Ci-dessous, voici ma chronique, parue cette semaine en p.10 de M… Belgique. Merci à la rédaction de me donner cet espace d’expression.
10 mai 2015 – 75e anniversaire de la nomination de Churchill, tombeur d’Hitler, au poste de premier ministre. 8 mai 2015 – 70e anniversaire de la victoire des Alliés, appelé ‘VE day’ au Royaume-Uni. Nulle autre nation européenne (sauf peut-être l’URSS) n’est sortie de la deuxième guerre mondiale avec autant de gloire et de fierté. Ni la France basculant de Pétain à de Gaulle, ni la Belgique et son roi prisonnier. Encore moins l’Italie ou l’Allemagne. Cette gloire britannique lui coûta l’Empire, mais gagna aux sujets de Sa Gracieuse Majesté la reconnaissance éternelle des démocrates. Pour beaucoup – dont l’auteur de ces lignes – la Grande-Bretagne demeure une référence et comme une seconde patrie. 7 mai 2015 – élection générale au Royaume-Uni. Contrairement à toutes les prévisions, les Conservateurs recueillent la majorité absolue au parlement. Preuve de la stabilité du pays ? Pas sûr. Poussé par un vent europhobe, David Cameron a promis d’organiser en 2017 un référendum sur l’adhésion à l’Union européenne. D’où problème : Là où les Anglais semblent portés au « Brexit », les nationalistes écossais du SNP – fort de leur raz-de-marée électoral – ne veulent pas en entendre parler. Si le Royaume-Uni quitte l’Europe, il risque de le payer à terme par un autre référendum – celui qui scellera l’indépendance de l’Ecosse. Coincée entre une Irlande et une Ecosse profondément pro-européennes, l’Angleterre deviendrait alors une sorte de ‘Norvège de l’Ouest’. La ‘Grande’-Bretagne aura vécu.
Les faits sont ce qu’ils sont: bon nombre de pays européens sont aujourd’hui des pays d’émigration. Oui, Emigration avec un “E”. Dont le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie pour n’en citer que quelques uns.
Je sais, l’Allemagne et accessoirement quelques petits pays secondaires constituent plus ou moins de notables exceptions.
Depuis maintenant une bonne demi-douzaine d’années et par centaines de milliers, les jeunes professionnels qualifiés fuient cette Europe vers des cieux plus cléments. Où? Pour un très grand nombre, vers…. tiens, tiens… le Royaume-Uni, qu’imprudemment vous pointez du doigt, au velléités de brexit.
Et pendant ce temps-là, vous nous entretenez de crépuscule… Ils sont nombreux sont qui sont en face de vous à penser l’exacte contraire.
L’Europe est aujourd’hui pour une bonne part une terre d’émigration. Vous qui dans un contexte différent êtes si sensible à ce sujet, je suis sûr que vous comprenez (aussi) la tragédie que cette émigration représente pour nos jeunes qualifiés lesquels sont contraints de quitter leur pays pour qu’ils puissent “make a decent living”.
La question qui reste posée est celle-ci: où trouvez-vous l’énergie de continuer à propager votre Europidolatrie?
Je sais que grand nombre de mes amis britanniques seront profondément touchés par ces mots de reconnaissance pour le peuple exceptionnel qu’ils représentent. J’ai eu, moi aussi au cours des plus de trente années parmi eux, l’occasion de leur dire combien le monde occidental leur doit pour leur courage et leur volonté de lutte quand tout semblait perdu. Curieusement, cela semble les surprendre chaque fois.
Ils ont une vue de l’Europe souvent différente de celle des « continentals ».
Je pense que c’est dû à une longue tradition de démocratie parlementaire beaucoup plus ancienne que le reste de l »Europe.
Je pense aussi que la crise d’identité que traverse l’Union Européenne aujourd’hui exige un regard frais, innovant, du « lateral thinking », un art dans lequel le génie anglais excelle.
Au de considérer que le Royaume Uni est prêt à sortir, l’Union Européenne devrait saisir l’occasion pour se réexaminer elle-même. Malheureusement, la vague de fond en Europe est faite de populisme et d’idées toutes faites, où le rejet du modèle libéral et une certaine anglophobie font figure de proue.
Si, par malheur, le « crépuscule » du Royaume uni devait annoncer la nuit noire de sa dissolution, le « Götterdämmerung » de l’Union Européenne ne sera pas loin.
« As night follows day », comme nous disons ici.