Quand j’ai écrit cet après-midi sur ce même blog, : « Nous sommes tous Charlie Hebdo », plusieurs catholiques ont réagi, en précisant que – s’ils condamnaient sans réserve le massacre – ils refusaient l’amalgame avec un journal, qui n’avait jamais fait de cadeau aux religions.
Oui – la satire de Charlie Hebdo est corrosive et – à l’époque des caricatures du prophète – j’étais de ceux qui invitaient au respect des sensibilités religieuses. Mais pas au nom de la peur. S’il est parfois utile et civique de mettre un frein à sa langue pour ménager son voisin, il est grave de se forcer à le faire, par peur de représailles. Charlie Hebdo, c’est l’esprit de Voltaire. Incisif et parfois même injuste – mais vif. Si je ne me reconnais guère de ce style d’expression, je refuse qu’il soit contraint au silence par le bruit des kalachnikovs.
Voltaire a également écrit : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire ». Voilà pourquoi, je me suis associé à tous ceux qui ont crié : « Je suis Charlie ». Tout comme j’avais écrit: « Nous sommes tous des juifs de Belgique », au lendemain du massacre du musée de Bruxelles. Pareillement, si demain des fanatiques tuent des athées, parce qu’ils sont athées – j’écrirai : « Je suis athée ». Si des extrémistes assassinent des musulmans, parce qu’ils sont musulmans – je signerai: « Je suis musulman ». Si des puritains massacrent des travestis, parce qu’ils sont travestis – je clamerai : « Je suis travesti ». Non pas pour me laisser porter par un courant d’émotions collectives aussi fugaces que faciles. Mais parce que la première forme de résistance au terrorisme, est de ne pas se laisser terroriser. Et de rester uni autour de l’étendard de la Liberté.
JE SUIS CHARLIE.
Jésus dit : « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Il est la seule Victime parfaite et universelle. Etre uni à lui suffit pour communier dans la vérité à toutes les douleurs humaines. Et au salut promis.
Oui, c’est Voltaire qu’on assassine ! Merci de l’écrire avec tant de clarté. Que ce massacre innommable et proprement inhumain ait été accompli au nom d’une foi (si tel est le cas) rend cet événement encore plus insensé. Vraiment, nos frères Musulmans sont à plaindre d’avoir pour défenseurs de tels « fous de Dieu ». Et s’il s’agit d’un massacre pour des buts politiques, ce n’est pas plus justifiable. La démocratie est malade dans nos pays, c’est vrai, mais elle doit être défendue. Le refus de l’accueil de l’Autre est trop facile dans notre monde égoïste et jouisseur. A leur manière, critique et limite, ces journalistes ont fait avancer la liberté des consciences. Ils méritent notre respect.
A tout hasard, Monsieur l’Abbé, voici une autre pièce à verser au dossier, trouvée sur le site de l’Obs:
« Mais Voltaire n’a jamais écrit « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » ! Il ne l’a même jamais dit.
A l’origine de cette formule, une Britannique, Evelyn Beatrice Hall qui, dans un ouvrage consacré à Voltaire en 1906, lui attribue le célèbre « I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it ».
Dans un documentaire de la TSR retraçant l’histoire de cette phrase, Charles Wirz, le conservateur du musée Voltaire de Genève, confirme que le philosophe n’a jamais rien dit de tel et présente même l’aveu d’Evelyn Beatrice Hall :
« Je ne suis pas d’accord avec vous […] est ma propre expression et n’aurait pas dû être mise entre guillemets. »
Si l’Obs ne se trompe pas, voilà une supercherie qui aurait plu à Jean-Marie Arouet, alias Voltaire, petit bourgeois antisémite et misogyne qui avait fait du mensonge une arme de combat!
Magnifique texte, auquel j’adhère tout à fait !
Tout à fait d’accord avec votre texte
Pierre, si Volaire n’a pas écrit : « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » ! Alors moi je te dis, en vérité : « si je ne suis pas d’accord avec ce que vous dessinez, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le crayonner » !
Oui avec toi Éric je dis : « Je suis athée, juif, musulman, travesti et j’ajoute « pédé et flic », je suis Charlie, et j’ai même pas peur. » De plus mon cher Pierre René, je suis ton voisin… le dimanche !!!
– Merde alors !
Je souscris pleinement à ce texte et je vous encourage à le publier. Monsieur l’Abbé, restez bien actif dans la presse, nous avons besoin d’une parole dite avec pondération et justesse.
Je suis attristé et affligé de ces actes inqualifiables. Je suis aussi inquiet de la tournure des rapports entre civilisations mais je ne suis pas Charlie car je ne peux cautionner la moquerie gratuite et blessante. Bien sûr on peut tout dire mais dans le respect de l’autre, de son histoire, de ces croyances et de ces coutumes.
Si je me moque ouvertement de mon voisin je suis sûr que je me prépare un ennemi en puissance.. l’humain est si fragile et il faut de la force intérieure pour pardonner. Je ne vois aucun héros dans cette tragédie mais bien un pur gâchis.
Désolé de ne pas partager cette majorité médiatique, je ne me retrouve ni d’un coté ni de l’autre.
Parfaitement d’accord avec vous Benoit !
Je pense que dans nos pays les temps vont être difficiles pour tout qui osera affirmer qu’il croit en une transcendance quelconque. Nous devons nous attendre à un déferlement de laïcité militante, comme nous l’entendons d’ailleurs depuis hier sur les ondes de notre radio publique ici en Wallonie.
Si on se laisse atteindre par une moquerie gratuite ça montre surtout qu’on a une personalité fragile. Celui qui vit sa vie en cohérence avec ses valeurs n’a pas peur d’une moquerie gratuite. Celui qui a peur de se regarder dans le miroir aura aussi peur de la moquerie gratuite.
La moquerie est le plus souvent pas gratuite mais un très bon moyen d’illustrer toutes sortes d’hypocrisies, d’incohérences et de mensonges culturellement acceptés.
Un aspect méconnu de Voltaire, est qu’il a repris un passage de la Sourate 18 du Coran dans le chapitre XVIII de Zadig, ce chapitre qui donne son titre à l’oeuvre entière, peut-être sans s’en douter lui-même (car avaient avant lu l’avaient fait).
Ce visage de Voltaire là, grâce à qui un passage du Coran, a été intégré à l’identité française si pleinement que l’on transmet dans les écoles aux enfants sans que cela choque personne, mérite d’être rappelé.
Au nom du vivre ensemble.
(de plus, cette histoire se retrouve dans d’autres parties du monde, sous d’autres formes, aussi sa sagesse me semble soufflée par le Paraclet, qui souffle là où il veut).
Hier à Paris, j’ai vu une jeune femme tendant un numéro de Charlie hebdo dans le métro, et dans ce moyen de transport peu connu pour sa chaleur humaine, cela brisait des barrières entre les hommes dans ce drame pesant pour le monde.
Bien à vous.
Dans ce qui se passe pour l’instant en France il y a une chose qui me sidère: comment 2 frères normaux pendant leur adolescence ont-ils pu devenir les assassins que l’on voit aujourd’hui à l’œuvre?
Pour ma part, je pense que la laïcité triomphante en France associée à un matérialisme mercantile n’ont sans doute pas pu satisfaire des personnes aspirant à « autre chose »; et quand une religion en expansion vient se greffer sur un tel état d’esprit, le terrain devient fertile…
Bref, il faut aussi je pense nous interroger sur nos “valeurs” dans nos pays où, au mieux, le seul sacré collectif c’est la sécurité sociale.
Une réflexion en profondeur par nos politiques serait salutaire pour éviter que ces horreurs se reproduisent à l’avenir.
Jacqueline Kelen avait déjà mis le doigt sur cet aspect en fustigeant l’humanisme matérialiste dans son dernier livre.
D’un côté, un crayon, des droites et des courbes, quelques lettres,… De l’autre, des kalachnikov…
D’un côté, la richesse et un regard en surplomb. De l’autre, la pauvreté et un sentiment mondialisé d’injustice.