Presse et anonymat – « C’est quelqu’un qui ma dit – que… »

Ce dimanche 2 février à « Revu & Corrigé » (Mise au Point – RTBF), la question des dénonciations anonymes au fisc fut évoquée, suite à une étude qui démontre que – en temps de crise économique – celles-ci sont en forte hausse. Sur le plateau, personne ne semblait trouver cela fort sympa.

A un moment donné, je demandai, sourire en coin: « Et la presse – elle accepte de publier des dénonciations anonymes? » « Non » me répondirent en chœur  Catherine Ernens et Baudouin Remy – les deux journalistes présents. « Quoi que… » ajouta Pierre Kroll avec humour… « cela s’appelle une fuite ». Ma question n’était pas innocente. Je venais de lire en p.16 dans les colonnes de Sudpresse de la veille, un article où des responsables politiques se déclaraient prêts à « sacrifier » une eurodéputée de leur parti, pour une question de place sur les listes électorales. (Si je ne cite pas son nom – que beaucoup auront deviné – c’est parce que mon propos dépasse le cas précis). Soyons clairs: Je n’ai pas à me mêler de la vie interne d’un parti politique et de qui sera placé sur les listes électorales. De plus, je sais depuis belle lurette que les élections ne sont pas à confondre avec un épisode des Bisounours. Alors, pourquoi cet article m’a-t-il dérangé? Parce que les dénonciations restaient anonymes: « une huile du parti déclare… », « un cacique décode… », « un autre ricane, furieux… », « un vieux briscard pronostique… »  

Il m’est arrivé, à plus d’une reprise, d’être pris à parti dans la presse ou ailleurs. Quand cela vient d’une signature, d’un nom ou d’un visage, il y a moyen de répondre, de se défendre, de s’expliquer…. voire de reconnaître son erreur. Mais quand le coup part sous le masque de l’anonymat, comment se battre contre le brouillard? Alors, vient le découragement et gagne une subtile forme de paranoïa, car avec chaque visage croisé, surgit – insidieuse – la question: « Est-ce lui mon Judas? »  Vient enfin l’envie de jeter le gant et d’abandonner le débat. De partir. Est-ce cela, notre idéal de vie dans la Cité?

D’où ma question aux journalistes qui me lisent: Pourquoi accepter de jouer dans pareille pièce? Je suis favorable à l’abandon des pseudos sur les réseaux sociaux, car ils permettent impunément trop d’excès. Dès lors, je plaide d’autant plus pour que la presse professionnelle manie une stricte déontologie de l’anonymat des sources. Oui, à l’anonymat d’une source à protéger par rapport à ce qu’elle dénonce: ceux qui accusent un puissant, un employeur, un système, etc. Mais pourquoi accepter l’anonymat d’une source qui dénonce anonymement, simplement pour ne pas assumer la responsabilité de ses propos? En quoi cela sert-il l’information? Merci aux journalistes de me répondre… Et de préférence, pas sous le sceau de l’anonymat ;-)    

 

4 réflexions sur « Presse et anonymat – « C’est quelqu’un qui ma dit – que… » »

  1. Bonjour,

    Je vous apporte cette précision pour éviter toute confusion. La dénonciation anonyme dans le cadre de la délation fiscale dont il était question dans l’émission signifiait que le fisc ne savait pas qui se cachait derrière la plainte reçue.
    L’anonymat des sources dont vous parlez, et je ne juge pas du cas présent, n’est pas la même. Dans le cas que vous citez, le journaliste connait parfaitement quelle est l’idendité de son interlocuteur mais il garde cette identité anonyme. On peut juger de l’opportunité de le faire au cas par cas. Et, encore une fois, je ne porte aucun jugement sur le cas politique qui vous sert de référence. Mais ce faisant, ce que vous rejetez tout de go, c’est le principe même du secret des sources pour la presse. Avec la vérification des faits, il s’agit de la base de la déontologie du journalisme et de la liberté de la presse. Le secret des sources garantit la non-divulgation de l’identité des personnes qui acceptent de lui parler bénévolement, lorsque ces personnes l’exigent. Secret des sources et corbeaux anonymes ne sont donc pas à confondre.
    Bien à vous.

    1. Chere Catherine, Merci de cette reaction. Je ne vise nullement a rejeter la non-divulgation des sources. Je pose la question de la publication de sources qui ne veulent pas etre divulgees, quand ceci contribue plus au doute qu’a la clarte. (Ce qui me semble le cas ici: l’article aurait eut un tout autre ‘gout’, si les sources etaient connues). J’apprecie que vous preniez la peine de participer au debat de ce blog. Amitie. EdB

  2. A propos de dénonciations anonymes, j’ai été frappé par ce qui est arrivé à Daniel Ducarme, dont je n’étais pas spécialement fan. Ce monsieur était en discussion avec les Finances pour des retards importants de paiement d’impôt, critiquables ok. Cela « fuite » dans les journaux du groupe l’Avenir. La fuite ne peut provenir que d’un fonctionnaire qui manque gravement à son devoir de discrétion ou, hypothèse la plus favorable, a été sérieusement négligent en rendant possible l’exploitation de documents confidentiels. Le ministre doit démissionner, ok, il y a un devoir d’exemplarité. Mais je n’ai lu aucune critique du fonctionnaire, probablement dénonciateur anonyme pour le public.

  3. O.K. : ce n’est pas chic de dénoncer anonymement un fraudeur fiscal !
    Est-ce chic ou pas de dénoncer le chauffard qui prend la fuite après avoir renversé un piéton ou un cycliste ?
    Est-ce chic de frauder le fisc ?
    Certains paient des professionnels (sans doute très cher) pour découvrir comment ne pas participer à l’effort commun où l’on manque d’argent pour les soins de santés, les écoles, les chômeurs, etc…

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