Les mots creux – Marianne Belgique p.27

Ci-dessous ma chronique parue dans l’hebdo Marianne-B de cette semaine p.27. Merci à la rédaction de me donner cet espace d’expression:

Tant qu’ils désignent le réel à notre intelligence, les mots sont vecteurs de sens. Mais utilisés comme arme de stigmatisation massive, les voilà qui deviennent creux. Ainsi, au temps du capitaine Dreyfus, le mot « Juif » désignait cette communauté humaine à laquelle une opinion bienpensante reprochait de ne jamais suffisamment s’intégrer. Epoque révolue ? Outre-Atlantique, à l’époque du maccarthysme, le mot « socialist » visait tous ceux que de zélés défenseurs de la liberté considéraient comme pas suffisamment de droite… à l’instar de Chaplin. Expression désormais souvent pudiquement remplacée par le mot « liberal ». Comme quoi, quand on est creux… on est creux. En Europe – par effet de balancier – il y eut le mot « réac », pour clouer au pilori les intellectuels qui osaient être trop mollement de gauche. Aujourd’hui, font surtout recette les mots « politiquement correct » et « populiste ». Quand je défends sur mon blog une opinion consensuelle, il y aura toujours un lecteur pour me reprocher d’être trop « politiquement correct ». Et les rares fois où je prends l’opinion à rebrousse-poil, voilà que ma thèse est considérée « populiste ». Entendons-nous bien – ces mots ont un sens. La dictature du politiquement correct est un risque et le populisme une dérive du populaire. Mais de là à taxer de « politiquement correct » toute pensée soft et de « populiste » toute idée hard, il y a de la marge. L’abus de langage nuit gravement aux mots. Il les transforme en slogans creux.

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