Tombouctou – du bûcher des Vanités au Boson de Brout, Englert et Higgs

Dans le nord du Mali, des salafistes jihadistes détruisent des mausolées de saints musulmans – patrimoines mondiaux de l’humanité. La population a tenté de s’interposer. En vain. Dès le début de sa présence en Afrique, l’islam a montré une grande souplesse et adaptabilité en ce qui concerne la pratique religieuse. L’islam s’enracine vraiment au Mali par l’arrivée des confréries. Cette manière de vivre leur religion en dépendance d’intermédiaires humains, deviendra la caractéristique même de l’islam africain. Cet islam vécu à l’Africaine est toujours resté suspect, entaché d’idolâtrie, aux yeux des musulmans venus d’ailleurs. Aujourd’hui l’islam confrérique, auquel la majorité des musulmans maliens se rattache, est surtout contesté par le courant wahhabite.

Je discutais, il y a deux jours de cela, avec un jeune intellectuel musulman – qui a étudié la théologie à Médine. Il m’apprit qu’en Arabie Saoudite, devenue wahhabite, toute forme d’attachement « humain » à la religion est combattu. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe siècle, nombre des vestiges millénaires des origines de l’islam ont été détruits : des mosquées bâties par les proches du prophète ont été rasées, la maison de Khadija à la Mecque est aujourd’hui un hôtel « clinquant » et le lieu de prières des premiers musulmans avant l’Hégire est devenu… un coiffeur pakistanais. Bref, le wahhabisme fait fi du patrimoine, par peur de l’idolâtrie.

Pareille « pureté assassine » au nom d’un idéal religieux, est récurrente au cours de l’histoire. L’amour frileux du ciel détourne des choses de la terre. Le drame veut que les iconoclastes de chaque époque sont souvent animés de nobles idéaux. Pensons à Savonarole, qui éleva en 1497, le bûcher des Vanités pour combattre les vices de Florence. De jeunes garçons furent envoyés de porte en porte pour collecter tous les objets liés à la corruption spirituelle : miroirs, cosmétiques, images licencieuses, les livres non religieux, les jeux, les robes les plus splendides, les nus peints, les livres de poètes jugés immoraux (dont Boccace ou Pétrarque). Des chefs-d’œuvre exceptionnels de l’art florentin de la Renaissance ont ainsi disparu dans le bûcher de la Piazza della Signoria, y compris des peintures de Botticelli, que l’artiste avait lui-même apportées.

A tous ceux-là, je réponds que rechercher le « vrai » et le « bien » sans passer par le « beau » – est illusoire et trompeur. Cela détourne de la vérité, autant que de la bonté. Les fous de Dieu de Tombouctou sont sincères, mais leur action est criminelle et mensongère. Comment servir Dieu sans reconnaître sa trace – même imparfaite – dans la recherche esthétique de ses créatures ? Dans les colonnes du quotidien « le Soir » de ce jour (p.23), je lisais l’interview du professeur ULB François Englert – un des trois concepteurs du « boson » de Brout (+), Englert et Higgs. Les expérimentations du CERN de Genève sont, en effet, en train de corroborer une intuition vieille de près d’un demi-siècle, émise par trois physiciens théoriques: celle d’une particule à l’origine de la masse des particules de l’univers. Quand le journaliste demande au vénérable savant pourquoi avoir « inventé » une telle hypothèse, celui-ci répond : « C’est une question d’esthétique. Mon métier de théoricien de la physique a notamment été de trouver de belles explications à des phénomènes inexpliqués. (…) Proposer un mécanisme simple et logique, c’est donc une question d’esthétisme scientifique. » Si la recherche de beauté guide les scientifiques les plus pointus, combien plus doit-elle conduire les théologiens de tous bords ? Celui qui renie la beauté, agit en ennemi du Créateur de toute beauté. Car là où se trouve l’authentique splendeur – Dieu n’est jamais loin.

 

Une réflexion sur « Tombouctou – du bûcher des Vanités au Boson de Brout, Englert et Higgs »

  1. Certains édifices religieux de notre région ont traversé les siècles en gardant les traces de différents courants artistiques qui se superposent harmonieusement ; c’est le cas tout particulièrement de l’église Saint-Jacques à Liège où les visiteurs de tous horizons s’émerveillent d’admirer tant de témoignages du passé dans une église encore active.
    Saint-Jacques n’est pas un musée et ça se voit aussi !

    Puissions-nous dans notre vieille Europe continuer à conjuger conservation du patrimoine et culte vivant dans le respect les uns des autres.

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