oublie également de lever les yeux vers le Ciel et vers le seul Pain qui permet des performances qui ne diminuent pas avec l’âge.

En Christ, Dieu nous nourrit de sa vie donnée pour le salut du monde. Ce mystère d’amour infini est rendu présent dans chaque Eucharistie. « Moi, Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. » 

Alors oui, faisons du sport. Mais que ceci ne nous détourne pas de notre vocation première : devenir les Nafissatou Thiam de l’amour de Dieu et les Remco Evenepoel du service des hommes.  

Qu’est-ce que l’Assomption, cette grande fête que célèbrent les catholiques?  – La Libre p.33

Ce 14 juillet, veille d’Assomption, est parue ma chronique du mois en p.33 du quotidien La Libre.
Merci à La Libre de m’offrir cet espace d’expression.

« Faim de quoi ?» – 18° dimanche, Année B

« Travaillez pour la nourriture qui demeure ». (Jean 6, 24-35)

Alors que la famine sévit encore au XXI° siècle (pensons au drame du Soudan), nos pays souffrent souvent de malbouffe et d’obésité.

Un signe de notre accumulation de biens matériels, plutôt que de viser la nourriture spirituelle.

« Travaillez pour la nourriture qui demeure », enseigne le Christ. Puis Il ajoute : « Je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi, n’aura jamais faim ».

  

Cérémonie d’ouverture des JO de Paris – la polémique

La cérémonie d’ouverture des JO de Paris a reçu de nombreuses louanges, mais a aussi récolté une volée de bois verts.
Suite à des protestations venues du monde entier, concernant le passage semblant singer la dernière Cène, les évêques de France ont réagi, mais avec nuance et modération : « La cérémonie d’ouverture proposée par le COJOP a offert hier soir au monde entier de merveilleux moments de beauté, d’allégresse, riches en émotions et universellement salués. Cette cérémonie a malheureusement inclus des scènes de dérision et de moquerie du christianisme, ce que nous déplorons très profondément. »
Ceci a entraîné de nouveaux commentaires, certains soulignant que la scène litigieuse ne concernait pas la cène du Christ, mais le banquet des dieux grecs. «  Cul-béni, coincé,… » furent quelques-unes des amabilités échangées.
Nous sommes bien en France… Et que serait la France, sans une bonne petite polémique digne des bagarres au village gaulois d’Astérix?
De toute façon… avec mauvaise foi et parti-pris assumé, je suis d’avis que rien ne pourra jamais surpasser en terme d’auto-dérision matinée de tradition, la scène d’ouverture des JO de Londres montrant Sa Gracieuse Majesté, sautant en parachute avec James Bond… 😉
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Ce qui a sans doute manqué à ce spectacle se voulant résolument progressiste et révolutionnaire, c’est un évocation de l’autre France. Comme si l’histoire du pays avait commencé avec la prise de la Bastille. Comme si Paris éclipsait les campagnes.
Manquait sans doute, quelque chose de l’esprit « Charles de Gaulle », ce génial réconciliateur de la capitale et de la province, de la tradition et de la modernité. Et gommer l’héritage du Général, c’est risquer de voir chez ceux qui ne se reconnaissent plus dans l’image projetée de la Nation, grandir l’ombre sinistre d’un certain Maréchal.
Une parenthèse heureuse, cependant, avec le passage par le chantier de Notre-Dame de Paris et ses artisans virevoltants sur les échafauds.
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Reste que sortir la cérémonie du stade olympique était une idée grandiose, malgré la forte pluie jouant au trouble-fête.
J’ai aimé la scène d’ouverture pleine d’auto-dérision entre Djamel Debbouze et Zidane.
J’ai apprécié « mon trouc en ploum », soit la chanson de Zizi Jeanmaire que Lady Gaga chanta avec son accent américain.
Le duo entre Aya Nakamura et la Garde républicaine était une trouvaille de génie pour souligner l’inclusivité.
La flamme passée au centenaire Charles Coste fut une attention délicate.
Et l’apothéose découvrant Céline Dion chantant l’hymne à l’amour depuis la Tour Eiffel, avec la flamme olympique volant dans les airs, marquera durablement les esprits.
Alors, par-delà les maladresses et polémiques, que vive l’esprit olympique.