15 août – Assomption de la Vierge Marie. Ainsi chantait Brassens:

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s´amusent au parterre
Et par l´oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s´ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent
Je vous salue, Marie.

Par les gosses battus, par l´ivrogne qui rentre
Par l´âne qui reçoit des coups de pied au ventre
Et par l´humiliation de l´innocent châtié
Par la vierge vendue qu´on a déshabillée
Par le fils dont la mère a été insultée
Je vous salue, Marie.

Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids
S´écrie:  » Mon Dieu!  » par le malheureux dont les bras
Ne purent s´appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène
Par le cheval tombé sous le chariot qu´il traîne
Je vous salue, Marie.

Par les quatre horizons qui crucifient le monde
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains
Par le malade que l´on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins
Je vous salue, Marie.

Par la mère apprenant que son fils est guéri
Par l´oiseau rappelant l´oiseau tombé du nid
Par l´herbe qui a soif et recueille l´ondée
Par le baiser perdu par l´amour redonné
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie
Je vous salue, Marie.

 

5 réflexions sur « 15 août – Assomption de la Vierge Marie. Ainsi chantait Brassens: »

  1. Certes, mais il est bon de rendre à Francis Jammes ce qui lui appartient.
    Le bon maître Georges a choisi soigneusement quels couplets il chanterait, et le fait qu’il n’y ait pas un seul mystère glorieux, et que la musique est celle d' »il n’y a pas d’amour heureux » est significatif…

    Ci-dessous, donc, l’ensemble du poème « Rosaire » :

    Francis Jammes

    Clairières dans le ciel 1902 – 1906

    Rosaire

    L’adolescente fait murmurer sa fenêtre

    Qu’elle ouvre à son réveil en s’y épanouissant.

    Fleur de camélia, sa joue est rougissante.

    L’enfant reçoit l’air vif, referme, et va se mettre

    A genoux. Et sa bouche, ainsi que deux pétales

    Par l’aube détachés d’une rose Bengale,

    Effeuille avec ferveur, vers la nacre des cieux,

    De son chapelet blanc les Mystères joyeux. :

    Annonciation

    Par l’arc-en-ciel sur l’averse des roses blanches

    Par le jeune frisson qui court de branche en branche

    Et qui a fait fleurir la tige de Jessé ;

    Par les Annonciations riant dans les rosées

    Et par les cils baissés des graves fiancées :

    Je vous salue, Marie.

    Visitation

    Par l’exaltation de votre humilité

    Et par la joie du cœur des humbles visités ;

    Par le Magnificat qu’entonnent mille nids,

    Par les lys de vos bras joints vers le Saint-Esprit

    Et Elisabeth, treille où frémit un fruit :

    Je vous salue, Marie.

    Nativité

    Par l’âne et par le bœuf, par l’ombre et par la paille,

    Par la pauvresse à qui l’on dit qu’elle s’en aille,

    Par les nativités qui n’eurent sur leurs tombes

    Que les bouquets du givre aux ailes de colombes ;

    Par la vertu qu lutte et celle qui succombe :

    Je vous salue, Marie.

    Purification

    Par votre modestie offrant des tourterelles,

    Par le vieux Siméon pleurant devant l’autel,

    Par la prophétesse Anne et par votre mère Anne,

    Par l’obscur charpentier qui courbé sur sa canne,

    Suivait avec douceur les petits de l’âne :

    Je vous salue, Marie.

    Invention de Notre Seigneur au Temple

    Par la mère apprenant que son fils est guéri,

    Par l’oiseau rappelant l’oiseau tombé du nid,

    Par l’herbe qui a soif et recueille l’ondée,

    Par le baiser perdu par l’amour redonné,

    Et par le mendiant retrouvant sa monnaie :

    Je vous salue, Marie.

    Ainsi que Crusoë dans son île déserte,

    Le poète guette, à l’amère solitude,

    Quel voile apportera la béatitude,

    A son exil. La mer, comme une porte ouverte,

    Semble donner l’espoir qu’apparaîtra soudain

    Le bateau qui rira à l’horizon d’étain.

    Et la fièvre prend le poète sur la grève.

    Il croit voir cette voile. Il n’y a pourtant rien

    Que le toujours pareil si accablant du rêve.

    Le poète agonise. Il a soif, il a faim.

    Sa passion lui tend du fiel et du vinaigre.

    Et les seuls fruits offerts au naufragé par Dieu,

    Ce sont les fruits des cinq Mystères douloureux :

    Agonie

    Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
    Tandis que des enfants s’amusent au parterre ;
    Et par l’oiseau blessé qui ne sait pas comment
    Son aile tout à coup s’ensanglante et descend
    Par la soif et la faim et le délire ardent :
    Je vous salue, Marie.

    Flagellation

    Par les gosses battus par l’ivrogne qui rentre,
    Par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre
    Et par l’humiliation de l’innocent châtié,
    Par la vierge vendue qu’on a déshabillée,
    Par le fils dont la mère a été insultée :
    Je vous salue, Marie.

    Couronnement d’épines

    Par le mendiant qui n’et jamais d’autre couronne

    Que le vol des frelons, amis des vergers jaunes,

    Et d’autre sceptre qu’un bâton contre les chiens ;

    Par le poète dont saigne le front qui est ceint

    Des ronces des désirs que jamais il n’atteint :

    Je vous salue, Marie.

    Portement de croix

    Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids,
    S’écrie : « Mon Dieu !  » Par le malheureux dont les bras
    Ne purent s’appuyer sur une amour humaine
    Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène ;
    Par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne
    Je vous salue, Marie.

    Crucifiement

    Par les quatre horizons qui crucifient le Monde,
    Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,
    Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains,
    Par le malade que l’on opère et qui geint
    Et par le juste mis au rang des assassins :
    Je vous salue, Marie.

    Je suis une brebis qui court dans les œillets.

    Elle tremble, et sa voix semble toute mouillée

    Lorsque l’on voit le jour succéder à la nuit :

    Car l’aurore est bien froide avant que la brebis

    Dans le pur arc-en-ciel soit tout ensoleillée…

    Renais, soleil ! Du fond des cirques ténébreux.

    Renaissez, renaissez, Mystères glorieux,

    Par la brebis qui tremble au milieu des œillets ?

    Résurrection

    Par la nuit qui s’en va et nous fait voir encore

    L’églantine qui rit sur le cœur de l’aurore ;

    Par la cloche pascale à la voix en allée

    Et qui, le Samedi-Saint, à toute volée,

    Couvre d’alleluias la bouche des vallées :

    Je vous salue, Marie.

    Ascension

    Par le gravissement escarpé de l’ermite

    Vers les sommets que les perdrix banches habitent,

    Par les troupeaux escaladant l’aube du ciel

    Pour se nourrir plus que de neige de miel,

    Et l’ascension du glorieux soleil.

    Je vous salue, Marie.

    Pentecôte

    Par les feux pastoraux qui descendent, la nuit,

    Sur le front des coteaux, ces apôtres qui prient ;

    Par la flamme qui cuit le souper noir du pauvre ;

    Par l’éclair dont l’Esprit allume comme un chaume,

    Mais pour l’Eternité, le néant de chaque homme :

    Je vous salue, Marie.

    Assomption

    Par la vieille qui atteint, portant un faix de bois,

    Le sommet de la route et l’ombre de la Croix,

    Et que son plus beau fils viens aider dans sa peine ;

    Par la colombe dont le vol à la lumière

    Se fond si bien qu’il n’est bientôt qu’une prière :

    Je vous salue, Marie.

    Couronnement de la Sainte Vierge

    Par la Reine qui n’eut d’autre Couronne

    Que les astres, trésor d’une ineffable Aumône,

    Et d’autre sceptre que le lys d’un vieux jardin ;

    Par la vierge dont penche le front qui est ceint

    Des roses des désirs que son amour atteint :

    Je vous salue, Marie

  2. Je publie prochainement l’oeuvre wallonne de André Henin, curé-doyen à Gambloux, décédé il y a 20 ans. Voici ses paroles :

    Po lès mwârts
    Air : Prière. Brassens. F. Jammes.

    Po lès mwârts qui dwârmèt au fond dol cimetiére
    Ravôtyis dins leûs maus, leûs djôyes èt leûs miséres,
    Lès cis qu’on-z-a conu, lès cis qu’on-z-a sogni,
    Lès cis qu’on vôrot co r’trouvu à costè d’ li
    Èt po l’ ci qu’on-z-ètère èt qu’èst dèdja rovyi
    Boutoz-lès dins vosse Paradis.

    Lès cis qu’ont rindu pwin.ne po fè vikè l’ manadje
    Qu’ont ratchi dins leûs mwins po-z-apougni l’ovradje,
    Qui Vos-avoz r’waîti èt qui Vos-ont choûtè,
    Qui Vos-avoz choyu èt qui n’ont nin r’nictè,
    Qu’ont pwartè leû dosséye èt qu’ont todi rotè
    Boutoz-lès dins vosse Paradis.

    Po l’ grand-mére au culot qui n’avot rin à fè
    Qu’a comptè po vosse Mére dès banseléyes di tchapelèts
    Po lès vîyès surales qui n’ont pont yu d’ galant
    Èt qui s’ont ratrapè quéquefîye en Vos purdant
    Po lès grigneûsès copes qui n’ont pont yu d’èfant
    Boutoz-lès dins vosse Paradis.

    Po Djauque, li mau-stitchi, qui s’a pindu o bwès
    Pace qui l’ fèye do mayeûr lî avot rî au nèz,
    Po lès Marîye-Madelin.ne qui n’ont nin yu l’ boneûr
    D’ rèscontrè su l’ trotwâr li visadje do Sègneûr
    Po lès vîyès sôléyes qu’ont nèyi leûs maleûrs
    Boutoz-lès dins vosse Paradis.

    Avou l’ gros cantonier qui n’a jamaîs fwarci
    En s’aspoyant su s’ choupe po choûtè lès mauvis,
    Avou l’ grand djârdinî qui Vos f’rè vosse corti
    Avou li p’tit tayeûr po Vos raprôpriyi,
    Li cwabejî èt l’ facteûr si vos ’nn’avoz dandji
    Boutoz-lès dins vosse Paradis.

    Èt mi qui n’a rin faît qui d’ causè po lès-ôtes
    Vo-m’-la avou mès mwins trop blankes èt sins crèvaudes.
    S’i Vos faut po l’ rawète, on lwagne ou one cônôye,
    Parèt qu’ quand on Vos paye, Vos n’ rindoz nin l’ manôye
    Vos waîterez d’ l’ôte costè, quand dj’ariveraî su l’ vôye.
    Boutoz-lès dins vosse Paradis.

    André HENIN 1924-1993.

    1. Un aumônier de la paroisse universitaire bien aimé en mon temps et amoureux du français. Merci de faire connaître un autre de ses talents.

  3. Certes, il faut rendre à Francis Jammes ce qu’il lui revient et il est intéressant de lire la totalité du poème. Cependant, Brassens a su sélectionner les passages les plus touchants pour un public de non initiés tandis que le choix de la musique et la manière dont il chante sont particulièrement bien approprié pour mettre les paroles en valeur.
    Non le grand Georges n’était pas l’épouvantable « bouffeur de curés » que certains imagine à tort et d’autres chansons le prouvent à qui écoute l’œuvre intégralement.

    Merci Eric de nous avoir rappelé ce beau texte de Francis Jammes que Georges Brassens a si justement mis en lumière.

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