Dieu et la science… (La Libre 3 mars)

La plupart des théologiens – dont je suis – sont hostiles au concordisme entre science et foi. Inutile de chercher à « prouver Dieu » par la science – ou à prouver qu’Il n’existe pas. En cliché : La science cherche le « comment ça fonctionne ? » La foi est de l’ordre du « pourquoi il en est ainsi ». Seuls les fondamentalistes prétendent qu’ils « savent » (que Dieu existe ou qu’Il n’existe pas). Le spirituel – lui – croit (que Dieu existe , ou n’existe pas).

Reste la question de la crédibilité. En 1952, le philosophe athée Bertrand Russel écrivait que le fait que l’on ne puisse prouver qu’une chose est fausse, ne la rend pas crédible pour autant. Il ajouta : « Si je prétends qu’une théière vole quelque part en orbite entre la terre et Mars, personne ne pourra me prouver le contraire. La chose n’en devient pas pour la cause crédible. Ainsi, en est-il pour la question de Dieu… »
Je m’inscris en faux contre pareille vision. L’hypothèse d’un « Sens créateur de l’univers » ne peut être prouvée scientifiquement, mais est crédible. Le dialogue entre Hubert Reeves et François Engler, publié hier dans La Libre (pp.26-27) illustre cela. Si le Canadien s’émerveille et s’interroge, le Belge reconnait humblement que scientifiquement « on ne sait pas ». Aucun des deux ne réduit l’hypothèse d’une Source transcendante au niveau de la théière de Russel. Ecoutons plutôt :

Hubert Reeves, vous vous émerveillez du fait, que, si l’on changeait rien qu’un tout petit peu les lois physiques de l’Univers, nous n’existerions pas. C’est-à-dire? Ces dernières années, on a commencé à faire des simulations numériques, des calculs qui permettent de suivre toutes ces structurations du cosmos à partir de quelques lois physiques. Pourquoi il y a ces lois­-là? On ne sait pas. Connaissant ces lois, les physiciens se sont aussi amusés à se demander: qu’est-­ce qui se passe quand, numériquement, on fait des Univers dans lesquels on change des lois (constante de gravité, électroma­gnétisme…) Cela a a été la grande sur­ prise: on s’est aperçu qu’en changeant même un tout petit peu, ça changeait beaucoup de choses. On a alors comme résultat des Univers, qui commencent comme le nôtre, mais qui en évoluant, sont des Univers, où, soit il n’y a plus d’étoiles, soit plus d’atomes, soit plus d’eau… Ces lois restent stériles. Des or­ganisations n’apparaissent pas. Et bien sûr, pas de vie, d’être humain… Per­sonne ne sait ce que ça veut dire. Cha­cun peut avoir une interprétation (reli­gieuse…). Mais les lois du cosmos sont en tout cas les seules qui sont en mesure de donner un Univers avec de la structuration, avec des molécules. Ces lois sont extrêmement précises. Je serais curieux d’avoir l’avis de François. Moi, je n’ai pas de réponse, je constate, c’est tout.

Votre avis alors, François Englert? Un petit exemple d’abord: le neutron est légèrement plus lourd (un millième) que le proton. Au début, personne ne faisait attention à cela. Mais la conséquence de cela est énorme: ce fait, dans l’évolution de l’Univers du début, fait que le monde peut former des particules chargées comme le proton. Et ça, c’est la base de ce qui s’est passé trois mi­nutes après le départ de l’Univers et qui a donné les premiers atomes légers, avec lesquels tout le reste a démarré. Cela aurait été le contraire, l’Univers n’exis­terait pas! Alors, pourquoi les paramè­tres sont­-ils ce qu’ils sont? Cela, comme l’a dit Hubert, nous ne le savons pas. Ma position devant ça, c’est que j’aime dire que je ne sais pas. Parce que: est­-ce que nous allons comprendre ou pas les va­leurs de ces  paramètres? Sont­-ils fixés par je ne sais pas (pour) quoi? Person­nellement, pour le moment, la seule réponse qui me paraît valable, c’est: “je ne sais pas”.

 

8 réflexions sur « Dieu et la science… (La Libre 3 mars) »

  1. Les scientistes et leur prétention me désespèrent. Je n’ai jamais compris l’intérêt qu’il y aurait à « prouver scientifiquement » l’existence de Dieu. Pour moi cette existence est évidente, même si notre pauvre petite science de primates est incapable de la circonscrire. Et pour me faire comprendre je demanderais à un scientifique de me prouver l’existence du beau. Il en est également incapable, tout simplement parce que la beauté est un domaine qui échappe à la science. De même pour l’amour et l’amour c’est Dieu.
    Vont-ils essayer de me faire accepter que je doive douter de la beauté ou de l’amour ?

    1. Très mauvais exemple la beauté.

      On trouve beau une jeune femme dans la mesure que son corps est apte à avoir des enfants par exemple. La beauté est quantifiable et les raisons sont pour lesquelles nous la ressentons sont tangibles.

  2. La Foi et la science sont selon moi sur des voies parallèles. La science parle de choses présentées au public comme des faits, des évidences, sauf que des remises à jour peuvent survenir, et surviennent…
    La Foi, la pratique d’une religion, relèvent de la spiritualité, d’un choix qui ne prétend rien prouver, rien démontrer.
    Les deux peuvent cohabiter si on ne mélange pas les choses !

  3. On peut définir un dieu suffisamment abstrait pour échapper à la falsification. On se retrouve alors avec une entité qui a donné les lois fondamentales de l’univers et qui n’a plus rien fait par après.

    Cela n’a plus rien en commun avec un dieu qui écoute mes prières, qui aura envoyé son fils sur terre, qui à un certain moment de l’évolution des homo sapiens a décidé de leur donner une ame (et uniquement à eux), qui fait des miracles etc.

    En plus, cette approche ressemble au dieu bouche trou. Les « je ne sais pas » évoqués plus haut peuvent très bien se transformer en « je ne savais pas encore ». Il faudra alors rendre cette définition de dieu encore plus abstraite. A la fin on se retrouve avec « dieu est l’amour », « dieu est mon dialogue interne » ou « dieu est un concept ». Des définitions aussi larges qu’ils ne définissent plus rien.

  4. Ah ! si on pouvait voir Dieu.
    On ne peut pas le voir puisque nous sommes en Dieu. C’est un peu présomptueux de dire cela mais c’est la réalité. Prenons l’exemple d’un poisson à qui on poserait la question « tu crois en l’océan ? » il dira « ben non et d’ailleurs personnes ne la jamais vu ! » sauf que certains poissons ont frôlés la mort en sortant de l’eau… alors ils ont vu ! ils ont vu quoi ? l’Océan pardi ! mais d’aucun de ses semblables ne veulent rien savoir de ce témoignage.
    Soyons audacieux et curieux, intéressons nous à ceux qui nous devance et qui on eu des expériences.. et c’est très facile d’en trouver sur internet et de nombreux livres. Je ne dis pas de croire mais de reconnaître qu’une voie pertinente est possible de ce coté.
    Oui nous sommes en Dieu et Dieu en nous, le souffle de vie en nous n’est pas une élucubration de l’esprit mais bien une réalité physique, il faudrait bien peu pour la vie soit réduite à néant. La vie est un miracle permanent que nous devons accueillir sans orgueil car nous n’y sommes pour rien.
    Concernant la Bible, nous retrouvons l’étape du Bing Bang dans la Genèse, même le clonage s’y trouve.. ah non ? et alors Ève vient d’où ?… d’Adam ! Bravo
    Aujourd’hui le clonage d’un homme donnera deux possibilités, un autre homme ou une femme. Tandis que d’une femme ? un homme ! impossible elle n’en porte pas le gène. Une femme donnera toujours une femme, l’origine de la femme se prend bien en Adam. N’ayons pas peur de faire des liens, car les vérités se rencontrent toujours, les faux jamais. Au secours un fondamentaliste est là ! ah non ! car je crois en l’évolution… d’ailleurs la Bible le dit bien  » Dieu prit de la terre et modela l’homme ». D’une part Dieu n’a pas de main étant immatériel, d’autre part le verbe et l’action de « modeler » peut prendre des milliards d’année, c’est ce que nous apprend les scientifiques, oui ou non ?
    Cessons d’être naïf, soyons curieux de tout ! ouvrons notre esprit aux réalités d’ici bas et aux réalités relatés par de nombreux témoignages ! gagnons du temps la vie est si courte.
    Dernier recours possible demander à Dieu par vous-même son existence ! C’est possible j’en ai fait l’expérience… mais à savoir l’heure, le jour et l’année, je ne peux pas vous le dire car cela n’appartient qu’à Dieu. Pour moi, c’était le 2 février 2000 à 16h20.
    Enfin une question pour l’Abbé, Saint Paul était-il un fondamentaliste ? Car il savait que Dieu existait et il le proclamait.

  5. « qui à un certain moment de l’évolution des homo sapiens a décidé de leur donner une ame (et uniquement à eux) »
    Les hommes ont reçu un supplément d’âme, ce n’est pas une raison pour croire à être les seuls à en avoir une!

  6. Une phrase d’un poids incroyable et qui invite à la méditation:

    « Seuls les fondamentalistes prétendent qu’ils « savent » …Le spirituel – lui – croit »

    very powerful indeed!

    Kees

  7. Le 12 avril dernier j’ai envoyé sur le forum de la publication « La Vie » le commentaire suivant qui me semble correspondre à l’esprit de cet article: »L’approche fondamentale et globale de la religion permet d’utiliser la science quand ses conclusions coïncident avec la foi, mais à l’inverse la focalisation de toute science sur un aspect particulier d’un phénomène passé, donc immuable, ne devrait pas mettre en cause une dynamique qui guide un grand nombre de saines spiritualités. En ce qui concerne les origines, la logique exposée (… de la charité) conforte les intuitions religieuses de nos ancêtres auxquels rien n’indiquait que les étoiles étaient plus que des luminaires. Mais des théories plus ou moins scientifiques sur la vie de Jésus qui ébranleraient inutilement la foi de millions de chrétiens qui n’ont pas le loisir de s’éterniser sur ces études, ne méritent qu’une publication limitée à ceux qui ont l’occasion de les examiner en profondeur. L’écrivain chrétien Japonais Shûzaku Endô va encore plus loin dans son support d’une compréhension catholique des Evangiles quand il écrit: «La foi transcende de loin les futilités d’un fait non essentiel.». Il ajoute même en parlant de la génération des premiers chrétiens: «Ayant été témoins oculaires de l’horrible mort de Jésus, ils ont été confrontés au mystère du pourquoi de cet homme… J’irai jusqu’à dire que cette scène représente la vérité précisément parce qu’ils ne pouvaient pas manquer de la créer. Du romancier que je suis, je voudrais dire que créer n’est pas mentir.»
    Ce point de vue n’est évidement valable que pour une création véritable, celle de l’amour-charité qui construit le monde nouveau. Comprise autrement, l’action (prétenduement) créative devient une boîte de pandore d’où s’échappent toutes les calamités qui font le malheur de l’humanité. « 

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