RIP. SM la Reine Elizabeth II – London bridge is down…

Il y a deux jours, une photo la montrait dans son château préféré, Balmoral, nommant son 15e premier ministre, en la personne de Liz Truss.

En grande professionnelle, elle avait soigné son « look » – comme toujours – afin de faire discrètement passer un message: arborant un kilt écossais et le bâton de highlander à la main. La Reine aura plaidé jusqu’au bout pour l’unité du Royaume qu’elle servait depuis 70 ans.

Ce fut son chant du cygne. Cette chrétienne convaincue, qui parlait de sa foi à chaque message de Noël, a connu son grand passage.

Celle qui a occupé une place si particulière dans le monde, combinant la pompe monarchique avec l’humour – en compagnie de James Bond ou de l’ours Paddington – veillera sur son Royaume et le Commonwealth depuis l’Eternelle Lumière.

Prions pour cette grande Dame et pour son successeur.

God save the King!

Comme tant de personnes, je me sens triste. Cela est-il bien raisonnable, alors qu’il y a des choses bien plus terribles en ce monde? Bien sûr… Néanmoins, j’ai tenté, il y a plus de dix ans de m’expliquer de cet attachement, dans une chronique publiée dans le quotidien La Libre.

La voici:

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Ma’am…

Ma’am, voilà soixante ans que vous êtes montée sur le trône comme d’autres entrent en religion. Soixante ans que vos tenues rose fuchsia ou jaune canari sillonnent les recoins de l’ancien Empire. Soixante ans que – de Churchill à Cameron – c’est en votre nom qu’au pays de Shakespeare toute politique se fait. Ma’am, en soixante années, vous êtes devenue le symbole même de l’idée monarchique. Idée surannée ? Voire. La monarchie place l’attachement émotionnel au sommet de l’Etat, là où la république privilégie l’arithmétique électorale et donc la raison. Les deux archétypes de ces régimes sont la couronne britannique et les Etats-Unis d’Amérique. Au Royaume-Uni, toute pompe va au monarque qui n’exerce pas la moindre once de pouvoir. Son rayonnement est de l’ordre de l’affection. Par équilibre, la politique est rabaissée symboliquement : Downing street ressemble à une bâtisse de notaire et son occupant n’a pas le droit de s’asseoir lorsque le souverain s’adresse au parlement. Aux Etats-Unis, la logique électorale joue jusqu’au sommet de l’Etat. Les élections présidentielles sont dures, mais désignent un vrai chef. Ce dernier n’a droit qu’à deux mandats, afin d’empêcher toute dictature. Le chef est reconnu de tous, mais reste l’homme d’un camp : demandez aux républicains ce qu’ils pensent de leur président démocrate, vous aurez la même réponse que celle des démocrates, alors que le président était républicain… Choisir entre monarchie constitutionnelle et régime présidentiel, c’est donc un peu comme choisir entre Tintin et Largo Winch. Tintin, c’est la ligne claire : un dessin simple et des personnages typés. Et pourtant, il se dégage de l’ensemble une émotion qui fait toucher au « plus-que-réel ». Il en va de même en monarchie : chacun sait bien que quelque part, Ma’am, vous êtes presque une granny comme les autres, mais le principe monarchique vous investit du poids émotionnel de représenter la Nation. La république, elle, c’est le monde de Largo Winch : un univers réaliste qui se calque froidement sur la réalité. Elle introduit dès lors l’arène politique jusqu’au sommet de l’Etat.

Un système est-il préférable à l’autre? Tout est question de choix, d’opportunité et de subjectivités… Ma’am, quand vêtue du vert d’Irlande, vous déposiez en mai dernier une gerbe au Garden of Remembrance de Dublin – lieu qui fait mémoire des patriotes tombés pour l’indépendance – chacun comprit que c’était toute la nation britannique qui faisait amende honorable. A celui qui essaierait de symboliser cela avec autant de force en république, je donne à parier une boîte de biscuit « choco-prince de Beukelaer » qu’il n’y réussira pas. A contrario, la monarchie a ses talons d’Achille. Il y a le piège de la santé mentale : il est si tentant de devenir gentiment condescendant quand le monde entier vous fait des courbettes. Et puis, il y a le coût du naufrage : Nixon démissionna sans que l’Amérique ne vacille, mais Edouard VIII n’abdiqua que sur fond de crise de régime. Quand la couronne chancelle, l’Etat perd la tête. Voilà pourquoi, si d’un côté de l’Atlantique on intercède pour la Nation, de l’autre on implore pour son incarnation. Au ‘God bless America’, répond le ‘God save the Queen’. Dans les deux cas, cette référence séculière au divin en appelle à un au-delà de la politique : la Nation se reconnaît mortelle et insérée dans une destin qui la transcende. Ma’am, c’est donc au nom du Très-Haut que la couronne fut posée – il y a soixante ans d’ici – sur vos jeunes épaules. Depuis vous la portez contre vents et marées, avec un rare sens du devoir et ce flegmatique ‘never complain, never explain’.  Si vous n’êtes pas vraiment à plaindre, pareille cage dorée n’est pas non plus à envier. Voilà pourquoi, même au XXIe siècle, ce naïf « Dieu sauve la Reine » n’a guère perdu de son actualité.

19 réflexions sur « RIP. SM la Reine Elizabeth II – London bridge is down… »

  1. Oui: avec tous ceux qui croient en l’existence du purgatoire (sans lequel la prière pour les défunts n’a aucun sens) prions le Seigneur pour la Reine Elizabeth… tout en faisant de même pour ceux et celles qui, hier également (après une vie parfois exemplaire), sont entrés dans l’au-delà sans avoir eu le moindre hommage dans les médias.

    1. cher Jean Pierre,
      Chaque soir que Dieu fait, dans tous les lieux ( monastères, communautés, cures, ordres séculiers) ….. où on prie le Livre des Heures ( anciennement dit  » Brévaire  » ), on demande que les défunts ( certains jours  » TOUS LES DEFUNTS  » ) soient accueillis dans le Royaume du Père. Par la passion de Son Fils et en faisant appel à Sa Miséricorde Infinie.
      Tous les lieux , ça fait beaucoup de monde mais votre, notre prière n’est pas superflue.
      Merci de nous l’avoir rappellé.

    2. PS : Les  » intentions de prière  » du livre d’ heures ( Getijdenboek) sont riches, multiples et varient d’un jour à l’autre afin qu’à la fin du mois , personne ( ckômeurs, détenus, isolés, familles, malades, exilés , personnes consacrées, responsables etc…..) n’ait été oublié. Sans parler des « intentions libres « . Ces  » intentions  » ( voorbeden) sont admirablement écrites et très émouvantes. Le livre, dans sa forme actuelle , met l’ancien  » Bréviaire  » à la disposition de tout baptisé . Il est le fruit de la réforme Liturgique du concile Vatican II .

    3. Le Père Eric a écrit des choses admirables sur ce grand passage . sur la prière pour et avec les défunts .
      En haut, à droite, sur Recherche, écrivez « purgatoire « .
      Ecrire sur le purgatoire, aujourd’hui, pour un public d’  » intellectuels  » demande beaucoup de courage …… intellectuel ! Mais aussi, l’ intelligence du coeur.

  2. Pourquoi les gens qui meurent nous paraissent très souvent pleins de qualités ? Pourquoi il semblerait que la mort embellisse les gens qui nous quittent ? Pourquoi alors attendre la mort des gens pour mettre en évidence leurs qualités ?
    Et pourquoi en ce moment si particulier oublier le côté sombre de la personne qui s en est allée ?
    Comme si la mort embellissait toute vie.
    Et puis s il y a bien une chose qui nous unit dans une destinée commune, c’est bien la mort.
    Honorer un mort, c’est faire cause commune. C’est partager nos propres destinées dans l espérance de se revoir sous d autres lieux insoupçonnés ici bas mais tellement au cœur de notre foi.

    1. C’est le vide que leur départ laisse au coeur de notre vie qui nous pousse en un moment comme celui-ci.
      Quoi de plus humain?
      Faut pas chercher beaucoup plus loin.

    2. Afin d’éviter qu’on oublie volontairement mon côté sombre , comme vous dites si bien, j’ai demandé qu’il n’y ait pas d’homélie – genre concert de louanges – ni quoique ce ce soit qui ressemble à un panegeryque, pendant la messe de mon enterrement.
      Le temps ainsi gagné permettra de lire un beaux texte religieux de circonstance qui gagne à être connus ( j’en ai déjà un , plutôt court et donc je pourrais, lui ajouter quelque chose sur le purgatoire, par ex. un texte du Père Eric . Je ne plaisante pas, je l’envisage sérieusement mais je devrai préparer -avec de l’aide- une traduction fidèle , en nl , un peu « tussentaal « ).

      1. Je vous suis tout à fait : le panégyrique qui vient un peu trop tard ne présente à mes yeux aucun intérêt. J’ai laissé des instructions en ce sens (on n’est jamais trop prudent ;-) ) et j’ai dit que je ne voulais pas « qu’on me rende hommage », juste qu’on me rende justice, ce sera déjà pas mal ;-) )

  3. Cher Père
    C’est avec une profonde émotion que je vous lis tant au moment du retour à Dieu de SM la Reine que dans votre magnifique contribution il y a déjà dix ans
    Peut-être puis-je souligner l’universalité du chagrin qui touche au-delà du Royaume Unis et des 56 pays du Commonwealth le monde entier
    La Reine n’a jamais failli à sa promesse de ses 21 ans “Whether my life will be short or long l will devote it entirely to your service “
    Le peuple britannique les 14 pays dont elle est Reine et les pays du Commonwealth ont exprimés et expriment la reconnaissance et l’affection à Celle qui a consacré sa longue vie à les servir
    Sa foi en Christ rédempteur était le fondement de Son action sans concession pour la Grandeur britannique et le tiers de l’humanité avec lequel la Couronne est historiquement lié mais incroyablement modeste dans sa vie personnel
    Si besoin était de signaler la ferveur pour Sa Personne puis je poser cette simple question Il a t il un autre endroit au monde où tout un peuple fait la file sous la pluie pendant 48 heures pour rendre hommage à leur Souverain
    Be blessed Sovereign Lady God Save the King

      1. Le choix de ceux qui furent invités à parler était surprenant : Paula D’Hondt ( accueil des étrangers), Chris De Stoop ( accueil des victimes du commerce des femmes ), Will Tura, Julos Beaucarne ( un ami personnel du roi ) …. Une jeune philippine,victime du commerce des femmes était tellemenet émue qu’elle ne pût lire son texte ….. ….. ….. ……
        Souvenirs qui nous émeuvent encore aujourd’hui.

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