Quand l’Union européenne alloue des moyens (300 millions d’euro tout de même) pour isoler les bâtiments scolaires (ce qui deviendra à terme une obligation pour toutes les écoles), le Gouvernement de la Communauté Wallonie-Bruxelles propose d’octroyer près de 60% de cette somme au réseau Wallonie-Bruxelles, qui ne scolarise pourtant que 15% des élèves, alors que le réseau libre d’origine catholique, qui scolarise près de 50% des élèves, ne recevrait que 18,5%. Raison? Cet argent, la Communauté la garde pour « ses » bâtiments et non pour les immeubles scolaires qui appartiennent à « d’autres ».
En filigrane, se lit ici l’argumentation que – plutôt que de réclamer de l’argent public – les bâtiments « privés » de l’enseignement catholique devraient être entretenus par ceux qui en bénéficient, car « financés par des fonds privés et bénéficiant d’un énorme patrimoine historique » Je cite ici le communiqué du Centre d’Action Laïque (CAL), dont le mythe fondateur est l’avènement d’un réseau public unique, à son image et à sa ressemblance.
Soyons lucides: les vieux réflexes idéologiques prennent une fois de plus le dessus sur la réalité du terrain. Car – non – il n’y a plus d’une part une « école confessionnelle » et de l’autre une école « neutre, publique et citoyenne ». Il y a deux réseaux, qui scolarisent, selon une pédagogie propre mais nullement antagoniste, des enfants dans un monde en mutation. Le réseau libre scolarise globalement les mêmes élèves que les autres réseaux et le fait dans le même respect du pluralisme de leurs origines. Voir en l’école libre, « l’école des curés », c’est donc faire de l’idéologie aussi bête que surannée.
J’ai fait les deux écoles et je puis dire que j’ai autant d’estime pour les écoles communales et athénées, que pour les écoles libres. Les deux réseaux offrent un enseignement de qualité. Et ce, grâce à des enseignants souvent admirables. La principale différence n’est pas idéologique, mais dynamique. De par son mode de fonctionnement faisant davantage appel à l’initiative de la population locale et au bénévolat d’enseignants et parents, l’enseignement libre coûte moins cher. Il coûte moins cher, mais est aussi lourdent sous-financé (car – non – il n’a pas de « fonds privé » pour le soutenir). Les accords de la Saint-Boniface, qui stipulaient en 2001 que l’école libre recevrait 75% des moyens financiers de ce qui est accordé à l’école communautaire, ne sont toujours pas appliqués. En Wallonie les dotations et subventions par élèves pour le libre tournent autour de 50% de celles des écoles de la Communauté, alors qu’en Flandre elles sont quasi équivalentes…
Malgré ce sous-financement et le fait que la proportion de catholiques recule dans la population, l’enseignement libre garde un incroyable succès. Si les biens alloués à l’enseignement en Communauté Wallonie-Bruxelles pouvaient être octroyés aux écoles via un « chèque éducation » que chaque parent donnerait à l’école de son choix, il y a même fort à parier que l’enseignement libre serait très riche. Car – oui – envers et contre tout, il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que la population plébiscite ce réseau.
Et pourtant, le système est sous grande tension: à force de priver l’enseignement libre des moyens de vivre, il risque de s’effondrer. Ne resteraient que quelques écoles fortes, qui survivraient en devenant des écoles de favorisées, de par les finances parentales… Comme dans le système anglo-saxon. « La bonne affaire! », piafferont les partisans du réseau unique, « nous récupérerons la mise ». Voire. Si tous les élèves en communauté Wallonie-Bruxelles devaient être scolarisés par le réseau public, celui-ci tomberait rapidement en faillite. En effet, ce qui permet à l’impécunieuse Communauté Wallonie-Bruxelles de tenir le coup, c’est justement le fait que la moitié de ses élèves sont scolarisés dans un enseignement libre, moins coûteux pour la collectivité.
Ceci m’amène à penser que, si un jour il faut vraiment se résoudre à fusionner les réseaux scolaires, il s’agira alors de créer un seul réseau… libre. Un réseau d’écoles libres, rattachées à différentes familles de conviction. A l’instar de l’ULB, université « libre », rattachée au libre-examen.Ceci nous ramènerait aux origines de la Constitution belge qui, en son article 24 actuel, stipule que l’enseignement est libre. Le Constituant a voulu privilégier le choix des parents, laissant à l’action publique un rôle de suppléance, là où l’initiative privée ne suffisait pas à scolariser la population. L’histoire a donné à l’enseignement en Belgique une autre configuration avec un réseau public et un réseau libre qui se font face et même gentiment concurrence. Que les partisans du réseau public n’oublient cependant pas, qu’en privant le réseau privé des moyens de vivre, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis, en provoquant à terme la faillite de tout le système éducatif.
Excellent « état des lieux ». Si le Libre devait disparaître, l’État devrait payer la facture de l’uniformisation et je veux croire que tous les acteurs du secteur le savent… sauf le CAL, évidemment.
Excellent.
Remarquables observations, remarquables analyses.
Merci M. l’abbé.
Grand merci Monsieur l’Abbé pour cette excellente façon de faire comprendre combien il est indispensable de donner de justes moyens à l’enseignement catholique pour qu’il puisse poursuivre son service directement et indirectement à l’ensemble de la société !