C’est le débat clivant, par excellence et ce, depuis des décennies. Lancez le mot « avortement » sur les réseaux sociaux et vous êtes assuré d’avoir une foire d’empoigne. Le récent arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis en est encore l’illustration: il divise la plus puissante démocratie du monde en deux mêlées partisanes.
Pourquoi cela? Parce que la question oppose frontalement deux valeurs démocratiques: le droit de disposer de son corps (étendard des pro-choice) et la défense de la vie humaine à naître (bannière des pro-life). Un compromis harmonieux n’est pas possible: quand avance la liberté de décider de sa grossesse, recule la protection de la vie à naître.
Comparaison n’est pas raison, mais le récent clash bruxellois concernant l’abattage rituel pose un dilemme similaire, avec deux valeurs démocratiques entrant en collision frontale: le bien-être animal et la liberté religieuse. Résultat des courses: les noms d’oiseaux ont volé au Parlement bruxellois et ce, à l’intérieur des mêmes partis politiques. Aux « obscurantistes » des uns, répondirent les « laïcards » des autres.
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Comment s’en sortir par le haut?
– Apprenons à assumer ce rude débat en réels démocrates, en évitant de s’enfermer dans une pure posture idéologique. Ceux qui veulent bétonner leur position dans la Constitution, confondent « démocratie » et « dictature de la majorité ». La démocratie respire, non seulement quand la majorité décide, mais plus encore lorsque toute minorité respectueuse du pluralisme, peut librement exprimer son opposition.
– Que les pro-choice acceptent que les arguments pro-life sont respectables et que leurs arguments ne sont pas dénués de fondements. Toute démocratie reconnaît d’ailleurs que la vie à naître est une valeur à défendre. Voilà pourquoi la libéralisation de l’avortement se fait toujours avec des limites: avorter à neuf mois moins un jour, n’est nulle part accepté. Chacun comprend qu’il n’y a pas un amas de cellule à un moment et puis – pouf! – un bébé qui apparait comme par magie. Ce qui se passe dans le ventre de la femme est une évolution en continuum vers la naissance.
– Que les pro-life acceptent – de même – que les arguments pro-choice sont humanistes et méritent l’écoute. Quand une femme ne veut pas garder la vie naissante en son sein, ce n’est pas par dilettantisme. Personne – du moins, je le crois – n’avorte avec légèreté. J’invite surtout une certaine opinion ultra-conservatrice à s’interroger: est-il logique de défendre la vie à naître, tout en dénigrant la lutte contre le réchauffement climatique, l’accueil généreux des immigrés, voire la limitation des armes en circulation ou l’abolition de la peine de mort?
– Que tous se rendent compte que – si les opinions, ou les postures, divergent frontalement – la façon concrète d’aborder la question, est plus proche qu’il n’y paraît. Je ne connais, en effet, pas de pro-choice qui affirme que l’avortement est un truc super. Je n’ai jamais, non plus, rencontré de pro-life, prétendant qu’il fallait accabler ou stigmatiser les femmes qui ont avorté.
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Mon point de vue
Ce ne sera une surprise pour pas grand monde et je ne m’en suis jamais caché: je suis viscéralement pro-life. Ceci étant dit, je ne suis pas convaincu que le fait de criminaliser l’avortement sans plus, va défendre la cause de la vie. Je puis donc comprendre une dépénalisation encadrée, permette aux femmes qui ne veulent pas poursuivre une grossesse, d’avorter dans de bonnes conditions sanitaires.
Cependant, ceci ne transforme pas un acte moralement aussi sensible, en simple question de « santé reproductive ». Vouloir banaliser l’avortement est un leurre. Il me semble que personne ne le vit ainsi. L’objectif de tout citoyen responsable, croyant ou laïque, homme ou femme, doit être d’améliorer avant tout la prévention, afin de réduire le nombre des avortements autant que faire ce peut.
« Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme – je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. » (Simone Weil – 1974)
Monsieur l’abbé, merci de votre exposé du 27 juin dernier. Je voudrais juste ajouter deux réflexions.
D’abord, au niveau de la société, belge en particulier, on assiste à une intolérance devant toute considération d’ordre morale qui va à contre-courant de l’opinion dominante en la matière. On a l’impression d’assister à une banalisation de l’avortement et on ne pourrait même plus dire que c’est tout de même une question morale grave. Ou est alors la liberté d’expression tellement exaltée chez nous? Et la liberté de conscience? Je pense à celle des médecins, en particulier et des parents qui choisissent en pleine connaissance, d’accueillir un enfant handicapé. Il suffit qu’un homme politique bruxellois cite le roi Baudouin en exemple, pour qu’il s’attire les foudres des ‘bien pensants’. Et c’est avec étonnement et perplexité que j’ai lu que le nouveau chef du CD&V – pourtant prometteur sous certains égards – considère l’IVG comme un droit des femmes…
Une deuxième réflexion concerne « la communauté chrétienne ». J’ai l’impression que de plus en plus de nos catholiques – les ‘culturels’ mais parfois aussi des pratiquants – n’ont plus de conviction basée sur la foi en Dieu Créateur et Sauveur, en la matière. Est-ce que les grandes religions monothéistes ne se rejoignent pas dans la vision de la vie humaine comme don de Dieu? Et même si on peut regarder avec miséricorde les personnes qui, en des situations dramatiques, ont opté pour une IVG, on ne peut pas en déduire que c’est un moyen de contraception ‘normale’. Je comprends que l’Eglise fait rarement appel à un argument de foi, dans le débat public – encore que le respect pour une conviction religieuse, même devenue minoritaire, demande qu’elle soit entendue – mais il me semble qu’à l’intérieur même des milieux qui ont ‘encore’ un lien avec l’Eglise il faudrait davantage approfondir le lien entre cette question morale et la foi.
Mais qui a dit que l’IVG était un moyen de contraception normal ? Pouvez-vous imaginer une seule seconde qu’une femme dise : bah, moi je ne prends pas la pilule, si je tombe enceinte, je me ferai avorter ! Savez-vous qu’en France, 72% des IVG se pratiquent sur des femmes qui prenaient un moyen de contraception fiable ?
Je suggère la vasectomie qui me semble un moyen de contraception fiable :-).
Bonjour, et merci pour cette opinion très intéressante et argumentée.
J’aimerais vous soumettre la mienne, qui diverge en partie (pour rappel je suis du « côté laïque », avec nuance).
Concernant l’abattage rituel, je suis en faveur de son maintien, surtout parce qu’il s’agit d’un prescrit tellement fondamental dans le judaïsme et l’islam que l’interdire me semble vraiment abusif et vexatoire (alors que le hijab par exemple n’est pas une obligation).
Par contre le parallèle avec la question de l’avortement me laisse perplexe. Dans le cas de l’abattage, l’être humain légifère sur les animaux qui ne peuvent que subir quoi qu’on décide. Mais dans le cas de l’avortement, l’être humain légifère sur les femmes qui sont libres de faire leur) choix de vie. Autoriser l’avortement est la seule option qui permette tant aux pro vie qu’aux pro choice le respect de leurs opinions (même bétonnée dans la Constitution d’ailleurs).
Sans vouloir argumenter sur ce point (qui est sans doute pourtant fondamental), je note que vous considérez l’avortement comme un acte « moralement sensible »; personnellement je vois simplement sa dureté psychologique.
Cordialement,
Th
« Pour la vie, toujours »(*) – mais s’il vous plaît : jamais trop fort contre l’avortement
Grâce au courage de six juges on vient de vivre une victoire éclatante et historique du droit le plus fondamental: le droit à la vie. Après au moins 63 millions de vies innocentes arrachées depuis cinquante ans (seulement aux Etats-Unis) on pourrait s’attendre à une réaction enthousiaste et encourageante du Saint-Siège et de l’Église tout court. Et pourtant, la froideur avec laquelle l’Académie pontificale de la vie en la personne de l’archevêque Paglia a « accueilli » le verdict de La Cour suprême des États-Unis en dit autant que le silence parlant de notre pontife à l’occasion de la 10ème rencontre mondiale des familles ou pendant l’Angélus du dimanche dernier.
Oh! Qu’il est difficile (une fois de plus) de s’opposer au mainstream et – surtout – de heurter le tandem des très grandes figures catholiques: Biden-Pelosi. Le jeune professeur qui ose appeler un chat un chat se fait virer, pendant que la ministre militante pro-avortement (Ploumen) se fait décorer par le Saint-Siège. Comprenne qui pourra..
Pro-choice is a lie, babies NEVER choose to die.
Il suffit d’écouter Marie, la Femme par excellence.
(*) Andrea Tornielli, Vatican News.
Pour l’Eglise catholique, c’est clair: la protection de la vie humaine démarre dès la conception. Seulement voilà, à l’opposé de cette conviction, beaucoup de femmes manifestent dans les rues au cri de « c’est mon corps et j’en fais ce que je veux ». Rien que « leur » corps? Si on y va par là, tant que l’enfant qu’elles portent en elles n’est pas né, tant que l’accouchement n’a pas eu lieu, c’est toujours « leur » corps. Dès lors, selon leur « logique » pourquoi ne pas avorter à 7 mois, à 8 mois ou à 9 mois? Car finalement quoi? A partir de quel mois, de quel semaine, voir de quel jour considèrent-elles qu’il ne s’agit plus uniquement de « leur » corps? La science ne répondant pas, quand on voit combien les législations en ce domaine sont différentes d’un pays à l’autre (protection de la vie dès la conception à Malte et seulement à 6 mois au Royaume Uni) par quelle décision arbitraire placer une limite? Celles qui pensent qu’un enfant en devenir n’est pas plus qu’un kyste sont-elles capables de le dire? Sachant qu’elles ont toutes été un foetus et d’abord un embryon (dont le coeur commence à battre à 4 semaines et le cerveau se mettre à fonctionner à 6 semaines), une chose est sûre: si le droit à l’avortement qu’elles revendiquent avait été voté par nos ancêtres, pas mal d’entre elles ne seraient pas nées pour le réclamer.
Faire ce qu’on veut de son corps, est-ce que cela ne devrait pas commencer par refuser le risque que s’y développe l’enfant dont on ne veut pas… Il me semble que l’information est largement diffusée et les procédés techniques bien connus… juste comme ça !