L’arrêt de la cour constitutionnelle déclare que le caractère obligatoire des cours des religion et de morale laïque dans l’enseignement officiel de Belgique francophone serait contraire à la constitution et aux droits de l’homme. Dont acte.
Pour rappel, la «neutralité » de ces cours était assurée à l’origine par un cours de morale laïque « neutre », mais le Centre d’Action Laïque en fit par la suite un cours «engagé » au service du libre-examen. D’où la difficulté actuelle. Pourtant, le Centre d’Action Laïque applaudit l’arrêt de la Cour, car il souhaite que tous les cours philosophiques soient « neutralisés », pour se fondre dans un cours de philosophie. Cette volonté n’est pas un scoop.
Personnellement, je ne puis que rappeler ce que j’ai écrit dans le quotidien « La Libre », il y a quelques semaines. Et d’ajouter que, par rapport à la nouveauté que constitue cet arrêt, il s’agit de le gérer comme en Flandre. Les élèves que leur parents souhaitent dispenser de cours philosophiques, recevront un autre encadrement. Pourquoi pas un travail pédagogique dans le prolongement de l’heure commune de cours à la citoyenneté – que l’enseignement officiel s’apprête à inaugurer ? D’autres pistes peuvent être envisagées, mais je le redis : Si l’école traite la spiritualité comme une matière toxique à n’enseigner que sous protection du filtre d’une hypothétique neutralité ; si elle renonce à intégrer la croissance spirituelle du jeune dans son offre pédagogique – il ne faudra pas s’étonner que certains élèves fragiles nourrissent encore davantage leur quête de sens en fréquentant d’obscures officines et des sites web fanatisés. Le drame Charlie rappelle l’importance de la laïcité. Mais il existe d’autres modèles que la laïcité à la Française. A l’école, comme ailleurs – chassez le spirituel…
Bonjour,
Cet arrêt de la Cour constitutionnelle est très intéressant ainsi qu’assez paradoxal sous certains aspects.
La Belgique n’étant pas un état constitutionnellement laïc, on a en effet vu la laïcité finalement se positionner en tant qu’organisation ayant même statut que les religions et d’ailleurs subventionnée comme elle. C’est à la fois pragmatique et parfaitement illogique, puisque le principe de laïcité se situe au-dessus des religions et des croyances et est d’ailleurs le garant de leur coexistence pacifique.
Cet arrêt aura sans doute le mérite de forcer l’enseignement officiel à sortir de l’impasse dans laquelle il tourne en rond depuis bien longtemps. Quel plaisir (et quelle économie incidemment) de revenir à un seul cours organisé pour tous, centré sur les notions de citoyenneté, de vivre-ensemble et espérons le sur l’étude des spiritualités.
Je serais toutefois curieux de voir comment on parviendra à en garantir la neutralité, sinon en le bâtissant justement autour du principe de libre-examen.
Bonne soirée
Bonsoir cher Monsieur de Beukelaer,
Il y a longtemps que nous n’avions plus « croisé le fer » – courtoisement s’entend – à propos de nos points de vue, souvent mais pas forcément divergents ! … Je suis heureux que l’actualité, commentée dans votre blog, m’en donne une nouvelle occasion.
Il n’est pas question de « chasser le spirituel », ni de « traiter la spiritualité de matière toxique à enseigner » !
D’abord parce que la spiritualité religieuse, voire sectaire ou fondamentaliste, reviendrait en effet au galop, puisqu’elle procède d’une disposition atavique, partiellement génétique d’un besoin de sécurisation et de sens, à condition pourtant d’avoir été favorisée par des influences culturelles précoces et unilatérales (vous connaissez mon refrain !).
Ensuite parce que vous ne mentionnez jamais dans vos écrits (sauf erreur car je ne les lis pas tous !) qu’il existe aussi une spiritualité « laïque », dans le sens de non-confessionnelle et même maçonnique, lorsqu’elle est a-dogmatique.
Que vous l’occultiez est évidemment logique et « de bonne guerre », pour ne pas dire jésuitique, différente de la laïcité « politique » (que vous approuvez, elle, puisqu’elle favorise paradoxalement le prosélytisme de toutes les religions, grâce à l’actuelle conception laxiste et électoraliste de la tolérance et de la neutralité, y compris à l’égard de l’islamisme politique …).
Je comprends que vous préfériez la soumission religieuse (même imposée) au libre-examen des laïques. Pourtant, si l’évolution animale (dieu pour vous) a pourvu le cerveau des primates bipèdes que nous sommes de la capacité d’être autonomes et responsables, n’est-il pas indigne d’y renoncer, et inacceptable que les religions aient encore légalement le droit de dominer les consciences, à leur insu ?
Je suis même d’accord avec vous, et avec Nadia GEERTS, pour dire que « la neutralité n’est pas neutre ». Il ne sera pas évident dans les années à venir de « reconvertir » des enseignants sincèrement croyants, « formés aux sciences (? !) religieuses afin qu’ils fassent abstraction de leurs certitudes plus émotionnelles que rationnelles.
Par contre, je pense que les professeurs de morale laïque, par définition plus rationnels, seront plus objectifs. Mais il est évident qu’une objectivité totale est illusoire. Il n’est question que de tendre vers le plus grand respect d’une élémentaire honnêteté intellectuelle.
Je doute fort que, sauf peut-être pour la forme et donc hypocritement, « le dialogue interconvictionnel et d’éducation à la citoyenneté » soit « déjà présent dans les cours de religion, par définition communautaristes .
La fusion des réseaux d’enseignement arrivera tôt ou tard, malgré l’opposition des religions.
Vos commentaires m’intéresseraient vivement, et je vous en remercie déjà.
Cordialement.
Michel THYS, à Ittre.
P.S. (Désolé d’être aussi bavard !).
Je me permets en effet, pour votre information, de mentionner ci-dessous mon commentaire à «lalibre.be » :
Michel Thys · Meilleur commentateur ULB BE
Compte tenu de la confrontation croissante entre les trois monothéismes, et aussi du nombre inquiétant de jeunes belges endoctrinés par des islamistes, il était urgent que l’on se préoccupe enfin, à titre préventif, de mieux enseigner les valeurs « universalisables », car bénéfiques à tous et partout, de l’humanisme laïque.
Cela devrait permettre à TOUS les élèves, enfin réunis, d’acquérir un meilleur esprit critique !
Mais, du fait de la conception actuelle (laxiste et électoraliste) de la tolérance et de la neutralité, et aussi de la « déférence » constitutionnelle à la religion et à l’enseignement religieux, seuls les élèves de l’enseignement officiel bénéficieront de cet arrêt de la Cours constitutionnelle, au mieux une fois converti en décret !
Les élèves de l’enseignement confessionnel, surtout catholique, continueront hélas à subir le « projet éducatif » évangélisateur, prosélyte et communautariste de cette religion. Certes, ce projet est devenu hypocritement plus opportuniste, mais il persiste évidemment à occulter, ou au moins à dénigrer, autant que possible, les options des autres religions et surtout celles qui sont non confessionnelles …
Il faut donc, à mon sens, aller plus loin et se poser certaines questions fondamentales :
À notre époque de pluralité des cultures et des convictions, n’est-il pas plus que temps de repenser le « pacte scolaire de 1959 » et surtout l’article 24 de la Constitution relatif à la liberté de l’enseignement et de l’éducation, qui « garantit » soi-disant la liberté de conscience et de religion ? Celle-ci n’est-elle pas d’ailleurs plus symbolique qu’effective ? Les parents croyants (surtout musulmans, exemple extrême), quoi qu’ils en pensent, ont-ils vraiment choisi leur religion, et même de croire ?
L’école, idéalement « pour tous », ne devrait-elle pas dès lors compenser les influences familiales, certes légitimes, mais unilatérales et communautaristes ?
Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, et par élémentaire honnêteté intellectuelle et morale, comment encore tolérer que toutes les religions aient légalement le droit d’ imposer, dès la prime enfance et donc en l’absence de tout esprit critique, la croyance en un dieu dont l’existence n’apparaît pourtant que chez les primates humains, lorsque leur néocortex frontal s’est hypertrophié au point de devenir capable d’imaginer un dieu anthropomorphe et sécurisant ? N’est-il pas évident que les influences éducatives précoces, et donc affectives, laissent des traces le plus souvent indélébiles dans le cerveau émotionnel, et qu’elles affecteront l’esprit critique ultérieur, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect ?
Une saine conception de la tolérance et de la neutralité n’impose-t-elle pas que TOUS les enfants et adolescents aient enfin le droit de découvrir, intellectuellement, progressivement et de manière non prosélyte, À LA FOIS un minimum de culture religieuse (et le degré de soumission qu’impose chaque religion !) ET les valeurs de l’humanisme laïque (dont l’autonomie de la conscience et la responsabilité individuelle, l’esprit critique, l’acceptation de la différence de l’autre, etc.) ?
Michel THYS
Cher Monsieur,
Vous écrivez: « Ensuite parce que vous ne mentionnez jamais dans vos écrits (sauf erreur car je ne les lis pas tous !) qu’il existe aussi une spiritualité « laïque », dans le sens de non-confessionnelle et même maçonnique, lorsqu’elle est a-dogmatique. Que vous l’occultiez est évidemment logique et « de bonne guerre », pour ne pas dire jésuitique, différente de la laïcité « politique » (que vous approuvez, elle, puisqu’elle favorise paradoxalement le prosélytisme de toutes les religions, grâce à l’actuelle conception laxiste et électoraliste de la tolérance et de la neutralité, y compris à l’égard de l’islamisme politique …). »
C’est bien la preuve que vous me lisez bien mal. Tout dans mes écrits, dit au contraire qu’il existe une authentique spiritualité laïque.
Mais j’ajoute qu’il existe également chez d’aucuns un réel « dogmatisme laïque ». Et quand je lis sous votre plume: « Je comprends que vous préfériez la soumission religieuse (même imposée) au libre-examen des laïques. » … c’est exactement cela que je vise.
L’homme spirituel est respectueux de l’autre, car « il sait qu’il croit ». Le dogmatique se pense supérieur à l’autre qui ne partage pas ses convictions, car « il croit qu’il sait ». C’est exactement ce que j’ai ressenti avec votre commentaire. Ceci dit – sans aucun jésuitisme… ;-)
Bien cordialement,
EdB
Cher Monsieur de BEUKELAER.
Merci pour votre prompte réponse.
Sorry, et mea culpa : je vais prendre connaissance de vos écrits !
Je viens d’écouter votre podcast du 12 juillet 2012, où vous reconnaissez en effet qu’il existe « d’autres formes de spiritualité », mais sans les préciser, ce que je comprends puisque celle qui est religieuse a forcément votre préférence .
Oui, « il existe chez d’aucuns un réel dogmatisme laïque », mais j’estime ne pas en faire partie. D’abord parce que, dans l’état actuel des sciences, dont la psycho-neuro-physiologie, je pense que la croyance religieuse restera toujours légitime et respectable (comment pourrions-nous par exemple comprendre en quelques décennies les processus évolutifs qui se sont succédés depuis des centaines de millions d’années ? Le créationnisme ou le « dessein intelligent » ont encore de beaux jours devant eux !).
Ensuite parce que je ne prétends évidemment pas être « supérieur» à celui qui ne partage pas mes convictions : j’ai seulement eu la chance de pouvoir découvrir, avant l’âge de 25 ans, les alternatives non confessionnelles occultées par le protestantisme « libéral » (je me croyais « du bon côté de la barrière dogmatique ») ! Je respecte donc les croyants non terroristes, victimes à mes yeux des religions, mais je condamne celles-ci en fonction de la soumission qu’elles imposent.
Enfin parce que, malgré parfois les apparences, je ne cherche pas à convaincre les croyants ou à démontrer l’inexistence de « Dieu » (une inexistence ne peut d’ailleurs se démontrer qu’en mathématique, par l’absurde). Mais je réagis par autodéfense, à tout prosélytisme religieux : certes, il a le droit de s’exprimer, mais pas, à mon sens, celui d’être unilatéral et « évangélisateur » (Tout être humain naît évidemment « a-thée » et le reste, sauf influences religieuses !).
Je propose en effet l’hypothèse que les dieux n’auraient qu’une existence subjective, imaginaire, anthropomorphique et donc illusoire dans l’esprit des croyants, à condition qu’on l’y ait mis au sein d’un milieu croyant exclusif et communautariste. Mais à chacun sa propre « vérité », partielle et provisoire !
Je pense enfin qu’un croyant, surtout s’il est dogmatique, « croit qu’il sait », plutôt qu’« il sait qu’il croit », parce que, privilégiant son cerveau émotionnel, il rationalise sa foi. L’athée, lui, ne croit rien, et sait qu’il ne sait rien …
Bien à vous,
Michel THYS
Le rationalisme devient effrayant et dogmatique de nos jours, alors que l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence.
Et cette fausse courtoisie, cette impossibilité d’écrire « abbé de Beukelaer », cette condescendance face aux malheureuses « victimes » qui n’ont pas compris leur aliénation, brrrh ça me fait froid dans le dos, ça sent le commissaire politique qui sait, qui a tout compris à tout.
Car finalement, croire en un Dieu transcendant, cela ne revient-il pas à reconnaître que des choses nous dépassent, tout simplement?
Ma foi est celle que l’on qualifie souvent de foi du charbonnier, mais si vous saviez comme elle me rend heureux, et si vous ressentiez la force qu’elle me donne…
Cette laïcité militante me laisse pantois et triste.
Bonsoir Colas :
Permettez-moi de vous répondre, pour la forme, puisqu’il n’est pas question de chercher à nous convaincre mutuellement, mais de mieux comprendre nos points de vue respectifs.
Ma foi protestante (libérale) d’il y a 54 ans, était inspirée par le libre-examen et permettait une certaine interprétation de la bible. Elle ne fut donc jamais celle « du charbonnier ». Mais je comprends celle-ci parce qu’elle répond à la première loi naturelle qui régit tous les êtres vivants : « se rapprocher de ce qui est bénéfique et fuir ce qui est nuisible ». Aussi bien la fleur qui se tourne vers le soleil que le Dr Alexis CARREL, prix Nobel ( hélas aussi partisan de l’eugénisme en 1932 !) qui, lui aussi, « sentait Dieu aussi simplement que la chaleur du soleil» (dans « L’Homme cet inconnu », ou dans « Le miracle de Lourdes » ou dans « La prière », je ne me souviens plus.
Mais – je vous le demande -pourquoi votre dieu a-t-il pourvu l’être humain d’un cerveau rationnel, plutôt qu’uniquement émotionnel ? Je vous concède que sans cerveau rationnel, l’être humain n’aurait jamais pas pu imaginer et donc croire en un dieu, d’autant plus facilement que l’émotionnel domine facilement le rationnel non pourvu d’esprit critique.
« Croire en un Dieu transcendant » et donc « reconnaître que des choses nous échappent », comme on pouvait encore le penser au Moyen-Age, et surtout renoncer à l’autonomie de sa conscience au profit de la soumission religieuse à un « Seigneur », à son prophète et à un texte « sacré » manipulé au cours des siècles, n’est-ce pas abdiquer de cette capacité humaine qui nous distingue des autres mammifères ?
Oui, je suis incapable d’appeler Monsieur De BEUKELAER « Monsieur l’abbé », et encore moins « mon père », et surtout pas un évêque ou le roi, « Monseigneur »… Nous sommes tous égaux en dignité et en droits … !
Nulle « condescendance » de ma part à l’égard des croyants, mes frères humains : je regrette seulement qu’ils n’aient pas (encore) eu l’occasion (ou comme moi la chance) d’interpréter l’origine éducative et culturelle de leur foi, ainsi que sa persistance à la lumière des observations des neurosciences, aussi partielles soient-elles encore. Cela permet aux religions de maintenir leur mainmise sur les consciences, et donc en effet une « aliénation » inconsciente du cerveau émotionnel des croyants.
Les « commissaires politiques » n’existent que dans des dictatures, lesquelles n’ont rien à voir avec l’athéisme (confusion fréquente), celui-ci étant un option philosophique rationnelle librement acceptée.
Mais je suis d’accord avec vous pour condamner le « rationalisme » de jadis, pur et dur, intolérant, incapable qu’il était de réaliser un équilibre harmonieux entre la raison et le sentiment, et contestant même, à la limite, le droit de croire.
Je le répète, la laïcité ne devient militante que par réaction auto-défensive face au prosélytisme croissant de toutes les religions.
Vos échanges me font penser à un Gascon qui s’adresserait à un Bourguignon pour lui expliquer que le foie gras est meilleur que le Gevrey-Chambertin, le Bourguignon soutenant l’inverse, cela va de soi. Il faut accepter qu’en certaines matières, les points de vue sont et resteront inconciliables. C’est un fait et il faut s’en accommoder.